Cet après-midi, le XV de France affronte le XV au trèfle, l’équipe d’Irlande, Éire comme on dit dans les pubs de Galway.
Son drapeau est celui-ci :
Je vous sens surpris.
Et en effet, l’équipe d’Irlande présente la particularité d’être la seule équipe au monde à jouer sous un drapeau autre que son drapeau national, et à chanter un hymne (Ireland’s call) qui n’est pas l’hymne national (Amhrán na bhFiann, la chanson du Soldat)[1]. Plus exactement, c’est la seule équipe bi-nationale.
Come the day and come the hour
Come the power and the glory
We have come to answer
Our Country’s call
From the four proud provinces of Ireland
Ireland, Ireland,
Together standing tall
Shoulder to shoulder
We’ll answer Ireland’s call
Pour éviter que des joueurs nord-irlandais ne jouent sous le drapeau vert, blanc et orange (que je vous expliquerai tout à l’heure) qui est le drapeau de la République d’Irlande, l’équipe utilise donc ce drapeau, dit des Quatre Provinces, drapeau traditionnel qui réunit les armes des quatre provinces d’Irlande :
La croix rouge sur champ d’or avec en son centre un écu blanc et une main rouge représente l’Ulster (nord de l’Ile), qui ne se confond pas avec l’Irlande du Nord : une partie de l’Ulster est en République d’Irlande (le Comté de Donnegal). Ce drapeau est le mélange des armes des deux plus grandes familles nobles d’Ulster, les De Burgo (croix rouge sur champ d’or) et les O’Neill, la famille royale d’Ulster jusqu’à sa conquête par les Tudor.
Les trois couronnes représentent le Munster (sud de l’Ile), qui était autrefois composé des royaumes de Thomond, Desmond et Ormond.
Le drapeau composé d’un aigle et d’un bras armé est le drapeau du Connacht (ouest de l’Ile ; prononcer knort). L’aigle est celui du clan des Browns, qui dirigeait Galway (capitale du Connacht) et le bras armé est le symbole des O’Connor, qui dirigeait la région avant l’invasion normande.
La harpe, symbole de l’Irlande (vous la verrez sur les euros irlandais), est le drapeau du Leinster (est de l’Ile), où se trouve Dublin. C’est le premier drapeau des indépendantistes irlandais, lors de leurs premiers soulèvement en 1798 et dans les années 1830-1840, d’où son adoption comme symbole héraldique. Mais le vert étant trop associé aux catholiques irlandais, le drapeau tricolore sera adopté en 1917 par le Sinn Fein : le vert pour les catholiques, l’orange pour les protestant, partisans de Guillaume d’Orange lors de la guerre des Deux Rois (1689-1691), et le blanc pour symboliser la paix entre ces communautés.
Notons toutefois que l‘International Rugby Board (IRB) a contribué à compliquer les choses : quand l’équipe joue à Dublin, elle peut lever le drapeau tricolore et jouer l’hymne national Irlandais après Ireland’s call. Mais la tradition de jouer le God Save The Queen quand l’équipe joue à Belfast a été abandonnée, l’IRB estimant que dans ce cas, l’Irlande ne jouait pas à domicile. En Irlande, tout est toujours compliqué.
Si la harpe est le symbole officiel de l’Irlande, son symbole le plus connu est aussi non officiel : c’est le trèfle. La légende dit que Saint Patrick, patron de l’Irlande et évangélisateur de l’île, a utilisé cette plante pour expliquer le mystère de la trinité aux païens. C’est ce symbole qu’arbore sur son plastron l’équipe de rugby irlandaise, sous la forme du logo de l’IRFU, l‘Irish Rugby Football Union. Rappelons en effet que le nom officiel du rugby en anglais est le rugby football pour le sport en général, et le rugby union pour le rugby à XV (le rugby à XIII s’appelant rugby league). En anglais, tout est toujours compliqué.
L’équipe d’Irlande est une vieille connaissance, puisque nous l’affrontons chaque année dans le cadre du tournoi des Six nations. Jusqu’à l’entrée de l’Italie, l’Irlande était abonnée à la dernière place dans les années 90. Le début des années 2000 a été une période faste, grâce à des joueurs d’exception comme Keith Wood, maintenant retraité (il représentait l’Irlande à la cérémonie d’ouverture) ou Brian O’Driscoll, encore en activité, un joueur d’ores et déjà entré dans la légende. L’Irlande a ainsi remporté le Grand Chelem l’année dernière (et donc nécessairement la Triple Couronne, qui récompense la première équipe britannique).
Ce n’est donc pas un adversaire à prendre à la légère. Ce d’autant que le match aura lieu sur le même terrain que le France-Irlande en barrage de la Coupe du Monde, avec l’infâme main de Thierry Henri. Gageons que les Irlandais auront fort envie de laver l’affront et de montrer aux Français comment on marque de la main dans les règles de l’art.
Mettez la Guinness au frais, et n’hésitez pas à aller voir ce match dans un pub irlandais. Les irlandais sont un public formidable, vous serez les bienvenus.
Et bien évidemment… ALLEZ LES BLEUS ! ! !
Notes
[1] Certes, l’Ecosse et le Pays de Galles font partie du Royaume-Uni, mais sont bien des nations autonomes inscrites en tant que telles aux fédérations internationales de football et de rugby.