J'ouvre dès maintenant ce fil de commentaire sur le documentaire de France 2 qui va passer alors que j'écris ces lignes, pour vos impressions, commentaires, observations et questions.
- Bon, ça commence mal, la voix off avant le générique dramatise inutilement.
- Ha, Créteil, quel beau TGI. Vue imprenable sur l'A86 et les voies SNCF... 15 étages de haut.
- Première affaire : un grand classique, une affaire d'exercice de l'autorité parentale. La juge est saisie à nouveau à peine trois mois après car les décisions en la matière n'ont jamais l'autorité de la chose jugée, car l'intérêt de l'enfant peut exiger qu'à tout moment, on change les modalités ou tranche une difficulté. Très souvent, ce sont les époux qui utilisent cette procédure pour tenter de jouer un match retour. Ce genre de scène d'engueulade est de fait assez fréquent.
- Un petit tour en médiation, c'est très à la mode, les modes alternatifs de règlement des litiges, mais en matière familiale, ça peut être utile.
- Médiation échouée. Le juge tranche. Ce ton d'engueulade est typique des affaires familiales. C'est vraiment une matière à part.
- Deuxième affaire : audience collégiale. Notez que les architectes de 1974 ont supprimé l'estrade en matière civile. Résultat, quand on se lève pour plaider, on toise les juges comme un professeur sa classe. Du coup, les juges demandent aux parties de rester assises. Là, c'est la procédure TGI qui s'applique (représentation obligatoire) mais souvent, vu les matières en cause (adoption ici), la loi impose la comparution des parties.
- Mince, je refais du live blogging. Je vais encore me faire houspiller.
- Le procureur est présent car l'adoption concerne l'état civil, qui relève également des attributions du ministère public.
- Le décorateur des salles civiles de Créteil devrait être envoyé aux galères. Il serait condamné à fouetter à perpétuité celui qui a décoré les salles d'Evry.
- L'adoption est prononcée, tout le monde est content, mais le saviez-vous ? Cette adoption n'a aucune conséquence directe sur la régularité du séjour. La petite Zhou risque toujours une arrestation, un placement en centre de rétention jusqu'à 32 jours, et une reconduite en Chine par la force. On peut espérer qu'un juge administratif mette le holà, mais encore faudrait-il qu'il soit saisi dans les 48 heures de la décision d'éloignement. Le droit des étrangers, une matière magnifique.
- Troisième affaire : Audience d'autorité parentale, avec allégations d'attouchements. Ca, c'est dur. C'est une accusation terrible à l'égard du père, mais on ne peut prendre de risque pour l'enfant. Le pire c'est que même quand les attouchements n'existent pas, l'autre parent peut en être sincèrement persuadé. Il peut vivre dans un délire auto-suggéré. Difficile de l'en extirper. Et le comportement de l'enfant avec son père n'est pas une preuve. Un jeune enfant aimera toujours ses parents, même si l'un d'eux est un tortionnaire.
- Quatrième affaire : Audience de divorce menée par une auditrice de justice (élève magistrate). Voyez le bonheur d'avoir une partie sans avocat. L'audience se passe en deux temps : d'abord, les époux sont reçus seuls par le juge pour qu'il s'assure de leur réelle volonté de divorcer. C'est une règle un peu surannée, qui remonte à la réforme du divorce de 1975, quand le divorce avait une charge symbolique et sociale plus grande qu'aujourd'hui. Application de la règle non écrite dans le code de procédure civile s'appliquant aux avocats : toujours s'asseoir entre les époux pour éviter un échange de coups.
- Illustration de la formation des magistrats. Dur d'avoir de l'autorité. Elle s'en sort bien, l'auditrice, elle n'a pas un dossier facile. Pas d'avocat pour l'époux qui parle mal français et est un rien borné.
- Cinquième affaire : Divorce par requête conjointe, dans une séparation déjà réglée et bien gérée. Le dossier bien huilé. Une séparation d'adultes, quoi. C'est assez fréquent, en fait. Ca réconforte. En fait il y a toujours des blessures qui existent, sinon il n'y aurait pas de séparation, mais elles n'ont pas leur place dans un cabinet de JAF. Mine de rien, il y a aussi un travail de l'avocat en amont, pour régler les aspects juridiques et pratiques. Un dossier qui arrive comme ça sans souci, c'est aussi un bon travail d'avocat.
Fin de l'épisode.
Globalement, c'est pas mal du tout, ce documentaire, car la caméra a su se faire invisible. Peu de commentaires en off (les miens suffisent largement...), les magistrats semblent avoir parfaitement accepté l'équipe et leur parlent à coeur ouvert. La matière des affaires familiales a bien été traversée, on a vu un peu tout ce que fait un JAF. Et c'est si rare qu'on s'intéresse à la justice civile.
Rendez vous mercredi prochain (attention, pas jeudi) pour le deuxième épisode.