La presse française s'en fait fort peu l'écho, et pourtant la nouvelle est d'importance. Un mois à peine après leur victoire au mid-term elections, le parti démocrate risque fort de perdre sa majorité au Sénat. Il est vrai que l'explication est un peu compliquée, et que les médias détestent embêter leurs lecteurs avec des choses compliquées.
Alors, y a-t-il eu un coup d'Etat ? Une trahison ? Non point.
Rappelons tout d'abord qu'au lendemain des élections du 7 novembre dernier, les démocrates avaient obtenus une courte majorité de 51 sièges contre 49 aux Républicains (le Sénat américain à cent sièges, deux par Etat).
Le sénateur Démoctate Tim Johnson, sénateur du Dakota du Sud (capitale Pierre, 14.000 habitants, comme tout le monde le sait) vient d'être frappé par un accident vasculaire cérébral et a été opéré à l'hôpital George Washington, à Washington D.C. Son état est critique mais stable.
Vu la gravité de cette attaque, il ne devrait pas être en état de tenir son mandat de sénateur américain (Notons ici la supériorité de la France qui a depuis longtemps permis l'accession aux plus hautes responsabilités aux grands malades).
Que prévoit la loi en l'occurrence ?
La Constitution américaine, pas grand chose. Elle précise (Article Premier Section 3) que
Le Sénat des États-Unis sera composé de deux sénateurs pour chaque État, choisis pour six ans par la législature de chacun, et chaque sénateur disposera d'une voix.
et le 17e amendement que
En cas de vacance dans la représentation d'un Etat au Sénat, l'exécutif de cet Etat devra convoquer des élections pour y suppléer ; toutefois, le législatif de cet Etat pourra donner pouvoir à l'exécutif pour désigner provisoirement un remplaçant jusqu'à ce que le peuple comble la vacance par voie d'élection conformément à ce que le législatif décidera.
Or le gouverneur du Dakota du Sud, Mike Rounds, est Républicain. Les deux chambres du parlement du Dakota méridional sont également républicaines. Il ne fait donc aucun doute que le remplaçant de Tim Johnson sera républicain. La Constitution laissant une large maîtrise du processus électoral aux Etats, et le mandat de Johnson expirant en 2008, le Dakota du Sud pourra aisément désigner un remplaçant et renvoyer la désignation de son successeur aux élections de 2008.
Mais, me direz-vous, on retombe dans une hypothèse de parité : 50-50. Les républicains n'ont pas la majorité.
Certes. Mais c'est là que j'invoque l'article Premier, Section 3, alinéa 4 de la Constitution américaine :
Le Vice Président des Etats-Unis sera Président du Sénat, mais sans droit de vote, sauf en cas de partage des voix.
Le Vice Président est le Républicain Richard Bruce "Dick" Cheney. Voilà la cinquante et unième voix donnant la majorité sénatoriale aux républicains.
Les démocrates américains n'ont donc jamais été aussi soucieux de l'état de santé d'un de leurs sénateurs. La presse française ayant visiblement décidé que ce qui nous intéressait, c'est le voyage en Suisse de Johnny Halliday, la suite de ce suspense politique sera à lire sur ce blog.