Mon billet développera les deux points du titre mais en ordre inverse.
D'abord, la décision qui n'aurait jamais dû être rendue.
Une de mes taupes chez l'ennemi (qui se reconnaîtra et que je remercie) me transmet un arrêt rendu le 14 septembre dernier par la deuxième chambre civile de la cour de cassation, qui a entre autre comme rôle de faire régner l'orthodoxie juridique en matière de procédure civile. Et là on peut dire qu'elle n'a pas été déçue.
Cour de cassation, deuxième chambre civile 2, arrêt du 14 Septembre 2006 Cassation de : juge de proximité Toulon 26 mai 2004.
Pourvoi n°04-20.524
La cour commence par un bref rappel des faits :
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que Mme M., qui avait donné en location à M. et Mme T., pendant une période estivale, une caravane et ses accessoires, a été condamnée par une juridiction de proximité à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;
Vient la discussion en droit. La cour va d'abrord viser le texte qu'elle va appliquer.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Ouch. Le visa qui fait mal. Le juge ne s'est pas trompé sur un obscur article d'un décret que personne ne connaît, il a carrément violé un droit fondamental. Lequel ? Réponse ligne suivante.
Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ;
Et qu'a-t-il fait, ce proxijuge partial ?
Attendu que, pour condamner Mme M., le jugement retient notamment « la piètre dimension de la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but louable en soi sauf pour certains personnages pétris de malhonnêteté comme ici Mme M., dotée d'un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, ses préoccupations manifestement strictement financières et dont la cupidité le dispute à la fourberie, le fait qu'elle acculait ainsi sans état d'âme et avec l'expérience de l'impunité ses futurs locataires et qu'elle était sortie du domaine virtuel ou elle prétendait sévir impunément du moins jusqu'à ce jour, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle nécessitant la mise en oeuvre d'investigations de nature à la neutraliser définitivement »;
Ha ouais, quand même.
Admirons la cour de cassation dans un exemple de retenue impartiale :
Qu'en statuant ainsi, en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité, le juge a violé le texte susvisé ;
C'est le moins qu'on puisse dire.
Mais ce n'est pas tout.
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 1353 du code civil et 455 du nouveau code de procédure civile ;
Ha, il se pose un problème lié à l'administration de la preuve.
Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ;
Partial et inéquitable ? Je crains le pire.
Attendu que, pour écarter les éléments de preuve produits par Mme M., le jugement énonce notamment « que si la présente juridiction conçoit aisément que les requérants aient dû recourir à des attestations pour étayer leurs allégations, elle ne saurait l'accepter de la bailleresse, supposée de par sa qualité, détenir et produire à tout moment, sauf à s'en abstenir sciemment et dès lors fautivement, tous documents utiles ; que si Mme M. disposait d'éléments autrement plus probants mais certainement très embarrassants à produire auprès de la juridiction de céans ; que toutes les attestations sans exception aucune, de pure et manifeste complaisance dont elle a cru mais à tort qu'elles suffiraient à corroborer ces allégations, il échet de déclarer ces dernières mensongères et de les sanctionner » ;
Et je ne craignais que le pire...
Qu'en statuant par des motifs inintelligibles et en écartant par une pétition de principe certains des éléments de preuve produits par Mme M., rompant ainsi l'égalité des armes, le juge a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, (...) :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mai 2004, entre les parties, par la juridiction de proximité siégeant dans le ressort du tribunal d'instance de Toulon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant par la juridiction de proximité siégeant dans le ressort du tribunal d'instance de Marseille ;(...)
Ce jugement est donc nul et non avenu. Il en aura coûté deux ans de procédure à Madame M., qui est désormais bonne pour comparaître à nouveau devant... un autre juge de proximité. Bon courage.
Et maintenant, après ce jugement qui n'aurait jamais dû être rendu, voici un arrêt... pas encore rendu. M. Le Maudit signale sur son blog cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, dont le contenu ne présente guère d'intérêt pour les lecteurs de ce blog... Sauf sa date.
Voici donc CAA Nantes, ''28 septembre'' 2006.
On dit la justice administrative lente, voici un démenti cinglant.