Dans les commentaires sous le billet Verbatims, un lecteur signant Morgan Kane a attiré mon attention sur une décision (pdf) rendue par la –toute jeune- Cour Suprême du Royaume Uni. Cette Cour suprême remplace depuis le 1er octobre 2009 la Chambre des Lords comme plus haute juridiction judiciaire pour l’Angleterre, le Pays de Galles, l’Irlande du Nord et l’Ecosse.
L’Ecosse qui a un droit largement autonome du droit anglais, et dont l’équivalent du Code de procédure pénale prévoyait qu’un suspect pouvait être interrogé pendant 6 heures avant d’être assisté d’un avocat.
Des avocats écossais ont soulevé devant la Cour Suprême l’incompatibilité de cette loi avec la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CSDH), en s’appuyant sur les désormais célèbres arrêts Dayanan c. Turquie et Salduz c. Turquie (personne outre-manche n’ayant eu l’audace de prétendre que ces décisions ne s’appliquaient qu’à la Turquie).
A l’unanimité, la Cour Suprême a décidé que la loi écossaise violait la CSDH, et que toutes les déclarations reçues en garde à vue devraient être annulées dans les procédures encore en cours.
La question de l’application immédiate de cette règle ne leur a pas échappé, d’autant que le nombre de dossiers affectés a été estimé à 76 000 par la Couronne.
Voici la réponse que les juges y apportent. Je la laisse d’abord en anglais, puis je vous en propose une modeste traduction.
There is no doubt that a ruling that the assumption [that there was anything wrong with this procedure] was erroneous will have profound consequences. But there is no room, in the situation which confronts this court, for a decision that favours the status quo simply on grounds of expediency. The issue is one of law […]. It must be faced up to, whatever the consequences.
Ce qui se traduirait par :
Il ne fait aucun doute qu’une décision affirmant que la croyance que cette procédure était parfaitement conforme à la CSDH était erronée aura de lourdes conséquences. Mais il ne saurait être question, dans la situation à laquelle cette Cour est confrontée, de rendre une décision qui favoriserait le statu quo simplement sur des arguments d’opportunité. La question est de pur droit. Il faut y faire face, quelles qu’en soient les conséquences.
Ces mots devraient faire rougir de honte le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, et tous les juges qui aujourd’hui encore osent rejeter les conclusions de nullité soulevées devant eux sur Salduz, Dayanan et Brusco.