Ce blogue change d'habits, à titre provisoire.
Ce mois de mars, et tout particulièrement le 25 mars prochain, c'est le 50e anniversaire de la signature du Traité de Rome, qui a donné naissance à la Communauté Economique Européenne, ancêtre de l'Union européenne.
Européen convaincu et enthousiaste, je tiens à marquer ainsi cet anniversaire, tant la construction européenne est à mon sens ce qu'il y a eu de meilleur au XXe siècle, siècle pourtant riche en horreurs et en malheurs.
En haut à gauche, vous voyez le logo officiel de ce 50e anniversaire, création de Szymon Skrzypczak, qui apparaîtra à chaque rechargement de la page dans une des langues de l'Union. Le texte est tout simplement "Ensemble depuis 1957". Ce logo appartient à la Communauté européenne et à son auteur.
Merci à Kozlika, ange de ce blogue qui lui doit tant, et qui m'a fait cet habillage en mode Code Rouge.
Pourquoi mon enthousiasme pour l'Europe ?
Pour des raisons objectives et subjectives.
Objectives : la construction européenne, nous l'oublions, nous qui n'avons pas connu cette époque, est née sur les ruines du plus dévastateur conflit qu'ait connu notre continent. Conflit lui même né d'un conflit que l'on croyait déjà avoir été le pire de tous, et qui a été mal réglé par le choix d'une humiliation du vaincu plutôt que d'une réconciliation. Conflit qui lui même était né de l'humiliation française de 1870. Elle même issue du rêve de reconstruire l'Empire de Napoléon, lui même né du désir d'exporter la Révolution par la force, etc etc ad nauseam.
La première pierre a été posée le 9 mai 1950 par le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, qui par sa célèbre déclaration, a défini le socle de la construction à venir :
L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée. L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne.
Depuis, le 9 mai est la fête officielle de l'Union européenne.
Le saviez-vous ? Cette phrase figure sur tous vos chèques. Les lignes sur lesquelles sous écrivez la somme et le bénéficiaire, ainsi que les deux barres parallèles, ne sont pas des traits continus mais cette phrase imprimée en caractères minuscules (regardez bien, prenez une loupe). Il s'agit d'une sécurité anti-copie, aucune photocopieuse même laser ne pouvant recopier des caractères aussi petits.
Songez aussi que le jour où cette main à été tendue, il s'était écoulé autant de temps depuis la capitulation de l'Allemagne nazie qu'entre le vote des pleins pouvoirs à Pétain et cette même capitulation. En autant de temps qu'il a fallu à l'Europe pour s'entretuer, l'Europe a su fraterniser.
Le 18 avril 1951, c'est la création de la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier. Soit les deux matériaux indispensables à la reconstruction. La volonté de contrôler les réserves de charbon et les hauts fourneaux (la Lorraine en France, la Rhur en Allemagne) a été une cause déterminante de la guerre. La solution : mettre ces ressources en commun. Un traité pose le principe de liberté de circulation de ces matières, sans droits de douane. Ce principe nécessitant de prendre de nombreuses mesures d'application et de trancher les difficultés, le traité crée une nouveauté en droit international : le droit dérivé. Le traité CECA crée des institutions permanentes ayant un pouvoir normatif, et une juridiction pour trancher les litiges entre Etats membres et entre ces institutions permanentes et les Etats membres. C'est encore sur ce schéma que fonctionne l'UE, avec en plus la mise en place d'un parlement en 1979.
En 1954, c'est l'échec de la Communauté Européenne de Défense (c'est la France qui vote non, déjà...). Aussitôt, une initiative est relancée sur le plan économique, pour transposer le fonctionnement de la CECA à l'ensemble de l'économie. Pourquoi ? PArce que ça marche, tout simplement.
Et en 1957, c'est la création de la CEE, entre six pays : la France, l'Allemagne, l'Italie, et le Bénélux (Belgique, Hollande, Luxembourg). Cinq mois plus tôt, les chars russes écrasaient dans le sang l'espoir de liberté des Hongrois.
Aujourd'hui, l'Union s'étend jusqu'à une partie de l'ancienne URSS, et aux portes du Moyen Orient (Chypre est à 100 km de la Syrie et du Liban). Alors que j'ai deux arrières-grand oncles qui, après avoir été élevés dans la haine de l'Allemagne, sont morts à Verdun, aujourd'hui, je ris avec des amis allemands, anglais, italiens, j'ai fait mes études aux côtés d'Anglais, de Suédois, de Belges, d'Espagnols, d'Autrichiens, de Portugais... La guerre entre ces pays est devenue tellement impossible que l'idée même paraît absurde et fait sourire. Pourtant, le dernier soldat Français tué par un soldat Allemand est tombé il y a à peine soixante ans. Dire qu'on s'est tués alors qu'on pouvait s'enrichir ensemble...
C'est sans doute l'héritage que je transmettrai avec le plus de fierté à mes enfants.
Subjectivement maintenant. Je dois beaucoup à l'Europe, et notamment je lui dois l'amour de ma vie. C'est grâce au programme Erasmus que j'ai rencontré celle qui allait illuminer le reste mon existence (et je l'ai rencontrée à Londres...), grâce au programme Leonardo Da Vinci que j'ai pu la revoir rapidement, et c'est grâce à l'Europe qu'elle peut être à mes côtés sans plus avoir à aller faire la queue à l'aube aux portes d'une préfecture quémander une carte qu'on ne peut lui refuser. Car elle a connu cela. Et les non européens mariés à un Français le connaissent encore.
A l'heure où la France grelotte de frilosité et de peur face à l'avenir, et morigène Bruxelles pour ne pas blâmer Paris, où l'économie européenne est florissante là où celle de la France végète, et où on se réjouit d'un non qui condamne à l'immobilisme, il faut regarder lucidement ce qu'est l'Europe, ce qu'elle nous a apporté, ce qu'elle nous apportera encore. Et plus fort que tous les clichés éculés de l'hydre bureaucrate source de tous nos maux, c'est un cri de joie qu'il faut faire entendre.
Vive l'Europe, longue vie à l'Union européenne. Européens : vous êtes mes frères.
Et joyeux anniversaire à tous.