Le tribunal de grande instance de Paris a rendu un jugement le 6 août dernier qui a fait couler beaucoup de pixels sur l’internet, avec je le crains quelques approximations et incompréhension.
Il faut dire qu’il a de quoi provoquer une certaine émotion : ce jugement impose à tous les Fournisseurs d’Accès Internet (ou presque, en tout cas les principaux) d’empêcher par tout moyen l’accès à un site internet. Revoici le spectre de la censure avec la Justice comme son bras armé.
Voyons donc ensemble ce que dit ce jugement, à vous de voir ensuite s’il y a de quoi sonner le tocsin.
Tout d’abord, la distribution des rôles
Dans tout procès, il y a un demandeur, et un défendeur.
Le demandeur, ici, est le président de l’Autorité de Régulation des Jeux En Ligne (ARJEL), une autorité administrative indépendante (une de plus…) créée par la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 sur les jeux en ligne, loi dont la présente décision est, comme vous le verrez, une application pure et simple. C’est le président de cette autorité qui est le demandeur, puisque l’ARJEL n’a pas la personnalité morale, comme c’est fréquemment le cas pour les autorités administratives indépendantes. Son président la représente donc, comme un tuteur représente son pupille, ce qui déjà en dit long sur l’indépendance de cette autorité.
Le défendeur est en fait une brochette de défendeurs. Il y a une société de droit anglais, NEUSTAR, présentée comme hébergeur de sites, les sociétés françaises Numéricable, Orange France, SFR, Free, Bouygues Telecom, Darty Telecom, Auchan Telecom, auquel vient s’ajouter France Telecom comme intervenant volontaire (c’est-à-dire que bien que non assignée comme défendeur, cette société s’estime concernée par le débat et demande à y participer). Et comme plus on est de fou, plus on rit, le parquet de Paris va lui aussi s’inviter aux débats, comme il en a la faculté pour toutes les affaires jugées devant le tribunal. On dit qu’il est partie jointe, et joue dans ce cas un rôle très proche du rapporteur public devant la juridiction administrative, l’indépendance en moins. En l’occurrence, comme il s’agit de la première application d’une loi nouvelle mettant en cause la liberté de communication, on comprend qu’il ait voulu avoir son mot à dire.
Ce qui peut paraître curieux de prime abord, c’est que le principal intéressé par ce procès, la société de droit anglais Stan Gibraltar Limited (l’équivalent d’une SARL), n’est pas partie au procès, alors que vous allez voir qu’il ne sera pour ainsi dire question que d’elle. C’est que le législateur a eu l’idée d’une bien étrange procédure.
Ensuite, la forme de la procédure
C’est là la source d’une confusion que quasiment tout le monde a fait dans les commentaires que j’ai pu lire, et pour votre défense, sachez que nombre d’élèves avocats la font encore, et que même ce jugement l’a fait, en s’intitulant “ordonnance”. Il ne s’agit pas d’une ordonnance de référé, mais bien d’un jugement, qui a été rendu « en la forme des référés ». C’est peut-être un détail pour vous, mais pour un juriste ça veut dire beaucoup.
Une ordonnance de référé est rendue à juge unique après une audience unique dont la date est fixée dès l’assignation, et vise à ordonner des mesures par nature provisoires, essentiellement justifiées par l’urgence et l’évidence. Mettre fin à un trouble illicite, désigner un expert, accorder une provision sur une somme d’argent en attente d’être fixée, etc.
Une ordonnance de référé n’est pas couverte par l’autorité de la chose jugée qui interdit de remettre en cause un jugement définitif, c’est à dire qui n’est plus susceptible de recours. Une ordonnance de référé peut toujours être remise en cause, en cas de fait nouveau ou de modification des circonstances : il suffit d’assigner son adversaire devant le même juge des référés (pas la même personne, juge s’entend de la fonction) et demander que l’ordonnance initiale soit modifiée ou annulée (on dit rapportée).
Un jugement rendu en la forme des référés comme celui qui nous occupe est bien un jugement au fond. Le juge ayant statué ne peut revenir sur sa décision. Celle-ci a vocation à acquérir l’autorité de la chose jugée, sauf si elle est réformée en appel. Simplement, la procédure qui lui est applicable est celles des référés : juge unique, pas de représentation obligatoire par avocat, une audience unique (en principe) dont la date est fixée dès le stade de l’assignation. La procédure ordinaire, elle, suppose que chaque partie ait un avocat (on dit constituer avocat), et n’a pas de date fixée à l’avance. L’assignation informe simplement le défendeur qu’un procès lui est intenté devant le tribunal de telle ville, à charge pour elle de constituer avocat. La date de jugement ne sera fixée qu’au terme d’une procédure préalable de mise en état, comprendre mise de l’affaire en état d’être jugée, où un juge (le juge de la mise en état) va s’assurer que toutes les diligences sont accomplies et va régler seul les questions de pure procédure, de sorte que l’affaire viendra devant la juridiction collégiale prête à être jugée, sans qu’aucune mauvaise surprise ne puisse en principe s’y opposer.
Prévoir qu’une affaire est jugée en la forme des référés est une possibilité offerte au législateur pour les affaires les plus simples, où l’office du juge se borne à vérifier que les conditions d’application de la loi sont remplies, ses effets étant parfaitement prévisibles et bornés par la loi. C’est le domaine des actions en exequatur, qui consistent à donner force exécutoire à un jugement étranger. Une convention bilatérale entre la France et le pays concerné peut prévoir que cet exequatur se donne en la forme des référés, quand la Convention prévoit que le juge se borne à vérifier que les parties ont bien été convoquées, que le juge étranger était compétent, et que le jugement a bien été notifié aux parties, et bien sûr que ce jugement ne viole pas l’ordre public français (pas d’exequatur d’une répudiation, par exemple).
Et c’est précisément ce cadeau qu’a fait le législateur à l’ARJEL en lui permettant d’agir en la forme des référés pour faire empêcher l’accès à un site de jeu en ligne non agréé.
L’article 61 de la loi du 12 mai 2010
Avant de nous attarder à cet article 61, qui est le cœur de cette décision, rappelons brièvement que la loi du 12 mai 2010 réglemente le secteur des jeux en ligne, en réservant cette activité aux seules sociétés préalablement agréées par l’ARJEL. Cet agrément vise moins à protéger le consommateur que l’État, en lui assurant que les revenus générés par cette activité n’échapperont pas au fisc. La protection des joueurs se résumera à une phrase écrite en caractères illisibles sur les publicités invitant les joueurs irresponsables à se prendre en main, et dont on peut attendre la même efficacité que les phrases préventives contre l’alcoolisme, le tabagisme et le surpoids. Mais c’est une façon de se payer une bonne conscience à peu de frais, ce qui est une des activités préférées du législateur.
Afin de faire respecter ce monopole, la loi a donné à l’ARJEL un pouvoir assez particulier, qui se situe à l’article 61 de la loi. C’est ce pouvoir qui est utilisé pour la première fois dans cette affaire, et c’est ce qui lui donne tout son intérêt.
L’article 61 donne en effet pouvoir à l’ARJEL — enfin, son président— de demander en justice toute mesure permettant de faire obstacle à l’accès effectif à un site de jeu en ligne non agréé par elle.
Cette procédure suppose un préalable : l’ARJEL doit mettre en demeure l’opérateur du site non agréé de cesser d’offrir ses activités vers la France en lui expliquant comment se mettre en conformité, et ce sous huit jours, délai pendant lequel il peut présenter ses observations. Je précise que la loi n’impose nullement l’usage d’une autre langue que le Français pour cette notification, qui par définition s’adresse à des sociétés étrangères. Ça leur apprendra à parler étranger, à ces étrangers (et en plus pas tous le même étranger !).
Si au bout de 8 jours, le service n’a pas cessé, le président de l’ARJEL peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris, qui a seul compétence, pour voir ordonner « l’arrêt de l’accès à ces services », sans autre précision, aux personnes mentionnées au 2 du I et, le cas échéant, au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Vous reconnaîtrez là le goût du législateur pour la simplicité et la lisibilité de ses lois, qui sont incompréhensibles sans un accès à l’intégralité de son œuvre.
Les “personnes mentionnées au 2 du I et, le cas échéant, au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique” sont, en français courant, respectivement, les hébergeurs et les FAI.
Vous voyez donc toute la bizarrerie de la procédure : l’opérateur étranger est en faute, donc on fait un procès aux hébergeurs et FAI, que la LCEN précitée rendait précisément irresponsables du contenu des sites auxquels ils donnaient accès. Procès auquel l’opérateur étranger n’est pas partie. La logique est simple et efficace : on prend ceux qu’on a sous la main.
Mais cette situation ne devant pas nuire à des tiers qui n’ont commis aucune faute (les FAI), le même article 61 prévoit dans son dernier alinéa que ceux-ci seraient indemnisés du coût engendrés pour eux par ces blocages, selon des modalités prévues par un décret.
Décret qui, vous l’avez deviné, n’a pas été pris. Et qui, vous allez le voir, risque fort de ne jamais l’être, après cette décision.
Bon, si vous avez suivi jusqu’ici, vous connaissez la procédure, vous connaissez le droit applicable, bref, la suite va vous apparaître d’une clarté diaphane.
Moteur, action !
Tout commence avec une société anglaise située à Gibraltar, Stan Gibraltar Ltd, qui exploite le site de jeux en ligne Stanjames.com. Ce site est accessible depuis la France, existe en version française, et il n’a pas l’agrément de l’ARJEL.
Le 24 juin 2010, un huissier mandaté par l’ARJEL se connecte à Stanjames.com et place un pari (le jugement ne dit pas si c’était sur Slovaquie - Italie ou Paraguay – Nouvelle-Zélande). Cela caractérise l’infraction à la loi du 12 mai 2010.
Le 25 juin 2010, l’ARJEL va adresser à la société Stan Gibraltar une lettre via courrier électronique via la page de contact en français du site plus par télécopie plus par courrier FedEx acheminé le 25 et livré le 30 juin (5 jours pour un Paris-Gibraltar en FedEx ??), la mettant en demeure de cesser de proposer ses services vers la France, faute pour elle d’être en conformité avec la loi française.
Face à ce spam, Stan Gibraltar ne va rien faire, puisque le 5 juillet, le même huissier va placer un nouveau pari accepté sur le site Stanjames.com (le jugement ne dit pas si l’huissier a gagné ou non).
Le 7 juillet, le président de l’ARJEL fait donc assigner les FAI précités ainsi que la société Neustar en tant qu’hébergeur du site Stanjames pour voir condamner tout ce petit monde à empêcher par tout moyen l’accès au site Stanjames.com depuis la France. Il demande en outre que la société Neustar soit condamnée aux frais de l’instance, évalués à 5000 euros. J’avoue que les raisons de cette condamnation m’échappent, l’hébergeur n’étant pas responsable du contenu illicite d’un site.
Hélas,
cette question n’aura pas de réponse, puisque la société Neustar
n’a pas comparu, et l’ARJEL n’a pu prouver que son assignation
l’avait effectivement atteinte (cette question a fait l’objet
d’un renvoi à une audience du 2 septembre prochain), et en tout
état de cause ne devrait pas recevoir de réponse puisqu’il
semblerait, à en croire le site Numerama,
que la société Neustar ne soit que le registrar
du nom de domaine Stanjames.com, et non l’hébergeur, le site étant
hébergé sur un serveur propriété de la société Stan Gibraltar
Ltd. L’erreur, si elle était avérée, serait du fait de l’ARJEL, et aboutirait nécessairement à la mise hors de cause de Neustar, l’article 61 de la loi du 12 mai 2010 ne permettant pas (encore) la mise en cause des bureauxw d’enregistrement de nomùs de domaine (registrar)
Restent donc face à face le président de l’ARJEL d’un côté, le front des FAI de l’autre.
Voyons les arguments soulevés.
En joue ! Feu !
La société Darty va d’abord essayer de se carapater en arguant être fournisseur d’accès à des « services » et non à des réseaux dont elle n’est pas propriétaire et ne pas être concernée. Le président va rapidement écarter l’argument : cette distinction fournisseur d’accès à des services / des réseaux n’existe pas juridiquement. On est fournisseur d’accès à internet, point.
Les FAI vont ensuite soulever une série d’arguments plutôt intéressants.
► Le premier argument était que le dispositif de l’article 61 n’était pas entré en vigueur faute pour le décret prévu par le 3e alinéa, prévoyant les modalités de l’indemnisation des FAI, d’avoir été pris.
L’argument était pertinent. Le législateur a fait peser sur des tiers la charge du blocage de l’accès aux sites non agréés, quand bien même ils ne sont ni fautifs ni même responsables, à charge pour lui de les indemniser du coût de cette nouvelle obligation qui relève du fait du Prince. On pouvait arguer comme l’ont fait les FAI que ce système forme un tout, et qu’il ne peut fonctionner sans le volet d’indemnisation, donc que son entrée en vigueur dépendait de la promulgation de ce décret.
Le juge ne va pas suivre cet argument. Il va estimer que les deux premiers alinéas se suffisent à eux même, le volet « indemnisation » étant un simple plus pour les FAI, qui sont d’ores et déjà tenus à leurs obligations légales nouvelles. Sans contrepartie.
Vous comprenez donc pourquoi ce décret risque de traîner, traîner, traîner, voire ne jamais être pris, puisque l’État jouit de cette obligation gratuitement pour le moment.
Rien que pour cela, les FAI ont tout intérêt à faire appel, pour espérer obtenir une autre interprétation de la Cour d’appel. Car si elle décidait qu’au contraire, les FAI n’étaient tenus à rien tant que le décret d’indemnisation n’était pas pris, on verrait l’État se réveiller et prendre ce décret avec une célérité rare, semblable à celle qui l’a pris quand il a fallu prendre les décrets d’applications indispensables à l’entrée en vigueur de cette loi avant la coupe du monde de football (loi promulguée le 12 mai, les trois premiers décrets d’application ont été signés le même jour, et en tout pas moins de neuf décrets d’application ont été signés dans la semaine qui a suivi la promulgation, cinq autres moins urgents ayant suivi par la suite). Dans cette frénésie de décrets, celui fixant l’indemnisation des FAI a mystérieusement été oublié… Pas de bol, hein ?
Deuxième argument soulevé de conserve par les FAI : cette curieuse procédure de l’article 61, qui vise tout le monde sauf le principal intéressé, est contraire à l’article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CSDH) qui prévoit le droit à un procès équitable. En effet, la procédure vise à frapper la société Stan Gibraltar Ltd qui n’a pas été mise en cause (au sens juridique : mis dans la cause, c’est à dire rendue partie au procès) puisqu’elle n’a même pas été assignée et n’est pas au courant de ce qui se trame pour rendre inaccessible son site depuis la France. La moindre des choses serait de lui permettre de se défendre.
Bon, ne soyons pas dupes. Les FAI, en défendant les droits fondamentaux de Stan Gibraltar Ltd, n’ont pas les droits de l’homme comme préoccupation. Mais si Stan Gibraltar Ltd était partie au procès, il suffirait de la condamner à rendre son site inaccessible depuis la France, sans que les FAI aient à faire quoi que ce soit, et surtout se prennent un procès chaque fois que l’ARJEL voudra empêcher l’accès à un site non agréé alors qu’ils n’y sont pour rien.
Le juge va aussi écarter cet argument en estimant que la société Stan Gibraltar, en tant que société d’un État membre de l’UE, peut solliciter de l’ARJEL l’agrément prévu par la loi du 12 mai 2010, et qu’un éventuel refus peut être contesté devant le juge administratif, ce qui préserve le droit de cette société à un procès équitable. Il en déduit que la procédure de l’article 61 de la loi, qui ne la met pas en cause, est conforme à l’article 6 de la CSDH.
C’est peut-être un peu court. Car il demeure qu’hormis l’invitation à présenter ses observations sous huit jours faite lors de la mise en demeure par l’ARJEL, dans une langue qui n’est pas celle de l’intéressé, pour justifier en quoi son activité, au demeurant légale dans le pays où elle est installée, est conforme à une loi française que cet opérateur n’est pas censé connaître puisque ne résidant pas en France, la société Stan Gibraltar n’est pas mise en mesure de présenter sa défense dans le procès qui va conduire à rendre son site inaccessible depuis la France, avec comme conséquence d’engager sa responsabilité civile à l’égard de ses clients ayant placé des paris sur son site avant cette mise à l’Index. Relisez cette phrase à voix haute, je sais qu’elle est longue.
Je ne suis pas sûr que la Cour Européenne des Droits de l’Homme verra cette procédure avec les yeux de Chimène qu’a eus le président du tribunal de grande instance de Paris.
Ces deux arguments visant à faire échec à l’application de la loi ayant été écartés, il ne reste au juge qu’à fixer les obligations des FAI. Et il va faire le choix du a maxima.
Tout d’abord, il va estimer que le fait que l’hébergeur supposé, la société Neustar, n’ait pas valablement été cité à comparaître est indifférent. Simplement, le juge ne prononcera aucune condamnation à son égard, repoussant cela à une nouvelle audience le 2 septembre pour permettre à l’ARJEL de prouver que cette société anglaise a reçu sa citation en justice.
Pour les FAI, c’est simple. Ils ont une obligation de résultat, donc doivent mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires, telles que « blocage du nom de domaine, de l’adresse IP connue, de l’URL, ou par analyse du contenu des messages, au besoin cumulativement ». Le tout à leurs frais, faute de décret d’indemnisation, et ce dans un délai de deux mois, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard au-delà, avec exécution provisoire, c’est-à-dire qu’un éventuel appel ne sera pas suspensif.
Tout au plus le président rejette-t-il la demande de publication du jugement demandée par le président de l’ARJEL (mais je le fais gracieusement au pied de ce billet, qu’il ne me remercie pas), puisque cette mesure n’est pas prévue par l’article 61 et ne s’impose nullement.
Conclusion provisoire
Nous avons donc bel et bien un jugement au fond, j’insiste là dessus qui condamne les principaux FAI à empêcher l’accès à un site, par tout moyen, sur le mode du « demmerdez-vous, c’est à vos frais ».
C’est regrettable en soi, et le fait qu’une telle mesure n’est, à ce jour, susceptible de concerner que des sites de jeu en ligne n’est pas à mon sens de nature à rendre la chose insignifiante sous prétexte que je ne joue pas aux jeux d’argent.
Car cela révèle que l’État, pour parvenir à ses fins (ici protéger un marché réglementé, et on ose appeler ça la libéralisation du secteur des jeux en ligne !) est prêt à inventer des procédures abracadabrantesques, où l’on fait un procès à tout le monde sauf au principal intéressé parce que ce serait trop compliqué à faire exécuter, que les juges appliquent sans tiquer malgré des objections très sérieuses (celle de l’indemnisation n’étant pas la moindre, car aujourd’hui, il n’y a guère que l’argent qui arrête l’État).
Comment l’en blâmer, puisque ça marche. Au-delà des intérêts de Stanjames.com, dont je n’ai que faire, n’étant pas son avocat, il y a là pour la première fois la tentative de créer un internet franco-français, d’établir une frontière numérique autour de la France, en s’attaquant au goulot d’étranglement : les fournisseurs d’accès internet, passages obligés et en nombre limités.
La possibilité d’abus est considérable, et je ne suis pas sûr que les contre-pouvoirs existent pour les prévenir.