Par
Dadouche et Fantômette
On peut
désormais, sur n'importe quel DVD, connaître les
pensées
profondes du réalisateur, des acteurs principaux voire de
l'accessoiriste plan par plan.
Ne reculant
devant aucune innovation technologique, nous vous proposons une
expérience unique : vivre une
audience d'assistance éducative avec, en
bonus, les commentaires in petto du juge et de l'avocat.
Mode
d'emploi : en noir, le récit de l'audience,
reconstituée
à partir de plusieurs vrais dossiers et notes d'audience. En
rose, les pensées
« live » du juge,
en vert celle de l'avocat.
Pour
vous
mettre en condition, plantons le décor, qui commence bien
avant le jour de l'audience :
J – 20
Le juge
prend pour la première fois connaissance du dossier
lorsqu’il
atterrit sur son bureau.
C'est une
nouvelle situation, signalée par l'Aide Sociale à
l'Enfance et transmise par le Substitut des mineurs qui a
agrafé
une belle requête.
Killian,
deux ans et demi, est régulièrement
témoin de
disputes violentes entre ses parents, qui sont décrits comme
instables. Son père, Kevin, toxicomane, est
récemment
sorti de prison. Il ne parvient pas à trouver de travail. Il
a
des accès de violence, essentiellement dirigés
contre
sa compagne et leurs meubles. Il se dit volontaire pour des soins,
mais n'honore pas les rendez-vous fixés.
Sa
compagne, Maëva, a eu Killian à 18 ans. Elle n'a
aucune
formation professionnelle et a du mal à se mobiliser pour
son
insertion. Elle a déjà quitté Kevin
plusieurs
fois et avait même intégré un foyer
mère/enfant.
ça a tenu quinze jours. Leur situation sociale est
précaire
: en instance d'expulsion en raison des multiples tapages et
interventions de la police, leur RMI de couple a
été
suspendu pour non présentation aux rendez-vous avec les
référents.
Ils ont une
relation fusionnelle, rythmée par les disputes, les
séparations et les réconciliations.
Ils sont
très attachés à Killian, qui est
décrit
comme un petit garçon bien intégré
à la
crèche, souriant, tonique. Il commence cependant
à
montrer des signes inquiétants d'agressivité. Il
raconte parfois que « Papa tape
Maman ». A la
maison, il teste beaucoup les limites et pousse parfois à
bout
sa mère qui oscille entre les cris pour se faire
obéir
et une forme de laisser-faire.
Le
signalement est complété par un courrier de
l'OPAC qui
relate les troubles de voisinage causés par Kevin et signale
que Killian vit « des situations de nature
à le
perturber et à nuire à son
épanouissement ».
Le couple
n'a pas répondu aux dernières propositions de
rendez-vous pour mettre en place une aide éducative
à
domicile.
Dadouche
décide de les convoquer, en même temps que
l'assistante
sociale qui a rédigé le signalement.
J – 13
Maëva
reçoit la convocation.
Soudain
prise d’angoisse, elle se souvient de l’avocat que
son père
avait consulté quand il s’était fait
licencier. Il a
retrouvé le nom dans l’annuaire, et elle prend
rendez-vous,
affolée d’apprendre qu’il ne peut pas la
recevoir tout de
suite, mais qu’il va falloir attendre, presque une
semaine…
J – 7
Le jour
dit, avec une demi-heure d’avance, Maëva est au
rendez-vous,
avec Killian qu’elle n’a pas pu faire garder. Ce
n’est pas
l’avocat de son père qui la reçoit
finalement. Il la
croise juste dans la salle d’attente et lui
présente
rapidement une avocate en disant: « c’est
Maître Fantômette
qui se charge des audiences devant le Juge pour Enfants.»
Maëva
hoche la tête, mais elle n’en mène pas
large et ça
se voit.
Le
rendez-vous dure une bonne heure et demie, et au bout de vingt
minutes, il faut appeler la secrétaire à
l’aide pour
qu’elle s’occupe du petit.
Maëva
fond en larmes trois fois. Fantômette est parée,
elle a
toujours une boite de mouchoirs en papier dans son tiroir de droite.
Elle attend, patiemment, que Maëva se calme, et puis reprend
l’entretien, pose des questions, prend des notes.
Tout sort,
par à-coup : son histoire incertaine avec Kevin
(« on
n’est plus ensemble, ah ça non, mais par contre il
passe
m’aider, tous les jours »), Killian
(« C’est
ma raison de vivre, je ne veux pas qu’on me le prenne »),
ses projets (« je
me suis inscrite à des cours de
remise à niveau, à
l’AFPA »), ses peurs,
ses espoirs. Elle ne cesse de rechercher l’approbation (« j’ai
eu raison, non ? Vous êtes
d’accord ? »),
et la compréhension
(« Je crois bien que tout le
monde aurait fait comme moi, en fait. Non ? »).
D’expérience,
l’avocate adopte l’attitude de
neutralité bienveillante
qui s’impose, celle qui permet à la fois la
distance
nécessaire à la bonne analyse du dossier, et la
confiance entre l’avocat et son client. Elle rassure un peu (« Je
ne crois pas qu’on en soit à se poser la question
d’un
placement, vous savez »), mais reprend
parfois Maëva,
aussitôt sur la défensive, quand elle tente une
explication contredite par le dossier (« Tous les
voisins
vous détestent ? Vraiment ? Quand ils
appellent la
police, parce qu’ils vous entendent crier, vous ne pensez pas
qu’ils essayent peut-être de venir à
votre aide ? »).
Et puis, l’avocate évoque
l’idée d’une mesure
d’assistance éducative. Après avoir
protesté,
Maëva admet du bout des lèvres que Killian et
elle-même
pourraient avoir besoin d’une aide extérieure,
mais elle se
ferme ensuite, l’air épuisé, et
c’est le moment de
clore l’entretien.
Pour être
honnête, ce rendez-vous n’a pas vraiment
rassuré
Maëva, malgré la conclusion encourageante de
l’avocate
qui termine en disant : « Dites-vous qu’on va
simplement essayer de voir tous ensemble ce qui serait le mieux pour
Killian. »
Jour J :
l'audience
C'est la
cinquième audience de la journée pour le juge.
Repensant au placement ordonné lors de la
troisième,
elle soupire et se dirige vers la salle d'attente.
[Bon,
j'espère que tout le monde est là cette fois, pas
comme
l'audience d'avant où l'avocat avait un quart d'heure de
retard]
[Miracle !
L’audience
commence quasiment à l’heure. Avec un peu de
chance, je ne
serai pas en retard à mes rendez-vous ce soir].
Kevin,
Maëva et Killian la suivent dans son bureau,
accompagnés
par l'avocate de Maëva [Tiens,
ils ont
engagé une nouvelle à la SCP Patrons et
associés
? La valse des collaborateurs a encore frappé].
Est
également présente Mme Dubonsecours, l'assistante
sociale de secteur qui a rédigé le signalement.
Le juge se
présente et explique à Kevin et Maëva
les raisons
de leur présence.
« Je
suis Dadouche, juge des enfants. Je vous ai fait venir à la
demande du Procureur, pour parler de la situation de Killian. Le but
de l'audience d'aujourd'hui est de faire le point sur la situation et
les éléments transmis par les services sociaux et
de
voir si une mesure peut être mise en place pour vous aider ».
Kevin
commence à s'agiter sur sa chaise et ouvre la bouche pour
protester. [Il a l'air un peu
nerveux le jeune
homme. Essayons tout de suite de le rassurer].
« Personne
ne met en cause votre affection pour Killian. Il n'est pas question
de maltraitance ou quoi que ce soit de ce genre. Les
inquiétudes
viennent plutôt du fait que Killian, qui est encore tout
petit,
vit dans un climat un peu agressif. D'après les
éléments
qui ont été recueillis, c'est parfois un peu
agité
chez vous. [Ouf…
le Juge n’en rajoute pas
... Tant mieux. Cela devrait les aider à se calmer un peu
tous
les deux et à comprendre que je n’ai pas menti
lorsque j’ai
expliqué qu’on était tous là
dans l’intérêt
de Killian]. « Il y a déjà
eu des violences au
moins verbales. [C'est pas la peine
d'en faire
trois tonnes, si la police est intervenue plusieurs fois, c'est pas
parce qu'ils se jouaient la sérénade.] La
question, c'est comment Killian peut réagir au milieu de
tout
ça et comment vous le protégez de vos conflits
d'adultes ? [Adultes, tu parles,
elle a l'air
d'avoir 15 ans et elle fait 45 kilos toute mouillée. Et lui
je
pense qu'il a pas fumé que des Marlboro avant de venir]
Il semble que ces derniers temps il est lui même assez
agité
[Et encore, elle ne l’a
pas vu sauter partout
sur les fauteuils de ma salle d’attente]. Je
crois que la
crèche vous a d'ailleurs alertés à ce
sujet. Et
le fait que vous ne veniez pas aux rendez-vous proposés par
l'assistante sociale et la puéricultrice ne nous permet pas
d'être rassurés, puisqu'elles n'ont pas pu avoir
accès
à Killian. »
La juge
donne la parole à Maëva, en lui demandant comment
elle
trouve que Killian va, si elle a remarqué une agitation
particulière, si elle comprend les inquiétudes
des
services sociaux. [Allez
Maëva, respirez un
grand coup, et exprimez-vous clairement, posément, je vous
l’ai dit et répété,
l’enfant ne va pas
partir encadré par deux assistantes sociales ce
soir…].
Maëva
: « Il y a des choses sur lesquelles je ne suis pas
d'accord. [aïe aïe
aïe…]
[Ouh là, elle est encore plus nerveuse que lui, elle a un
débit de mitraillette] D'abord, on ne vit plus
ensemble
depuis trois semaines. [Ca fait
donc la
cinquième séparation, et évidemment
juste après
le signalement.][Bon,
la séparation
présente tout de même un aspect positif, le
père
s’éloigne s’il sent que c’est
allé trop loin. Si
seulement, le dossier donnait des raisons de croire que c’est
une
séparation mûrement
réfléchie … Hummm,
non, le Juge n’y croit pas, je l’ai vu au regard
qu’elle lui a
lancé. Bon, autant assumer l’incertitude qui
règne à
cet égard dans mes observations.] Monsieur
vient voir
son fils et le garde pendant que je suis en formation. [Ouais,
encore une séparation pas vraiment
séparée
quoi][oui, bon, autant
évoquer
clairement l’ambiguïté de cette
séparation,
après tout. En même temps, ils sont encore
très
jeunes tous les deux, ils peuvent aussi évoluer sur leur
relation de couple].
« C'est vrai
que c'était très tendu entre nous, mais quand il
y
avait des disputes, j'essayais de rassurer Killian. Les gens du
voisinage racontent n'importe quoi, ils ne nous aiment pas [soupir
intérieur- surtout rester impassible]. Je suis
tout à
fait capable de m'occuper de mon fils et de lui offrir ce que je n'ai
pas eu. [Bon, encore une jeune
femme elle-même
un poil carencée qui ne vit que par son statut de
mère...
Ah mais oui, je me souviens : ma greffière qui est
là
depuis 20 ans m'a dit qu'elle l'avait connue comme mineure. Je vois
d'ici le tableau : pas de modèle parental fiable, elle
improvise comme elle peut sur la base de “je ne ferai pas
comme ma mère”]
« J'ai eu une
travailleuse familiale, mais je n'aime pas avoir quelqu'un chez moi
[Elle a sûrement besoin
d’aide, et
Killian a besoin qu’elle soit aidée, mais il
faudra du temps
pour qu’elle accepte de croire dans la bonne
volonté de ceux
qui viendront, et beaucoup de patience et de diplomatie de la part
des intervenants. Hmmm, pourtant j’hésite
à le dire
franchement, c’est à double tranchant…],
j'avais
l'impression qu'elle me surveillait. [C'est
pas
gagné pour une intervention éducative] La
procédure d'expulsion du logement a
été
suspendue. C'est vrai que Killian est un peu dur en ce moment, mais
ça va aller mieux maintenant.[C'est
parti pour la méthode Coué].
« C'est vrai
que quand il fait des bêtises, comme je ne dors pas beaucoup,
je le gronde parfois fort, et après je m'en veux alors
j'essaye de me faire pardonner. » [Pourquoi
j'ai l'impression d'avoir déjà vécu
cette
audience 15 fois ? Le gamin doit être complètement
paumé
pour comprendre quand il a fait une bêtise si elle le gronde
pour ensuite lui acheter un cadeau.]
Kevin :
« Les seules choses vraies, c'est ce qui me concerne
[Bon,
voilà Papa macho et culpabilisé qui veut
« assumer »alors que le reste du
temps il
assure pas un cachou]. Je suis parti pour
protéger ma
femme et mon fils [Très
bien, il l’a
dit de lui-même. Mais il faudra que je le souligne].
Je
n'ai jamais frappé mon fils. C'est vrai qu'il y a un climat
de
violence et que Killian m'a vu frapper sa mère.
« L'assistante
sociale nous a beaucoup aidés au début
à régler
certaines factures. Moi j'ai fait des erreurs, mais pas ma femme.
S'il y a un placement, notre vie est morte. [Il
a l'air un peu exalté le Monsieur. Je comprends pourquoi il
y
a autant de hauts et de bas dans leur relation] On
pourrait
m'interdire de m'approcher de l'appartement. » [En
gros c'est comme pour les soins : il sait que ce qu'il faudrait
faire, mais il n'arrive pas à le faire tout seul].
L'assistante
sociale rappelle qu'elle intervient auprès de la famille
depuis longtemps : « Pendant plus d'un an, on a pu
bien
travailler ensemble [penser
à le
rappeler, c’est vrai que ça a bien
fonctionné pendant
un bon moment], mais depuis quelques temps, on a
très
régulièrement des informations signalantes en
provenance de sources diverses (crèche, voisins, OPAC).
Monsieur a conscience qu'il a besoin de soins, mais il ne parvient
pas à s'inscrire dans une véritable
démarche.[Elle
a l'air de marcher un peu sur des œufs. Il y a du y avoir une
ou
deux séances sportives dans son bureau quand elle leur a dit
qu'elle avait fait un signalement] Madame semble minimiser
les
difficultés et ne se rend plus à nos rendez-vous.
[Oui,
c'est bien ça.]
« Killian
paraît de plus en plus insécurisé et
aucun de ses
parents ne semble actuellement en mesure de le rassurer. Madame
souhaiterait sans doute être aidée, mais se sent
remise
en cause par les interventions. Il n'y a aucune inquiétude
sur
la prise en charge matérielle de Killian, mais ses parents
commencent à avoir du mal à lui poser des limites
et à
lui donner des repères [Hum…
les
termes sont prudemment choisis. Elle prendrait sans doute moins de
gants si elle ne croyait pas du tout à la
possibilité
de nouvelles interventions auprès d’eux].
« Ils ne
perçoivent pas combien le climat de violence peut le
perturber
dans sa construction. C'est parfois difficile pour Madame de trouver
un juste milieu entre crier après Killian et
l'étouffer
de câlins. » [Oh,
ça
commence à sentir l'AEMO tout ça...]
Pendant que
ses parents parlent, Killian trotte partout dans la pièce.
Sa
mère lui court après et ne le lâche
plus, pendant
qu'il se tortille sur ses genoux et se met à hurler en
rougissant de colère. [Ca
commence à
faire long pour le petit. Maëva me lance des coups
d'œil
inquiets, comme si j'allais décider de placer le gamin juste
parce qu'il fait une colère.]
Enfin,
l'avocate de Maëva prend la parole :
«[Allez,
on évacue déjà les aspects
problématiques
du dossier…] La situation de ma cliente et de
son ami est
difficile, ils le reconnaissent tous deux [Il
a
fallu les y aider un peu, d’accord, mais
l’essentiel, c’est
qu’ils l’admettent]. A
l’heure actuelle, ils sont
séparés. Bon... Nous avons constaté
qu’il
demeure une certaine incertitude sur l’avenir de leur couple.
C’est
leur histoire à eux, après tout.
Malgré cela, il
s’agit bien là d’un
élément positif, qui
démontre l’existence de bons réflexes
de protection.
[C'est vrai qu'il a eu le
réflexe de
s'éloigner] [Maintenant,
on
recadre sur le problème qui nous occupe].
« Monsieur
l’indique lui-même, les difficultés
viennent d’abord
de lui. Il veut assumer ses erreurs, c’est un bon point de
départ.
[D’accord, c’est
seulement un point de
départ, mais qui ne se retrouve pas dans toutes les
affaires.
N’ignorons pas sa bonne volonté, même si
elle est mise
à l’épreuve dans la pratique].
« Le
positionnement de Madame vis à vis de Killian est constant.
Elle est en phase de réinsertion professionnelle ce qui la
positionne de plus en plus comme responsable du foyer. Les deux
parents
[insister
un peu sur le mot : parent. C’est un petit message
pour vous
deux, là, les inquiets, à
côté de moi.
C’est en tant que parent que vous êtes ici]
sont très
angoissés, aujourd'hui, par peur d'un placement, et Madame
se
sent remise en cause dans son rôle de mère. Ceci
dit,
l’aide de l’assistante sociale a longtemps
été bien
vécue et bien acceptée. Monsieur l’a
rappelé
d’ailleurs.
« Et puis il
y a, encore une fois, un élément constant et
très
positif dans ce dossier, vous l’avez justement
souligné,
c’est le fait que les parties ont à cœur
l’intérêt
de Killian. Je pense que Madame peut entendre la
nécessité
d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert [hop,
petit coup d’œil vers Maëva, qui entrouvre
la bouche, vite,
continuer dans le même souffle], dans
l’intérêt
de Killian. » [nouveau
coup d’œil à
Maëva… elle hésite un peu ?
elle a choisi de se
taire…] [Elle
a dû négocier
sec avant l'audience pour leur faire comprendre qu'elle ne pouvait
pas dire que tout allait bien. Oh M... j'entends la voix du substitut
des mineurs dans le bureau de ma greffière. C'est pas bon
signe ça.]
La juge
termine de prendre ses notes…
[Le
seul
avantage de ne pas avoir de greffier à l'audience, c'est que
j'ai le temps de finir de réfléchir à
la
décision et à la façon de l'annoncer.
Bon, sur
les conditions de développement psychologique et affectif,
je
pense que j'ai de quoi intervenir. Une enquête sociale ne
servirait à rien puisque j'ai déjà
beaucoup
d'éléments dans le rapport et que le
problème
n'est pas dans la prise en charge matérielle. Une mesure
d'investigation et d'orientation éducative, ça ne
me
paraît pas non plus nécessaire : ça va
prendre
six mois et 3000 euros pour me dire que le conflit parental est
insécurisant pour Killian, que Maëva a une relation
fusionnelle avec son fils et que tout le monde a besoin d'un soutien
éducatif. Le seul scoop, ça sera s'ils se
remettent
ensemble. De toutes façons, je parie que dans un mois Kevin
réemménage et que trois semaines après
j'ai une
note de situation pour me faire part d'une nouvelle intervention de
la police. Bon, je vais partir sur une AEMO pour un an, on verra
comment la situation évolue. Ils pourront peut
être
accompagner la séparation et aider Maëva
à mettre
en place des réponses éducatives un peu
cohérentes.
S'ils pouvaient l'inciter à entamer un suivi psy,
ça
pourrait être utile pour digérer sa propre
histoire. Il
y a sûrement des choses à creuser par rapport
à
ça.]
[Alors…
voyons… je ne capte aucune onde particulière
d’hostilité…
Elle a écouté tout le monde aussi attentivement.
Peut-être un peu d’agacement à
l’audition de Kevin…
Bon, il est l’élément inconnu. Je
penche pour une
AEMO. Ce n’est pas un mauvais moment pour la tenter qui plus
est :
Ils sont actuellement séparés, Maëva
tente une
formation, le petit reste bien intégré
à la
Crèche...]
…et
reprend
la parole : « Comme je le disais tout à
l'heure,
votre attachement pour Killian n'est absolument pas remis en cause et
il n'y a aucune inquiétude sur les soins que vous lui
apportez. [Ca ne les
détend pas tout à
fait. Allez, une couche de plus.] Comme le soulignait
Maître
Fantômette, c'est une décision responsable que
vous avez
pris de vivre séparément pour le
protéger Mais
tout ça n'est sans doute pas très clair dans sa
tête
[OK, c’est une AEMO].
[Comment
arriver à leur faire comprendre qu'à deux ans et
demi,
une dispute d'adulte, c'est comme Gulliver qui piétine les
Lilliputiens...] Si les voisins ont pu être
impressionnés par vos disputes au point d'appeler la police,
imaginez ce que ça a du faire comme impression à
un
tout petit garçon dans la pièce juste
à côté.
« Il
n'a
jamais été question d'un placement, mais je pense
qu'il
est nécessaire que vous puissiez être
accompagnés
par un éducateur, pour vous aider à
réfléchir
aux façons de protéger Killian de tout
ça et à
gérer son agressivité actuelle. [Ils
ont l'air soulagés, mais je vois bien que Maëva
n'est pas
ravie. Bon, elle ne m'a pas parlé du fait qu'elle a
elle-même
été suivie, et l'assistante sociale n'a pas l'air
au
courant. Si j'en parle maintenant, ça va arriver comme un
cheveu sur la soupe. Mieux vaut voir si ça émerge
au
cours de la mesure. On va rester sur la violence et les
réponses
éducatives].
« Par
exemple, il va falloir trouver comment lui expliquer que Papa et
Maman se sont séparés, que Papa n'habite plus
à
la maison, mais qu'il est quand même là souvent
pour
s'occuper de lui. Ca peut aussi être l'occasion de
réfléchir
avec l'éducateur aux façons de réagir
pour lui
poser des limites qu'il comprenne. [Bon,
le
Juge prend le temps d’expliquer clairement sa mesure, et de
leur
fixer des objectifs, ils vont peut-être se sentir partie
prenante… avec un peu de chance. Je ferai un courrier
à
Maëva pour le debriefing, la semaine prochaine, ce soir, je ne
vais pas avoir le temps] Ce n'est pas parce que vous le
grondez quand il fait une bêtise que vous ne l'aimez pas, au
contraire. Et lui ne va pas vous détester pour
ça. Le
service chargé de la mesure prendra rapidement contact avec
vous, et on refera le point ici dans un an pour voir s'il y a encore
besoin d'un soutien ou si on peut arrêter la mesure.
» [Bon,
ça va, j'ai le temps de rédiger le jugement avant
la
dernière audience. Damned, le substitut mineur passe la
tête
dans l'encadrement de la porte. Ca sent l'OPP ou le
déferrement...Bon
ben tant pis, le jugement je le ferai ce soir.][Quelle
heure est-il ? Humm, j’ai tout juste le temps de
courir à
l’audiencement pour consulter le dossier correctionnel de la
semaine prochaine, voir si le rapport d’expertise
psychologique est
enfin rentré… Voyons, qui dois-je recevoir ce
soir déjà ?
M. Lindécis, je crois. A quelle heure
déjà ?
Il faut que je rappelle le Cabinet…]