Mon cœur mon cœur ne t’emballe pas,
Fais comme si tu ne savais pas
Que l’Anglais est revenu !
Mon cœur arrête de répéter
Qu’on va venger l’affront de l’an passé
De l’Anglais qui est revenu !
Mon cœur, arrête de bringuebaler
Souviens-toi qu’il nous a déchiré,
L’Anglais qui est revenu !
Mes amis ne me laissez pas !
Dites-moi, dites-moi qu’il y a de la bière au froid
Maudit Anglais, puisque te v’là !
Le crunch ! France -
Angleterre, avec un parfum de revanche du match de l’an passé (34-10, avec un essai assassin de Mark Cueto au bout d’une minute et une équipe de France stérile toute la première mi temps).
Ce sont nos pires amis, ou nos meilleurs ennemis, comme vous
préférez, qui débarquent ce soir : la
terrible,
orgueilleuse, et perfide Angleterre. Quelle joie de la retrouver !
Voici donc le drapeau anglais, dit drapeau de Saint George.
Il
vous dira sans doute quelque chose : il rappelle en effet
celui de la
Géorgie, que nous affrontâmes lors de la dernière coupe du monde.
La croix rouge sur fond blanc est un emblême très
répandu dans la chrétienté, Saint
Georges
étant le Saint Patron, outre de l’Angleterre et de la
Géorgie, de l’Aragon, de la Catalogne, du Canada, de
l’Ethiopie,
de la Grèce, de la Serbie et du Montenegro, du Portugal, de
la
Russie et même de la Palestine, ainsi que des villes de
Beyrouth, Barcelone
ou Moscou. C’est ainsi que le symbole du club de footabll de Barcelone,
le fameux
Barça,
comporte la croix de Saint George.
Ce symbole remonte aux Croisades, où il était le
symbole
des chevaliers et soldats français, le pape ayant
décidé que les anglais porteraient une croix
blanche sur
fond rouge, les germains ayant une croix bleue et jaune, devenue le
drapeau suédois. Les Anglais ont néanmoins
adopté
le croix rouge sur fond blanc, et la croix de St George est ainsi
devenue le symbole des croisés dans leur ensemble,
étant
à son tour adoptée par les Templiers. Lors de la
Réforme, tous les drapeauxs représentant des
saints ont
été abandonnés en Angleterre
à l’exception de celui de St
George. Dans la Navy, le drapeau de Saint Georges indique un navire
amiral.
Le drapeau du Royaume Uni s’appelle le drapeau de l’Union, ou
Union
Jack dans la marine (“Jack” indiquant un pavillon de marine), car il
est composé de la réunion des drapeaux des trois
couronnes réunies sur la tête des rois
d’Angleterre,
chacun représenté par une croix liée
à un
saint : la croix de Saint George pour l’Angleterre, la croix de Saint
André pour l’Ecosse, et la croix de Saint Patrick pour
l’Irlande. Cette union s’est faite en deux temps : en 1606, quand James
VI d’Ecosse devient roi d’Angleterre sous le nom de James Ier, les
croix de Saint George et Saint André sont réunies
pour faire le premier drapeau d’Union. Puis en 1801, la croix de Saint
Patrick est ajoutée quand l’Acte d’Union (Acte
désignant
une loi) fusionne les royaumes d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande pour
former le Royaume Uni, dénomination encore officielle de nos
voisins d’Outre Manche. Le pays de Galles n’est pas
représenté dans ce drapeau car il ne s’agit pas
d’un
royaume mais d’une principauté, dirigée par les
héritiers du trône d’Angleterre (actuellement le
Prince
Charles, Prince de Galles, le titre de princesse étant
vacant
nonobstant le second mariage du prince).
L’équipe joue ainsi isolément car le Royaume Uni
n’a pas
de fédération de rugby. A la place, chaque
royaume a sa
propre fédération, reconnue par l’IRB. Il en va
de
même au football, d’où le match d’ouverture Brésil Écosse lors de la coupe du monde 1998.
Le symbole du XV d’Angleterre est la rose rouge.
Il
s’agit d’une allusion à la rose rouge des Lancastre, famille
opposée à celle d’York au cours de la guerre des
Rose,
qui aboutit à la chute de la maison des
Plantagenêts, dont
Lancastre et York étaient deux branches, au profit de la
maison
des Tudor. Je ne crois pas que la fédération
anglaise
prête allégance à la maison des
Lancastre cinq cent
ans après la fin du conflit, mais le maillot de
l’équipe
d’Angleterre étant blanc (couleur royale, comme le maillot
du
Real Madrid, que je me devais de citer ayant mentionné le
Barça afin d’éviter une autre guerre civile), une
rose
blanche ou la rose des Tudor (rouge et blanche pour marquer la
réconcilation du royaume) serait peu visible sur le maillot.
L’Angleterre n’ayant pas d’hymne officiel propre, c’est bien le
God Save The Queen
qu’entonne le XV d’Angleterre, qui est pourtant l’hymne du Royaume Uni.
Une scène fort cocasse a lieu quand l’Angleterre joue contre
l’Ecosse à Murrayfield, quand l’hymne (lui aussi non
officiel)
écossais,
Flower
Of Scotland,
est entonné, car on voit la Princesse Anne, fille de la
reine
Elisabeth et Duchesse d’Edimbourg, chanter de bon coeur cet hymne
nationaliste célébrant la victoire des Ecossais
contre
les Anglais à Bannockburn en 1314 (la bataille qui
clôt le
film
Braveheart).
Au Royaume Uni, le pragmatisme est la vraie religion d’Etat.
Mais en réalité, le XV à la rose a un
hymne non officiel, qui galvanise autant les Anglais qu’une
Marseillaise fait oublier la fatigue aux Français.
Priez,
mes amis, priez pour ne point entendre résonner cet hymne
païen (même si c’est un gospel) près de
la basilique qui accueillit
l’Oriflamme…
Le Swing Low, Sweet Chariot, la kryptonite
universelle.
Swing low, sweet chariot
Coming for to carry me home
Swing low, sweet chariot
Coming for to carry me home
L’histoire de cette chanson se confond avec l’histoire de
notre vieille rivalité rugbystique qui nous oppose
à nos
cousins
d’Outre Manche. En
fait, une vieille rivalité oppose l’Angleterre à
un peu
tout le monde, et c’est une des équipes les plus
cordialement
détestées, chacune de ses (trop rares)
défaites
étant savourée d’un
hémisphère à
l’autre, mais la France jouit d’une position de détestation
cordiale privilégiée. Un adage écossais dit ainsi “I support two teams : Scotland and whoever is playing England” : je soutiens deux équipes : l’Écosse, et celle qui joue contre l’Angleterre, quelle qu’elle soit.
Tout d’abord, l’Angleterre n’a accueilli la France dans le concert des
nations rugbystiques qu’avec réticence en 1910. Le sport de
l’aristocratie anglaise était en France pratiquée
par les paysans rugueux du sud, et l’Anglais n’aimait guère
se mélanger. Il faut dire qu’au début, la France
a tout fait pour lui donner raison. En 1913, la foule envahit le
terrain pour assommer l’arbitre de France-Ecosse. La France est exclue
du tournoi, mais sauvée si j’ose dire par la
première guerre mondiale qui suspend le tournoi, qui reprend
en 1918 toutes rancoeurs oubliées au nom de la
fraternité d’armes. En 1927, c’est la première
victoire contre les Anglais (le pays de Galles résistera
jusqu’en 1948). En 1931, la France est à nouveau exclue pour
son comportement violent jusqu’en 1939. En fait, deuxième guerre mondiale oblige, la suspension durera
jusqu’à la reprise du tournoi en 1947. En 1952, l’Angleterre
accuse la France de professionnalisme des joueurs (ironie de l’histoire,
l’Angleterre sera la première à passer au
professionnalisme dans les années 90 : en Angleterre, le
pragmatisme est religion d’Etat) et des joueurs français
sont définitivement exclus de la sélection pour
apaiser les Anglais. Voilà donc le terreau de la
rivalité. La fleur éclora à la fin
des années 80.
En 1988, le XV d’Angleterre était en train de traverser une
des plus mauvaises passes de son histoire, battu notamment par la
France plusieurs années de suite, y compris sur son sol sacré, à
Twickenham. L’Angleterre jouait face à l’Irlande, et avait
perdu 15 de ses 23 derniers matchs du Tournoi des Cinq Nations, tournoi
qu’elle n’avait plus gagné depuis 1980. En deux ans et demi,
les supporters de Twickenham n’avaient vu qu’un seul
misérable essai marqué par les Anglais. A la mi
temps, l’Irlande menait 3 à 0. Et puis comme cela arrive
parfois au rugby, l’espoir
changea de camp, le combat changea d’âme, et
tout à coup, rien ne semblait plus pouvoir arrêter
les Anglais, qui gagnèrent 35 à 3, dont trois
essais marqués par Chris Oti, qui faisait ses
débuts de jour là. Les collégiens d’une
école bénédictine de Woolhampton qui assistaient au match
entonnèrent alors un gospel en l’honneur d’Oti, Swing Low, Sweet Chariot,
que la foule reprit en choeur.
Ce fut le signal d’une résurrection, et d’un nouvel
âge d’or pour le XV à la rose, l’époque
de Will Carling et Brian Moore, époque qui se construisit
sur le dos de l’équipe de France. Pendant sept ans, nous ne
gagnerons jamais, et toujours pour la même raison :
être poussé à la faute par les Anglais,
de préférence à 20 mètres
en face de nos poteaux, ce qui donnait trois points aux Anglais, et
faisait résonner le Swing
Low. Le clou était enfoncé par Will
Carling qui félicitait les Français vaincus d’un
“Good game” dont l’évocation fait encore monter les larmes
aux yeux des joueurs de l’époque. Il faudra des
années pour que le XV de
France vole aux Anglais leur sang froid, et il est encore fragile : la propension des Français à garder le ballon au sol, à le talonner à la main, quand ce n’est pas distribuer des baffes sous les yeux de l’arbitre est pudiquement appelée “le jeu latin” des Français. C’est la défaite assurée quand il pointe son vilain nez.
Cette rivalité prendra fin brutalement, du jour au
lendemain, lors de notre
inoubliable victoire en petite finale de la coupe du Monde en
1995 (19 à 9), où enfin, la série
noire prendra fin, et au plus beau moment, la Coupe du Monde. Les
joueurs Français sont tous allés serrer la main
de Will Carling abattu en lui disant un “Good game !” chantant avec
l’accent du sud ouest. La partie s’est
en réalité terminée le lendemain
à l’aube, les joueurs des
deux équipes s’étant donné rendez vous
pour faire une fête de tous les diables jusqu’à
l’aube, enterrant définitivement la hache de guerre. Cela
sera aidé par le virage vers le professionalisme,
des Anglais venant jouer en France et
des Français allant jouer en Angleterre (Sébastien Chabal a joué cinq ans dans le club de Sale,
près de Manchester), ce qui comblera un peu le
fossé d’incompréhension, les Anglais allant
jusqu’à recruter un entraîneur
français, Pierre Villepreux en 1995. Il fut naturellement tondu à son retour, rassurez-vous.
Cette époque a laissé une tradition, une
rivalité qui fait que vaincre l’autre équipe est
un plaisir sans nul pareil, mais la terrible tension 1988-1993 a
disparu. On la rejoue pour s’amuser. Il n’empêche : piétiner les Anglais est toujours une coupe d’ambroisie.
Un petit point sur ce Tournoi qui, déjà, touche à sa fin.
Position | Nation | Parties | Points | Tableau des Points |
---|
Jouées | Gagnées | Nulles | Perdues | Marqués | Encaissés | Différence | Essais |
---|
1 | France | 4 | 4 | 0 | 0 | 123 | 59 | +64 | 13 | 8 |
2 | Irlande | 4 | 3 | 0 | 1 | 86 | 72 | +14 | 9 | 6 |
3 | Méchants | 4 | 2 | 1 | 1 | 78 | 64 | +14 | 5 | 5 |
4 | Pays de Galles | 4 | 1 | 0 | 3 | 80 | 107 | −27 | 7 | 2 |
5 | Italie | 4 | 1 | 0 | 3 | 59 | 104 | −45 | 4 | 2 |
6 | Écosse | 4 | 0 | 1 | 3 | 60 | 80 | −20 | 2 | 1
|
La France l’a quasiment gagné, l’Angleterre, avec ses deux défaites, l’a déjà perdu. Seule l’Irlande pourrait nous le voler sous le nez, en écrasant l’Écosse, à condition que l’Angleterre nous écrase elle aussi, de façon à remonter les 50 points d’écart sur le
goal average. Peu probable. L’enjeu essentiel de ce match est la récompense suprême, le Grand Chelem, 5 matchs, 5 victoires, 10 points tout rond au tableau du score. Ce serait le premier de l’ère Lièvremont - N’tamack - Retière, et le premier pour
Sébastien Chabal, qui n’avait pas été retenu dans l’équipe de France en 2002 et 2004, date de nos deux derniers
Grand Slami. Et à un an de la Coupe du Monde, ça ferait le plus grand bien à cette équipe si jeune et qui se construit encore.
Ceux d’entre vous qui le souhaitent pourront suivre mes commentaires éclairés en direct sur Twitter, sur le compte spécial
@EolasRugby.
Alors, plus que jamais… ALLEZ LES BLEUS ! ! !
Mise à jour : Youpi.