par Dadouche et Fantômette
De : Dadouche à : Fantômette
le 19 juin à 00 h 18
Objet : Calendrier à revoir
J'en ai marre ! Pendant que les garçons dissertent sur la virginité des anges et la non-rétroactivité des lois, je suis engloutie sous les audiences à cause des vacances. Deux mois à caser en un, j'ai l'impression de travailler à la chaîne.
Tu crois qu'on pourrait lancer un referendum pour supprimer le mois de juin du calendrier ?
De : Fantômette à : Dadouche
le 19 juin à 9 h 14
Re : calendrier à revoir
Et encore, toi, tu restes à ton bureau - même si quinze heures d'affilée. Pense à ces armées de collaborateurs qui hantent les
couloirs des tribunaux, hagards, et la robe à l'envers, un gobelet vide à la main. Tous exténués, tous.
Tiens, hier j'avais un train à 6h00, pour une audience à Farandole-sur-Mer. Je me suis plantée, j'ai fait l'aller-retour avec mon billet pour Frénésie-les-Neiges, où je plaidais aujourd'hui. Pas de contrôleur sur l'express de Farandole-sur-Mer, heureusement, je ne suis pas sûre que l'amende passait en note de frais. Et j'ai du longuement argumenter avec le contrôleur sur le train de Frénésie-les-Neiges pour lui faire admettre que si, pour être valable, un billet doit avoir été composté une fois, rien dans le règlement ne l'obligeait à considérer qu'un billet composté deux fois, dans deux gares différentes, soit moins valable.
Tous nos dossiers de postulation viennent pour clôture dans les quinze jours qui viennent. A la seule idée que mes patrons vont m'envoyer demander un renvoi à septembre pour au moins un dossier sur cinq, la faiblesse me gagne.
Dadouche, tu as raison. Il faut supprimer le mois de juin. Mais pas par référendum.
Par pitié.
Ce qu'il nous faut, c'est une bonne loi rétroactive d'application immédiate (en plus ça nous fera gagner du temps).
Qu'en penses-tu ?
De : Dadouche à : Fantômette
le 19 juin à 23 h 24
Objet : ménage d'été
Non, la rétroactivité immédiate aussi c'est déjà pris. Il faut trouver autre chose d'innovant, une vraie-réforme-que-les-Français-attendent.
Remarque, je me plains du mois de juin, mais quand je regarde mon programme de l'été...
Quand je pense qu'on appelle ça la période de service allégé !
Moi je le trouve en général aussi léger qu'une tartiflette. Une fois j'étais en même temps juge d'instruction, juge des enfants, juge de l'application des peines, le tout sur fond de comparution immédiate. Un peu plus et je faisais concierge.
Et c'est pas cet été qu'on devait repeindre le séjour que les garçons ont laissé tout dégueulassé après un France-Angleterre ? On s'était juré de profiter du "service allégé" pour faire tout ce qu'on peut pas faire pendant l'année parce qu'on a jamais le temps.
En fait plus j'y pense, plus je trouve que le pire c'est septembre, quand tu as le teint cireux trois jours après le retour.
Des fois on se demande si c'est la peine de partir.
Renseigne toi auprès de tes patrons sur les mythes et légendes du barreau, je vais en faire autant à la cour d'appel, on entendra peut être parler d'un artefact ancestral secret pour éviter le syndrome de la pile-du-retour-de-vacances-plus-grosse-que-celle-qu'on-s'est-échiné-à-écluser-avant-de-partir.
Ou sinon Véronique va nous expliquer comment nous organiser pour que ça n'arrive plus.
PS : j'espère qu'au moins tu as pris une glace sur la plage à Farandole-Sur-Mer ?
De : Fantômette à : Dadouche
le 20 juin à 23 h 04
Objet : RE : ménage d'été
Bon sang, oui, la peinture du séjour. On avait dit, finalement, on peindrait tout en pourpre.
Ah, les vacations judiciaires. "Tu verras, au mois d'août, c'est mort, il ne reste aucune affaire Fantômette." Aucune affaire, ha ha ha. Sauf les urgences.
Mon contrat de collaboration prévoit que je dois prendre quatre semaines de congé pendant les vacations judiciaires d'été, mais une règle implicite, d'une valeur manifestement supérieure, prévoit a) qu'un patron, qu'il soit n°1 ou 2, prend tous ses congés au mois d'août, et b) qu'un avocat au moins doit rester au cabinet en permanence.
Depuis deux ans, tout le mois d'août seul maître à bord, j'ai droit aux immeubles qui s'effondrent, enlèvements internationaux, divorces avec mesures urgentes, saisie sur compte bancaire du client institutionnel (qui ne peut plus payer ses salariés)... Naturellement, il faut y rajouter les comparutions immédiates... Les permanences garde à vue où tu tentes de trouver le commissariat dans un paysage dantesque, qui n'est plus qu'un immense chantier de travaux public...
L'année dernière, un client m'a appelée en catastrophe pour m'apprendre qu'il soupçonnait son débiteur d'organiser son insolvabilité. Il m'a demandé de bien vouloir mettre en place une procédure de saisie sur son navire (Oui. Un navire. Le type n'avait apparemment pas de compte en banque mais il avait un stupide bateau). J'ai cru que j'allais mourir ensevelie sous l'encyclopédie Jurisclasseur Huissiers de Justice et qu'on ne retrouverait mon corps qu'en septembre, quand Patron n°1 se rendrait compte que nos dossiers de postulation sont clôturés ou radiés les uns après les autres parce que personne n'a été demander de renvoi.
Au sujet de la pile-du-retour-de-vacances mystérieusement réévaluée à pile-de-départ-de-vacances fois deux, mes patrons me confirment l'existence d'une astuce, mais à l'effet rebond redoutable, qui consiste à repousser le mois de septembre au mois d'octobre. Ils disent : dis à ton amie d'embaucher un collaborateur et qu'il aille demander des renvois (ils n'ont pas du retenir que t'étais magistrate).
Que dit la Cour d'Appel ?
Re : PS : J'ai pas eu le temps de prendre de glace à Farandole-sur-Mer. Comme d'habitude dès que je me déplace à plus de 200 km de Framboisy, je tombe sur un bataillon de confrères parisiens qui me démontrent par a + b que compte tenu de la configuration du terrain, des mouvements de tectonique des plaques et de la courbure de la terre, Paris est plus éloigné de Farandole-sur-Mer que Framboisy, et ils me passent devant.
De : Dadouche à : Fantômette
le 21 juin à 00 h 12
Objet : Eurêka
Bon, à la Cour d'appel je suis tombée pendant la sieste (ils sont au chômage technique à cause du corporatisme-égoïste-des-avoués-qui-veulent-protéger-leur-monopole), personne n'a pu me renseigner.
Mais j'ai une autre idée : l'alcool.
On est un peu vieilles pour se lancer selon les critères ministériels, mais si je demande ma mut' à Reims et que tu poses ta plaque là bas, on devrait se dégoter un bon petit producteur de Champagne pour trinquer au mariage de Raymond Domenech et oublier le calendrier.
Au fait, bonnes vacances.
De : Fantômette à : Dadouche
le 21 juin à 00 h 54
Objet : sous les Palais la plage
Excellente idée. On m'a justement recommandé un petit producteur très bien - celui qui vient de décrocher le marché des cantines scolaires, tu en as peut-être entendu parler.
Bonnes vacances à toi. Je te rejoins dès que j'ai terminé de poser les jauges sur la pile de dossiers-à-voir-en-septembre.