Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Actualité du droit

Le droit fait parfois la Une des journaux. Il y a gros à parier qu'il se retrouvera alors ici.

Fil des billets - Fil des commentaires

mardi 26 septembre 2006

Des décisions pas encore rendues, et de celles qui n'auraient jamais dû l'être...

Mon billet développera les deux points du titre mais en ordre inverse.

D'abord, la décision qui n'aurait jamais dû être rendue.

Une de mes taupes chez l'ennemi (qui se reconnaîtra et que je remercie) me transmet un arrêt rendu le 14 septembre dernier par la deuxième chambre civile de la cour de cassation, qui a entre autre comme rôle de faire régner l'orthodoxie juridique en matière de procédure civile. Et là on peut dire qu'elle n'a pas été déçue.


Cour de cassation, deuxième chambre civile 2, arrêt du 14 Septembre 2006 Cassation de : juge de proximité Toulon 26 mai 2004.

Pourvoi n°04-20.524


La cour commence par un bref rappel des faits :

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que Mme M., qui avait donné en location à M. et Mme T., pendant une période estivale, une caravane et ses accessoires, a été condamnée par une juridiction de proximité à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;

Vient la discussion en droit. La cour va d'abrord viser le texte qu'elle va appliquer.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Ouch. Le visa qui fait mal. Le juge ne s'est pas trompé sur un obscur article d'un décret que personne ne connaît, il a carrément violé un droit fondamental. Lequel ? Réponse ligne suivante.

Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ;

Et qu'a-t-il fait, ce proxijuge partial ?

Attendu que, pour condamner Mme M., le jugement retient notamment « la piètre dimension de la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but louable en soi sauf pour certains personnages pétris de malhonnêteté comme ici Mme M., dotée d'un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, ses préoccupations manifestement strictement financières et dont la cupidité le dispute à la fourberie, le fait qu'elle acculait ainsi sans état d'âme et avec l'expérience de l'impunité ses futurs locataires et qu'elle était sortie du domaine virtuel ou elle prétendait sévir impunément du moins jusqu'à ce jour, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle nécessitant la mise en oeuvre d'investigations de nature à la neutraliser définitivement »;

Ha ouais, quand même.

Admirons la cour de cassation dans un exemple de retenue impartiale :

Qu'en statuant ainsi, en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité, le juge a violé le texte susvisé ;

C'est le moins qu'on puisse dire.

Mais ce n'est pas tout.

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 1353 du code civil et 455 du nouveau code de procédure civile ;

Ha, il se pose un problème lié à l'administration de la preuve.

Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ;

Partial et inéquitable ? Je crains le pire.

Attendu que, pour écarter les éléments de preuve produits par Mme M., le jugement énonce notamment « que si la présente juridiction conçoit aisément que les requérants aient dû recourir à des attestations pour étayer leurs allégations, elle ne saurait l'accepter de la bailleresse, supposée de par sa qualité, détenir et produire à tout moment, sauf à s'en abstenir sciemment et dès lors fautivement, tous documents utiles ; que si Mme M. disposait d'éléments autrement plus probants mais certainement très embarrassants à produire auprès de la juridiction de céans ; que toutes les attestations sans exception aucune, de pure et manifeste complaisance dont elle a cru mais à tort qu'elles suffiraient à corroborer ces allégations, il échet de déclarer ces dernières mensongères et de les sanctionner » ;

Et je ne craignais que le pire...

Qu'en statuant par des motifs inintelligibles et en écartant par une pétition de principe certains des éléments de preuve produits par Mme M., rompant ainsi l'égalité des armes, le juge a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, (...) :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mai 2004, entre les parties, par la juridiction de proximité siégeant dans le ressort du tribunal d'instance de Toulon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant par la juridiction de proximité siégeant dans le ressort du tribunal d'instance de Marseille ;(...)

Ce jugement est donc nul et non avenu. Il en aura coûté deux ans de procédure à Madame M., qui est désormais bonne pour comparaître à nouveau devant... un autre juge de proximité. Bon courage.

Et maintenant, après ce jugement qui n'aurait jamais dû être rendu, voici un arrêt... pas encore rendu. M. Le Maudit signale sur son blog cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, dont le contenu ne présente guère d'intérêt pour les lecteurs de ce blog... Sauf sa date.

Voici donc CAA Nantes, ''28 septembre'' 2006.

On dit la justice administrative lente, voici un démenti cinglant.

dimanche 24 septembre 2006

Le pompier pyromane (3) : le démenti de l'inspection des services judiciaires

Le monde cite de larges extraits d'un audit réalisé en 2005 par l'Inspection générales des services judiciaires, service du ministère de la justoce chargé d'enquêter sur les dysfonctionnements de la justice. En 2004, deux évasions ayant eu lieu de l'usine à gaz du Palais de justice, ce rapport avait été commandé. Le moins qu'on puisse dire, c'est que quand on se donne la peine de traverser la passerelle de la N186, on se rend compte que la réalité est loin de la démission. Voilà la réalité du travail de la justice (je graisse).

Chaque substitut du procureur traite plus de 1 500 dossiers par an, contre moitié moins pour ses collègues de Paris. A la permanence "flagrants délits et garde à vue", deux substituts reçoivent chacun 42 appels journaliers de la police, affaires qu'ils traitent en dix minutes. A la permanence des enquêtes préliminaires, ce sont 85 affaires par jour, cinq minutes pour chacune.

(...)

La division de l'action publique territorialisée (Dapter) traite ainsi avec la police, en temps réel et en flux continu, la délinquance de voie publique : atteintes aux personnes, aux biens ou à la sécurité publique. Cette délinquance, "préoccupation majeure des habitants et des élus de Seine-Saint-Denis", selon le rapport d'audit, représente 70 % de l'activité totale du parquet de Bobigny. A ce titre, la division de l'action publique est la "vitrine de la justice pénale dans le département".

Or, a conclu la mission d'audit, "force est de constater que la Dapter, composée de magistrats de peu d'expérience dont la qualité et la motivation ne sont pas en cause, souffre d'un sous-effectif chronique, de la rotation rapide de ses membres et d'un encadrement insuffisant". La justice est à l'image de tous les services publics du 93. A la rentrée 2006, les services du procureur comptent 15 débutants sortant d'école parmi 45 magistrats. Le turnover des fonctionnaires greffiers est pire. Ils sont moins nombreux qu'en 1999, et il en manque 50 pour faire tourner le tribunal.

(...)

Le parquet des mineurs, autre service audité, est le premier de France. En 2004, il a enregistré plus de 10 000 plaintes, deux fois plus qu'à Créteil ou à Marseille. "La délinquance juvénile continue d'augmenter sur le département de Seine-Saint-Denis", note la mission d'inspection, la part des mineurs progressant dans l'ensemble des mis en cause (15 % du total).

La réponse fournie par la justice est de plus en plus répressive : majoritaires en 2002, les mesures alternatives aux poursuites (rappel à la loi, mesure de réparation, etc.), traditionnellement développées à Bobigny, sont devenues minoritaires au profit des poursuites. Auprès des mineurs déférés, les réquisitions de mandat de dépôt (demandes de placement en détention) ont crû de 36% entre 2003 et 2004. "Une réponse pénale est apportée à chaque acte de délinquance", écrivent les inspecteurs. Bon élève malgré tout de la politique gouvernementale, Bobigny affiche un "taux de réponse pénale" de 83 % en 2005, en plein dans la moyenne nationale.

(...)

Le parquet des mineurs est engorgé. "Les délais d'attente pour accéder au magistrat de permanence varient entre une heure et une heure et demie." C'est une source de friction avec les services de police, qui doivent signaler toute affaire au procureur avant que le mis en cause ait quitté les locaux de police. L'audit relève cependant "des relations quotidiennes très bonnes" entre la responsable de la brigade des mineurs de Seine-Saint-Denis et son homologue du parquet.

Je sais, je suis monomaniaque avec mon manque de moyens, principal problème de la justice. Mais là, tout est dit. Le service qui traite le plus de délinquance liée à l'insécurité de France, le double du Val de Marne qui est pourtant pas mal dans son genre, est en sous effectif chronique.

Là, c'est l'Etat qui est démissionnaire.

samedi 23 septembre 2006

Le Pompier pyromane (2) : le président Rosenczveig répond

Et c'est sur son blog.

Pour mémoire, Jean-Pierre Rosenczvieg est le président du tribunal pour enfants (TPE) de Bobigny, directement mis en cause dans la note du préfet de juin 2006 comme étant "dogmatique". J'ajoute, pour comprendre un passage de son billet, que le tribunal de Bobigny et la préfecture sont voisins, séparés par la N186, enjambée par une passerelle qui mène du parvis du tribunal à l'Académie, l'Hôtel des Impôts, et un peu plus loin, la préfecture de Bobigny (sand doute le bâtiment le plus hideux du patrimoine immobilier de l'Etat). Sur cette page, vous verrez le tribunal en haut (au toit bleu) et la passerelle en question juste en dessous.

jeudi 21 septembre 2006

Le pompier pyromane

Ainsi, notre bouillonnant ministre de l'intérieur, après s'en être pris aux étrangers et aux associations qui les défendent, tourne désormais un oeil mauvais vers notre jeunesse délinquante, et l'autre encore plus mauvais vers les magistrats du tribunal de grande instance de Bobigny. Ce strabisme ne l'empêche pas d'y voir clair : les magistrats dudit tribunal sont "démissionnaires", et au premier chef, le président du tribunal pour enfants, en charge entre autres de l'enfance délinquante (il est aussi en charge de l'enfance victime, qui est parfois la même, soit dit en passant).

Je ne m'attarderai pas sur l'aspect très opportuniste et provoqué de cette controverse. Jules de Diner's room pointe du doigt certains éléments troublant et son réquisitoire est puissant.

Je souhaite simplement souligner en quoi les affirmations du préfet de Bobigny, que je salue courtoisement puisque c'est mon adversaire le plus fréquent ces temps-ci après le procureur de la république, révèlent son ignorance de la loi, et en quoi les propos du ministre, au-delà de la simple tartufferie politique qui ne mériterait pas mon ire, relèvent de l'inconscience pure et simple.

Dans sa note, le préfet émet plusieurs doléances. Outre l'insuffisance des effectifs de police et leur trop grande mobilité (mais qui est le ministère en charge de la répartition des effectifs de police, déjà ?) la justice est pointée du doigt.

Ainsi, lors des événements de l'automne 2005, se plaint le préfet, 85 mineurs avaient été déférés et un seul écroué. Et c'est là une tradition locale : sur l'année 2005, sur 1651 mineurs déférés, seuls 132 ont connu l'hospitalité de la République, ce qui explique sans nul doute, selon le haut fonctionnaire, l'augmentation de 70% des vols avec violence dans le département (toute remise en cause de la police étant naturellement hors de question). Scandale. Laxisme. Blues des hommes en bleu.

Un homme est particulièrement visé : le président du tribunal pour enfant de Bobigny, qui figurez vous est blogueur, accusé de dogmatisme. Rendez-vous compte. Un juge des enfants qui aime les enfants, alors que tout ce qu'on lui demande c'est de les mettre en prison.

Et c'est là que le bât blesse, Monsieur le préfet. Le droit pénal des mineurs, c'est pas votre truc, je sais. Vous c'est plutôt le droit administratif et le droit des étrangers. Vous sévissez plus Boulevard de l'Hautil à Cergy qu'avenue Paul Vaillant Couturier à Bobigny, même si c'est pas loin de votre bureau. Mais quand même, avant d'écrire au Chef, renseignez vous un peu. On sait jamais, une fuite dans la presse est si vite arrivée.

Alors, en novembre 2005, un seul mineur a été écroué, et 132 sur l'année. Mais dans quels cas peut-on écrouer un mineur déféré ? Vous êtes vous posé la question, avant de mettre ça sur le compte du dogmatisme du président du TPE ?

C'est pourtant pas bien compliqué, c'est dans une ordonnance du 2 février 1945, signée par un dangereux gauchiste dogmatique.

Pour un mineur de 13 ans, ce n'est pas possible.
Pour un mineur de 16 ans, ce n'est que s'il a commis un crime.
S'il a entre 16 et 18 ans, c'est possible, mais seulement au titre de la détention provisoire après mise en examen. Mais on ne recourt pas à l'instruction pour des feux de poubelle ou de voiture.

Bref, même si le président du TPE de Bobigny était le dernier des fachos, il lui aurait été bien impossible de mettre en prison les mineurs incendiaires qu'on lui amenait. Le mieux que prévoit la loi, c'est une « comparution à délai rapproché », de quelques semaines puisque des enquêtes préalables doivent être effectuées sur la situation personnelle du mineur, mais il n'y a pas encore de comparution immédiate pour mineurs.

Et là, chers lecteurs, je me tourne vers vous : vous allez rire.

Car qui est justement en train de défendre au Sénat un projet de loi qu'il a concocté et signé, et qui prévoit dans son article 38 la suppression de la comparution à délai rapproché pour y substituer (c'est l'article 38) une nouvelle procédure de « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » ? Rhôôô, mais c'est le préfet en chef ! N'est ce pas cocasse comme coïncidence ? Ce serait encore plus drôle si ce texte venait pour être adopté définitivement par le Sénat, mmh... genre aujourd'hui ?

Bref, de la bonne grosse ficelle, bien démagogique pour saucissonner l'électeur en le caressant dans le sens du poil, en disant que tout ça, c'est la faute des juges qui sont des mous, alors qu'il faudrait un homme à poigne à la tête du pays.

Parce que parler de démission de la part des magistrats de Bobigny, c'est de la vraie bêtise. Ils sont confrontés au plus fort taux de délinquance de France, et au plus grand empilement de misère de tout l'hexagone. Toutes les nationalités du monde sont représentées dans leur ressort. Et ils y font face, avec peu de moyen et un palais inadapté, qui ressemble à une usine à gaz. Démissionnaires ? Non : des missionnaires.

Mais ce n'est pas pour ça que c'est d'une profonde bêtise. Que le ministre de l'intérieur saute encore à la gorge des magistrats, si ça l'amuse.

Mais figurez-vous que dans le neuf-trois, le ministre de l'intérieur est très écouté. Chez les sauvageons de novembre, chez les plus violents des délinquants, ceux qui s'estiment en guerre avec la réublique, Sarko, c'est le chef de la bande. Il vient les défier chez eux, les keufs, c'est ses hommes. Bref, c'est l'ennemi. Qu'il parle de racaille ou de kärcher, et la tension monte.

Et là, qu'est ce qu'il vient de lâcher, à la télé ? Que les juges de bobigny ne mettent pas en prison. Qu'ils sont démissionnaires, qu'ils s'en foutent quoi, tu ressors libre à chaque fois.

Le préfet de Seine Saint Denis a totalement raison sur un point dans sa note : le premier facteur de délinquance chez les jeunes, surtout les mineurs, c'est le sentiment d'impunité. Pas l'impunité réelle : il n'y a qu'à voir comme ils sont tout surpris quand ils sont amenés menottés dans le service du juge des enfants. Pas fiers, ça non. Le sentiment d'impunité, la conviction, même erronée, que s'ils sortent pour « foutre la merde », il ne seront pas punis.

Et voilà ce que le ministre vient de leur offrir sur un plateau : la conviction que l'impunité, dans leur département, est un fait avéré, de la bouche même du chef ennemi.

Nicolas Sarkozy, sur ce coup, se conduit en pompier pyromane. C'est de l'inconscience ; si c'est calculé, c'est criminel ; et pour un candidat aux plus hautes fonction, pire qu'un crime, c'est une faute.

jeudi 31 août 2006

Tous aux abris

Où l'auteur s'angoisse à nouveau de la frénésie du législateur.

Lire la suite...

mardi 8 août 2006

DADVSI : précision importante

Je reviens sur le constat un rien surpris que je faisais plus tôt sur le fait que le contournement de MTP via un programme dédié à cet effet n'était pas pénalement sanctionné, ergo autorisé de fait.

Des commentateurs éclairés ont attiré mon attention sur le fait qu'il a été annoncé lors des débats parlementaires que ces agissements seraient pénalement sanctionnés par un décret qui en ferait une contravention.

Donc cette impunité, qui est tout à fait réelle et effective pour le moment, risque de disparaître bientôt.

Il s'agirait d'une contravention de 4e classe, passible de 750 euros d'amende (maximum là aussi) PAR infraction constatée.

La qualification de contravention règle le problème de l'élément intentionnel, qui en matière contraventionnelle est quasiment inexistant (l'élément intentionnel est présumé et ne disparaît qu'en cas de démence ou de force majeure).

Je surveille le J.O., mais je doute que ces décrets soient pris avant la rentrée. Parfois, il faut les attendre plusieurs années. De plus, les mésaventures constitutionnelles du texte ont peut être refroidi les ardeurs répressives du ministre de la culture...

lundi 7 août 2006

La loi DADVSI commentée

Où l'auteur, après un travail digne d'Hercule, sort de son mutisme et pond un pavé comme il en a rarement fait.

Lire la suite...

jeudi 27 juillet 2006

Loi DADVSI : Le conseil constitutionnel a rendu sa décision

Et quelle décision.

Il censure plusieurs dispositions de la loi, mais que les adversaires de la loi DADVSI ne se réjouissent pas trop vite : toutes ces annulations durcissent considérablement le texte. Je ne suis pas sûr et certain que les parlementaires du PS avaient cet objectif en tête en déposant leur recours. Il faut vraiment qu'ils se forment au contentieux constitutionnel.

Et en prime, le pauvre Renaud Donnedieu de Vabres se prend une gifle sur ce qu'il présentait comme mesure phare du texte. Ce texte aura, jusqu'au bout, été son chemin de croix.

Ainsi, sont censurées les dispositions suivantes :

► L'exonération de responsabilité pénale de celui qui met sciemment à la disposition du public un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés et l'incitation publique à l'utilisation dudit logiciel si ce logiciel est destiné au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers ou d'objets non soumis à la rémunération du droit d'auteur (le délit né du fameux amendement Vivendi Universal).

Le conseil estime que la notion de travail collaboratif est trop imprécise au regard de l'exigence de légalité des délits et des peines[1], et surtout qu'une telle disposition lèse les droits voisins du droit d'auteur[2] et les droits moraux de ceux qui ont renoncé à la rémunération du droit d'auteur (c'est le logiciel libre qui entre autres visé ici). Toute l'exception saute, les logiciels manifestement destinés à la mise à disposition du public d'oeuvres ou objets protégés sont illégaux en soi.

► Gros, énorme pavé dans la mare : l'exonération de responsabilité pénale du délit d'atteinte aux mesures techniques de protection (les DRM, principalement) si elle est réalisée à des fins d'intéropérabilité.

Le Conseil estime que la notion "d'intéropérabilité", aurait dû être définie par la loi. Comme ce n'est pas le cas, ce concept flou porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines. Dès lors, le DRM devient intouchable, la loi prévoyant une autre exceptions aux fins de recherche, le conseil précisant que le mot recherche doit s'entendre de la recherche scientifique en cryptographie et à condition qu'elle ne tende pas à porter préjudice aux titulaires des droits.

Bref, votre fichier iTunes ne va pas sur votre walkman Sony ? Tant pis pour vous. Si vous tripatouillez les DRM, c'est trois ans de prison. Rachetez le ou gravez le au format audio.

► Là, ce n'est plus un pavé, c'est un rocher qui tombe dans la mare et éclabousse le ministre de la culture. Vous vous souvenez que RDDV répétait à qui voulait l'entendre que la prison pour les jeunes qui téléchargent sur les réseaux P2P, c'est fini ? Que désormais, ce serait une amende de 38 euros ?

Perdu. Ce sera la prison.

Le conseil a déclaré entièrement contraire à la constitution l'article (24) qui instituait cette contravention à la place du délit normal de contrefaçon, au motif qu'au regard de l'atteinte portée au droit d'auteur ou aux droits voisins, les personnes qui se livrent, à des fins personnelles, à la reproduction non autorisée ou à la communication au public d'objets protégés au titre de ces droits sont placées dans la même situation, qu'elles utilisent un logiciel d'échange de pair à pair ou d'autres services de communication au public en ligne ; que les particularités des réseaux d'échange de pair à pair ne permettent pas de justifier la différence de traitement qu'instaure la disposition contestée. Pour le Conseil, télécharger sur e-Mule ou en FTP, c'est kif kif bourricot[3]. Tout le monde en prison.

Bref, la loi DADVSI va entrer en vigueur, et pas en version light, plutôt en version hardcore. Le texte va être promulgué dans les prochains jours, probablement ce week end.

Je sens que ça va faire un barouf de tous les diables sur internet.

Notes

[1] Qui exige que tout texte instituant une infraction pénale soit parfaitement clair et univoque, pour éviter des interprétations divergentes portant atteinte au principe d'égalité devant la loi.

[2] On appelle droit voisin le droit de l'interprète de l'oeuvre. Quand Vanessa Paradis chante Tandem, Serge Gainsbourg (enfin ses héritiers) touche les droits d'auteur. Henri Langolf, le compositeur de la musique, touche aussi des droits d'auteur. Vanessa Paradis, elle, n'est en rien l'auteur de l'oeuvre, mais elle a droit à rémunération car c'est son interprétation qui fait le succès de l'oeuvre (il y a des gens bizarre, je sais). Ces droits, qui ne sont pas des droits d'auteur mais qui leur ressemblent, sont appelés droits voisins (du droit d'auteur).

[3] Humour. e-Mule, bourricot. Non ? Personne ne trouve ça drôle ?

mercredi 28 juin 2006

Faucheurs volontaires : il n'y avait pas d'état de nécessité.

Où l'auteur démontre à nouveau ses pouvoirs de préscience juridique

Lire la suite...

vendredi 16 juin 2006

Où l'on reparle, sans doute pour la dernière fois, de l'affaire d'Outreau

Où l'auteur, amer, perd encore quelques illusions qui lui restaient.

Lire la suite...

vendredi 26 mai 2006

L'amnistie de Guy Drut

Le président de la République vient de décider une mesure individuelle d'amnistie au profit de Guy Drut, ancien ministre de la jeunesse et des sports du gouvernement Juppé, député de la 5e circonscription de Seine et Marne et maire de Coulomiers, à la suite de sa condamnation en octobre dernier à 15 mois de prison avec sursis et 50000 euros d'amende dans l'affaire dite des marchés publics d'Ile de France.

Cette amnistie n'est pas l'exercice du droit de grâce prévu par l'article 17 de la Constitution : la grâce n'efface pas la condamnation, elle dispense de l'exécution de la peine ou la commue en une peine moins grave. L'amnistie supprime l'élément légal de l'infraction : les faits amnistiés ne consituent donc plus un délit. Les effets sont exposés à l'article 133-9 du Code pénal :

L'amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu'elle puisse donner lieu à restitution[1], la remise de toutes les peines. Elle rétablit l'auteur ou le complice de l'infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d'une condamnation antérieure.

Cette amnistie repose juridiquement sur l'article 10 de la loi n°2002-1062 du 6 août 2002, loi d'amnistie qui a été votée après la réélection de Jacques Chirac.

Cet article 10 prévoit, outre les amnisties de droit posées par les articles précédents, la possibilité pour le président de la République d'accorder par décret individuel une amnisitie, à condition que les faits aient été commis avant le 17 mai 2002 (date de prise de fonction du président de la République pour ce deuxième mandat), et que la personne appartienne à une des catégories visées par la loi : mineurs ou majeur de moins de 21 ans au moment des faits, personne ayant un passé de combattant, de déporté ou de résistant et les "personnes qui se sont distinguées d'une manière exceptionnelle dans les domaines humanitaire, culturel, sportif, scientifique ou économique" (article 10, 6°). Guy Drut bénéficie ainsi de son glorieux passé sportif, à savoir sa médaille d'or au 110 mètres haie aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976.

Le Président de la République ne peut pas décider de lui même d'accorder cette mesure : elle doit lui être demandée "par toute personne", c'est à dire que Guy Drut n'est pas forcément le demandeur à l'amnistie.

Ce décret n'a pas à être motivé ; mais l'Elysée a estimé nécessaire de préciser (cité par Les Echos) que "Cela permettra à Guy Drut de continuer à siéger au sein du Comité international olympique, ce qui est tout à fait essentiel pour la France et la défense de ses intérêts dans le domaine sportif". Comme les JO à Paris en 2012 ?

Cette amnistie est, juridiquement, tout à fait légale. Politiquement, elle est désastreuse et moralement injustifiable. Elle est manifestement, évidemment un cadeau fait à un ami politique du même bord, et montre bien la tradition gaulliste qui n'en finit pas de mourir, contaminant la République dans le processus, qui veut que "l'intérêt supérieur de la France", l'ancienne "Raison d'Etat", telle qu'appréciée par le prince, prime sur toute autre considération, y compris l'égalité des citoyens face à la justice et à la loi.

Sans compter la concurrence déloyale pour ma profession.

Mise à jour : En relisant le texte de la loi, je me suis remémoré que l'une de ses lignes directrices était la volonté de moraliser la vie publique. Ainsi, l'article 14, 5° de ladite loi exclut du bénéfice de l'amnistie, y compris celle individuelle de l'article 10, toutes les infractions habituellement rencontrées dans les affaires liées au financement occulte des partis politiques.

Comment Guy Drut est-il passé à travers les mailles du filet ?

Il était poursuivi pour recel d'abus de confiance. Or si l'abus de confiance simple et aggravé sont bien exclus du bénéfice de la loi par l'article 14, 5°, le recel de ces délits, lui, ne l'est pas. Un oubli du législateur, sans doute. Toujours est-il que cette amnistie individuelle s'inscrit totalement à contre-courant de l'intention du législateur.

Enfin, un détail de poids : l'amnistie ne met pas fin à l'action civile de la région qui demande la restitution des sommes détournées. Si l'amende de 50000 euros ne sera pas exigible, les dommages-intérêts le seront.

Notes

[1] Cela signifie que si une peine d'amende a été payée, le montant ne sera pas remboursé ; si elle n'a pas été payée, elle n'est plus exigible.

jeudi 27 avril 2006

Où l'on reparle de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Où l'auteur sort d'un long mutisme pour se fendre d'un billet malgré un agenda chargé.

Lire la suite...

mercredi 19 avril 2006

Bug de la loi Perben : la cour de cassation lit mon blog.

Où l'auteur chope définitivement la grosse tête

Lire la suite...

lundi 10 avril 2006

La Nemesis du CPE

Bingo.

Voici le texte de la proposition de loi sur l'accès des jeunes à la vie active, qui sera le fossoyeur du CPE. Le législateur étant le seul qui jusqu'à présent ne s'était pas ridiculisé dans cette affaire, c'est à présent chose faite. Merci à qui se reconnaîtra pour ce document. Je grasse.


Proposition de loi sur l’accès des jeunes à la vie active

Article 1 :

Dans la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, l’article 8 est remplacé par les dispositions suivantes :

« I - L’article L.322-4-6 du code du travail est ainsi rédigé:
Pour favoriser l’accès des jeunes à l’emploi et à la qualification professionnelle, les employeurs peuvent bénéficier d’un soutien de l’Etat lors de la conclusion, de contrats à durée indéterminée, à temps plein ou à temps partiel :
1° Avec des jeunes gens[1] âgés de seize à vingt-cinq ans révolus dont le niveau de formation est inférieur à celui d’un diplôme de fin de second cycle long de l’enseignement général, technologique ou professionnel ;
2° Avec des jeunes gens âgés de seize à vingt-cinq ans révolus qui résident en zone urbaine sensible ;
3° Avec des jeunes titulaires du contrat d’insertion dans la vie sociale[2] défini à l’article L322-4-17-3 du code du travail.

La durée du travail stipulée au contrat doit être au moins égale à la moitié de la durée du travail de l’établissement[3]. L’aide de l’Etat est accordée pour une durée de deux ans, le cas échéant de manière dégressive.

Ce soutien est cumulable avec les réductions et les allégements de cotisations prévus aux articles L. 241-64. L. 241-13 et L. 241-14 du code de la sécurité sociale ainsi qu’à l’article L. 241-13 tel que visé par l’article L. 741-4 du code rural et aux articles L. 741-5 et L. 741-6 de ce dernier code. Il n’est pas cumulable avec mie autre aide à remploi attribuée par I’Etat. Toutefois, les employeurs embauchant des jeunes en contrat de professionnalisation à durée indéterminée peuvent bénéficier de ce soutien, le cas échéant dans des conditions spécifiques prévues dans le décret mentionné ci-après.

Un décret précise les montants et les modalités de versement du soutien prévu ci-dessus.

II - L'article L.322-4-17-3 du code du travail est ainsi rédigé:
Toute personne de seize à vingt-cinq ans révolus rencontrant des difficultés particulières d’insertion sociale et professionnelle bénéficie à sa demande d'un accompagnement personnalisé sous la. forme d’un « contrat d'insertion dans la vie sociale », conclu avec l’Etat. Ce contrat fixe les engagements du bénéficiaire en vue de son insertion professionnelle et les actions engagées à cet effet, ainsi que les modalités de leur évaluation. L’accompagnement personnalisé est assuré, au sein de l’un des organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L.322-4-17-2, par un référent qui établit avec le bénéficiaire du contrat, dans un délai de trois mois à compter de sa signature, un parcours d’accès à la vie active. Le référent doit proposer à ce titre, en fonction, de la situation et des besoins du jeune, l’une des quatre voies suivantes :

- un emploi, notamment en alternance, précédé lorsque cela est nécessaire d’une période de formation préparatoire ;
- une formation professionnalisante, pouvant comporter des périodes en entreprise, dans un métier pour lequel des possibilités d’embauche sont repérées ;
- une action spécifique pour les personnes connaissant des difficultés particulières d’insertion ;
- une assistance renforcée dans sa recherche d’emploi ou dans sa démarche de création d’entreprise, apportée par l’un des organismes mentionnés au 3ème aliéna de l’article L. 311-1.

Après l’accès à remploi, l’accompagnement peut se poursuivre pendant un an. Les bénéficiaires d’un contrat d'insertion dans la vie sociale sont affiliés au régime général de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L 962-1 et L. 962-3 pour les périodes pendant lesquelles ils ne sont pas affiliés à un autre titre à un régime de sécurité sociale.

Un décret fixe les caractéristiques des personnes qui peuvent bénéficier de l’accompagnement, ainsi, que la nature des engagements respectifs de chaque partie au contrat, la durée maximale de celui-ci et les conditions de son renouvellement. »

Article 2 Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l’application de la présente loi sont compensées par l’augmentation à due concurrence des tarifs visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts[4].

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat[5].


Mon opinion ? Hallucinant. Ce n'est plus de l'acrobatie, c'est de la haute voltige.

Pas un mot n'est dit sur le CPE.

D'accord, on ne parle pas de corde dans la maison d'un pendu. Mais il eût été intéressant de savoir comment s'applique concrètement la disparition de ces contrats, surtout du fait de la technique originale qui est employée.

On "remplace" un article de loi qui se suffisait à lui même par un article qui modifie le Code du travail.

L'article 1er de cette proposition de loi pouvait très bien commencer directement par "I - l'article L.322-4-6 du Code du travail est ainsi rédigé : ...". C'est dissimuler l'abrogation avec la même élégance qu'on dissimule la poussière sous un tapis.

Se pose du coup un problème d'application de la loi dans le temps.

L'article 8 est entré en vigueur le 3 avril 2006. Cette loi remplaçant cet article 8 alors que rien ne l'imposait juridiquement, faut-il en déduire que ces nouvelles dispositions entreront en vigueur au 3 avril 2006 ? Dès lors, les CPE seront ils rétroactivement annulés ? Visiblement, il n'a pas effleuré l'esprit de nos députés que quiconque ait pu passer outre l'injonction présidentielle de ne pas appliquer la loi qu'il venait de signer.

Je parlais dans mon billet de ce matin de colifichets. Les députés dépassent toutes les espérances.

Exit le Contrat Première Embauche, voici le contrat "d'insertion dans la vie sociale" (qui inclut sûrement une invitation à Paris Blogue-t-il) qui n'est pas un contrat de travail, ce qu'était le CPE, et qui consiste à se voir désigner un "référent", expression à la mode, qui va proposer dans les trois mois un "parcours d’accès à la vie active".

En quoi consiste ce parcours ? Au début, je pensais au parcours d'accès à la vie active de tous les français : chambre à coucher - WC - salle de bain - cuisine - métro. Mais non.

Là, c'est une perle : c'est soit "un emploi, notamment en alternance, précédé lorsque cela est nécessaire d’une période de formation préparatoire" ; soit "une formation professionnalisante, pouvant comporter des périodes en entreprise". Oui, vous avez bien lu. Soit un boulot avec une formation, soit une formation avec un boulot. Il suffisait d'y penser.

Et pour couronner le tout, un superbe néologisme : une formation professionnalisante, qui n'est ni une formation préparatoire à un emploi (qui est prévue par l'alinéa précédent) ni une formation professionnelle (qui comme son nom l'indique ne suppose pas un contact avec le monde du travail).

C'est officiel : les shadoks sont au pouvoir.

Notes

[1] Jeunes gens, un nouveau concept juridique rempalçant le jeune de moins de 26 ans.

[2] Un jeune titulaire d'un CIVIS fait il ou non parties des "jeunes gens" prévus aux 1° et 2° ?

[3] si quelqu'un comprend cette phrase, merci de me l'expliquer

[4] Traduction : par l'augmentation des taxes sur le tabac, c'est les buralistes qui vont être contents.

[5] Si tel est le bon plaisir du Président de la République, bien sûr.

In memoriam CPE

Ainsi, la nouvelle est tombée : le CPE sera "remplacé" par des colifichets pour l'insertion des jeunes en difficulté. Pas retiré, pas abrogé, remplacé.

Visiblement, l'activité de réflexion politique de ce dimanche a essentiellement consisté en la consultation du dictionnaire des synonymes pour trouver le mot idéal qui apaisera les syndicats, redonnera le goût des études aux jeunes bloqueurs, et défroissera la susceptibilité du premier ministre, dont les talents de poète sont bloqués sur la rime abrogation / démission, rime tout juste suffisante.

Donc, voilà le remède du jour : le CPE sera remplacé. Pas abrogé, remplacé, tout comme la loi a été promulguée mais pas appliquée.

Juridiquement, ça donne quoi ?

N'en déplaise au premier ministre, un remplacement est une abrogation.

Une loi s'applique de son entrée en vigueur [1] à son abrogation.

Cette abrogation peut être expresse ("L'article 8 de la loi du 31 mars 2006 est abrogé"), ou tacite, quand la loi nouvelle est clairement incompatible avec l'ancienne. Le terme remplacement laisse supposer que la loi qui va être votée au pas de charge devrait être rédigé dans cet esprit : "L'article 8 de la loi du 31 mars 2006 est ainsi rédigé", ou "est remplacé par les dispositions suivantes : bla bla bla".

Il demeure que le texte remplaçant l'article 8 actuellement en vigueur l'abroge puisque ce texte ne sera plus applicable. J'insiste sur le "actuellement en vigueur" tant nombre de commentateurs semblent considérer que le texte est d'ores et déjà supprimé (notamment Marie-Eve Malouine, Chef du service politique de France Info). Tant que l'article 8 n'a pas été abrogé, remplacé, ou ce que vous voulez, le CPE reste en vigueur.

Bref, le mot "remplacé" n'est pas du droit, c'est de la communication, et mes lecteurs savent quelle tendresse j'ai pour cette science appliquée au politique. Et je me désole de voir avec quelle docilité il est repris par les journalistes qui n'ont pas l'air de se demander si avec ce mot sorti de son chapeau, le président de la république n'est en train de se payer notre tête une fois de plus.

Quid alors des CPE signés sur des modèles à 10 euros ou des modèles mis à disposition gratuitement sur internet ?

De deux choses l'une : soit la future loi règle expressément leur sort en édictant les règles qui s'y appliquent, soit elle est muette sur la question. Le mutisme est tentant car toute disposition transitoire ne ferait que pointer du doigt l'horrible vérité : on a bel et bien abrogé le CPE à l'insu de Dominique de Villepin. Si la loi ne dit rien, ce sera aux Conseils de prud'hommes de trancher.

Aventurons nous un peu sur le terrain mouvant de l'extrapolation juridique. Terrain d'autant plus mouvant que nous sommes en matière sociale, ou des règles particulières s'appliquent, puisqu'il est toujours possible de déroger à la loi dans un sens favorable au salarié, mais dans ce sens là seulement.

Le principe est qu'une loi n'est pas rétroactive, sauf si elle le dit expressément. Puisque nous sommes dans une hypothèse de mutisme de la loi, sa rétroactivité est donc à écarter. Je précise qu'en matière pénale, le principe de non rétroactivité est absolu, c'est une protection fondamentale, un des droits de l'homme.

Si une loi n'est pas rétroactive, elle est en revanche d'application immédiate. Donc, à l'entrée en vigueur de cette loi nouvelle, il ne sera plus possible de signer de CPE.

Un CPE signé malgré cette abrogation ce remplacement sera requalifié en CDI de droit commun. Toutefois, si le contrat stipule l'indemnité de 8% en cas de rupture, il y a gros à parier que le CPH l'estimera due en cas de rupture pour cause réelle et sérieuse, puisqu'il s'agit d'une stipulation en faveur du salarié.

Et qu'en sera-t-il des CPE signés AVANT l'abrogation du CPE ? Puisque nous sommes en matière contractuelle, le principe est qu'il y a survie de la loi ancienne pour respecter l'équilibre voulu par les parties. Les CPE signés avant l'abrogation devraient rester valables (je le répète : nous sommes dans l'hypothèse où rien n'est dit dans la loi d'abrogation) jusqu'à l'expiration de la période de consolidation, où ils deviennent des CDI de droit commun. Outre le respect rigoureux des règles d'application de la loi dans le temps, des raisons d'opportunité viennent renforcer cette position : d'une part, les spécificités qui font le CPE ayant une durée de vie limitée à deux ans maximum, tous les CPE finiront par disparaître à brève échéance ; d'autre part, le CPE protège le salarié en cas de rupture en lui accordant une indemnité d'un montant considérable par rapport à un CDI, il n'est pas laissé dans une position désavantageuse par rapport à un salarié ordinaire.

Autre possibilité, plus sévère mais plus simple : au nom de l'ordre public et de l'égalité des salariés, tous les CPE sont immédiatement requalifiés en CDI et les Conseils de prud'hommes refusent d'appliquer les règles du licenciement non notifié (mais appliquent l'indemnité de rupture).

Bref, pour ménager l'ego du premier ministre par l'emploi de termes inappropriés, on ouvre une situation d'incertitude juridique pour les salariés et les employeurs. Le bouquet final est à la hauteur du reste du spectacle.

Mais il y en a qui doivent danser de joie, me direz-vous, ce sont les étudiants et lycéens ? Grâce à leur héroïque obstination à ne pas vouloir étudier, ils sont à l'abri de la "période d'essai" de deux ans et du licenciement non motivé ?

Et bien non, même pas.

Car si le CPE, faute d'estocade législative, aura droit à un déshonorant descabello, son frère jumeau le Contrat Nouvelles Embauches (CNE), lui, se porte comme un charme (400.000 signés pour une création nette de 140.000 emplois, claironne le gouvernement). Et rappelons que le CNE est un CPE qui s'applique à tout âge, moins de 26 ans inclus, pour les entreprises de moins de 20 salariés, c'est à dire là où les syndicats sont souvent absents et où il n'y a parfois aucune institution représentative du personnel (s'il y a moins de 11 salariés). Pour le reste, sa rédaction est identique à celle du CPE[2] : il y a une période de consolidation de deux ans, et la lettre de rupture n'a pas à être motivée.

Le CPE avait un avantage pour les jeunes : il ouvrait la porte des grandes entreprises, où l'emploi est nettement plus stable que dans des petites structures, qui certes recrutent plus, mais sont à la merci du premier retournement de la conjoncture économique.

Les étudiants ont remporté leur victoire d'Ausculum. Bon courage pour le bachotage de ces prochains mois (cette dernière phrase est dépourvue de toute ironie, je suis sincère, ils vont en baver).

Notes

[1] soit le lendemain de sa publication au JO sauf si la loi prévoit une entrée en vigueur repoussée le temps de mettre en place les structures nécessaires, la loi Perben II est un superbe exemple, avec une dizaine de dates d'entrée en vigueur différentes

[2] Voyez vous même : lisez l'article 2 de l'ordonnance du 2 août 2005 et l'article 8 de la loi du 31 mars 2006 : c'est un copier/coller.

mardi 4 avril 2006

La FIDL est elle ultralibérale ?

Où l'auteur, après avoir défié le pouvoir, se fâche avec la jeunesse de son pays.

Lire la suite...

lundi 3 avril 2006

Entrons en résistance républicaine

Ainsi, le Président de la République, après avoir signé une loi, demande à ne pas l'appliquer, et comme aucun moyen légal ne lui permet de s'assurer de l'effectivité de cette mesure (ou de l'ineffectivité de la loi, si vous me suivez), le ministre de la cohésion sociale a décidé de ne pas faire imprimer les contrats type pour faire obstacle à l'application de ce contrat sur lequel rappelons-le le gouvernement de ce même ministre a engagé sa responsabilité.

Que le CPE ne soit ni fait ni à faire, c'est une chose. Mais que l'exécutif complote ainsi au vu et au su de tout le monde pour faire obstacle à l'application de la loi, outre le fait que cela pourrait bien relever de l'article 68 de la constitution, est une insulte à la démocratie et surtout à la liberté contractuelle, qui a valeur constitutionnelle.

Alors, à titre de pied de nez à mon confrère Jean-Louis, voici un modèle de CPE, prêt à signer. Et par dérogation à l'usage sur ce blog, je le mets à disposition librement de quiconque le souhaite : vous pouvez librement l'utiliser et le modifier. Bon, j'aurais mauvaise grâce à m'en réserver les droits puisque je me suis abondamment inspiré du modèle de Contrat Nouvelle Embauche, qui, lui, est toujours disponible sur le site du ministère de l'emploi et de la cohésion sociale.

Ceci n'est pas une approbation du texte de loi sur le CPE ; c'est un geste de résistance. Signer ou non un CPE relève de la liberté de l'employeur et du salarié, et pas des acrobaties démagogiques d'un président qui ne doit de ne pas avoir été remplacé vendredi par le président du Sénat qu'au fait que le ridicule ne tue pas.

Lire la suite...

mercredi 29 mars 2006

Remettons en une couche avec le CPE

Où l'auteur, sous couvert de défendre le CPE, l'enterre peut être pour de bon.

Lire la suite...

lundi 27 mars 2006

CPE : le conseil constitutionnel rend sa décision jeudi prochain

Flûte, tout est dit dans le titre.

Cette décision est très attendue, tant par les anti-CPE que par la majorité qui y voit une échapatoire à son embarras actuel, la seule autre étant les vacances de Pâques, dans quinze jours (car curieusement les vacances sont peu propices à la grève).

Compte-rendu ici même.

Mise à jour : les commentaires hors sujet tentant de rouvrir la foire du billet de samedi seront supprimés.

samedi 25 mars 2006

Faisons le point sur le CPE

Où l'auteur règle ses comptes suite à un traumatisme de jeunesse.

Lire la suite...

- page 11 de 14 -

Mes logiciels, comme mes clients, sont libres. Ce blog est délibéré sous Firefox et promulgué par Dotclear.

Tous les billets de ce blog sont la propriété exclusive du maître de ces lieux. Toute reproduction (hormis une brève citation en précisant la source et l'auteur) sans l'autorisation expresse de leur auteur est interdite. Toutefois, dans le cas de reproduction à des fins pédagogiques (formation professionnelle ou enseignement), la reproduction de l'intégralité d'un billet est autorisée d'emblée, à condition bien sûr d'en préciser la source.

Vous avez trouvé ce blog grâce à

Blog hébergé par Clever-cloud.com, la force du Chouchen, la résistance du granit, la flexibilité du korrigan.

Domaine par Gandi.net, cherchez pas, y'a pas mieux.