C'est confirmé. 15 pour, 20 contre. Par un coup de force des députés de l'opposition qui ont débarqué en nombre juste avant le vote. Il y a des oreilles qui vont siffler.
Je ne sais pas à quand remonte la dernière fois qu'un projet de loi a été rejeté.
Le texte ne part pas à la poubelle : le texte part en deuxième lecture au Sénat, comme si l'urgence n'avait jamais été déclarée. La loi ne pourra donc être votée avant plusieurs mois, car il y aura deuxième lecture à l'assemblée.
Mais elle sera votée, le gouvernement en fera désormais un cheval de bataille comme le gouvernement Jospin l'avait fait pour le PaCS en 1999. Vous entendrez d'ailleurs des cris d'orfraie de la majorité sur l'obstruction et les maœuvres de l'opposition : rejetez-les comme hypocrites. Ce qui s'est passé aujourd'hui est exactement ce que l'opposition de droite avait fait contre le paCS le 9 octobre 1998. Mais le PaCS était une proposition de loi, donc présentée par des députés, et non un projet de loi, issu du Gouvernement.
C'est un camouflet pour le Gouvernement en général et le ministre de la culture en particulier, et pour Jean-François Copé qui montre une fois de plus qu'il ne sait pas tenir son groupe. À moins qu'il ne veuille démontrer sa capacité de nuisance, piaffant d'impatience dans son placard doré de l'assemblée ?
En tout cas, des oreilles vont siffler.
FAQ :
► Combien de fois peut-on présenter un texte rejeté ?
Comme un traité rejeté par referendum : autant de fois qu'on veut jusqu'à ce qu'il soit adopté ou que la législature arrive à son terme (juin 2012). La seule limite est l'agenda de l'assemblée, qui est maîtrisé pour moitié par le gouvernement et pour moitié par l'assemblée elle même (depuis le 1er mars dernier seulement). S'agissant d'un projet de loi, il ne peut être programmé que dans l'espace dévolu au Gouvernement. Qui est déjà bien rempli. Donc soit il faut attendre, soit il faut faire de la place en décalant d'autres projets. C'est pour ça que Roger Karoutchi fait la tronche : c'est son boulot, ça.
► Pourquoi n'y avait-il que 35 députés sur 577 dans l'hémicycle ?
Je n'ai pas à ma disposition les agendas de tous les députés, mais ils ne jouaient pas à WoW. D'abord, certains députés ayant d'autres mandats électifs, ils ne peuvent pas être à la fois au four et au moulin. Si M. Montebourg était présent à l'assemblée, vous seriez tout aussi fondé à demander : mais où diable est le président du Conseil général de l'Ain Saône et Loire ? Oui, le cumul des mandats est critiquable, mais c'est légal. Et les élus étant attachés à leur siège, ce n'est pas près de changer. Ensuite, l'Assemblée examine de front plusieurs textes, certains en commission (passage très important), d'autres déjà en débat public. Ces textes s'accompagnent de volumineux rapports, et d'une liste d'amendements, parfois par centaines, dont il faut bien prendre connaissance. De fait, une répartition des dossiers par domaine de compétence se fait. Les 577 députés ne sont pas des experts en compatibilité publique et en droit fiscal. Certains se spécialisent donc dans les lois de finance ; d'autres connaissent la question agricole et vinicole, etc. Leur présence lors du vote (ce n'était même pas une discussion, c'était juste un texte issu de la commission mixte paritaire à voter sur le mode du tout ou rien) d'une loi sur le droit d'auteur et l'internet aurait été une perte de temps. Les députés sont payés fort cher, ce n'est pas juste pour rester assis sans rien dire et appuyer sur un bouton quand on leur dit de le faire.
Notez que le règlement de l'assemblée pose le principe qu'un vote, pour être valable, doit être fait par la majorité absolue des députés (soit 289 députés) : règlement de l'assemblée, article 61. Mais ce quorum ne peut être vérifié qu'à la demande expresse d'un président de groupe (même article), sinon le vote a lieu valablement même si l'hémicycle est manifestement désert. En cas de demande de vérification, le vote est renvoyé à au moins trois heures une heure plus tard, temps mis à profit pour rameuter le ban et l'arrière ban. Problème : J.-F. Copé n'était pas présent dans l'hémicycle, pas plus que M. Sauvadet (président du Groupe nouveau Centre). Donc le vote devait avoir lieu.