Le journaliste Alain Duhamel a été suspendu à la suite de la diffusion de propos qu'il a tenus à l'Institut de Science Politique de Paris où après avoir longuement parlé de François Bayrou par des propos qui n'étaient pas exempts de critique, il a indiqué, "pour être parfaitement clair", qu'il votera pour lui.
Ma position est parfaitement résumée par l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions. Pas viré, pas sanctionné, pas placardisé, et même pas inquiété. Chacun doit pouvoir exprimer une opinion sans ne serait-ce que craindre des conséquences néfastes pour lui.
Vous voyez, on en est loin. Quelle Tartufferie extraordinaire qui exige que des journalistes, sous prétexte qu'il parlent de politique à la télévision, seraient censés ne pas avoir de pensée politique. Ils ont le droit de vote, ont fait de la politique leur métier, et vont voter. Pourquoi s'offusquer quand ils disent ce que tout le monde sait ? Y a-t-il une seule personne qui ait osé affirmer tout haut le fait que ce journaliste ait décidé de voter Bayrou implique qu'il mettra à profit sa position pour favoriser ce candidat, ou manipuler l'opinion ? Les critiques de ce journaliste, qui n'a pas que des amis, ont-ils attendu sa terrible révélation : "Je suis centriste", pour dire tout le mal qu'ils pensent de lui ?
Alors à quoi rime ce bal des faux culs ? Je suis atterré par la stupidité de cette décision. Le fait que le 22 avril prochain, je glisserai un bulletin dans l'urne sur lequel il y aura un nom m'interdit-il de parler politique sur mon blog ? Ou cette interdiction tombera-t-elle le jour où je saurai quel nom sera écrit dessus ? La politique n'est-elle que réservée aux indécis ? C'est absurde, et injustifiable.
Maintenant que ce soutien est affiché, il est temps que je tape à son tour sur les doigts de l'intéressé. Qu'il soit mécontent, outré et aigri, je le comprends, il a raison.
Mais déclarer à Associated Press un énormité comme :
Il s’est déclaré choqué par le fait que “des propos privés se retrouvent en public”, assurant qu’il ignorait être filmé. Il a également dénoncé “l’effet d’internet”, qui est “à la fois émancipateur” et “totalitaire”, parce qu’il y a “un effet de choc gigantesque”.
Il y a des naïvetés fautives. Faire une conférence dans un amphithéâtre n'est pas tenir des propos privés. Aucun élève présent n'était tenu au secret des propos tenus. Quand on est une personnalité publique qui tient devant un public nombreux des propos politiques, il faut s'attendre à ce qu'ils soient répétés. Lionel Jospin l'a appris à ses dépens en son temps. Un journaliste de cette expérience est censé savoir la différence entre une confidence et un propos susceptible d'être répété. Blâmer sur internet sa propre légèreté, c'est une esquive peu glorieuse, et inutile pour quelqu'un qui est dans son bon droit. Mais bon, taper sur internet, ça ne mange pas de pain, ça ne fâche pas les confrères et les patrons à qui il faudra solliciter un nouveau poste une fois les élections passées.
Le totalitarisme, ce n'est pas dire "Tel journaliste votera pour tel candidat, il l'a dit dans telle circonstance, voici la preuve" ; c'est inquiéter un homme parce qu'il exprime ses opinions.
Ne vous trompez pas d'ennemi, Cher Alain. Vous risqueriez par accident de cirer les pompes qui vous ont botté les fesses.