Par Gascogne
La reconstitution est un acte de procédure important, voire incontournable, dans le cadre d'une instruction préparatoire, et même parfois dans le cadre d'enquêtes, préliminaires ou de flagrance. Dans les dossiers criminels autres que les viols (pour des raisons faciles à comprendre), le juge d'instruction convoque le mis en examen, la partie civile (si elle est vivante...) les avocats des parties, avise le procureur qui, le plus souvent, se rend également sur le lieux, et fait refaire aux parties les gestes qui furent les leurs au moment de la commission de l'infraction. L'intérêt de cet acte est de constater in situ si la version des uns et des autres est bien compatible avec la réalité du terrain.
Le problème qui se pose parfois, avec les fonctionnaires de police (les gendarmes sont bien plus conciliants), est de savoir qui doit jouer le rôle des participants, et particulièrement de la victime. On évite en effet en règle générale de remettre la victime face à son agresseur, le côté traumatisant de la chose paraissant évident, sauf à y voir une catharsis psychanalitique que personne n'a encore osée (mais en ces temps de victimologie développée, je m'attends à tout). On prévoit également un remplaçant au cas où le mis en examen ferait sa mauvaise tête (ça ne m'est arrivé qu'une fois, mais j'ai su être conciliant en expliquant au mis en examen qu'en son absence, je ne pourrai que m'en tenir à la version de son co-mis en examen qui le chargeait bien comme il faut...La déontologie des magistrats n'interdit pas la chafouinerie, par moments).
Il y a quelques années, des fonctionnaires de police du nord-est de la France avaient estimé qu'il n'était pas dans leurs attributions de fournir un « acteur » pour procéder à ce genre d'acte. La solutions trouvée par certains collègues de l'instruction était de faire appel à des intermittents du spectacle.
Outre le fait que refuser de donner suite à une réquisition judiciaire n'est rien de moins qu'un délit (cf notamment les articles 60-1 et 60-2 du CPP, ainsi que les articles qui y renvoient concernant l'instruction préparatoire), ce qui ne va pas sans poser problème pour un commissaire de police, faire travailler des acteurs dans le cadre d'un dossier couvert par le secret professionnel pose également question.
Le ministère de la justice semble cependant enclin à favoriser la lutte contre le chômage des intermittents du spectacle. Le cas est certes différent du problème posé par la reconstitution, puisque l'on ne touche plus là le problème du secret professionnel, mais il paraît tout de même suffisamment étonnant pour être signalé.
Dans le cadre d'un appel d'offre en date du 12 juin 2008, l'ENAP, basée à Agen (le site est ici) a proposé un emploi inhabituel pour cette école : elle a recherché un intermittent du spectacle pour jouer le rôle d'un détenu suicidaire et/ou présentant des troubles du comportement dans le cadre de la formation des surveillants pénitentiaires.
Il semblerait que l'on ne se soit pas bousculé au portillon agenais puisque seule une offre a été reçue. Pourtant, à 49 800 € la prestation, j'aurais été partant. Malheureusement, le ministère n'a pas pensé aux magistrats neurasthéniques pour tenir le rôle.
Dommage, ça aurait mis du beurre dans les épinards au moment des départs en vacances...