Nicolas Sarkozy, le 13 octobre 2006 :
Je ne veux pas faire une discrimination positive sur des critères ethniques qui serait la négation de la République. Mais je veux que sur la base de critères économiques, sociaux, éducatifs, on mette tous les moyens nécessaires pour combler des écarts qui sont devenus insupportables et qui mettent en péril la cohésion nationale.
Il faut aider ceux qui veulent s’en sortir à s’en sortir.
Ou éventuellement les empêcher d'entrer.
La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité (HALDE, mais on devrait dire HALDÉ), apprends-je via Michel Huyette (attention : site en Comic Sans), a rendu trois délibérations, non encore publiées sur son site, relevant trois cas de discrimination à l'embauche… à l'École Nationale de la Magistrature.
Ainsi, soit un poste vacant pour enseigner aux bébés embastilleurs[1] les mystères et gloires de la fonction de juge d'application des peines. Soit le magistrat A. et le magistrat B., tous deux candidats à ce poste.
Le magistrat A. a été quatre années juge d'application des peines (JAP). Le magistrat B., un an. Avant d'être JAP, le magistrat A. a exercé dans quatre postes différents, contre un seul pour le magistrat B. Le magistrat A. a enseigné en faculté et est déjà intervenu ponctuellement devant des auditeurs de justice, ce qui n'est pas le cas du magistrat B. Ajoutons que le magistrat A. comme le magistrat B. sont tous deux des femmes, ce qui exclut que ce critère soit pertinent. Le directeur de l'École, qui doit donner un avis, indique sa préférence pour le magistrat A.
Seulement voilà, le magistrat A. exerce des responsabilités dans le Syndicat de la magistrature (SM), clairement marqué à gauche.
Et, mystères de la vie, c'est le magistrat B. qui est pourtant finalement retenu par la Chancellerie (la décision relevant du Garde des Sceaux, qui n'a pas à indiquer les motifs de son choix).
Le magistrat A., supputant une discrimination de nature politique, saisit la HALDE, qui demande des explications. La réponse de la Chancellerie vaut son pesant de canapés Dalloyau : le magistrat B. a été préférée car… elle parle mieux l'anglais. Et Dieu sait que pour former des futurs JAP aux mystères de la computation de la mi-peine, l'anglais est indispensable.
Et par trois fois estimera la HALDE (délibérations 2008-186, 2008-187 et 2008-188), des membres du Syndicat de la magistrature présentant objectivement un meilleur profil que d'autres impétrants seront écartés au profit de candidat plus… politiquement corrects.
Pour citer Michel Huyette, dont je partage pleinement l'opinion :
Ce qui rend beaucoup plus mal à l'aise, c'est de savoir que les décisions telles les recrutements à l'Ecole de la magistrature sont prises au plus haut niveau du ministère de la justice, de fait par la ministre et ses plus proches collaborateurs. Or le premier cercle autour de tout Garde des sceaux est constitué de.... magistrats qui, la plupart du temps, obtiennent des postes prestigieux lorsqu'ils retournent en juridiction, notamment des postes de procureur général dans une cour d'appel. Or la ministre de la justice a demandé il y a quelques mois que dans chaque tribunal un membre du Parquet (un substitut du procureur de la République) soit spécialement chargé de traquer et de poursuivre devant les tribunaux correctionnels les auteurs de toutes formes de discrimination. Et ses proches collaborateurs quand ils deviendront procureurs généraux transmettront très certainement aux procureurs dont ils seront les supérieurs hiérarchiques des consignes de fermeté envers toute personne ayant décidé de mettre en œuvre un mécanisme discriminatoire, par exemple lors de l'embauche en entreprise.
Décidément, place Vendôme, l'air pince rudement, et il fait très froid.