Il s'agit ici d'une réédition d'un billet du 23 mars 2005, qui n'était plus à jour, du fait notamment du passage de la loi Clément sur la récidive. Le voici actualisé.
Il existe deux types de sursis : le sursis simple (la peine n'est pas exécutée si le condamné se tient à carreau) et les sursis que nous appelleront "complexes" : la peine n'est pas exécutée si le condamné se conforme à des obligations fixées par le tribunal (mise à l'épreuve, accomplissement d'un travail d'intérêt général), qui supposent un suivi judiciaire. Le sursis peut être total ou partiel : dans ce dernier cas, on parle de peine "mixte" : une part de prison ferme pour réprimer, une part avec sursis pour dissuader.
Une autre distinction à faire est celle entre une peine privative de liberté (i.e. de la prison) et les peines non privatives de liberté.
Le sursis peut en effet s'appliquer aussi à des peines autres que la prison : l'amende (délictuelle et pour les contraventions de la 5e classe, les plus graves), aux jours-amende (ça doit être rare, je ne l'ai jamais vu), aux peines alternatives à l'emprisonnement (prononcées aux lieux et places d'une peine d'emprisonnement) des articles 131-6, 131-7 et 131-14 du Code pénal sauf la confiscation, et aux peines complémentaires (prononcées en plus d'une peine d'emprisonnement) des articles 131-10, 131-16 et 131-17 sauf les confiscations, fermetures d'établissement ou affichage de la condamnation.
Les effets des sursis sont les mêmes : passé un certain temps sans incident (5 ans pour un sursis simple, le délai d'épreuve fixé par le tribunal pour les sursis complexes), la condamnation est réputée non avenue. Elle figure quand même au bulletin n°1 du casier judiciaire, mais elle ne fait plus obstacle à un nouveau sursis, ne peut mettre en état de récidive, et bien sûr ne peut plus être mise à exécution.
- Le sursis simple (ou sursis tout court) :
Il ne peut être prononcé que pour les peines d'amende ou d'emprisonnement n'excédant pas 5 ans. Le prévenu ne doit pas avoir été condamné à de la prison avec sursis dans les 5 ans précédents. On ne peut avoir qu'un seul sursis simple en cours.
Si le prévenu a été condamné à une peine non privative de liberté, assortie du sursis, le tribunal peut encore prononcer une peine de prison avec sursis simple, mais pas une nouvelle peine non privative de liberté, mais d'une autre nature.
Exemple : A a été condamné à 500 euros d'amende avec sursis. S'il est jugé à nouveau dans une délai de 5 ans pour un délit ou crime, il peut être condamné à de la prison avec sursis, mais pas à une amende avec sursis.
Toute peine de prison ferme, même d'un jour, révoque automatiquement tous les sursis (sauf si exceptionnellement le tribunal en décide autrement, ce qui est très rare).
Toute peine non privative de liberté ferme révoque tous les sursis sauf celui accompagnant un emprisonnement. La loi estime que dans ce cas, la condamnation prononcée par le tribunal aurait des conséquences excessives par rapport à la peine qu'il a jugée adéquate.
- Les sursis "complexes" : le sursis avec mise à l'épreuve (SME) ou le sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (sursis TIG).
Ces sursis ne peuvent accompagner qu'une peine privative de liberté. Leur intérêt est qu'ils peuvent être prononcés quand le prévenu a déjà une peine de prison avec sursis au casier. Ils peuvent se cumuler à hauteur de deux, sauf si l'intéressé est poursuivi pour un crime, un délit de violences volontaires, un délit d'agressions ou d'atteintes sexuelles ou d'un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, auquel cas un seul SME est permis : s'il en a déjà un, le juge ne peut que prononcer une peine de prison ferme. J'en ai déjà vu en prononcer en exprimant ses regrets de n'avoir pas d'autre choix. Merci la loi Clément.
Ils impliquent un suivi du condamné par le juge d'application des peines qui s'assurera du respect de ses obligations par le condamné, faute de quoi il pourra révoquer le sursis.
Le tribunal quand il prononce une de ces peines doit en fixer les modalités. C'est a dire préciser la durée de l'emprisonnement, toujours dans la limite de 5 ans (10 ans si la personne est en état de récidive légale, mais en cas de peine mixte, la partie ferme ne peut excéder cinq ans), et soit la durée et la nature des obligations de la mise à l'épreuve, soit le nombre d'heures de TIG
Le sursis avec mise à l'épreuve (SME) : Le délai d'épreuve est compris entre 12 mois et 3 ans. Ce délai est porté à 5 ans si le prévenu est en état de récidive, ou à sept ans si la personne a déjà été condamnée en état de récidive.
Tout SME entraîne automatiquement les obligations suivantes pour le condamné, sans même que le tribunal ait à les prononcer (article 132-44 du code pénal).
- Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné ;
- Recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ;
- Prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ;
- Prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ;
- Obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger et, lorsqu'il est de nature à mettre obstacle à l'exécution de ses obligations, pour tout changement d'emploi ou de résidence.
En plus, le tribunal peut prononcer les obligations qu'il souhaite parmi cette liste (qui figure à l'article 132-45 du code pénal) :
- Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ;
- Établir sa résidence en un lieu déterminé ;
- Se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation ;
- Justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ;
- Réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile ;
- Justifier qu'il acquitte en fonction de ses facultés contributives les sommes dues au Trésor public à la suite de la condamnation ;
- S'abstenir de conduire certains véhicules déterminés par les catégories de permis prévues par le code de la route ;
- Ne pas se livrer à l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
- S'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné ;
- Ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de paris mutuels ;
- Ne pas fréquenter les débits de boissons ;
- Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;
- S'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, notamment la victime de l'infraction.
- Ne pas détenir ou porter une arme ;
- En cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;
- S'abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l'infraction commise et s'abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu'en cas de condamnation pour crimes ou délits d'atteintes volontaires à la vie, d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles ;
- Remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ;
- Accomplir un stage de citoyenneté.
- En cas de violences conjugales, s'abstenir de paraître au domicile conjugal.
Il va de soi que le tribunal choisit celles en relation avec l'infraction ou ses causes. Les plus fréquentes sont et de loin l'obligation de travail, de soins et d'indemnisation (1°, 3° et 5°).
Le stage de citoyenneté est une invention de la la loi Perben II, une session (jusqu'à un mois, 6 heures par jour maximum) de propagande républicaine aux frais du condamné, auquel je prédis un succès mitigé auprès des juridictions, sauf si le prévenu est animateur à la télévision.
Le sursis TIG : trois différences essentielles dans le régime du sursis TIG : il est applicable aux mineurs de 16 à 18 ans, il doit être accepté par le prévenu (le président lui demande son accord avant de délibérer pour savoir s'il peut envisager la possibilité de prononcer un TIG) et il ne peut être que total : pas de peine mixte prison + TIG. Les TIG doivent être accomplis dans le délai de 12 mois à compter de la condamnation, le délai d'épreuve est donc fixe.
La durée est de 40 h à 210 heures, fixée par le tribunal.
Les sursis complexes ne sont jamais révoqués automatiquement, contrairement au sursis simple. Ils sont révoqués soit par le juge d'application des peines en cas de non respect des obligations du condamné, soit par un tribunal statuant sur une nouvelle infraction commise pendant le délai d'épreuve.
Enfin, sachez que les TIG peuvent dans certains cas être prononcés à titre de peine principale et non comme modalité du sursis, auquel cas la violation des obligations constitue un délit à part entière, une sorte d'évasion atténuée. Je n'entrerai pas dans les détails, l'application de ce texte étant problématique et hors sujet.
Quelques exemples pour mettre tout cela en pratique.
''X. est poursuivi pour vol. Il n'a pas de casier, il se prend deux mois avec sursis. Un an plus tard, il commet des dégradations (il n'y a donc pas récidive). Le sursis simple n'est plus applicable. Le tribunal prononce 4 mois de SME pendant 2 ans avec obligation de travailler et d'indemniser la victimes (132-45, 1° et 5°). Un an plus tard, il commet à nouveau un vol. Le tribunal le condamne à 6 mois fermes. Le sursis simple est automatiquement révoqué : il fera donc 8 mois ; le tribunal peut en outre décider de révoquer le SME (on se demande d'ailleurs comment en prison il respectera ses obligations), ce qui fait un total de 2 mois + 4 mois + 6 mois = 12 mois.''
''Y. est poursuivi pour des dégradations. Il n'a pas de casier. Il prend 1000 euros d'amende avec sursis. Un an plus tard, il est à nouveau poursuivi, pour un vol. Le tribunal ne peut plus prononcer d'amende avec sursis. Il peut prononcer de la prison avec sursis et le condamne à un mois avec sursis. Un an plus tard, nouvelles poursuites pour abus de confiance (Y. suit décidément une bien mauvaise pente). Il est en état de récidive. Il se prend 3000 euros d'amende. Le sursis est révoqué automatiquement pour l'amende, mais pas pour la prison. Il doit donc payer 4000 euros d'amende. Un an plus tard, revoilà notre Y. devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut soit prononcer une peine de prison ferme, à laquelle viendra s'ajouter automatiquement un mois du sursis révoqué, soit prononcer un sursis SME qui n'entraînera pas révocation. Vu le casier du garçon, gageons que le procureur exigera de la prison ferme, et qu'il l'obtiendra.''