Nicolas Sarkozy appelle à l'aide. Il y a encore des choses qu'il ne comprend pas, bien que de son propre aveu elles soient beaucoup moins compliquées qu'on ne le dit aux français (c'est vrai), et ce à trois semaines de son éventuelle prise de fonctions. Evidemment, s'il demande à des journalistes, il ne risque pas d'avoir de réponse.
Heureusement, votre serviteur veille et est prêt à voler à son secours.
L'impôt sur les sociétés est une ressource propre à un pays. L'Union Européenne n'a pas son mot à dire là dessus.
La TVA, en revanche, est une des sources de financement de l'Union Européenne. Chaque pays lui en reverse une quote part. L'Union Européenne a donc son mot à dire là dessus.
Son budget provient en effet de trois recettes : les droits de douane perçues sur les importations dans l'UE, une contribution directe de chaque Etat proportionnelle à son PNB (la plus grosse recette, et de loin), et d'une quote part de la TVA perçue par ces pays. Cela a été fixé par une décision du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés (qu'on appelle désormais Union Européenne). Il s'agit de poser des règles stables pour assurer les recettes de l'Union Européenne, afin d'éviter des négociations à répétition ou chaque pays tenterait de tirer son épingle du jeu en faisant payer les autres (les Anglais sont très forts à ce jeu).
C'est l'article 269, alinéa 2 du Traité CE (version de Nice) qui pose le principe que :
Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête les dispositions relatives au système des ressources propres de la Communauté dont il recommande l’adoption par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.
Une directive de 1977 fixe les règles applicables à la TVA. Elle se répartit en trois taux, que chaque Etat fixe librement le taux sous réserve de respecter des minima et maxima. Le taux super réduit (5% maximum, il est de 2,1% en France, sur les médicaments par exemple), le taux réduit (Minimum 5%, il est en France de 5,5%, sur les produits alimentaires par exemple) et le taux normal (15% minimum, mais je crois que ce minimum n'existe plus ; il est en France de 19,6%, sur les honoraires d'avocat par exemple). Les taux sur les produits de luxe (33% en France) ont été supprimés. Vous avez ici le tableau des taux pratiqués dans les pays de l'UE.
La France peut donc librement fixer le taux de sa TVA. Elle peut baisser la TVA sur la restauration, mais à condition d'appliquer cette baisse à toutes les autres activités économiques (dont la mienne). Mais pour faire passer un secteur (la restauration) du domaine du taux normal au taux réduit, ou pour lui appliquer un mécanisme dérogatoire, il faut l'accord unanime des 27 pays membres (article 269 du Traité CE), car cela a des conséquences sur le budget de l'Union Européenne, avec à la clef une nécessité de rééquilibrer celui-ci (car le budget de l'UE ne peut pas être déficitaire, lui) en augmentant les autres ressources. Les 26 autres pays supporteront le coût de ce cadeau aux restaurateurs, il est normal qu'ils aient leur mot à dire.
C'est pas plus compliqué que ça.
Mise à jour :En fait, si. La plaie de ce blog est qu'il a de trop bons commentateurs. Des précisions et rectifications pertinentes ont été apportées ci-dessous sur les raisons de la compétence européenne sur la TVA. Pour les perfectionnistes, lisez les, surtout celui-ci.
Mais bon, on ne peut pas en vouloir à Nicolas Sarkozy. Ce n'est pas comme s'il avait été ministre des Finances de mars à novembre 2004, et ministre du budget de 1993 à 1995, non plus, hein.
Deux remarques finales, pour expliquer mon agacement face à ces propos :
Encore une fois, on retombe dans l'antienne "l'Europe, bureaucratie incompréhensible qui entrave l'essor économique de la France" qui est l'excuse préférée des gouvernements français pour justifier leurs échecs et leurs promesses non tenues. De la part de quelqu'un qui, par les fonctions qu'il a exercées, ne peut ignorer ce qu'il en est, ce mensonge conscient est de la démagogie.
De plus, le Président de la République est garant du respect des Traités (article 3 de la Constitution). Or la TVA au niveau de l'Europe, ça vient d'un traité, et pas le moindre. Que le possible futur président feigne de ne pas comprendre ce traité a de quoi laisser circonspect.
Enfin, il y a une question d'égalité de traitement. Imaginez un seul instant que Ségolène Royal ait dit cela. Que n'entendrions-nous pas ! Quelle incompétente, elle est bête comme ses pieds, ignorante, elle ne comprend rien à rien et est inapte à présider la France. Mais que Nicolas Sarkozy le dise, fasse une analogie qui ne tient pas la route, et se contente pour conclure de "On va changer les règles parce que c'est pas possible", et ça passe.
Et bien non, ça ne passe pas. Je ne peux pas accepter qu'on joue avec l'Europe comme on joue avec des allumettes. On a déjà payé très cher ce petit jeu il y a deux ans.
Ha, et comme je sais que je vais me faire traiter de Ségoléniste par les Sarkozistes, ce qui me changera un peu mais guère des Ségolénistes qui me traitaient de Sarkozistes, je modère les commentaires sous ce billet. Ne vous fatiguez pas à déblatérer vos slogans, ils partiront à la poubelle sans même que je lise jusqu'au bout.