par Sub lege libertas
Etre une femme libérée, tu sais c’est pas si facile. On ne la laisse pas tomber dans l’oubli. Pourtant elle est si fragile, à 34 ans dont quinze ans de réclusion criminelle. Mais il faut toujours qu’elle purge la peine qu’elle a faite, non pas en prison, mais en sortant, à ceux qui veulent qu’elle paie à perpétuité, à mort et même après. Ah si l’on pouvait encore faire un procès à son cadavre, mais elle a, pour l’heure, l’outrecuidance de vivre, de revivre, de survivre.
Ni le sens de la peine, l’amendement de la condamnée, la réinsertion de l’ex-détenue n’y suffiront. Qu’elle ait subi toute sa peine, sans grâce particulière, comme son avocat l’avait prédit aux jurés, leur rappelant que pour son crime, en 43 ans de barre à l’époque, il n’avait jamais vu de libération anticipée, peu importe. Les fils spirituels de Lombroso veillent. C’est dans le sang, les gènes voire. La précaution et son principe chassent la rédemption.
A défaut, le silence s’imposerait par égard à l’irrémissible atteinte subie par les victimes. Non ! La faute doit être exposée à nouveau, son infamie réclame la flétrissure, le marquage à vie, à vif, ravivé. Mieux que le fer sur l’épaule de milady de Winter, le plomb de la presse et ses éclats pixelisés. Le procès virtuel est ouvert. Sa force est dans son infini présent. Il corrige l’imparfait du verdict qui clôt le débat. Faites encore entrer l’accusée, sempiternel impératif futur !
Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu’on ait pu jeter aux chiens le déshonneur lavé d’une femme et finalement sa vie future au prix d’un double manquement de ses accusateurs rémanents aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d’entre nous. Même la dignité et la liberté recouvrée par la déchue qui se rachète.
Pour avoir malgré tout, malgré vous, parlé aussi de votre libération, je me dois, Mademoiselle, de ne vous souhaiter désormais rien d’autre que l’ordinaire de la vie.
Que ceux qui ne voient pas de qui je parle, entendent seulement de quoi je parle. Les autres aussi, merci.