Ca alors. L'application immédiate aux personnes déjà condamnées est contraire à la Constitution.
C'est vraiment totalement inattendu.
Là, le Gouvernement va droit dans le mur et je doute qu'il puisse l'ignorer. (...) Ici, la loi crée une possibilité de privation de liberté pour une durée indéterminée, les périodes d'un an étant renouvelables de manière illimitée jusqu'au décès du condamné, et la déclare applicable à des faits où cette possibilité n'existait pas au moment où ils ont été commis. C'est une mesure moins favorable au condamné, c'est le moins qu'on puisse dire. Je n'imagine pas un seul instant que le Conseil constitutionnel laissera passer une chose pareille sous prétexte qu'on l'aurait affublé du cache-sexe de « mesure de sûreté », surtout quand on sait qu'y siège un ancien premier président de la cour de cassation (et un condamné en puissance diront les mauvaises langues, ce que je ne suis pas).
La suite est au moins aussi inattendue.
En somme, le gouvernement se prépare à nous refaire le coup de la réductibilité des intérêts d'emprunt, dit le coup de la bonne du curé : « J'voudrais bien, mais j'peux point ». Puisque cette prolongation de surveillance judiciaire ne concerne que les condamnés à quinze ans au moins, elle n'entrerait concrètement en vigueur que douze ans après le vote de la loi au mieux, quand les condamnés à quinze ans commenceront à devenir libérables. Pour un président qui inscrit son action dans l'immédiateté et le résultat instantané, le voilà contraint de se projeter dans l'avenir, pire : dans l'après lui, et on sait que ce n'est pas dans la nature du personnage.
Non, c'est pas le genre de la maison.
Nicolas Sarkozy persiste à souhaiter une application immédiate de la rétention de sûreté pour les criminels jugés dangereux, et a demandé au président de la Cour de cassation de mener une réflexion sur ce sujet après le revers subi jeudi au Conseil constitutionnel.
Récapitulons.
Constitution de la République française :
Article 5. - Le Président de la République veille au respect de la Constitution.
Article 66. - Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.
Et là, nous avons un président qui demande à un des plus hauts représentants de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, de l'aider à faire en sorte qu'une disposition législative rétroactivement privative de liberté déclarée contraire à la Constitution puisse être néanmoins appliquée.
Justification de ce coup d'Etat light ?
"L'application immédiate de la rétention de sûreté aux criminels déjà condamnés (...) reste un objectif légitime pour la protection des victimes".
En plus, comme ces victimes n'existent pas, puisqu'on parle de crimes "susceptibles de se produire", aucun risque d'être contredit par celles-ci. C'est pratique.
Moi, en tout cas, je trouve que tout va bien. Pas vous ?
(Je reviendrai plus en détail sur cette décision et sur la loi telle qu'elle va entrer en vigueur).