Mon agenda risque fort de me tenir éloigné de mon blog cette semaine (si mes colocataires se sentent inspirés, c'est le moment).
Néanmoins, quelques infos en vrac qui ne peuvent attendre un retour à la normale.
► Le « gilet jaune » est entré en vigueur aujourd'hui. J'avais raison, l'arrêté ministériel nécessaire n'avait pas été publié, mais il avait bien été signé le 28 septembre, soit 48 heures avant l'entrée en vigueur. Les délais de parution au JO ont fait que le gilet jaune n'est entré de fait en vigueur qu'aujourd'hui, lendemain de la publication des arrêtés, conformément à l'article 1er du Code civil.
Merci à mes lecteurs qui m'ont signalé l'arrêté du 29 septembre 2008 relatif au gilet de haute visibilité (NOR : DEVS0819336A) et en ce qui concerne le triangle rouge, l'arrêté du 30 septembre 2008 relatif à la présignalisation des véhicules (NOR : DEVS0819338A).
Que faut-il en retenir ?
Pour le gilet, il n'a de gilet que le nom : tout vêtement ouvrant le haut du corps est considéré comme un gilet. Donc, pour les cyclistes hors agglomération un jour de pluie, un poncho peut être un gilet s'il est réfléchissant, comme ce modèle, sous réserve de sa conformité aux normes.
S'agissant des normes, justement, l'arrêté renvoie au code du travail. les normes sont les mêmes.
Et quelles sont-elle, ces normes ? Elles figurent à l'annexe II de l'article R.4312-23 du Code du travail, article 2.13. Oui, je sais, c'est super facile à trouver pour l'automobiliste moyen, mais le législateur adore ce genre chasse au trésor réglementaire. Je ne résiste pas au plaisir de vous recopier ici cette norme, tant elle est magnifique (les gras sont de moi) :
2. 13. Équipements de protection individuelle vestimentaires appropriés à la signalisation visuelle de l'utilisateur
Les équipements de protection individuelle vestimentaires destinés à des conditions prévisibles d'emploi dans lesquelles il est nécessaire de signaler individuellement et visuellement la présence de l'utilisateur comportent un ou plusieurs dispositifs ou moyens judicieusement placés, émetteurs d'un rayonnement visible direct ou réfléchi ayant une intensité lumineuse et des propriétés photométriques et colorimétriques appropriées.
Automobiliste, attention : avant d'acheter votre gilet qui n'est pas forcément un gilet sur le premier marché venu, vérifiez bien que les dispositifs soient judicieusement placés (exemple : devant les yeux = FAIL), et que les propriétés photométriques et colorimétriques soient appropriées, et n'hésitez pas à tancer vertement le ruffian qui voudrait vous refourger des propriétés photométriques inappropriées. On ne vous la fait pas, à vous. Vous lisez maître Eolas.
Bon, plus sérieusement, le salut vient d'un autre article du code du travail, l'article R.4313-61, qui impose au fabriquant de ces équipements une déclaration préalable de conformité aux normes européennes avant la mise sur le marché, et une attestation de conformité délivrée par un organisme habilité (arrêté du 18 décembre 1992, JO 31 p.18158). Ce sont ces normes européennes qui définissent de manière très stricte les propriétés de ces équipements, mais je vous confirme que rien n'impose à ce gilet d'être jaune.
Donc, à compter de ce jour, ça y est, vous pouvez être verbalisés.
► Sur le jugement de Jean Sarkozy :
Loi de Murphy des blogs. C'est quand vous aurez fait votre BSV[1] sur une décision de justice que quelqu'un publiera la décision, rendant votre travail grandement caduc. Cette fois-ci, c'est de Pascale Robert-Diard que vient le coup de poignard, qui a retranscrit la décision sur son indispensable blog.
Voici la motivation du jugement sur le fond :
(…)Le simple fait de relever le numéro d’immatriculation d’un véhicule terrestre à moteur, quelles qu’en aient été les circonstances, ne pouvait à lui seul constituer un élément suffisamment probant de nature à établir l’existence d’un accident de la circulation.
Des lecteurs se posaient la question de savoir comment la partie civile avait-elle pu avoir connaissance du numéro de scooter de Jean « Hellrider » Sarkozy. Le tribunal leur répond : peu importe, le fait d'avoir ce numéro ne prouve pas la réalité de l'accident qui est la condition d'existence du délit. Effet de la présomption d'innocence : la parole de la victime ne saurait suffire. Il faut d'autres preuves, qui ci faisaient défaut. Aucun témoin direct du choc (les passagers ont entendu un bruit et vu le scooter partir), l'attestation du passager n'établissant rien d'autre.
Et ce d’autant plus qu’il résultait:
- d’une première expertise (…) sollicitée par le conseil du prévenu aux fins de donner un avis technique relatif à la compatibilité et à la crédibilité des déclarations de M. B., ainsi qu’au regard des constatations effectuées par l’expert de la MAAF sur le véhicule BMW, qu’il “n’est pas possible que le scooter ait percuté l’arrière du véhicule car en cas de choc, la roue est engagée sous le pare-chocs et c’est le garde boue qui vient taper le haut du pare chocs et en aucun cas abîmer le bandeau latéral, comme cela a été constaté par l’expert de la MAAF et que les désordres constatés ne correspondent pas à l’accident déclaré le 14 octobre 2005 en ce qui concerne le point de choc”.
- et d’une seconde expertise d’un expert diligenté par le tribunal que: “dans le cas où le scooter de M. Sarkozy aurait percuté le véhicule BMW sur sa partie latérale gauche comme déclaré par M. B., des dommages auraient été occasionnés par la poignée de frein du deux roues sur l’aile arrière gauche et nous aurions trouvé des traces sur le bord extérieur droit du tablier avant du scooter (effet de miroir). L’équilibre de ce type de scooter étant précaire, le choc aurait sûrement provoqué la chute sur le côté, ainsi que celle de M. Sarkozy, ce qui ne semble pas avoir été le cas. La reconstitution que nous avons effectuée ne permet pas d’affirmer qu’il y a eu un choc entre les deux véhicules en cause car nous n’avons pas pu constater sur le scooter une quelconque trace ou déformation pouvant être imputable au choc prétendu”.
Par conséquent, dès lors que la matérialité même de l’accident dénoncé était formellement écartée, les infractions reprochées au prévenu ne sauraient être caractérisées.
La condamnation aux 2000 euros repose bien sur l'article 472 du CPP et traduit le reproche fait par le tribunal de l'entêtement à agir de la victime malgré un dossier vide. La demande était de 4000 euros, et faisait écho à la demande de la partie civile de 4000 euros au titre du préjudice moral.
La partie civile a décidé de faire appel, essentiellement explique-t-elle, pour demander l'infirmation de cette condamnation à 2000 euros. Ça s'appelle jouer à quitte ou double.
Notons au passage l'orthodoxie du jugement, qui déclare recevable la partie civile mais, eu égard à la relaxe du prévenu, le déboute de ses demandes. J'applaudis : trop de tribunaux déclarent à tort la partie civile irrecevable en cas de relaxe. La recevabilité dépend de deux choses essentiellement : les faits doivent être constitutifs d'une infraction, et la partie civile en être la victime directe. Si ces conditions sont remplies, elle est recevable. Mais si le prévenu est relaxé, que ce soit parce que les faits ne sont pas établis ou que le prévenu n'en est pas l'auteur, la partie civile est déboutée au fond.
► Le jugement de relaxe du Bâtonnier Hoarau :
Un confrère de l'île aux tribunaux tous saints m'a envoyé une copie du jugement, rédigé exceptionnellement pour l'audience de délibéré, l'affaire, fort médiatique, risquant de faire l'objet d'un appel.
Je publierai demain le texte du jugement, du moins les motifs complets. Sachez pour le moment que le tribunal a déclaré irrecevable la citation en considérant que les propos du bâtonnier étaient bel et bien couverts par l'immunité de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881… au bénéfice du doute.
En effet, le parquet présent à l'audience n'avait pas fait réserver l'action en diffamation. Cela ne rend pas moins recevable l'action sur plainte du garde des Sceaux, puisqu'elle était tiers à l'audience ; car plainte il y a bien eu, le 13 juin 2008, sous forme d'une instruction ministérielle adressée au directeur des affaires criminelles et des grâces (qui n'a jamais autant mérité son nom que depuis l'arrivée de l'actuelle Garde des Sceaux…).
Néanmoins, une réserve d'action conduit le greffier à citer précisément les propos tenus et les circonstances où ils ont été tenus, afin de permettre au tribunal de juger si l'immunité de l'article 41 s'applique ou si les propos sont extérieurs à l'affaire. Cela n'a pas été fait. Le tribunal ne peut que constater, d'après les notes d'audience du greffier, au demeurant fort longues, révélant la complexité de l'affaire, que le prévenu de la première affaire avait, dans le cadre de l'escroquerie qui lui était reprochée, produit des faux, et que les propos litigieux parlaient aussi de faux. Le bâtonnier Hoarau soulève qu'il tenait un raisonnement par analogie, tendant à relativiser la gravité des faits commis par son client. Aucun élément n'étant produit par l'accusation pour battre en brèche cette argumentation, le tribunal considère que ces propos, dans ce cas, « ne dépassaient pas les limites d'une défense légitime, et ne peuvent être considérés comme étrangers ni inutiles à la cause défendue ».
Soyez sages, bonne semaine, à bientôt.
Notes
[1] Billet Sans Visibilité