C'est noël pour les opposants au projet de loi DADVSI, dont l'examen à l'assemblée tourne au fiasco pour le gouvernement. La reprise en main de sa majorité semble infaisable à court terme, et le gouvernement n'a pas pas voulu prendre le risque de faire adopter l'ensemble du texte en demandant une seconde délibération sur l'amendement 153, n'étant pas sûr qu'il se trouverait une majorité pour l'écarter. Renaud Donnedieu de Vabres doit se mordre les doigts, puisqu'il avait une possibilité d'écarter cet amendement d'un trait de plume, en arguant qu'il a été déposé après l'examen en commission. Il a sans doute voulu laisser les députés faire le travail impopulaire, et s'est pris les pieds dans le tapis.
Conséquence, le gouvernement, qui a la maîtrise de l'ordre du jour des assemblées, a décidé de suspendre l'examen du projet de loi et de renvoyer l'examen à la prochaine séance, soit après les vacances parlementaires, le 17 janv 2006 à 9h30.
Ces trois semaines permettront au groupe UMP de resserrer les rangs.
▬ Mais le gouvernement n'avait-il pas dit qu'il y avait urgence ?
▬ Oui, il l'a dit et le pense toujours. Mais il faut rappeler le calendrier (mis à jour le 12/01/2006 : j'ai inclus la procédure en manquement qui explique la réaction du gouvernement) :
22 juin 2001 : la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 est publiée au journal officiel des communautés européennes. Elle fixe jusqu'au 22 décembre 2002 aux Etats membres pour la transposer en droit interne.
22 décembre 2002 : Rien ne s'est passé en France. La commission signale à la France qu'elle est en manquement de ses engagements.
23 janvier 2003 : La Commission met en demeure la France de lui communiquer les mesures législatives qu'elle a prise pour se conformer à cette directive. Aucune réponse.
11 juillet 2003 : La Commission rend un avis motivé invitant la France à prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
12 septembre 2003 : La France répond à cet avis, que les dispositions de la directive 2001/29 étaient déjà intégrées dans le code français de la propriété intellectuelle à l'exception de l'article 5, paragraphe 1, et des articles 6 et 7 de ladite directive, pour lesquels les mesures nécessaires à leur transposition étaient en cours de préparation.
12 novembre 2003 : le projet de loi DADVSI (n°1206) est déposé sur le bureau de l'assemblée nationale.
11 février 2004 : N'ayant pas eu d'autres nouvelles de la France, la Commission dépose un recours en manquement contre la France à la Cour de justice des Communautés Européennes.
27 janvier 2005 : La Cour de Justice rend un arrêt C-59/04 condamnant la France pour manquement.
31 mai 2005 : Examen du projet en commission. Rapport déposé le 1er juin 2005.
Septembre 2005 : Le gouvernement déclare l'urgence pour et fixe l'examen aux 21 et 22 décembre 2005.
On n'est donc pas à trois semaines près.
Il faut aussi rappeler le sens de l'urgence déclarée en matière législative (qui n'a rien à voir avec l'état d'urgence décrété suite aux émeutes de novembre) : un projet de loi urgent est renvoyé en commission mixte paritaire après la première lecture en cas de désaccord entre les deux assemblées ; un texte ordinaire est renvoyé en CMP après la deuxième lecture. C'est tout. Le gouvernement a d'autres moyens plus violents de faire passer un projet contre la volonté des députés : le vote bloqué, ou la question de confiance (l'article 49 alinéa 3 de la Constitution). Donc en tout état de cause, le projet de loi adopté devra être examiné par le Sénat.
Que va-t-il advenir de ce projet de loi ?
Il finira par être adopté, puisque la France est tenue de transcrire la directive du 22 mai 2001. Mais cette directive laisse une certaine marge de manœuvre aux parlements nationaux. La discussion a été suspendue avant que l'article 7, l'article central de la loi, ne soit adopté. L'amendement dit "Vivendi Universal" par ses adversaires n'a pas encore été discuté puisqu'il crée un article supplémentaire après l'article 12, et qu'on en est qu'au 7.
Je reparlerai donc de ce projet de loi mi janvier, à la reprise des débats. Le temps de trouver un quatrième jeu de mot sur le roman de Dan Brown, et je vous expliquerai pourquoi à mon sens l'amendement Voldemort Vivendi Universal me semble inapplicable en l'état.