Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mercredi 10 septembre 2008

mercredi 10 septembre 2008

Y'a pas de mal à préférer le Vélo'V au Vélib'

J'avoue avoir parfois du mal à comprendre l'intérêt de certains de mes confrères pour créer des polémiques à partir de rien.

Épisode du jour : le procès intenté par la LICRA au dessinateur Siné, pour « incitation à la haine raciale », à la suite de la tribune de ce dessinateur sur la supposée conversion au judaïsme du président du groupe UMP au Conseil Général des Hauts de Seine pour pouvoir épouser sa fiancée, par un contrat de mariage de confiance.

Mon confrère Alain Jakubowicz, avocat de la Ligue, a cité le tempétueux dessinateur devant le tribunal correctionnel de Lyon.

Mon confrère Jean-Yves Halimi, dans une tribune publiée sur Rue89 où il défend Siné, pose cette question :

Pourquoi Lyon et non Paris où l’hebdomadaire concentre un plus grand nombre de lecteurs et de victimes potentielles de la prétendue provocation ?

ajoutant plus bas :

Enfin le choix de Lyon plutôt que de Paris sur lequel différentes interprétations circulent et que j’ai traité sur une forme interrogative m’apparaît découler du souci de la LICRA de ne pas se retrouver devant la juridiction qui a relaxé Val au nom de la liberté de critiquer une religion lorsqu’il a été poursuivi pour les caricatures de Mahomet et de poursuivre Siné pour les mêmes raisons qui avaient valu à Val d’être lui-même attaqué.

Le texte litigieux ayant été publié dans un journal à diffusion nationale, pouvait en effet connaître de l'affaire tout tribunal de grande instance de France dès lors qu'on pouvait prouver que le journal a été distribué dans son ressort (une facture d'un kiosque à journaux suffit).

L'avocat du dessinateur, mon confrère Dominique Tricaud, a demandé à ce que l'affaire soit renvoyée devant le tribunal de Paris, évoquant le fait que son client avait auparavant cité le journaliste Claude Askolovitch pour diffamation devant ce tribunal, pour avoir qualifié son client d'antisémite. C'est ce qu'on appelle une exception de connexité (article 203 du CPP).

Refus du tribunal de Lyon : l'affaire sera bien jugée aux pieds de Fourvière et de la Croix-Rousse.

Réaction de l'avocat de la Ligue après cette victoire procédurale :

« On a dit aussi que le juge lyonnais est un ami. Mais je connais aussi celui de Paris ! Il n’y a rien de tout cela. Ces réactions sont dictées par un parisianisme exacerbé. Il y a des chambres de la presse dans plusieurs grandes villes de France, et celle de Lyon est particulièrement compétente. L’audience est fixée fin janvier, le jugement tombera en mars ou avril. A Paris, j’aurais dû attendre au minimum un an de plus. »

L’avocat reconnaît que ce choix de « délocalisation » est « un coup de pied de l’âne » de sa part, « une provocation qui a marché ».

Vous aurez deviné que l'un des éléments déterminants est la durée de la procédure. Si Lyon statue plus vite que Paris, voici une excellente raison d'y aller plaider. Mais elle ne suffit pas en soi. Il y a d'autres chambres de la presse (à Nanterre par exemple) et rien ne dit que Lyon est le tribunal le plus rapide. Quant à l'accusation de parisianisme pour expliquer le choix de la capitale des Gaules, il prêtera simplement à sourire.

Mais il y a aussi une autre raison, qui, croyez-moi, est sans doute la plus déterminante.

Dominique Tricaud, avocat de Siné et demandeur à la jonction parisienne, est avocat au Barreau de Paris. Alain Jakubowicz, avocat de la LICRA, est avocat au Barreau de Lyon.

L'enjeu, c'est de plaider à 20 minutes de son cabinet à ou à deux heures de TGV. Pour l'avocat, ça compte, c'est l'emploi du temps de la journée qui en dépend. C'est le premier point auquel on s'intéresse quand on est saisi d'un dossier : où le faire plaider le plus près possible de chez soi ? Ou : comment transférer à l'adversaire les frais de déplacement et d'hôtellerie. Tactiquement, ça compte.

Pour les lecteurs de Rue 89, l'intérêt me paraît moins évident.

Pourquoi je n'ai pas parlé d'EDVIGE

J'ai reçu nombre de demandes, par courrier électronique ou en commentaires, d'un billet sur le fichier EDVIGE ; et au passage aucune sur sa sœur CRISTINA, dont le décret n'a PAS été publié, le gouvernement ayant opposé le secret-défense (qui a dit le mot "leurre" en parlant d'EDVIGE ?). Au passage, je demande la prison pour celui qui a eu l'idée de donner un prénom aux fichiers de police, c'est insupportable. Ainsi, le gouvernement a tenté de créer un fichier qui ficherait entre autres les personnes rendant visite aux étrangers détenus en Centre de Rétention et ceux les hébergeant en cas d'assignation à résidence (montrer de la compassion à l'égard d'un étranger, c'est suspect), baptisé ÉLOI (pour ÉLOIgnement…). Le Conseil d'État y a mis bon ordre, trouvant qu'Éloi n'était pas sain.

La polémique sur EDVIGE a enflé, et rien n'est venu.

Un petit mot d'explication, des fois que l'on croie y voir de l'indifférence ou de l'approbation tacite.

Faire un billet prend du temps, matière durable, certes, mais non renouvelable. Il ya la rédaction proprement dite, bien sûr, mais aussi le travail de recherche.

Sur le droit des étrangers, le droit pénal, ou des sujets d'actualité qui font appel à des notions simples de droit (nullité d'un mariage, acquisition de la nationalité française), ces recherches sont pour moi très rapides : ce sont des domaines que je connais bien.

Mais la création d'un tel fichier est un processus juridique terriblement complexe, car le législateur, dans un moment d'égarement, a institué des garde-fous sans réaliser que le fou à garder c'était essentiellement lui-même.

Et j'ai un principe dans ce blog : mes billets doivent avoir une valeur ajoutée, apprendre quelque chose, éclairer le lecteur. Enfiler des clichés comme des perles sur les thèmes de 1984 et quand les nazis reviendront, ils seront bien content d'avoir accès à l'orientation sexuelle des syndicalistes, je le laisse à d'autres.

Un tel billet, dont je n'ai jamais écarté l'idée, m'aurait demandé un temps considérable, qu'en ces temps de rentrée je n'ai pas.

Désolé de vous faire défaut MAIS quand un Lieu-Commun tombe, un autre sort de l'ombre à sa place.

Il y avait plus compétent que moi pour faire ce billet et il l'a fait. Cliquez, allez, courrez, volez chez le professeur Frédéric Rolin qui vous narrera par le menu l'histoire de la génèse d'EDVIGE, et son contenu. C'est long, c'est dense, on dirait du Eolas, avec un plan en deux parties et deux sous-parties en plus.

Et je joins ma voix numérique à celle de l'éminent professeur : les pétitions, c'est bien (n'hésitez pas à la signer), les slogans, c'est sympa, mais le concret c'est mieux : exigeons la publication de l'avis du Conseil d'État sur le projet de décret. Puisque Gérard Gachet est serein, quel mal y a-t-il à ce que nous le soyons avec lui ?

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