Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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samedi 29 mars 2008

samedi 29 mars 2008

Avoir des principes, c'est bien ; les appliquer, c'est mieux.

Le Conseil constitutionnel vient d'invalider l'élection du député UMP du Rhône Georges Fenech. Magistrat de formation, fondateur du premier à ma connaissance (les magistrats syndicalistes qui me lisent rectifieront le cas échéant) syndicat de magistrat de droite, l'Association Professionnelle des Magistrats, il a toujours été un ardent partisan de l'autorité de l'Etat, de la répression sans faille (ce qui, je lui en donne acte volontiers, ne veut pas dire répression sans discernement), bref, du règne de la loi.

Cette invalidation s'accompagne d'une sanction d'un an d'inéligibilité, ce qui l'empêchera d'être candidat à sa propre succession. Georges Fenech ; photo Assemblée nationale. Service des archives, cela va de soi.La raison de cette invalidation est une entorse à la loi sur le financement de la vie publique. Cette loi, qui date de 1988, fait l'obligation à tout candidat de désigner un mandataire financier, association ou personne physique, qui recevra et manipulera tous les fonds destinés à financer la campagne électorale. Au terme de cette campagne, le candidat, élu ou non, doit déposer un compte de campagne complet auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Le défaut de dépôt (fréquent chez les battus n'ayant pas atteint des scores leur ouvrant droit au remboursement partiel des dépenses de campagne), le dépassement des plafonds légaux, le défaut de sincérité ou l'irrégularité y figurant entraîne automatiquement l'invalidation de l'élection et l'inéligibilité pour un an du candidat, constatée par le Conseil constitutionnel à la demande de la Commission. Il est ainsi absolument interdit au candidat de percevoir des fonds destinés à financer sa campagne, d'effectuer des paiements avec ces fonds, ou de financer lui même des dépenses liées à la campagne, le Conseil constitutionnel acceptant que « pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat règle directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées ».

Or une militante UMP de la 11e circonscription du Rhône (Mornant, Givors, Condrieu, St-Symphorien d'Ozon) a réglé de sa poche des dépenses vivrières pour un montant de 6 261 € (Monsieur Fenech est un brillant orateur, et parler donne soif, mes interlocuteurs à la République des Blogs en savent quelque chose), soit tout de même, relève le Conseil, 8,17% des dépenses engagées et 7,60% du plafond légal. On est loin des "menues dépenses tolérées"...

Exit donc Georges Fenech. Celui-ci n'est pas content, et dans un communiqué de presse, s'estime « victime d'une procédure discriminante et sans appel », et « en appelle » au président Nicolas Sarkozy et au président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer à propos d'une « intolérable atteinte au suffrage universel ».

Pour patienter le temps que ces hautes autorités de l'Etat examinent sa requête et la rejettent, je propose à Georges Fenech un peu de lecture. Aux Editions Grasset, un livre de réflexion politique paru en 2002, intitulé Tolérance Zéro. Notamment, je l'invite à méditer ce passage.

La tolérance zéro veut ainsi marquer une rupture avec trente ans de tolérance sans bornes qui nous ont conduits à une impasse.(...) Prôner la tolérance zéro, c'est considérer que tout signe de faiblesse revient à encourager toute une population juvénile aguerrie au calcul du risque. Le rapport « coût/avantage » pour le fauteur de troubles doit tourner à son désavantage. (...) Trente ans après le big-bang de Mai 68 et son fameux slogan « il est interdit d'interdire », la tolérance sans bornes et la culture de l'excuse se sont insidieusement propagées dans toutes les sphères d'autorité. Le père, l'enseignant, le policier, le juge ont perdu leur « imperium ». Le rejet violent des institutions tient lieu de nouveau mot d'ordre pour des jeunes peu enclins à perpétuer les idéaux collectifs. (...) Quand l'Etat montre des signes de faiblesse c'est tout le pacte social qui est menacé !

L'auteur de ces lignes est un magistrat. Un certain Georges Fenech.

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