Quelques lecteurs, bien intentionnés je n'en doute pas, qui n'avaient jamais commenté sur ce blogue ont réussi à vaincre leur timidité pour parler en commentaire du soi-disant scandale de la SCI La Sapinière.
Autant j'aime à pointer du doigt les énormités que peut proférer tout candidat à la magistrature suprême de notre pays, et m'amuse à lire les justifications variées, imaginatives et contradictoires qu'on peut invoquer à la rescousse, autant les baudruches m'agacent. Et là, c'en est une belle, à mon avis.
Ainsi, Ségolène Royal et François Hollande, qui vivent maritalement et ont eu des enfants ensemble, ont créé une société civile immobilière, la SCI La Sapinière, dont ils sont tous deux gérants. Cela n'a rien d'un secret honteux, puisque les SCI sont désormais toutes inscrite au répertoire D du registre du commerce et des sociétés tenu par le greffe du tribunal de commerce de Paris, sous le numéro 377 552 955, registre qui est librement consultable par quiconque.
Une société civile immobilière est une société dont l'objet est l'acquisition et l'administration d'un ou plusieurs biens immobiliers. Il est fréquent que des particuliers désireux de devenir propriétaires créent une SCI, soit entre époux ou concubins, soit entre parents et enfants : la complication née de la nécessité de gérer une société est compensée par la facilité de transmission du bien, notamment d'un point de vue successoral.
Bref, c'est parfaitement légal.
La rumeur qui est ainsi colportée laisse entendre que cette SCI aurait été constituée pour échapper à l'ISF. En l'état, cela me paraît plus que douteux.
Je ne vais pas me lancer dans un cours sur la fiscalité des SCI, ce n'est pas ma partie, mais quand même, il va falloir soulever le capot, car la calomnie repose souvent sur l'ignorance du sujet de celui à qui elle s'adresse.
Une SCI peut être constituée pour payer moins d'impôts, mais pas pour échapper à l'impôt (hélas...). On est en France, ne l'oublions pas : une telle fuite fiscale n'aurait pas échappé à nos dispendieux mais vigilants députés.
En gros, à la création de la SCI, des options doivent être exercées : soumission à la TVA ou non, soumission à l'impôt sur les sociétés (IS) ou sur l'impôt sur le revenu (IRPP). Ces choix dépendent de l'opération envisagée dans son ensemble. Si on envisage revendre le bien assez rapidement, il vaut mieux opter pour l'IRPP, car les plus-values sont moins taxées. Si on veut le louer pour toucher des loyers, il vaut mieux opter pour l'IS, pour éviter que les loyers ne s'ajoutent au revenu imposable des associés une fois que les échéances de l'emprunt immobilier ayant servi à acquérir le bien remboursent plus de capital que d'intérêts (effet dit "de ciseaux"). Je schématise, bien sûr. Allez voir un notaire ou un avocat fiscaliste si vous voulez monter une SCI, ce sont des charges déductibles bien employées, croyez moi.
Il existe un cas et un seul où les biens immobiliers détenus par la SCI seront exonérés de l'ISF : c'est le cas de la SCI qui détient un local professionnel qu'elle loue à l'exploitant de ce local, si le détenteur des parts est également exploitant de ce local. Par exemple, A est associé d'une SCI propriétaire d'un hôtel qu'elle loue à la société anonyme qui gère cet hôtel, dont A est également associé et tire au moins 50% de ses revenus (qui a dit que le droit fiscal était simple ?). En effet, les biens professionnels sont exclus de l'assiette de l'ISF, et le Code Général des Impôts assimile aux biens professionnels les SCI qui possèdent des locaux professionnels. Si ce n'est pas le cas, la SCI est prise en compte pour le calcul de l'ISF. Le droit fiscal envisage même l'hypothèse d'une SCI possédant des biens professionnels ou non, et des biens à usage professionnels et non professionnels (comme un immeuble qui a une boutique en rez de chaussée et des appartements d'habitation au-dessus).
L'Etat s'y retrouve toujours, puisque ces biens échappant à l'ISF sont soumis à la taxe professionnelle, entre autres.
Bref, l'attaque en question ne me paraît, en première analyse, reposer sur rien de concret et relever d'une opération de basse calomnie. Si des fiscalistes de l'UMP peuvent éclairer ma lanterne sur ce qui m'aurait échappé (ma connaissance du droit fiscal remonte à la faculté, même si j'étais fort bien noté) ; mais en attendant, qu'il me soit permis de penser que réaliser un montage permettant de diminuer sa charge fiscale, même quand on est de gauche, est plus un signe de bonne gestion que de tartufferie politique, sauf à reprocher également à Ségolène Royale de ne pas majorer intentionnellement ses revenus pour payer plus d'impôt sur le revenu...
PS, in cauda venenum : ces propos sur le droit fiscal ne s'appliquent pas à la fiscalité de Second Life...