Bon, d'accord, je fais un peu dans le sensationnel pour le titre.
Dans ce billet, j'avais attiré l'attention de mes lecteurs sur une tribune parue dans Le Monde du 17 novembre 2005 écrite par un magistrat, Didier Peyrat, sur les émeutes qui illuminaient nos nuits périphériques.
Le même journal m'apprend aujourd'hui que ce magistrat a été sanctionné pour cet article et un autre dans Libération publié à la même époque.
Il est vrai que ce magistrat avait des mots assez durs pour le ministre de l'intérieur :
Luttons contre les causes. Bannissons les mots vulgaires, les insultes, la démagogie de M. Sarkozy. Faisons de la prévention (…)
De même, dans Libération :
Les événements qui se déroulent dans les banlieues françaises prouvent l'échec radical de la droite dans ses politiques de sécurité depuis avril 2002, y écrivait le magistrat. Mais on aurait tort de ne voir que le bilan piteux de la majorité UMP. (...) Nous savons maintenant que la criminalité est toujours là, tenace. Elle a résisté à vingt années de politique de la ville ; (...) aux démonstrations de virilité télégénique de Nicolas Sarkozy ; comme à l'augmentation des effectifs de police.
Encore une fois, on voit que la liberté d'expression des fonctionnaires connaît des limites, ici l'obligation de réserve.
Ce que conteste l'intéressé :
Le magistrat se réfère, lui, à la liberté d'expression, reconnue à tout citoyen par la Constitution et aux magistrats par leur statut. La réserve, souligne M. Peyrat, se comprend comme l'interdiction de mêler des considérations politiques à l'activité dans la sphère professionnelle. Les discours de M. Sarkozy ont, selon lui, "provoqué l'ouverture d'un débat public" et "pouvaient avoir un effet sur le climat dans lequel la justice pouvait faire son travail". Quant à la politique menée lors des violences urbaines, il affirme qu'elle n'est pas directement en cause. Au contraire, explique-t-il, "j'ai contribué à (sa) mise en oeuvre" : "Les consignes concernant les détentions de mineurs, instructions avec lesquelles j'étais en désaccord, ont été suivies."
C'est beau, un magistrat qui plaide.
La sanction est la plus légère de l'échelle des peines : l'avertissement. On est loin de la révocation.
Il demeure. Quand on connaît une crise comme celle qui a agité la France cet automne, il me paraît plus judicieux d'écouter les avis des grognards sur le terrain que d'exiger le garde à vous. Il n'est sans doute pas agréable d'être interpellé par voie de presse, mais las, on sait bien ici que pour être entendu d'un ministre, il faut parfois prendre le monde à témoin.
Sanctionner ceux qui ne jouent pas les courtisans n'est pas une bonne gouvernance.
J'exprime toute ma solidarité et ma sympathie à Monsieur Peyrat. [Via Laurent]