Première victoire pour la CIMADE[1] dans la deuxième bataille du marché des centres de rétention : le tribunal administratif de Paris vient d'enjoindre au ministre du pipeau et du drapeau de ne pas signer les attributions des lots le temps pour le juge administratif d'examiner la légalité de cette passation de marché.
La loi impose en effet la présence dans les centres de rétention d'intervenants extérieurs pour assurer, de manière impartiale, l'information des étrangers sur leurs droits et le cas échéant leur permettre de former les recours auxquels ils ont droit, et surveiller les conditions de rétention. Jusqu'à présent, le Comité Inter Mouvements Auprès Des Evacués était la seule association autorisée à intervenir dans les Centres de Rétention. Elle remplissait ce rôle sans qu'aucun reproche ne puisse lui être fait : les permanences sont tenues, les bénévoles sont compétents et disponibles et ils sont souvent les intermédiaires des avocats pour la transmission des documents. Et son rapport annuel dénonçait régulièrement la situation déplorable dans les Centres de Rétention.
Face à cela, le Gouvernement pouvait débloquer les moyens pour faire des Centres de rétention des lieux conformes aux valeurs de la République, ou faire taire la CIMADE. C'est naturellement cette deuxième option qui a été choisie, et le M3I a décidé de diviser le marché des Centres de Rétention en huit lots et de les soumettre à un appel d'offres, selon le principe du diviser pour régner. Le premier marché a été annulé en octobre dernier par un référé exercé par ces gros nuls du GISTI, et le nouveau ministre a repris le dossier et fait un nouvel appel d'offres.
Qui a abouti à l'annonce de la répartition des huit lots entre la CIMADE (Lot 1 : Bordeaux, Nantes, Rennes, Toulouse et Hendaye ; Lot 4 : Nîmes, Perpignan et Sète ; et Lot 6 : Mesnil-Amelot 1, 2 et 3, c'est-à-dire tout Roissy), l'Ordre de Malte (Lot 2 : Lille 1 et 2, Metz, Geispolsheim), le Forum Réfugié (Lot 3 : Lyon, Marseille et Nice), France Terre d'Asile (Lot 7 : Palaiseau, Plaisir, Coquelles et Rouen-Oissel), l'Association Service Social FAmilial Migrants (Lot 8 : Bobigny et Paris) et pour l'Outre-Mer (Lot 5, un des plus délicats, voyez ceci pour mémoire — la 2e vidéo), le Collectif Respect.
C'est sur ce dernier point que le bât blesse le plus. Le Collectif Respect, personne n'en avait jamais entendu parler. Leur site est pour le moins indigent, leur devise ambiguë (“ Respect à ceux qui, par la force de l'intelligence, refusent l'esclavage de la violence”), et une rapide recherche a permis de découvrir que ce collectif a été créé et présidé jusqu'en janvier 2008 par un membre de l'UMP, chargé de mission du ministère de l’Immigration qui représenté le ministère comme expert dans deux colloques internationaux en 2008. L'actuelle coordinatrice figurait sur la liste conduite par François Copé aux régionales de 2004 en Île de France. Ajoutons à cela l'absence totale de transparence de l'association (la coordinatrice ne sait même pas si le Collectif Respect emploie des salariés, les comptes ne sont pas publiés). Voyez le billet accablant de Serge Slama sur son blog (full disclosure : Serge Slama est membre du GISTI). Quand même. Le ministère du pipeau aurait pu faire un effort pour que ça ne se voit pas trop, quand même.
Bref, ce nouveau marché public semble aussi mal engagé que le précédent ; en tout cas le juge administratif a décidé de prendre le temps de regarder ça de plus près. Je vous tiens au courant.
Notes
[1] On devrait dire LE CIMADE puisqu'il s'agit du Comité Inter Mouvement Auprès Des Évacués, mais la sonorité de l'acronyme a fait que l'usage est d'utiliser le féminin, en sous entendant “l'association CIMADE”.