Ca y est, je suis à nouveau en pétard.
J'apprends aujourd'hui que Petite Anglaise, une blogueuse drôle, spirituelle et intelligente, que j'ai découvert grâce au Pyjamas de Satin, a été licenciée de son travail en France par un cabinet de comptabilité dont je tairai le nom par charité.
Ce blog est en anglais et du plus pur style de british humor qui me fait pardonner à ce pays sa bière chaude et ses nombreuses victoires sur le XV de France. Elle y raconte sa vie d'expatriée à Paris, de jeune mère, de jeune femme, bref de tout ce qui la rend aussi unique que vous et moi.
Et voilà que la société qui avait la chance de l'avoir dans son registre du personnel l'a mise à pied à titre conservatoire avant de décider de son licenciement pour cause réelle et sérieuse (une faute grave a un temps été envisagée). Pour Petite Anglaise, le coup est dur, même si elle ne se départit pas pour autant de son sens de la dérision :
In the meantime I stuck to the safest anecdotes, seething with frustation at not being able to write about that One Single Horrible Thing which was preying on my mind, night and day, causing dramatic (and not entirely unwelcome) weight loss, panic attacks and sleepless nights[1].
Pourquoi cette décision définitive ? La question mérite d'être posée puisque JAMAIS Petite Anglaise n'a mentionné le nom de son employeur. D'après un article du Telegraph (je n'ai pas tout lu de son blogue, hélas), les seules mentions de la société qui l'employait sont une description de la quintessence d'une société commerciale britannique avec "un portrait de la reine dans un cadre, du chocolat Cadbury's, du thé Tetley et une bière après le travail", qui sont en effet des éléments rendant impossible de distinguer une boîte anglaise d'une autre (encore que Tetley est une société indienne et non anglaise) ; le récit d'une fête de noël où elle décrit un incident diplomatique quand un des employés fait exploser son cracker[2] avant le Senior Partner et son épouse ; la diffusion d'une vue imprenable de son décolleté un jour qu'elle aidait à mettre en place une vidéoconférence, et, élément sans doute le plus à charge, une description dudit senior partner comme étant de la vieille école, "portant des bretelles et des fixe-chaussettes, va dans des Gentlemen's clubs à Londres et appelle les secrétaires des dactylos. Quand je lui parle, je ne peux m'empêcher d'imiter son exquis accent d'Oxford." Shocking, indeed.
Son employeur l'a reconnue car elle a publié une photo d'elle sur son blog. Ce qui tend à démontrer primo que ce qu'elle a décrit de son travail n'a jamais permis de l'identifier, et que secundo ses billets faisaient bien rire le senior partner jusqu'au jour il s'est rendu compte que c'était de lui même qu'il riait. Le Cabinet lui reproche de l'avoir rendu identifiable par cette publication d'une photo d'elle, car des clients la rencontraient, d'avoir médit sur l'entreprise, et d'avoir utilisé de son temps de travail pour son blog (Que Dieu m'en préserve).
Voici Petite Anglaise licenciée et assignant son employeur devant les prud'hommes.
Et Dixon Wilson[3] se ridiculisant en virant une de ses employées pour des motifs dont chacun peut constater la futilité en lisant le blog incriminé. Comment se tirer une balle dans le pied, à voir cette réaction impulsive et un rien paniquée face à la découverte que les employés, notamment les femmes, d'une part ont une vie privée en dehors du travail, et d'autre part ont un esprit critique qui s'exerce même au travail.
Si l'intelligence n'a pas totalement déserté cette entreprise, elle conclura rapidement un accord transactionnel et fermera ce dossier avant que sa réputation ne soit durablement affectée. Et si un décideur d'un concurrent de Dixon Wilson lit ces lignes, qu'il sache qu'il a une opportunité exceptionnelle de recruter quelqu'un de vraiment talentueux, d'une intelligence vive et dotée d'un vrai coup de plume. Merci de m'envoyer vos propositions, je transmettrai à l'intéressée.
En attendant, j'apporte mon entier soutien à Petite Anglaise. Si quelqu'un fait un logo, je l'affiche ici.
PS : je ne connais pas personnellement Petite Anglaise, étant seulement un lecteur occasionnel et muet de son blog. Je l'ai contactée directement pour la première fois aujourd'hui pour lui faire part de mon intention d'écrire sur sa mésaventure.
Notes
[1] : Pendant que l'incident se décantait, je me suis tenue aux anecdotes les plus sures, frémissante de frustration de ne pouvoir écrire sur la Seule et Unique Chose Horrible qui me préoccupait l'esprit, jour et nuit, provoquant une considérable (mais pas entièrement malvenue) perte de poids, des attaques de panique et des nuits blanches
[2] : Sorte de paquet en forme de gros bonbon qui contient un assortiment de cotillons et friandise qui s'ouvre avec un bruit de pétard quand on tire simultanément sur les deux extrémités.
[3] : Réflexion faite, je suis avocat, la charité est une faute professionnelle.