par Sub lege libertas
Dieudonné M’bala M’bala me fait autant rire que Brice Hortefeux parlant des auvergnats. Cependant à la différence du dernier malgré qu’il en eût, le premier fait profession de saltimbanque. Il est d’ailleurs propriétaire - me semble-t-il - d’un théâtre à Paris quand l’autre est occupant précaire d’un ministère. Et, comme tout comédien ou baladin, il est en tournée, le second faisant quant à lui tourner dans nos villes et campagnes ses cars de C.R.S.. Or, c’est de car qu'il va être question, puisque notre professionnel des planches itinérantes a décidé de se produire dans un bus aménagé en théâtre ambulant. Il y joue une pièce intitulée Sandrine, qui évoque la violence conjugale. On promet au spectateur de découvrir « une savoureuse galerie de personnages », permettant d'aborder des sujets « sensibles mais plus sociaux que politiques ».
Or, Dieudonné, précédé d’une satanique réputation, n’est pas le bienvenu dans les salles de spectacle, ni même dans les villes où il veut faire profession de comédie. Un avocat observateur de la vie locale lilloise nous apprend que la maire de Lille a voulu s’opposer à la tenue du spectacle. Elle a dégainé comme flingue et pétoire, un arrêté d’interdiction de stationnement de véhicule de plus de trois tonnes cinq sur la place où l’intéressé avait déclaré vouloir de stationner son bus-théâtre et pour faire bonne mesure de barrage à l'infame, un autre arrêté interdisant cette réunion publique comme contraire à l’ordre public. Le Tribunal administratif saisi par l’histrion errant a suspendu ces arrêtés. Le spectacle s’est joué à guichet fermé.
Je ne sais pas la motivation retenue par le juge administratif et je me range volontiers à sa solution. Mais, j’en ai trouvé une toute simple qui nous permet, quoi qu’on pense de l’artiste vagabond, de revenir aux principes fondamentaux de notre République. Car le maire de Lille s’égare en faisant de la police de voirie, là où il est question du droit pour un comédien de monter ses tréteaux, peu important que les planches de scène mobile soit le plancher d’un autobus. Vous connaissez mon goût pour l’antique. Alors, rappelons que l’article premier de la loi du 13 janvier 1791 toujours en vigueur dispose :
Tout citoyen pourra élever un théâtre et y faire représenter des pièces de tous les genres, en faisant préalablement à l’établissement de son théâtre, sa déclaration à la municipalité des lieux.
Ce texte ne dit qu’une chose : le Théâtre est libre ! Comme l’est la presse qui attendra 1881 pour le voir affirmer. Déclarer préalablement l’établissement d’un théâtre - fût-il temporaire ou ambulant, ce n’est pas demander l’autorisation préalable de tenir scène. Est juste prohibé de le faire sans avoir averti. Pour le reste, le spectacle tombe sous le coup des lois sur la liberté d’expression en public. S’il les viole, c’est a posteriori que le comédien, une fois le rideau baissé, quittera les planches, pour le parquet du Tribunal. Mon seul regret est de n’avoir que Dieudonné et son âme damnée[1] pour rappeler la liberté de jouer.
Notes
[1] Encore que même l'Eglise n'excommunie plus les acteurs.