Comme chaque 15 avril, ce blog fête son anniversaire, le 6ème en l’occurrence.
Il y a donc six ans, je me disais “Tiens ? Et si j’ouvrais un blog ?”.
Voici donc une rediffusion de mon premier billet, publié à l’époque sur u-blog.net/eolas, plate-forme de blogs aujourd’hui disparue. Ce n’est qu’en décembre 2004, lorsque je suis passé sur Dotclear et ai migré sur les serveurs de free que j’ai ajouté le “maitre” dans l’adresse (maitre.eolas.free.fr) car il fallait au moins huit caractères pour l’adresse. Et Eolas est devenu “Maître Eolas” ; le nom est resté.
Voici donc à nouveau mon hommage aux rois du baratin. Ils le méritent bien, tous les magistrats qui me lisent en ont croisé un dans leur prétoire. Car ils sévissent encore. N’hésitez pas à participer en racontant les vôtres, chers confrères et amis magistrats.
Je rends d’ailleurs hommage aux procureurs qui doivent réussir à ne pas éclater de rire, mais au contraire doivent garder un visage austère et feindre d’être indignés. Ce n’est vraiment pas un métier facile. Nous, au moins, sur les bancs des avocats, on peut se lâcher.
Pour info, ce billet avait eu une douzaine de commentaires en un mois.
C’était une autre époque…
Les rois du baratin. Publié par Eolas, le 15 avril 2004 à 23h50
J’assiste souvent à un phénomène récurent dans les prétoires : celui du roi du baratin.
Emules de Davinain, ils ont fait leur la phrase de celui-ci « n’avouez jamais ! »
Mais quand on ne veut pas avouer, il faut quand même répondre aux questions embarrassantes du Président, du procureur et de l’avocat de la partie civile.
Alors ils bâtissent un mensonge.
Soyons francs, la plupart des délinquants, même ceux qui font de la délinquance « astucieuse » ne sont pas des lumières. Les escrocs sont considérés en prison comme les plus intelligents. Sauf que la majorité de ceux qui retournent en prison, apprend-on en criminologie, retombent pour la même escroquerie.
J’en ai eu une magnifique illustration à une des premières audiences à laquelle j’ai assisté, avant que je ne prête serment.
Il s’agissait d’un vol à la roulotte (comprendre : dans une voiture garée sur la voie publique).
Le prévenu a été arrêté en flagrant délit un tournevis dans la main droite et un autoradio dans la main gauche, à côté d’une voiture qui n’était pas la sienne, dont la fenêtre côté conducteur avait été cassée et où à la place de l’autoradio ne se trouvait plus qu’un trou béant d’où sortaient quelques fils électriques.
Le parquet voyant le mal partout, il est jugé en comparution immédiate.
Voici l’histoire selon le prévenu.
Il se promenait tranquillement dans la rue, un tournevis à la main (on a le droit, après tout). Maladroit, il a trébuché et, en agitant les bras pour retrouver son équilibre, a cassé la vitre d’une voiture garée là.
Honteux et confus, il se disposait à laisser un mot sur le pare brise avec ses nom et adresse pour payer les dégâts.
Misère : il n’a pas de stylo ni de papier sur lui. Il va donc aller en demander au premier commerce ouvert, mais il s’avise alors qu’il laisserait une voiture grande ouverte, et y aperçoit un superbe autoradio de marque, d’un modèle récent.
Cette société est hélas en pleine déliquescence morale. Laisser un tel appareil à la portée du premier malhonnête est une tentation à laquelle aucun voleur ne résisterait.
Or, s’il n’a pas de stylo, qu’a-t-il, notre samaritain ? Un tournevis ! La solution s’impose d’elle même : il va démonter l’autoradio, ira chercher un stylo avec l’autoradio sous le bras, reviendra, laissera le mot, invitant le conducteur à prendre contact avec lui pour son dédommagement et la restitution de l’autoradio.
Las, l’arrivée intempestive de la maréchaussée, appelée par des citoyens un peu trop zélés et soupçonneux, au moment où il venait de démonter l’appareil, a provoqué un regrettable malentendu qui l’amène devant le tribunal de céans.
Le Président l’a écouté poliment, avant de lui demander si ce genre de malentendus se produisaient souvent selon lui.
Non, bien évidemment, répond le prévenu, c’est ce qui fait que cette histoire est extraordinaire.
Donc, reprend le président, les 11 condamnations pour vol en 9 ans qui figurent sur votre casier ne sont pas, quant à elles, le fruit d’un concours de circonstance ?
Le prévenu restant muet, le président a ajouté : « franchement. Voler un autoradio. A votre âge… »
6 mois fermes et révocation des sursis antérieurs pour une durée totale de deux ans.
Le pire, c’est que je suis persuadé que le prévenu a été sincèrement choqué et déçu qu’on ne l’ait pas cru sur parole.