Je repousse à demain mon deuxième épisode du vademecum des comparutions immédiates pour réagir à trois attaques médiatiques portées coup sur coup à l’encontre de l’Église catholique. Je suis assez sidéré par la véritable désinformation, je pèse mes mots, sur ce sujet. Car une telle déformation des faits ou des propos tenus par des journalistes ne peut relever de l’incompétence professionnelle : à ce point, on ne peut même pas imaginer qu’une décision initiale de recrutement ait été prise.
Je vais les prendre par ordre chronologique, en les formulant d’abord telles qu’elles ont été présentées :
— L’ Église aurait réintégré un évêque négationniste ;
— Elle aurait excommunisé une fillette de 9 ans qui a avorté après avoir été victime d’un viol ;
— Enfin le Pape aurait, je cite le site de France Info, contesté l’efficacité du préservatif.
Avec à la clé, micro-trottoir de catholiques qui se disent déboussolés, on le serait à moins. (Full disclosure : je suis moi-même catholique).
Alors qu’un minimum de recherches sur ces points révèlerait ceci.
Sur l’affaire Williamson.
Richard Williamson n’est pas, n’a jamais été et n’est toujours pas à ce jour évêque catholique.
Il a été consacré sans mandat pontifical par Marcel Lefèbvre, le 30 juin 1988, au nom de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X (FSSPX), mouvement schismatique intégriste opposé au convile de Vatican II et à la modernisation de l’Église. Cet acte a été considéré par l’Église comme schismatique et dès le lendemain, 1er juillet, Marcel Lefèbvre a été excommunié latæ sententiæ (par ce seul fait). Donc sa consécration est, aux yeux de l’Église, nulle et de nul effet, ce d’autant que Lefèbvre était déjà suspendu de ses fonction (on dit a divinis) depuis… 1976. J’ajoute que le pape est bien placé pour connaître la situation, puisque c’est lui, alors encore cardinal, qui a tenté de parvenir à un accord avec Lefèbvre pour éviter la rupture : il a signé avec Lefèbvre un accord le 5 mai 1988, et Lefèbvre a rétracté sa signature et procédé à la consécration.
Le pape n’a jamais abandonné l’espoir d’une réunification (réunification dont, je ne vous le cache pas, les fidèles catholiques sont très modérément demandeurs : on n’a rien contre le pardon, mais à condition que l’erreur soit reconnue, et la position de la FSSPX est plutôt de dire qu’elle pardonne à l’Église son erreur…).
Dans ce cadre de rapprochement, et comme signe de bonne volonté, le 21 janvier dernier, l’Église a levé l’excommunication frappant les quatre évêques de la FSSPX, dont Richard Williamson, sans contrepartie. Cela n’a aucun effet sur la consécration de ce dernier, qui est toujours aussi nulle et de nul effet. La levée de l’excommunication permet à Richard Williamson (que je me refuse à appeler monseigneur) de recevoir les sacrements de l’Église. Comme simple fidèle.
Fatalitas, une semaine plus tôt le 1er novembre 2008, Richard Williamson a tenu des propos clairement négationnistes à l’égard de la Shoah, et diffusés… le 21 janvier. D’où le pataquès.
L’Église est-elle donc au-dessus de toute critique ? Certainement pas. Comme le relève Koztoujours (dont je vous recommande l’entier billet sur la question) :
Car, à la question du Grand Rabbin Bernheim : le Vatican pouvait-il ignorer le négationnisme de Williamson ?, je crains de devoir répondre “non“. Celui-ci n’a fait que répéter des propos tenus préalablement au Canada. A la question : le Vatican pouvait-il retarder la publication du décret levant l’excommunication ?, sauf à ce que des vaticanistes avisés me détrompent, il me semble bien que la réponse devrait être “oui“. Les choses n’eurent-elles pas été profondément différentes si Monseigneur Fellay - qui multiplie maintenant les déclarations apaisantes - avait pu mettre à profit ce léger report pour sanctionner Williamson (en supposant que tel aurait été le cas) ? Certes, nous aurions manqué une date symbolique mais allez, l’un dans l’autre, je me serais passé du symbole.
L’Église s’est d’ailleurs fendue d’un communiqué précisant que cette levée de l’excommunication « ne signifiait pas de soi le retour à la pleine communion du mouvement intégriste, et qu’elle ne pouvait se faire que dans le respect de l’enseignement du Concile Vatican II », ce qui est la pomme de discorde, encore bien mure. J’aurais préféré une réaction plus ferme encore, ou une attitude plus prudente au préalable.
Mais voilà les faits : l’Église a levé une sanction contre un ancien prêtre, sans pour autant le réintégrer dans la prêtrise, ni dans l’Église, et bien sûr sans reconnaître son titre d’évêque. Cette levée relève d’un processus collectif de négociation avec un mouvement schismatique et est totalement indépendant des propos et opinions négationnistes de William Richardson, que l’Église a expressément réprouvés. Elle a néanmoins été maladroite et imprudente, dans un processus sur lequel on peut émettre des réserves (personnellement, j’en ai à revendre). Mais c’est pas vendeur, coco. Alors on va plutôt titrer que l’Église a réintégré un évêque négationniste. C’est faux, mais on va faire un tabac sur le lectorat anticlérical. Déjà que le pape est allemand et a appartenu aux jeunesses hitlérienne, si avec ça, on vend pas du papier, c’est que les NMPP nous auront fait le coup de la grève.
L’excommunication de la fillette
Au Brésil, une fillette de neuf ans, enceinte de jumeaux issus de son viol répété par son beau-père, avorte, notamment parce que cette grossesse met sa santé en danger, pour des raisons évidentes.
L’archevêque de Recife (et non le Pape) va prononcer à cette occasion une excommunication, non pas de la fillette mais de sa mère (qui a décidé de l’avortement) et de l’équipe médicale qui y a procédé. En tant que catholique, quand j’ai entendu la nouvelle, j’ai pensé, comme sans doute tous les catholiques : « Monseigneur, avec tout l’amour du Christ, vous êtes trop c… ».
la preuve que je ne suis pas le seul : l’excommunication a été annulée par la Conférence des Évêques du Brésil, et que le Vatican a pris position, version française, très clairement par la voix du président de l’Académie pontificale pour la Vie :
Carmen devait être avant tout défendue, embrassée, caressée avec douceur pour lui faire sentir que nous étions tous avec elle ; tous, sans aucune distinction. Avant de penser à l’excommunication, il était nécessaire et urgent de sauvegarder sa vie innocente et de la ramener à un niveau d’humanité dont nous, hommes d’Église, devrions être experts et maîtres dans l’annonce. Cela n’a malheureusement pas été le cas, et la crédibilité de notre enseignement s’en ressent, qui apparaît aux yeux de beaucoup comme insensible, incompréhensible et sans aucune miséricorde.
C’est vrai, Carmen portait en elle d’autres vies innocentes comme la sienne, même si elles étaient le fruit de la violence, et qui ont été supprimées ; mais cela ne suffit pas pour porter un jugement qui tombe comme un couperet. (…)
Carmen, nous sommes avec toi. Nous partageons avec toi la souffrance que tu as éprouvée, nous voudrions tout faire pour te rendre la dignité dont tu as été privée et l’amour dont tu auras encore plus besoin. Ce sont d’autres personnes qui méritent l’excommunication et notre pardon, pas ceux qui t’ont permis de vivre et t’aideront à retrouver l’espoir et la confiance. Malgré la présence du mal et la méchanceté de beaucoup.
Mais, ça, pareil, pas vendeur, vous aurez du mal à trouver une mention dans la presse (sauf La Croix et Ouest-France). Pas vendeur, trop compliqué, il faut des méchants méchants. Là encore, il y a au départ une attitude critiquable au départ, avec une présentation biaisée, voire fausse.
Le préservatif inefficace.
Tollé, scandale : ça faisait des années qu’on attendait que le pape prononce le mot préservatif (Jean-Paul II ne l’a jamais fait, même si depuis 1993, on l’accuse d’avoir interdit l’usage du préservatif…).
Voici précisément ce qu’a dit le Pape :
Je dirais qu’on ne peut pas résoudre le problème du SIDA avec l’argent, même s’il est nécessaire. On ne peut pas résoudre le problème du SIDA avec la distribution de préservatifs ; au contraire elle aggrave le problème. la solution est double : d’abord, une humanisation de la sexualité, un renouveau spirituel, humain, intérieur, qui permet ainsi de se comporter différemment avec les autres. Et deuxièmement, une amitié, une disponibilité pour les personnes qui souffrent.
Je ne sais pas par quel miracle cette phrase est devenue : « je dis que le préservatif est inefficace contre le SIDA, surtout n’en mettez pas en cas de relation sexuelle passagère ». Mais le miracle a eu lieu.
Donc, le Pape dit que la distribution de préservatif n’est pas la solution au problème du SIDA en Afrique.
En effet, depuis 2009 ans, l’Église prône la chasteté. Pas de relation sexuelle avant le mariage, pas de relation sexuelle hors mariage. Une relation sexuelle hors de ce cadre est pour elle un péché. Ajoutons à cela que pour elle, toute relation sexuelle doit laisser une chance à la vie. Donc, l’Église est hostile à la contraception mécanique ou chimique.
Vous n’êtes pas d’accord ? Libre à vous (quoique si vous n’êtes pas catholique, je me demande bien ce que ça peut vous faire, mais bon…). Mais admettez que la position de l’Église a le mérite de la cohérence, et que la fidélité à un partenaire unique est une parade efficace à l’épidémie (des milliards d’êtres humains vivent comme cela et ne sont pas porteurs du virus).
Le reproche, fait violemment, à l’Église est de ne pas promouvoir l’usage du préservatif. Mince alors, l’Église ne fait pas la promotion du péché ! C’est dingue, ça. Et là où ça devient ignoble, c’est de jeter à la face du pape les millions de morts et de malades de l’Afrique en laissant entendre qu’il tient une part de responsabilité dans cette tragédie. Il est vrai que face à l’horreur, il est apaisant de trouver un coupable à blâmer. On se sent mieux. C’est rassurant.
Mais le pape est le chef de l’Église (et non le représentant de Dieu sur terre comme je le lis encore régulièrement) : ses propos s’adressent aux catholiques. Insinuer que des non catholiques vont suivre ses instructions est ridicule, mais surtout, penser que des personnes vont comprendre ce propos comme : « Ayez des relations sexuelles multiples avec plusieurs partenaires si vous voulez, mais SURTOUT, ne mettez pas de préservatifs, jamais, ça ne sert à rien, et au contraire, ça peut vous donner le SIDA » est absurde, et insultant pour l’intelligence des Africains.
À moins bien sûr qu’ils ne lisent la presse française.