Via le blog de Vincent Tchen (qui baptise cela « désinvolture réglementaire » ; je n'arrive pas à copier le langage précieux des universitaires) :
Un exemple récent de cache-cache textuel stupide, ridicule et sans aucun intérêt à part compliquer inutilement le droit français.
Les règles de délivrance de la carte d'identité de commerçant étranger, celle qui fait que nous trouvons de la bière et des raviolis très chers près de notre domicile jusqu'à une heure tardive en semaine et le dimanche toute la journée, ont été fixées par un décret n° 98-58 du 28 janvier 1998.
Un décret n° 2007-431 du 25 mars 2007 a transféré ces dispositions, sans les changer (la codification à droit constant dont je vous ai déjà parlé), dans le Code de commerce, aux articles R.122-1 à R.122-17, et avait en conséquence abrogé le décret du 28 janvier 1998 qui faisait doublon (c'est l'article 3, 60° du décret du 25 mars 2007). Bon, pourquoi pas. Il y avait un décret qui traînait, le voilà bien rangé dans un Code.
Un mois et demi plus tard, un nouveau décret n° 2007-750 du 9 mai 2007 relatif au registre du commerce et des sociétés a abrogé dans son article les articles R.122-1 à R.122-17 du code du commerce. Comme ça, sans explications.
Les "explications" (si on peut appeler ça comme ça) viendront quelques jours plus tard, quand un décret n° 2007-912 du 15 mai 2007 reprendra les dispositions abrogées pour les intégrer cette fois au Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Pourquoi ? Parce que.
Vous croyez que c'est tout ? Nenni. Ce sont les dispositions réglementaires applicables à la carte d'identité de commerçant étranger, c'est à dire les décrets d'application de la loi sur la carte d'identité des commerçant étrangers. Les dispositions de cette loi, elles, n'ont pas bougé : elles sont toujours... dans le code de commerce.
Cela n'a pas échappé au législateur. Et que croyez-vous qu'il a trouvé comme solution ? Un grand classique de la « clarification du droit » : les copier-coller d'un code à l'autre. Avouez que vous n'y auriez jamais pensé. Le législateur, si. C'est à ça qu'on le reconnaît.
Vous comprenez pourquoi les juristes, à commencer par les juges et les avocats, pestent sans cesse contre la bougeotte législative. Il y a des fois où ça vire à la pathologie.
Pour résumer, le législateur se comporte comme une femme de ménage qui ramasserait votre manteau parce qu'elle trouve qu'il traîne dans l'entrée et le changerait de place à plusieurs reprises sans vous le dire, et vous affirmerait benoîtement que comme ça, c'est plus simple et mieux rangé. Sauf que le législateur, vous ne pouvez pas le virer à coups de pieds aux fesses.
Bon, c'était les derniers soubresauts du gouvernement Villepin et de la présidence Chirac. Si le nouveau gouvernement nous débarrasse enfin de ce genre d'usine à gaz, rien que pour ça, il aura ma reconnaissance éternelle (mon vote, on verra) et je ne dirai pas de mal de lui jusqu'au débat sur les peines planchers. La balle est dans son camp.