C'est ce que le premier président de la cour d'appel de Paris a rappelé dans une rafale d'ordonnances mettant fin à la rétention d'étrangers bénéficiant jusqu'à dimanche dernier de l'hospitalité de feu le Centre de Rétention Administrative de Paris-Vincennes.
Les étrangers retenus ont été répartis dans d'autres centres de rétention, un peu partout en France (certains jusqu'à Toulouse et Nîmes). Or parmi ceux-ci, certains qui avaient fait appel de la décision de maintien en rétention n'avaient pas encore vu leur recours examiné par le premier président de la cour d'appel, ou un Conseiller[1] par lui délégué.
Parmi eux, un étranger placé en rétention à Vincennes, le 18 juin, avait été transféré à Lille (en fait, à Lesquin), le 22 juin, veille de l’audience en appel devant la cour d’appel de Paris. À l’audience, le Conseiller délégué a constaté que l'étranger n'était pas présent, alors qu'il avait demandé à comparaître, ce qui est un droit pour lui, dont la violation est de nature à vicier la procédure, entraînant sa remise en liberté immédiate. L'État s'est fixé des règles lui permettant de priver des personnes de leur liberté ; il est permis d'exiger qu'il les respecte.
Le préfet de police a invoqué comme moyen de défense la force majeure, qui en droit s'entend d'un événement extérieur à celui qui l'invoque, imprévisible et irrésistible. Face à un cas de force majeure, la jurisprudence tolère le non respect des règles de droit qui étaient impossibles à respecter eu égard aux circonstances. Dans une formule lapidaire, le juge considère que « le non-transfert [du retenu] par le centre de rétention de Lille ne constitue pas un cas de force majeure ». L’ordonnance de prolongation de la rétention est infirmée et l'étranger aussitôt remis en liberté. À Lesquin, certes, mais libre. Le conseiller délégué n'a pas détaillé sa décision (que j'applaudis, vous l'aurez deviné), mais il est aisé d'en deviner les raisons : l'étranger était toujours sous la main de l'administration, privé de sa liberté. L'éloignement géographique (tout relatif : 220 kilomètres séparent la capitale des ch'tis de la capitale des titis) n'est pas une cause irrésistible permettant de faire bon cas des droits de la défense. D'autant plus que le Centre de rétention est tout près d'un aéroport…).
Dans un autre dossier, l’étranger avait été placé en rétention à Vincennes, le 21 juin, puis aurait été transféré au dépôt du Palais de justice, après un passage à l’Hôtel Dieu où il a été hospitalisé du 22 au 23 juin, avant d’être finalement transféré au centre de rétention du Mesnil Amelot. « Toutefois, ni l’acte d’arrivée au dépôt du palais de justice, ni le procès-verbal de conduite à l’Hôtel Dieu ne figurent au dossier de la procédure ». Le Conseiller délégué n'est pas en mesure de s'assurer de la situation juridique de l’intéressé du 22 au 23 juin. L’ordonnance de prolongation de la rétention est infirmée, toujours sous les applaudissements de votre serviteur.
Il y a eu une troisième décision qui remet en liberté un des étrangers, mais les motifs m'en sont inconnus. Dans le doute, je l'applaudis également.
Mon approbation ne va pas à la libération d'étrangers en situation irrégulière en soi, bien que je les préfère libres que prisonniers, question de goût. C'est au très opportun rappel fait à l'administration que s'agissant de décision privatives de liberté, des circonstances aussi exceptionnelles qu'un tel incendie ne justifient pas des libertés prises avec la loi pour prendre leur liberté à des hommes. Si face à cet imprévu, l'administration n'est plus en mesure de respecter la loi, sa décision devrait être de remettre d'elle-même en liberté ceux qu'elle ne peut plus légalement garder. Et non tordre le bras du juge en invoquant la force majeure.
La liberté ne cède pas face à ces contraintes. C'est là comme un mot d'amour, qu'il est doux d'entendre autant de fois qu'il est prononcé, sans lassitude même en cas de redites.