Par Gascogne
« Dans l'oeil de Match » était un site internet que je ne connaissais pas il y a quelques jours. Ce haut lieu d'études sociales vaut pourtant le détour, notamment lorsqu'il interroge Rachida Dati sur les tragiques évènements du moment, et particulièrement l'assassinat d'une jeune suédoise en forêt de Chantilly.
On comprend vite que le rédacteur de l'article a quelques a priori. Ce qui étonne bien plus, c'est la manière dont la Garde des Sceaux y répond. Dés les premières lignes, tant l'interviewer que l'interviewée font fi de la présomption d'innocence. Lorsque la ministre indique que Bruno Cholet, principal suspect dans cette affaire, était sous « surveillance judiciaire » (un sursis avec mise à l'épreuve pour détention d'arme et exercice illégal du métier de taxi), le journaliste enchaîne d'un lapidaire « cela ne l'a pas empêché de commettre un nouveau crime... ». La réponse de la Ministre allait-elle apprendre à l'impudent le respect de la présomption d'innocence, a fortiori avec un suspect qui ne reconnaît pas les faits ? Absolument pas. Outreau est visiblement bien loin pour tout le monde...
La suite de la discussion porte sur la possibilité de forcer un condamné à se soigner. La Ministre indique que grâce à sa loi du 10 août 2007, un auteur d'infractions de nature sexuelle qui refuse de se soigner ne bénéficiera plus de réductions de peine ni de libération conditionnelle. Belle manière, une fois de plus, de sous entendre que les juges de l'application des peines laissaient auparavant sortir par avance de dangereux prédateurs sexuels sans leur imposer la moindre obligation de soins, ce qui est tout sauf exact.
L'on apprend dés le paragraphe suivant la conception que la Ministre se fait de notre système judiciaire : « Il est absolument insupportable que des délinquants sexuels dangereux récidivistes soient remis en liberté au seul motif qu'ils ont purgé leur peine ». Et dire que les magistrats, comme les personnels pénitentiaires, computent à qui mieux mieux les délais afin d'éviter la moindre journée de détention arbitraire...Visiblement, la date de fin de peine n'est plus un critère juridique de sortie de détention.
Nous apprenons par la suite que grâce aux deux lois « Dati », les réductions de peine automatiques sont supprimées, car « il est incompréhensible pour les Français qu'un condamné n'exécute pas la totalité de sa peine ». Sauf à ce qu'un décret soit venu en douce tenter de modifier les textes, les articles 721, 721-1 et 721-2 du Code de Procédure Pénale n'ont pas fait disparaître le système du crédit de réduction de peine, qui diminue automatiquement la peine prononcée, même si la loi du 25 février 2008 a rajouté comme motif de retrait de ce crédit l'absence de soins, motif qui était déjà auparavant pris en compte par tous les JAPs de France et de Navarre. Soit la Ministre est bien mal renseignée, soit elle anticipe sur la prochaine loi pénitentiaire qu'elle nous promet.
Enfin, un dernier point que je soumets en toute humilité à la sagacité de « ma » Ministre : elle indique avoir rencontré de nombreux délinquants sexuels qui refusaient les soins considérant qu'ils ne souffraient d'aucune pathologie. En ce qui me concerne, j'ai rencontré de nombreux psychiatres qui estimaient que les violeurs et autres criminels sexuels ne relevaient pas de la catégorie des malades mentaux. Et seule une maladie pouvant, par principe, se soigner, le débat sur l'obligation de soins est peut-être moins simpliste que la Garde des Sceaux et son interviewer semblent feindre de le penser.
Mais je ne doute pas que mon interprétation vient d'un esprit pervers et fatigué par une permanence de fin de semaine chargée : ces rencontres avec le gratin de la presse sont soigneusement préparées par les conseillers de la Ministre. Sauf à croire qu'ils ont déjà tous démissionné.