Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mardi 19 mai 2009

mardi 19 mai 2009

Officiez sans tapage

par Sub lege libertas


Le Maître des lieux vous narra comment en philosophant à haute voix, gare Saint Charles à Marseille, un professeur trouva la voie de la Juridiction de proximité pour que soit approchée sa conception de la tranquillité d’autrui en ce hall et son trouble non par de discrets fonctionnaires de police contrôlant le passant avec entrain à quai, mais par la portée vocale de son propos tapageur si fort que l’injure s’en perdait dans le bruit qui en résultait.

Le bruit s’amplifia de la poursuite, qui déchaîna les commentaires. Or nombre de mékeskidis déversèrent aussi leur bile sur le Parquet pour vomir l’inopportunité de cette saisine de la justice. Encore une cagade de procs zéloteateurs d'un nicolaïsme qui marie leur pureté de chaste gardien de la Loi avec la défense ordre public trop personnalisé, vous demandez-vous ? Sans me réfugier, pour la justifier, derrière l’argument de la recherche d’une jurisprudence pour fixer les contours du tapage injurieux diurne, qui délecte notre hôte, je mets à profit ce cas pour vous faire découvrir comment notre contrevenant fut invité à paraître devant ce juge de proximité, si loin de la notoriété sans les efforts de ce philosophe marseillais.

La juridiction de proximité connaît des contraventions des quatre premières classes, nous indique l’article 521 alinéa 2 du Code de procédure pénale. Bref sous un intitulé classieux, de très vénielles infractions les moins réprimées par la loi, rédimées par l’amende jusqu’à 38 euros pour la première classe, 150 euros pour la deuxième, 450 euros pour la troisième et 750 euros pour la quatrième. De minimis non curat praetor disaient les anciens, aussi pour juger ces causes, une réforme de 2005 a créé ces juges, magistrats non professionnels, en lieu et place du juge d’instance qui s’y collait avant. D’ailleurs, l’article L331-9 du Code de l’organisation judiciaire précise qu’ en cas d'absence ou d'empêchement du juge de proximité ou lorsque le nombre de juges de proximité se révèle insuffisant, les fonctions de ce juge sont exercées par un juge du tribunal d'instance, désigné à cet effet par ordonnance prise par le président du tribunal de grande instance. Le juge d'instance exerce toutefois de plein droit, en cette qualité, les fonctions de juge de proximité lorsque aucun juge de proximité n'a été affecté au sein de la juridiction de proximité.

Ah ‘tain, cong ! (ponctuation philosophique marseillaise). Et ce mékeskidi juge à médaille (car il ne s’enrobe pas pour l’audience, mais y arbore une médaille en sautoir) a un procureur particulier comme l’article 523-1 alinéa 2 du Code de procédure pénale le révèle : Les fonctions du ministère public près la juridiction de proximité sont exercées par un officier du ministère public conformément aux dispositions des articles 45 à 48 du présent code. C’est à dire (article 45 alinéa 1er) que le procureur de la République près le tribunal de grande instance occupe le siège du ministère public devant la juridiction de proximité, s'il le juge à propos, au lieu et place du commissaire de police qui exerce habituellement ces fonctions.

Vindediouss (étonnement socratique septentrional) ! Un policier procureur. Et c’est bien cet officier du ministère public qui exerce les poursuites puisque certes le procureur de la République a autorité sur les officiers du ministère public (O.M.P.) près les juridictions de proximité de son ressort. Il peut leur dénoncer les contraventions dont il est informé et leur enjoindre d'exercer des poursuites. (article 44 du Code de procédure pénale) Mais en clair, l’O.M.P. reçoit pour compétence les procédures contraventionnelles des quatre premières classes et les traitent. Donc notre philosophe marseillais doit sa comparution devant le juge de proximité marseillais à l’initiative de l’officier du ministère public et non au Parquet de Marseille.

Remarquez que ç’eût été faire injure à l’O.M.P. de l’imaginer se taper de ce tapage illégal allégué en classant sans suite faute d’infraction suffisamment caractérisée. Mais, il aurait pu officier sans tapage par la voie de l’ordonnance pénale dite procédure simplifiée prévue à l’article 525 du Code de procédure pénale. Le ministère public qui choisit la procédure simplifiée communique au juge de la juridiction de proximité le dossier de la poursuite et ses réquisitions. Le juge statue sans débat préalable par une ordonnance pénale portant soit relaxe, soit condamnation à une amende ainsi que, le cas échéant, à une ou plusieurs des peines complémentaires encourues. S'il estime qu'un débat contradictoire est utile, le juge renvoie le dossier au ministère public aux fins de poursuite dans les formes de la procédure ordinaire.

L'O.M.P. préféra donc aller - car aux dernières nouvelles le procureur de Marseille n'a pas jugé à propos de l'en priver - devant son juge de proximité parfaire l'approximation de son accusation plutôt que risquer une relaxe sur papier non glacé pour une interjection glaçant d’effroi les chastes oreilles du tranquille badaud marseillais troublé.

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