Le projet de loi sur la rétention de sûreté mais pas seulement a été adopté hier par l'assemblée. Comme c'était prévisible, la rétention de sûreté a été élargie par les députés, toujours prêts à faire le sale boulot, aux crimes d'enlèvement (soit sept jours ou plus, en deçà, c'est un délit), et concerne tous les crimes commis sur des mineurs, même plus de 15 ans, et sur des victimes majeures pour les seuls crimes d’assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé ou d’enlèvement ou de séquestration aggravé.
Cette extension aux enlèvements me paraît totalement stupide. Les kidnappeurs qui ne violent ni ne tuent leur victime (puisque s'ils le font, ils tombent sous le coup de la rétention de sûreté telle que prévues dans le projet initial) le font pour des motifs crapuleux, de l'argent la plupart du temps. Ils ne présentent donc aucun trouble mental et aucun psychiatre ne recommandera jamais leur rétention dans un centre socio-médico-judiciaire.
L'extension à tous les mineurs et aux majeurs dans un certain nombre de cas n'est pas anodine : le projet de loi visait expressément les pédophiles dans l'exposé des motifs. Or les criminels pédophiles ne s'attaquent pas à des mineurs de 16 ou 17 ans, pas plus qu'à des adultes. En outre, d'un point de vue prophylactique, puisqu'on nous rebat les oreilles qu'il s'agit d'une mesure de sûreté et rien d'autre, je ne vois pas en quoi, quand la victime est majeure, il faut l'apparition d'une circonstance aggravante pour ouvrir la possibilité d'une rétention de sûreté. Étrangler une jeune fille de 20 ans dans la rue ne révèle aucune dangerosité durable, mais étrangler une concierge, oui ? Manifestement, le législateur ne connaît pas ma concierge !
Les autres changements notables sont les suivants :
- Le critère de la rétention de sûreté est précisé : elle vise la personne qui présente, en raison d’un trouble grave de la personnalité, une particulière dangerosité caractérisée par la probabilité très élevée de commettre à nouveau l’une de ces infractions [Meurtre ou assassinat ; torture ou actes de barbarie ; viol ; enlèvement ou séquestration].
- L'expertise réalisée pour la commission multidisciplinaire (la première à statuer, qui propose au procureur général mais ne décide pas) sera réalisée par deux experts au lieu d'un.
- Les commissions qui statuent sont baptisées commission régionale de la rétention de sûreté (CRRS) pour celle au niveau de la cour d'appel qui décide de la mesure et de sa mainlevée, et commission nationale de la rétention de sûreté (Oui, CNRS...) pour celle statuant en appel au niveau de la cour de cassation (je suis pris de vertige devant le contresens contenu dans cette phrase, mais telle est la loi).
- Un condamné dont la libération conditionnelle a été révoquée peut faire l'objet d'une rétention de sûreté. Cela me semblait aller de soi dans le projet initial, mais autant être clair.
- Si la CRRS n'a pas statué sur la demande du retenu visant à ce qu'il soit mis fin à sa rétention dans les trois mois de la demande, celui-ci est mis en liberté d'office. Cela évitera que les rétentions durent uniquement à cause de l'engorgement des la cour d'appel.
Ha, et contrairement à ce que j'indiquais, le gouvernement a déclaré l'urgence sur ce texte. Pour des effets qui ne pourront à mon sens avoir lieu avant 2020 à 2023. C'est n'importe quoi. Quousque tandem abutere, Governatus, patientia Parlamentaria ?
A suivre au Palais du Luxembourg.