L'équipe gouvernementale a été annoncée. Pour info, c'est ici.
Le retour d'Alain Juppé me laisse réservé. Surtout en numéro 2 du gouvernement. C'est à ma connaissance le deuxième (Mise à jour : troisième. Il y avait aussi Michel Debré. Merci à mes vigilants lecteurs) ancien premier ministre qui accepte de rempiler comme simple ministre, avec Laurent Fabius (premier ministre du 17 juillet 1984 au 20 mars 1986, puis ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 27 mars 2000 au 5 mai 2002). Mais surtout, il devient ministre d'Etat deux ans et demi après sa condamnation dans l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, la cour d'appel de Versailles (nettement plus mesurée dans ses propos que le tribunal correctionnel de Nanterre) ayant à cette occasion relevé que « Il est regrettable qu'au moment où le législateur prenait conscience de la nécessité de mettre fin à des pratiques délictueuses qui existaient à l'occasion du financement des partis politiques, M. Juppé n'ait pas appliqué à son propre parti les règles qu'il avait votées au parlement. Il est également regrettable que M. Juppé, dont les qualités intellectuelles sont unanimement reconnues, n'ait pas cru devoir assumer devant la justice l'ensemble de ses responsabilités pénales et ait maintenu la négation de faits avérés. » Le candidat Sarkozy avait annoncé une moralisation de la vie politique. Le président Sarkozy a l'air moins pressé. A rapprocher de l'investiture de Christian Vanneste dans le nord, alors que le même candidat Sarkozy déclarait dans le Figaro le 31 janvier (Via Embruns, lui même via Guy Birenbaum) que « Il ne sera pas réinvesti aux législatives. Je condamne fermement ce qu’il a dit. Je ne veux ni de près ni de loin être associé à des propos homophobes. Depuis des années, j’accomplis un travail en profondeur sur l’ordre, le travail, la responsabilité, le respect. J’ai trop souffert d’une droite qui ne défendait pas ses idées pour prendre le risque de saboter cet effort en acceptant des propos caricaturaux ». Bref, je fais la moue.
Brice Hortefeux est donc le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Mon nouvel adversaire devant les juridictions administratives. Enchanté. Comptez sur moi pour vous faire toutes les misères possibles. Les premières viendront sûrement du transfert de compétence du ministre de l'intérieur au ministre de l'immigration : il y a des nullité pour incompétence dans l'air. Miam. Pour ma part, je n'appellerai jamais le ministre "ministre de l'identité nationale". L'identité nationale n'étant pas une administration, je l'amputerai de ce titre dans chacune de mes requêtes, qui seront dirigées contre le "ministre de l'immigration, de l'intégration et du codéveloppement". C'est mesquin, je sais.
Rachida Dati est notre nouveau garde des Sceaux. Une magistrate, qui a exercé trois ans, si je ne m'abuse, dont un au parquet économique et financier d'Evry. Bien. Elle a vécu de l'intérieur le fonctionnement de la justice, notamment pénale. C'est une expérience précieuse. Et en plus, elle est beaucoup plus agréable à regarder que l'ancien Garde des Sceaux (Ce doit être parce qu'ils n'ont pas le même coiffeur). Enfin, elle n'a jamais été députée, donc elle ne devrait donc pas avoir en réserve SA loi qu'elle veut faire passer toutes affaires cessantes pour avoir une loi Dati au J.O. Enfin, avoir un garde des sceaux qui s'appelle Rachida, fille d'un marocain et d'une algérienne, ça a de la gueule. N'oubliez pas la justice administrative, Madame Dati, elle est importante.
Bernard Kouchner ministre des affaires étrangères. Lui qui animait la grève de la fac de médecine de Paris en mai 1968, le voilà dans le gouvernement de celui qui veut tourner la page. Après le translucide Douste Blazy, ça va faire un choc. J'espère que ça tiendra. Bernard Kouchner a une forte personnalité, qui risque d'irriter le président de la République, il va devoir cohabiter avec le nouveau Conseil National de Sécurité, et le Quai d'Orsay n'est pas réputé pour s'adapter aisément à des changements de personnalité. Je lui souhaite bon courage, parce que si son tandem avec Jean-David Levitte marche, la France pourrait bien avoir une diplomatie diablement efficace.
Eric Besson secrétaire d'Etat à la prospective et évaluation des politiques publiques. Cela veut dire qu'il va compter ses trente deniers, je suppose, et reste affecté au chiffrage. Spectaculaire trajectoire de l'auteur de "l'inquiétant Monsieur Sarkozy". Je ne luis prédis pas un long avenir au gouvernement, quels que soient ses qualités professionnelles. En politique, on aime les Timarque mais pas les Alcibiade.
Bernard Kouchner est le doyen du gouvernement à 67 ans, la cadette est Valérie Pécresse, qui fêtera ses 40 ans le 14 juillet prochain.
Reste à voir quels ministres survivront au remaniement de juin prochain, le gouvernement en place présentant traditionnellement sa démission après l'élection d'une nouvelle assemblée nationale.