Par Gascogne
Le decret n° 2008-361 du 16 avril 2008 "relatif notamment (sic) aux décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental" vient d'être publié au journal officiel de ce jour.
Sept articles viennent y expliquer comment va s'appliquer cette loi, qui, comme l'a assurément annoncé une toute nouvelle secrétaire d'Etat, ne se range pas du côté des assassins.
Un article 5 s'est cependant sournoisement inséré dans ce texte. Si les deux chapitres du décret (chapitre I : dispositions relatives aux décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental - chapitre II : dispositions diverses) corroborent l'en-tête du texte, cet article 5 vient donner tout son sens au "notamment" que les services de la Chancellerie ont cru devoir ajouter. En effet, il dispose que "conformément aux dispositions de l'article 122-2 (2°) du code pénal, les articles 706-11 à 706-140 et D 47-27 à D 47-32 du code de procédure pénale, résultant de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et du présent décret, sont immédiatement applicables aux procédures en cours."
Visiblement, le ministère de la justice a d'ores et déjà balayé d'un revers de decret la décision du 21 février 2008 du conseil constitutionnel. En effet, celui-ci a cru bon de préciser dans son dixième considérant : "Considérant, toutefois, que la rétention de sûreté, eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu'elle est prononcée après une condamnation par une juridiction, ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l'objet d'une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement ;"
Or, viser les "procédures en cours", sous entendu "non encore jugées", permet d'appliquer immédiatement la loi sur la rétention de sûreté aux personnes qui feront l'objet d'une condamnation postèrieure à la date de publication de cette loi, pour des faits commis antérieurement.
Un décret peut donc non seulement modifier une loi, mais encore plus aller à l'encontre d'une décision du Conseil Constitutionnel, violant ainsi la constitution elle-même. Mais j'attends bien entendu les avis éclairés pour me contredire et me démontrer que tout cela n'est que la lecture d'un texte tronquée par un pessimisme sans limite...
J'invite dans l'attente instamment le premier président de la Cour de Cassation, M. LAMANDA, à ne pas presser ses services à rendre son rapport, commandé par le président de la République pour contourner la décision du Conseil Constitutionnel rendre applicable la loi, avant la fin du mois de mai, comme il a indiqué il y a quelques jours qu'il le ferait : le premier ministre, la garde des sceaux et la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative l'ont devancé.
Mise à jour du 19 avril par Eolas : Grâce à notre dévouée aliocha, qui marche dans les pas des Albert Londres, Gunther Wallraff et autres Robert Namias, nous apprenons qu'il s'agirait d'une faute de frappe et qu'un rectificatif sera publié au JO très rapidement. Toujours est-il qu'au JO de ce jour, aucun rectificatif n'est paru. Il demeure que, faute de frappe ou pas, en l'état, ce décret dit bien que les articles 706-53-13 et suivants du CPP entrent en vigueur immédiatement, et que c'est le texte tel qu'il est publié qui est applicable. Ainsi, cela fait 23 ans que la loi Badinter sur les accidents de la circulation est reproduite dans les codes avec deux horribles fautes de grammaire, dont une qui modifie le sens du texte.
Mille merci à aliocha d'avoir pris le temps et la peine de faire ces démarches, un vendredi soir qui plus est.