Notre Bâtonnier bien-aimé s'est fendu aujourd'hui d'un communiqué qui, chose rare, me laisse sans voix, ce qui ne m'empêche pas, je ne suis jamais à une prouesse près, de prendre la parole pour disconvenir respectueusement.
Le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris a estimé mardi que la juge d'instruction, qui a délivré le mandat d'amener à l'encontre de l'ancien directeur de publication de Libération, Vittorio de Filippis, "aurait dû être suspendue". Cette magistrate du tribunal de grande instance de Paris "aurait dû être suspendue par le ministre de la Justice, à l'initiative du Conseil supérieur de la magistrature, en raison de la violence qu'elle s'est autorisée à l'égard d'un journaliste", écrit Christian Charrière-Bournazel dans un communiqué.
Tout d'abord, s'agissant d'un juge d'instruction, magistrat du siège, c'est le Conseil Supérieur de la Magistrature qui prend la décision de suspension, à l'initiative du ministre de la justice (art. 50 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature). Know thy enemy.
Ensuite, cette décision suppose l'urgence. Monsieur de Filippis et son désormais célèbre slip ayant tous deux retrouvé la liberté quelques heures après cette interpellation qui, quoi qu'on en pense sur l'opportunité, était légale, il me paraît difficile d'invoquer une quelconque urgence, l'existence même d'une faute paraissant douteuse.
Qu'il me soit donc permis d'émettre une opinion dissidente et de me désolidariser expressément avec ce communiqué, que je trouve infondé, inopportun, et mâtiné d'un rien d'opportunisme, ce qui me déplaît attendu qu'il est un peu pris en mon nom. Au moins, on aura échappé au point Godwin.
Il regrette qu'"aucune haute autorité de la magistrature ni du Parlement ne (se soit) élevée pour condamner cette méthode digne de la Grèce des colonels ou de l'Espagne du franquisme".
Mais de justesse.