Quand on est avocat, une grande partie de notre travail consiste à se tenir à jour de l'évolution législative. Je précise à l'égard de certains commentateurs effrayés du taux horaire des avocats que le temps que nous consacrons à cette passionnante activité n'est pas rémunéré par nos clients, et que les formations que nous suivons et la documentation que nous devons acquérir n'est pas gratuite.
Heureusement, de temps en temps, le législateur nous glisse ce que les anglophones appellent un easter egg, un oeuf de pâques, c'est à dire une petite friandise cachée, afin que le plaisir de la croquer soit doublé du plaisir de l'avoir trouvée. Ainsi, la loi Perben II avait modifié un article de loi depuis longtemps abrogé, et qui après cette modification restait tout aussi abrogé.
Cette fois, c'est la très haïssable loi n°2006-1376 du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages, qui m'a quand même arraché un sourire, grâce à son article 1er, qui modifiera au 1er mars 2007 la rédaction de l'article 63 du Code civil.
Cet article prévoit depuis la loi Sarkozy du 26 novembre 2003 sur la maîtrise de l'immigration[1] que l'officier d'état civil qui va célébrer le mariage doit convoquer les époux pour les entendre afin de s'assurer de la sincérité de leur mariage ; s'il a des doutes sur ce point, il peut en avertir le procureur de la République qui pourra alors former opposition au mariage (article 175-2 du Code civil, issu de la loi du 26 novembre 2003).
Prévoyant, le législateur ajoute à l'article 63 du Code civil que :
L'audition du futur conjoint mineur se fait hors la présence de ses père et mère ou de son représentant légal et de son futur conjoint.
Amnésique, le législateur a oublié qu'il a lui-même voté une loi le 4 avril dernier qui dans son article 1er prévoyait que désormais :
L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus.
C'est à dire quand ils sont majeurs. L'audition d'un futur conjoint mineur serait donc illégale puisque le futur conjoint ne doit pas être mineur.
Des esprits soucieux de voler au secours de législateur me diront qu'une dispense d'âge est possible pour motifs graves (article 145 du Code civil).
Il est vrai, mais cette dispense est accordée par le procureur de la République. Qu'il me soit permis de me demander où serait la logique du système qui voudrait que l'officier d'état civil pût demander au procureur de s'opposer au mariage qu'il vient d'autoriser.
Je crains fort qu'une fois de plus, le législateur montre qu'à force de voter texte sur texte au pas de charge, il ne se souvient même plus de ce qu'il a voté sept mois plus tôt et continue à légiférer sur des situations qu'il a rendu impossibles par une loi précédente.
Vous comprenez dès lors que chaque annonce d'une nouvelle réforme de la procédure pénale me plonge dans des abîmes d'angoisse.
Notes
[1] Immigration tellement maîtrisée que le même ministre a cru devoir faire voter une nouvelle loi sur le même thème, cette fois baptisée sur l'immigration et l'intégration...