La Cour de justice de la République (CJR) a rendu ce lundi son arrêt dans le volet ministériel de l’arbitrage Tapie. L’ancienne ministre de l’économie a été reconnue coupable du délit de l’article 432-16 du code pénal, à savoir avoir permis, par sa négligence la destruction, le détournement ou la soustraction d’un bien public, en l’espèce des fonds publics, contre les réquisitions du parquet, mais dispensée de peine, avec cet ajout que cette condamnation, comme le permet la loi, ne sera pas mentionnée casier judiciaire, pas même le bulletin n°1, le plus complet, réservé à la justice.
Mon ami Authueil a traité cette affaire du point de vue politique, dans un billet très critique et documenté. Judge Marie, qui n’est pas moins mon amie, a traité sur son blog l’aspect juridique. Il me serait bien difficile d’écrire des choses plus intelligentes qu’eux, et vous épargnerai de la paraphrase, puisque je rejoins en tout point leurs conclusions. La dispense de peine ne me paraissait pas juridiquement possible, non pas tant du fait que la victime n’a pas été indemnisée, mais parce que le trouble à l’ordre public n’a pas cessé. Quant à prononcer une déclaration de culpabilité contre les réquisitions du parquet, mais dispenser et de peine et de B1, c’est à dire ne donner strictement aucune portée à cette condamnation n’a aucune explication juridique.
Je vais donc me risquer à une hypothèse pour trouver un sens à cette décision d’une cour composée, rappelons-le, majoritairement de politiques : douze juges sur quinze sont des parlementaires, députés ou sénateurs, et les décisions se votent à la majorité ; autant dire que les trois magistrats sont réduits à la portion congrue quant au sens de la décision mais la France n’ayant jamais fait sienne la tradition de l’opinion dissidente, ils sont obligés d’être solidaires de la décision quoi qu’elle dise.
Tout au cours du procès, Christine Lagarde a opposé une défense qui laisse Authueil, fin connaisseur des arcanes de l’État, circonspect, pour le moins. Et les douze juges politiques ont dû être tout aussi réservés sur le fait que ce dossier ait pu échapper de son écran radar. Le plus probable est que ce dossier a dû être retiré de sa compétence par le n+1 et le n+2 de Christine Lagarde, c’est à dire le premier ministre et le président de la République d’alors, du fait du caractère sensible du dossier et du caractère intrusif dudit chef. Christine Lagarde a probablement reçu l’ordre de ne pas intenter ce recours. Mais le dire revenait à se fâcher avec l’ancien et le prochain président de la République, ce qui ne se fait pas quand on veut faire carrière. Elle a d’ailleurs expressément assuré que ce n’était pas le cas, et que François Fillon et Nicolas Sarkozy ont donc appris sa décision de ne pas faire de recours en lisant la presse, sans doute.
Cette condamnation sans condamnation, alors que le parquet a requis la relaxe, peut s’interpréter comme une façon de dire “nous ne sommes pas dupes de votre histoire, mais nous comprenons que vous n’aviez pas votre mot à dire”. Ça n’a rien de juridique, et de fait le juriste perdra son latin avant de trouver un sens juridique à cette décision, mais politiquement, ça a du sens. Ça n’en fait certainement pas une bonne décision, et devrait être, espérons-le, l’arrêt de mort de cette juridiction d’exception dont il n’est jamais rien sorti de bon.