Car il n'y a pas de jour où on ne peut se cultiver tout en pratiquant son anglais.
Je viens de passer un formidable moment en compagnie des étudiants de première année de droit de Yale à écouter Stephen B. Bright donner sa leçon, intitulée Heeding Gideon's Call: Defending Indigent Criminal Defendants. Stephen Bright est avocat pénaliste, spécialisé dans la peine de mort. Bref : un avocat qui sauve des vies, dont quelques unes innocentes.
Cette leçon de 48 minutes pose la problématique de la défense pénale des indigents aux États-Unis, en exposant les divers systèmes envisageables (conscription c'est à dire commission d'office, contractualisation c'est à dire des avocats s'engagent à assurer cette défense contre une rémunération par l'État, en plus de leur cabinet, public defendant, des avocats payés par l'État pour ne faire que cela) avec leurs inconvénients (désintérêt et incompétence des conscrits, conflit d'intérêt des contractuels, surcharge de travail et insuffisance de moyen des public defendants quand ce ne sont pas que les plus mauvais qui se résignent à cette carrière), mais surtout en rappelant les valeurs en jeu, qui vont bien plus loin que le simple problème de dépense publique qui, ici comme là-bas, semble seul préoccuper les autorités. Un réquisitoire impitoyable à l'égard des juridictions criminelles du sud des États-Unis, qui valident des condamnations à mort prononcées dans des conditions incroyables (mention spéciale à la cour d'appel qui a validé une condamnation à mort prononcée alors qu'il est établi que l'avocat de la défense s'est endormi à plusieurs reprises au cours de l'audience, car il n'était pas prouvé qu'il avait dormi aux moments important où son intervention aurait pu influer le cours du procès. Le client a finalement été exécuté) et qui montrent que la question raciale est loin d'être réglée (tel ce procureur de Louisiane qui a utilisé 16 de ses 22 récusations pour écarter les 16 jurés Noirs d'un procès et qui assura, la main sur le cœur devant la cour suprême de l'État que ce n'était qu'une coïncidence).
Le titre de la leçon (Entendons l'appel de Gideon, le jeu de mots avec l'allusion biblique à la victoire du prophète Gédéon —Gideon en anglais— sur les Madianites —Juges, 6-8—étant intraduisible) fait allusion à l'arrêt de la Cour Suprême Gideon v. Wainwright, 372 U.S. 335 (1963), qui a posé le droit constitutionnel à tout accusé à l'assistance d'un avocat. Clarence Earl Gideon a été condamné à 5 ans de prison pour cambriolage après s'être vu refuser le droit à l'assistance d'un avocat, que la loi de Floride réservait aux crimes capitaux. Celui-ci rédigea un recours devant la cour suprême des États-Unis, seul et au crayon à papier, qui conduisit la cour suprême à casser ce jugement et à le faire juger à nouveau, assisté d'un avocat, qui démontra son innocence et obtint son acquittement[1].
Vous pouvez la télécharger gratuitement sur iTunes en cliquant sur ce lien ou télécharger le MP3 sur cette page (Merci Julien). Ce cours exige un bon niveau d'anglais, mais pas une formation juridique : il s'adresse à des freshmen, des étudiants de première année (bien qu'une formation en anglais juridique ne fasse pas de mal).
Je vous laisse sur la conclusion de mon confrère Bright, qui est tout aussi valable en France :
« La chose qui compte le plus, réellement, est ce que vous aurez fait de votre vie pour combattre le racisme et la pauvreté ; et celle qui compte le moins, c'est combien vous aurez gagné en le faisant. »
Notes
[1] Je parle d'acquittement pour un délit car le jugement a été rendu par un jury.