Le 1er janvier 2009, il va y avoir du neuf dans le droit d'asile.
L'ex-commission de recours des réfugiés (CRR), devenue il y a un an la Cour Nationale du Droit d'Asile (CNDA), qui vient de recevoir le prix de la non-mise à jour de son site internet, et qui est la seule juridiction compétente pour connaître en appel des décisions de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA - attention, site moche) en matière de demande d'asile, dont je vous ai déjà parlé ici, va être rattachée au Conseil d'État, pour mettre fin à sa dépendance organique et surtout budgétaire vis à vis de l'OFPRA.
En effet, vous connaissez beaucoup de juridiction d'appel siégeant dans des locaux loués par votre adversaire et tournant avec du personnel fourni par ce même adversaire ? Avec la CNDA, c'était possible.
Et au passage, l'aide juridictionnelle va être accordée aux demandeurs d'asiles déboutés par l'OFPRA.
« — Quoi ? On va filer des sous aux avocats de la défense ? Combien ?
— 200 euros, chef.
— 200 euros ? Ha, ça va, c'est pas beaucoup. Mais tout de même. Y'aurait pas un moyen d'en gratter un petit peu ?
— Chef ! Chef !
— Oui, Durand ?
— J'ai une idée ! »
Le président
ALX/PR-C-2008-147
Bâtonnier
Ordre des avocats à la cour de Paris
11, place Dauphine
75053 Paris CEDEX 01
Monsieur le Bâtonnier,
Le rapprochement de la Cour nationale du droit d'asile avec le Conseil d'État au 1er janvier 2009 va conduire à aligner les pratiques de la juridiction avec celles des autres juridictions administratives.
Ainsi, le changement de prestataire de location des photocopieurs s'accompagnera de la mise à disposition en salle d'accueil avocats d'un photocopieur payant, à pièces ou à cartes.
(…)
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Bâtonnier, l'expression de ma parfaite considération.
Signé : François BERNARD, président de la CNDA.
(Source : Bulletin du barreau de Paris, n°42, 9 déc. 2008, p.437)
« — Durand, vous êtes un génie ! Vous finirez préfet !
— Vous me l'avez déjà dit, chef.»
Explications : l'étranger débouté de sa demande d'asile par l'OFPRA peut exercer un recours juridictionnel devant la CNDA, avec l'assistance d'un avocat. Jusqu'à présent, l'avocat était à la charge du demandeur d'asile (qui n'a plus le droit de travailler pendant l'examen de sa demande depuis le 1er octobre 1991, et qui touche à la place une allocation mensuelle de 400 euros environ, payée par… les Assedic).
Désormais, l'avocat pourra être indemnisé 200 euros au titre de l'aide juridictionnelle. Autant vous dire que les avocats vraiment spécialisés en la matière refuseront l'aide juridictionnelle. L'avocat a le droit de consulter le dossier au greffe de la CNDA, après l'avoir demandé par écrit (le dossier est mis à sa disposition sous 48 heures à réception de sa demande, pendant 10 jours, ou 48 heures si le dossier a une date d'audience fixée), et d'en obtenir une copie.
Jusqu'à présent, les avocats des barreaux d'Île de France avaient un photocopieur à disposition (en fait plusieurs, mais ils tombent en panne à tour de rôle, c'est très bien organisé) pour faire ses photocopies lui-même. Gratuitement, mais lui-même. Les avocats des barreaux hors Île de France avaient le privilège de se faire envoyer directement la copie faite par les petites mains de la CNDA (les assistants de protection). Gratuitement aussi.
Fini. Désormais, il faudra payer à la page. Combien ? Je l'ignore encore. Comment feront les avocats extérieurs à l'Île de France ? Je l'ignore. Ce serait cocasse de leur demander de venir de Lille ou de Lyon pour faire des photocopies de leur dossier. Si quelqu'un a des infos…
Un dossier CNDA fait une taille assez variable. Mais il y a au moins 16 pages de dossier de demande d'asile, plus éventuellement des pages supplémentaires pour détailler le récit, parfois des pièces démontrant que les craintes du demandeur sont fondées, le compte-rendu d'entretien avec un Officier de Protection à l'OFPRA, qui fait une dizaine de pages voire plus, un document appelé "l'établissement des faits" et qui est rédigé par l'officier de protection qui a reçu le demandeur, fait la synthèse de ses allégations et commente leur caractère fondé ou non, et mentionne des observations liées à l'entretien (comportement du demandeur, problème d'interprétariat, etc…), de quelques pages.
Le compte rendu d'entretien, pièce fondamentale pour la défense, doit désormais nous être communiqué gratuitement, pas de bol, c'est la loi qui l'exige (article R.723-1-1 du CESEDA). Mais l'établissement des faits, non. Et le dossier de demande initiale non plus, et il peut avoir son importance. Bref, pour chaque dossier, on a 20 à 30 pages à photocopier, parfois plus.
Imaginez déjà la joie d'un avocat qui doit se déplacer à la juridiction pour faire lui-même les copies (n'envoyez pas un stagiaire, il n'aura pas accès au dossier). Et en prime, il devra les payer lui-même. Hop, deux demi-journées de bouffées pour 200 euros. Moins le prix des photocopies. Si avec tout ça, on n'arrive pas à dégoûter les avocats de la matière, c'est à désespérer de leur cupidité.
Mais le pompon, c'est la justification. « Aligner les pratiques de la juridiction avec celles des autres juridictions administratives. »
Heu, M'sieur le président, les autres juridictions administratives, je les pratique, vous savez. On ne me fait jamais payer les photocopies des dossiers où j'interviens, et on me demande encore moins de venir les faire moi-même. Au pire, on me les faxe (et sans que j'aie seulement à le demander), surtout dans les dossiers de référé et de reconduite à la frontière, donc les frais d'impression sont donc de fait pour moi, mais jamais, nulle part, je n'ai à me rendre sur place pour effectuer ou demander des photocopies de quoi que ce soit. Et même que lors des audiences de reconduite à la frontière, si je produis une pièce à l'audience que j'ai pu me procurer in extremis, le greffier me fait obligeamment les photocopies, gratuitement. Ça s'appelle le respect du contradictoire, et les juridictions administratives sont psychorigides là-dessus. C'est est freudien.
Il est exact qu'il y a des photocopieurs à pièce dans tous les greffes des juridictions administratives (tribunaux administratifs, cours administratives d'appel, Conseil d'État), mais c'est essentiellement pour les requérants sans avocats qui découvrent en se présentant au greffe que leur requête et leurs pièces doivent être déposées en quatre exemplaires (au moins : c'est en nombre égal à celui des parties augmenté de deux). En aucun cas pour que les avocats puissent venir effectuer à leur frais la copie des pièces et mémoires adverses, qui précisément sont communiqués en plusieurs exemplaires pour éviter ces frais à la partie adverse.
Faites des économies minables si ça vous chante, monsieur le président, mais ayez au moins la décence de ne pas vous payer ma tête par dessus le marché.