Il est arrivé, il est tout beau chaud, le rapport 2008 du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe à la suite de sa visite en France.
Un extrait, même si tout le rapport, publié en pdf sur le site du nouvelobservateur.fr, vaut la lecture, sur la procédure de demande d'asile en rétention.
L'hypothèse est la suivante : un étranger sans titre de séjour est placé en centre de rétention administrative en vue de sa reconduite à la frontière. Il peut alors présenter une demande d'asile pour expliquer qu'il peut avoir des craintes pour sa vie, son intégrité physique ou sa liberté s'il retourne dans son pays d'origine. La procédure de reconduite à la frontière est (théoriquement vous allez voir) suspendue pendant l'examen de cette demande qui doit être faite par l'OFPRA en priorité absolue, la réponse devant être donnée en 96 heures, ce qui inclut un entretien avec un Officier de Protection au siège de l'OFPRA à Fontenay Sous Bois, dans le Val de Marne (la visioconférence est possible mais rare pour le moment, peu de centres de rétention étant équipés).
La demande d'asile est un formulaire de 16 pages, à remplir obligatoirement en Français, dans un délai de cinq jours. Chaque rubrique est importante, y compris l'état civil, la plus importante étant le récit du demandeur, qui doit préciser pourquoi il a des raisons de craindre des persécutions. C'est l'élément central, essentiel, plus encore que les pièces qui sont regardées avec circonspection par l'OFPRA, tant il y a de faux en la matière.
Récapitulons : cinq jours. Dossier de 16 pages. Dans une langue inconnue.
Dossier incomplet, pas en Français, pas rendu à temps ? Dossier poubelle, étranger avion.
Côté obstacles, ça suffit ?
Non, on peut faire mieux. (Les gras sont de moi.)
123. La procédure de demande d’asile pour les étrangers retenus dans les centres de rétention administrative est traitée de manière prioritaire. En 2007, 1 436 personnes ont demandé l’asile en rétention ce qui représente plus de 20 % des demandes dites « prioritaires ». La législation prévoit que les personnes retenues doivent formuler leur demande d’asile dans un délai maximum de cinq jours. Cette demande doit être rédigée exclusivement en langue française et le retenu ne peut bénéficier de l’assistance gratuite d’un traducteur. En plus du délai extrêmement court pour rédiger leur demande et collecter les documents nécessaires, les étrangers sont parfois confrontés à des difficultés matérielles insurmontables en fonction du CRA dans lequel ils sont retenus : interprétation quasi inaccessible même pour ceux pouvant se l’offrir, interdiction dans certains centres de posséder un stylo (considéré comme dangereux), absence de locaux adaptés pour rédiger une demande d’asile. Dans son rapport publié le 10 décembre 2007, le CPT recommande que ce délai soit porté à 10 jours. De son côté le Comité contre la torture des Nations Unies s’était dit « préoccupé par le caractère expéditif de la procédure dite prioritaire concernant l'examen des demandes déposées dans les centres de rétention administrative ou aux frontières, qui ne permet pas une évaluation des risques conformes à l'article 3 de la Convention ».
— J'ai une super idée pour faire des économies en limiteant le nombre de dossiers : si en plus, on les privait d'interprètes, et de stylos ?
— Durand, vous êtes un génie : vous finirez préfet !
124. La procédure impose un délai extrêmement bref pour la formulation de la demande d’asile, elle contraint aussi l’OFPRA à analyser la demande et à statuer dans un délai de 96 heures. L’ensemble de la procédure d’asile dans les centres de rétention apparaît donc comme expéditive laissant implicitement présumer que la demande est abusive. De surcroît, le demandeur ne dispose pas d’un recours effectif contre la décision de rejet car l’appel devant la CNDA n’est pas suspensif.
— Mais si, voyons, ce Tchétchène devait se voir accorder le statut de réfugié, enfin !
— Ben… On l'a renvoyé en Tchétchénie, Monsieur le Président.
— Bon, alors ce sera à titre posthume. L'important, c'est que la France soit à la hauteur de sa vocation de terre d'asile.
Il peut toutefois contester la décision administrative d’éloignement devant les juridictions administratives.
Exact, mais la contestation d'un éventuel refus d'asile par l'OFPRA dans le cadre de l'examen de la légalité de la reconduite à la frontière est irrecevable.
Le rapport de 2006 avait déjà fait état de ces considérations, le Commissaire réitère ses préoccupations et invite les autorités françaises à revoir au plus vite les mécanismes et délais liés aux demandes d’asile en rétention.
Comprendre : ça fait deux ans qu'on vous dit que vous violez les droits de l'homme sur ce point et rien n'a été fait. C'est pas comme si deux lois avaient été votées sur l'asile dans l'intervalle, non plus. Ah si, tiens, c'est balot.
Mais il y a mieux. Si. Si. Il y a mieux. Il est des moments où l'incurie confine à la poésie.
125. Enfin, des organisations ont indiqué au Commissaire plusieurs cas dans lesquels des demandeurs d’asile retenus étaient présentés à leur consulat, dans le but d’obtenir un laissez-passer consulaire, alors que la demande d’asile est en cours d’examen à l’OFPRA. Une telle présentation met en danger non seulement la personne retenue qui demande justement la protection de la France en raison de menaces pesant sur elle dans son pays, mais aussi sa famille ou ses proches qui y demeurent encore. Le Commissaire invite instamment les autorités françaises à assurer que de telles pratiques soient immédiatement prohibées.
Un réfugié, c'est souvent un opposant au régime ou le membre d'une minorité opprimée qui s'est enfui, et parfois des mains même de ses bourreaux. Généralement, sa famille est encore sur place, surtout s'il a de jeunes enfants. On s'enfuit mieux tout seul. Et là, on l'amène au consulat du pays qu'il fuit, clic-clac merci la photo, on leur donne son nom, son adresse, ses date et lieu de naissance et on leur demande “ Vous le connaissez ? Vous acceptez de le reprendre si on vous le rend ? Merci, on revient dans 15 jours. ”
Elle est pas belle la vie ?
Allez, bon week end.