Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Le jour de gloire est arrivé

La nouvelle est tombée jeudi matin. Oh, elle n’a rien de surprenant, on l’attendait depuis longtemps, et je vous en parlais déjà il y a un an, mais ça y est. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France sur la question de la garde à vue.

Il s’agit de l’arrêt Brusco c. France du 14 octobre 2010, n°1466/07.

Alors puisque le mensonge et le déni de réalité est la méthode politique habituelle de ce Gouvernement quand surgit un problème (rappelez-vous : le délit de solidarité n’existe pas, et d’ailleurs, on va le modifier), il est évident que le Garde des Sceaux va nous entonner la chansonnette de “Meuh non, tout va bien, la garde à vue française est conforme à la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentale (CSDH) et à la Constitution, d’ailleurs, on va changer la loi en urgence pour la mettre en conformité”.

Alors voyons ce que dit cet arrêt, démontons les mensonges à venir de la Chancellerie, et voyons ce que propose le projet de loi sur la garde à vue, qui a été révélé par la Chancellerie.

L’arrêt Brusco c. France

Dans cette affaire, le requérant fut condamné pour complicité de violences aggravées, pour avoir payé deux sbires pour “faire peur” au mari de sa maîtresse. Au cours de sa garde à vue dans cette affaire, il fût entendu sous serment comme témoin, et naturellement sans avocat. À cette occasion, il reconnut les faits.

Son avocat souleva devant le tribunal la nullité de ces aveux du fait du serment, mais le tribunal rejeta son argumentation (qu’en droit on appelle exception). Il en fit appel, et la cour confirma entièrement le jugement. Il se pourvut en cassation, mais son pourvoi fut rejeté, quand bien même entretemps, la loi avait été changée pour supprimer cette obligation de prêter serment. Ayant compris combien il était saugrenu d’invoquer les droits de l’homme devant les juges français, il se tourna vers Strasbourg et la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Bien lui en pris, et la Cour condamne la France pour violation de l’article 6, en l’espèce parce que cette prestation de serment violait le droit fondamental de ne pas s’auto-incriminer. En effet, estime la Cour, le fait de lui faire prêter serment de dire toute la vérité, et de le menacer de poursuites en cas de fausses déclaration sous serment (quand bien même ces poursuites eussent été impossibles, puisqu’il n’était pas témoin des faits mais auteur des faits) constituait une pression contraire à la Convention, qui exige que d’éventuels aveux ne puissent être faits qu’une fois l’intéressé parfaitement informé de leur portée et que rien ne l’oblige à les faire.

C’est là que j’attire votre attention, car il est évident que la contre-argumentation de la Chancellerie va jouer à fond sur ce point. Elle dira que M. Brusco ne se plaignait pas de l’absence d’avocat, mais d’une obligation de prêter serment qui a été supprimée par la loi Perben II du 9 mars 2004, et que la Cour ne fait que sanctionner une non conformité de la loi française réglée il y a 6 ans.

Voyons donc ce que dit réellement la Cour. C’est aux paragraphes 44 et 45 (je graisse).

44.  La Cour rappelle que le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et le droit de garder le silence sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable. Ils ont notamment pour finalité de protéger l’accusé contre une coercition abusive de la part des autorités et, ainsi, d’éviter les erreurs judiciaires et d’atteindre les buts de l’article 6 de la Convention (voir, notamment, Bykov c. Russie [GC], no 4378/02, § 92, 10 mars 2009, et John Murray, précité, § 45). Le droit de ne pas s’incriminer soi-même concerne le respect de la détermination d’un accusé à garder le silence et présuppose que, dans une affaire pénale, l’accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou des pressions, au mépris de la volonté de l’accusé (voir, notamment, Saunders c. Royaume-Uni, 17 décembre 1996, §§ 68-69, Recueil 1996-VI, Allan c. Royaume-Uni, no 48539/99, § 44, CEDH 2002-IX, Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, §§ 94-117, CEDH 2006-IX, et O’Halloran et Francis c. Royaume-Uni [GC] nos 15809/02 et 25624/02, §§ 53-63, CEDH 2007-VIII).

45.  La Cour rappelle également que la personne placée en garde à vue a le droit d’être assistée d’un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires, et ce a fortiori lorsqu’elle n’a pas été informée par les autorités de son droit de se taire (voir les principes dégagés notamment dans les affaires Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, §§ 50-62, 27 novembre 2008, Dayanan c. Turquie, no 7377/03, §§ 30-34, 13 octobre 2009, Boz c. Turquie, no 2039/04, §§ 33-36, 9 février 2010, et Adamkiewicz c. Pologne, no 54729/00 §§ 82-92, 2 mars 2010).

Ho, bée ma bouche, tombez mes bras, quelle surprise est la mienne ! La Cour insinue que les principes posés par les arrêts Salduz et Dayanan, que mes lecteurs connaissent bien, s’appliqueraient aussi à la France ? Mais pourtant la Chancellerie nous a soutenu exactement le contraire, rappelant même avec morgue que la France n’avait jamais été condamnée pour violation de l’article 6 de la Convention. C’était comme affirmer que le Titanic en train de sombrer était insubmersible, la preuve : il n’avait encore jamais coulé. Sur papier à en-tête d’un ministère de la République.

Eh bien voilà, c’est fait, la France a été condamnée. Comme c’était prévisible, inévitable, inéluctable, tous les juristes le savaient.

Et donc, après avoir rappelé (ou enseigné, en ce qui concerne la Chancellerie, visiblement) ces principes, la Cour les applique au cas de M. Brusco. Et en profite pour enfoncer le clou dans le cercueil de la garde à vue sans avocat.

54.  La Cour constate également qu’il ne ressort ni du dossier ni des procès-verbaux des dépositions que le requérant ait été informé au début de son interrogatoire du droit de se taire, de ne pas répondre aux questions posées, ou encore de ne répondre qu’aux questions qu’il souhaitait. Elle relève en outre que le requérant n’a pu être assisté d’un avocat que vingt heures après le début de la garde à vue, délai prévu à l’article 63-4 du code de procédure pénale (paragraphe 28 ci-dessus). L’avocat n’a donc été en mesure ni de l’informer sur son droit à garder le silence et de ne pas s’auto-incriminer avant son premier interrogatoire ni de l’assister lors de cette déposition et lors de celles qui suivirent, comme l’exige l’article 6 de la Convention.

Là encore, la Chancellerie, gageons-le va nous jouer le couplet de : “il s’agit du régime de garde à vue en vigueur en 1999, c’est-à-dire avant que la loi du 15 juin 2000 ne prévoie l’intervention de l’avocat dès la première heure ; à présent, l’avocat est là dès le début, il peut notifier ce droit de garder le silence”.

À cela, plusieurs choses à dire. À vous mes confrères, d’abord. J’espère que vous avez ouï la Cour. À toutes vos interventions en garde à vue, vous devez dire au gardé à vue qu’il a le droit de garder le silence, et lui conseiller d’en user d’abondance, faute de pouvoir être assisté d’un avocat. Je ferai un billet entier sur le droit de garder le silence, tant il est une pierre angulaire de la démocratie, et étranger à notre procédure pénale, je vous laisse en tirer vos conclusions. Mais je suis certain que la plupart d’entre vous ne le disent pas. C’est une erreur, c’est même une faute.

À vous mes concitoyens ensuite. Si le ministère ose tenir cet argument, il vous faudra user à son encontre de lazzi et de quolibets. Car c’est l’actuelle majorité qui a fait en sorte, par la loi du 24 août 1993, de revenir sur l’intervention de l’avocat dès la première heure votée par la loi du 4 janvier 1993. Et c’est la même majorité qui, par la loi Perben I du 9 septembre 2002, est revenue sur la notification du droit de garder le silence faite au gardé à vue, en application de la loi du 15 juin 2000. Par deux fois, l’actuelle majorité a voté une loi qui a bafoué la Convention européenne des droits de l’homme. Qui a bafoué vos droits. Dire que rien n’empêche l’avocat de suppléer à sa forfaiture à présent qu’il peut venir dès le début de la garde à vue serait un monument de cynisme. Je parie sur son inauguration prochaine.

À vous mes lecteurs enfin. Lisez bien ce que dit la Cour dans ce §54.

L’avocat n’a donc été en mesure ni de l’informer sur son droit à garder le silence et de ne pas s’auto-incriminer avant son premier interrogatoire ni de l’assister lors de cette déposition et lors de celles qui suivirent, comme l’exige l’article 6 de la Convention.

L’article 6 de la Convention exige que l’avocat puisse assister le gardé à vue lors de toutes ses dépositions. Ite Missa Est. Il n’y a rien à ajouter. Tout est dit. Repose en enfer, garde à vue à la française.

Le projet de réforme, ou : continuons à violer la Convention, nous ne serons plus là quand la sanction tombera

Dans un pays respectueux du droit en général, ou professant une faiblesse pour les droits de l’homme, le pouvoir législatif se ferait un devoir de voter promptement une loi nous mettant en conformité avec ces principes. C’est par exemple ce qu’a fait la Turquie, et avant même d’être condamnée par les arrêts Salduz et Dayanan. Dès que les autorités turques ont compris, elles se sont mises en conformité en 2005 (les arrêts sont tombés fin 2008).

En France, on fera à la française. C’est à dire qu’on fera voter une loi qui tentera de contourner cette décision. Les droits de l’homme sont chez nous trop précieux pour fréquenter les commissariats sales et vétustes.

Voici ce que contient le projet de loi pondu (pour être poli ; il n’y a pas que les œufs qui sortent du cloaque) par la Chancellerie.

Le Gouvernement propose la création d’une audition libre, qui serait le principe, et la garde à vue, l’exception. Qu’est-ce qu’une audition libre ? Pas une garde à vue. Donc, aucun des droits attachés à la garde à vue ne s’appliquent à l’audition libre, à commencer par l’assistance d’un avocat, et naturellement le droit de garder le silence. Brillant, n’est-ce pas ? Et comme ce régime est destiné à devenir le droit commun, dans le baba, la Cour européenne des droits de l’homme !

Vous avez encore des doutes ? Vous ne pouvez croire à ce degré de cynisme ? Constatez vous même. Voici ce que dire le futur Code de procédure pénale (CPP). Je graisse.

Art. 62-2. - La personne à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, présumée innocente, demeure libre lors de son audition par les enquêteurs. Elle ne peut être placée en garde à vue que dans les cas et conditions prévus par les articles 62-3, 62-6 et 63.

«Art. 62-3. - La garde à vue est une mesure de contrainte prise au cours de l’enquête par laquelle une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs pour l’un des motifs prévus par l’article 62-6. 

La formule que j’ai graissée est exactement celle de l’actuel article 63 du CPP définissant le cas dans lequel la garde à vue est possible.

L’article 62-3 qui exige pour la garde à vue que l’infraction soit passible d’emprisonnement n’apporte absolument rien, contrairement à ce qu’affirme l’exposé des motifs, puisque c’est déjà le cas : article 67 en vigueur du CPP.

Voyons donc ce fameux article 62-6, qui expose les cas dans lesquels on pourra recourir à la garde à vue.

« Art. 62-6. - Une personne ne peut être placée en garde à vue que si la mesure garantissant le maintien de la personne à la disposition des enquêteurs est l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs suivants :

« 1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ; 

« 2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République aux fins de mettre ce magistrat en mesure d’apprécier la suite à donner à l’enquête ;

« 3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

« 4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

« 5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ; 

« 6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser l’infraction. »

Vous noterez que le 2° permet de recourir à la garde à vue pour n’importe quelle affaire. Il suffit que le procureur de la République n’ait pas encore pris de décision sur les suites à donner, ce qui est systématiquement le cas, puisque c’est la prise de cette décision qui met fin à la garde à vue. Donc arbitraire total.

La notification des droits se trouve au futur article 63-1 :

« Art. 63-1. - I. - La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits :

« 1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet ;

« 2° De la nature et de la date présumée de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ;

« 3° De ce qu’elle bénéficie des droits suivants :

« - droit de faire prévenir un proche et son employeur conformément aux dispositions de l’article 63-2 ;

« - droit d’être examinée par un médecin conformément aux dispositions de l’article 63‑3 ;

« - droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat conformément aux dispositions des articles 63-3-1 à 63-4-2.

Ainsi, en audition libre, non seulement on ne vous dit pas que vous avez le droit fondamental de vous taire, mais vous n’aurez pas droit à un avocat pour venir vous le dire, et vous n’aurez même pas le droit de savoir la nature des faits qu’on vous soupçonne d’avoir commis, alors même qu’il existe des des raisons plausibles de soupçonner que vous avez commis ou tenté de commettre une infraction, mais en plus, contrairement à la garde à vue, l’audition libre n’est pas limitée dans le temps.

Bref, la chancellerie a réussi cet incroyable exploit de sortir une proposition de loi à la suite d’une déclaration d’inconstitutionnalité de la garde à vue et d’une condamnation de la France par la CEDH sur ce même régime de la garde à vue qui en fait revient à durcir le régime de la garde à vue. Faut-il haïr les droits de la défense…

Naturellement, ce nouveau régime n’est pas conforme à l’article 6 de la CSDH. Une nouvelle condamnation est inévitable si ce torchon acquerrait force de loi. Ce qui avec le Parlement servile que nous avons tient de la formalité. Qu’en dira le Conseil constitutionnel ? Je ne sais pas, mais sa non-décision sur la loi sur la Burqa a refroidi mes ardeurs à le voir comme garant des droits fondamentaux.

Alors si cette cochonnerie de projet de loi devait passer, retenez d’ores et déjà ce principe, et faites passer le mot : libre audition, piège à con. Si des policiers vous proposent une audition libre, acceptez, puis dites que vous décidez librement de ne faire aucune déclaration et de ne répondre à aucune question, et que vous allez partir librement, après leur avoir librement souhaité une bonne fin de journée. Si les policiers vous menacent alors de vous placer en garde à vue, vous saurez que cette proposition d’audition libre n’avait pour seul objet que de vous priver de vos droits. Vous voilà en mesure de les exercer. Vous les avez bien eus.

Pas un mot sans un avocat à vos côtés.

Et maintenant ?

Que faire dès aujourd’hui ?

L’attitude de la Chancellerie est claire. Il n’y a rien de bon à attendre de ce côté. Alors, baïonnette au canon, c’est dans le prétoire que la bataille doit avoir lieu.

Contrairement à la décision du Conseil constitutionnel de juillet dernier, cet arrêt est immédiatement invocable en droit interne. Vous devez déposer des conclusions dans tous les dossiers où votre client a été entendu en garde à vue, en demandant la nullité des PV où ses propos ont été recueillis, au visa de l’article 6 de la CSDH. En comparution immédiate, cela peut suffire à démolir le dossier. Au besoin, si votre client est d’accord, portez l’affaire devant la CEDH. Vous connaissez les conditions : épuisement des voies de recours interne, puis introduire la requête dans le délai de 6 mois.

Pour reprendre le mot du bâtonnier Marc Bonnant, du barreau de Genève (Mise à jour) de mon confrère Bertrand Périer, aujourd’hui, en France, le meilleur ami des libertés n’est ni le juge, ni la Chancellerie : c’est le TGV Est.

La discussion continue ailleurs

1. Le dimanche 17 octobre 2010, 10:22 par Combats pour les droits de l'homme

Garde à vue et droit au silence : un utile rappel d’une

Droit de garder le silence, droit de ne pas s’auto-incriminer et droit à l’assistance d’un avocat en garde à vue par Nicolas HERVIEU La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit à un proc......

2. Le dimanche 17 octobre 2010, 22:23 par Suricat, quoi de neuf ?

La fin de la garde à vue telle qu'elle existe actuellement

Et maintenant, si par certaines circonstances vous êtes amenés en garde à vue (30% des GAV le sont pour un délit routier !) voici vos droits lors de cette éventuelle garde à vue « Art. 63-1. - I. - La personne placée en garde à vue...

Commentaires

1. Le dimanche 17 octobre 2010 à 03:23 par Adam Delait

“… libre audition, piège à con. Si des policiers vous proposent une audition libre, acceptez, puis dites que vous décidez librement de ne faire aucune déclaration et de ne répondre à aucune question, et que vous allez partir librement, après leur avoir librement souhaité une bonne fin de journée. Si les policiers vous menacent alors de vous placer en garde à vue, vous saurez que cette proposition d’audition libre n’avait pour seul objet que de vous priver de vos droits. Vous voilà en mesure de les exercer. Vous les avez bien eus.

Pas un mot sans un avocat à vos côtés.”..

Je diffuse cette partie sur mes paturages Web , bien sur en ajoutant le lien vers votre blog… Je suis un ouvrier, tant besoin de gens comme vous..

2. Le dimanche 17 octobre 2010 à 03:55 par Schmorgluck

Il va sans doute me falloir du temps pour assimiler ce post assez technique. Je vais donc me permettre un hors-sujet partiel.

Un points me turlututue. Il semble être un principe que nul prévenu ne peut être incriminé pour avoir menti sur une affaire le mettant en cause. C’est ce qui découle de plusieurs de vos posts. Après, bien sûr, tout mettre sur le dos d’un innocent est considéré tout autrement, c’est logique. Mentir, d’accord, mais être une grosse pourriture, nan, ça passe pas. (je suis pas juriste, j’ai intellectuellement le droit de le formuler en ces termes)

Dans le cadre de l’affaire des policiers nantais qui avaient interpellé un type en état d’ébriété manifeste, puis l’avaient relâché sans suivre la procédure prescrite, et le pékin en question s’étant par la suite noyé dans le canal Saint-Félix, j’entendis dire que, vu les déclarations fallacieuses produites par lesdits policiers, ils avaient été mis en examen pour faux témoignage.

J’étais un peu perplexe, vu ce que j’avais appris de votre blog. Mais je n’avais pas jugé utile de soulever le problème ici-même puisque le soir même j’ai rencontré dans mon pub favori un compagnon de beuverie qui se trouve être avocat, et qui m’a confirmé ce que je soupçonnais déjà: c’est pas pareil pour les flics. Et perso, je trouve que c’est pas une mauvaise idée.

Mais à la périphérie du billet présent, je vous pose la question : est-ce conforme à la législation européenne ?

Eolas:
Absolument. Dans l’affaire des policiers nantais, ce n’est pas dans le cadre d’une déposition reçue alors qu’on les soupçonnait d’avoir une part de responsabilité dans les faits qu’ils ont menti, lais dans les rapports et procès verbaux qu’ils ont rédigé dans le cadre de leurs fonctions.

3. Le dimanche 17 octobre 2010 à 04:14 par Arkados

3 heures du matin, quel sacerdoce quelle ferveur 8)

Cette idée de l’audition “libre” me file la chair de poule. Venant de leur part, on y serait presque habitués. Et pourtant…

Que ça soit pour la garde à vue ou pour la taxation des FAI (entre mille autres sujets), le gouvernement s’échine à s’opposer aux autorités européennes. En essayant à chaque fois de sauver les meubles, il ne font que de mal en pis.

Et pour répondre à la phrase de conclusion du Maitre des lieux: si le planning est respecté, l’apogée de cette amitié devrait avoir lieu à partir de 2016: le second tronçon de la Ligne Grande Vitesse est-européenne (Baudrecourt-Vendenheim). Fini le TGV qui se “traine” à travers le Bas-Rhin/Moselle. Un précieux atout pour les “dépôts de la dernière minute” ;-)

4. Le dimanche 17 octobre 2010 à 04:15 par Midship

questions cons d’un midship ad hoc :

- Comment fait-on pour se faire assister d’un avocat lorsque l’on est gardé à vue ?

Eolas:
On prononce la formule magique ancestrale : “Je veux un avocat”.


- Doit-on avoir un numéro de téléphone dans son téléphone ? Doit-on le payer ?

Eolas:
Vous pouvez demander à avoir un avocat commis d’office. Avantage : vous n’avez pas à connaître son téléphone, et vous n’avez pas à le payer. Inconvénient : vous ne savez pas sur qui vous allez tomber (mais à Paris, ça peut être moi). Soit vous en connaissez un, et vous donnez son nom, la police l’appellera à son cabinet. Si c’est vendredi soir, too bad. Sauf si c’est moi, qui donne un numéro de portable à mes clients). Dans ce cas, vous devrez lui verser des honoraires, à convenir avec lui.


- Entendra-t-on bientôt Corine Touzet dire “vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous” ?

Eolas:
Si elle tourne des épisodes après le 14 octobre, elle y est légalement tenue.

Bonus track : Comment fournir un avocat à chaque gardé à vue ?

Eolas:
Un par un.

5. Le dimanche 17 octobre 2010 à 04:51 par Maître Mô

Et soulignons aussi, fort et clair, que contrairement à ce que la Gardienne claironne partout, en prévenant par avance les avocats qu’ils “devront assumer” ce droit merveilleux qu’elle concède enfin, ce qui est habile vis à vis de l’opinion publique mais particulièrement mensonger, le projet de loi ne prévoit nullement, même en parlant de la “vraie” garde à vue, en réalité, l’assistance effective et constante du suspect par un avocat, mais bien uniquement sa seule présence aux auditions, ce qui ne veut vraiment -désespérément- pas dire la même chose !
Le projet prévoit deux entretiens confidentiels de 30 minutes, l’un ab initio, l’autre en cas de prolongation, ce qui existe déjà.

Il y ajoute un droit de “”consulter :
1° Le procès-verbal de notification de placement de la personne en garde à vue et de notification de ses droits ;
2° Les procès-verbaux d’audition de la personne gardée à vue qui ont déjà été réalisées.””, ce qui est un plus par rapport à l’existant, mais limité donc aux seuls PV concernant directement le client -les seuls dont lui-même pouvait déjà nous informer du contenu, donc…
De plus, “si l’officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités de l’enquête, ne pas devoir faire droit à la demande de consultation des procès-verbaux d’audition de la personne gardée à vue, il en réfère sans délai au procureur de la République. Celui-ci peut alors décider, en considération des circonstances particulières tenant à la nécessité de rassembler ou conserver les preuves, de ne pas faire droit à la demande lorsqu’un tiers est mis en cause ou cité dans le procès-verbal.” : l’avocat, éventuel complice du futur assassinat d’un tiers, peut se voir refuser ce déjà maigre droit, discrétionnairement, par le Parquet.

Et donc, sur la présence aux auditions, voici :”
“Art. 73-19. - La personne gardée à vue peut demander que l’avocat assiste aux auditions dont elle fait l’objet au cours de la mesure, dès le début de celle-ci.
Toutefois, si l’officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités de l’enquête, ne pas devoir faire droit à cette demande, il en réfère sans délai au procureur de la République.
Le procureur peut alors décider, en considération des circonstances particulières tenant à la nécessité de rassembler ou conserver les preuves, de différer la présence de l’avocat lors des auditions, pendant une durée ne pouvant excéder douze heures.
Art. 73-20. - A l’issue du ou des entretiens prévus par l’article 77-20, ou à l’issue de la ou des auditions au cours desquelles il a été présent en application des dispositions de l’article 77-21, l’avocat peut présenter des observations écrites.
Celles-ci sont alors jointes à la procédure.””

Formidable : d’abord, rebelote, ce mirifique “droit” peut être refusé douze heures -mais il n’y a aucune méfiance vis à vis des avocats, hein- et ensuite, nous sommes donc éventuellement présents, mais muets et inactifs ! Pas de questions possibles, aucune “intervention” : juste, on peut laisser des observations écrites, les mêmes qu’actuellement, donc on sait la valeur probante extraordinaire, et après coup !

Vous imaginez la scène ?
Un type se fait mitrailler de questions ahurissantes pendant des heures, en présence de son avocat chaud-bouillant, qui n’a pourtant le droit d’ouvrir la bouche que pour respirer ; et ensuite, ledit vaillant conseil note que “Les questions posées à M. X étaient toutes orientées, et il ne lui a pas été demandé… (liste de questions à décharge) ; M. X a avoué sous la pression, devant moi, mais je ne pouvais rien dire” : génial !

Il faut que le public sache que MAM ment lorsqu’elle parle d’une assistance par l’avocat tout au long de la garde à vue : c’est faux, vous l’aurez juste à côté de vous, en noir, silencieux, ne pouvant ni vous parler, ni équilibrer votre audition : vous serez, encore et toujours, seul. Devant témoin désormais (et encore, si le procureur -et pas un juge- veut bien), mais seul.
Ce projet de loi est une hypocrisie éhontée.

Eolas:
Je salue la modération dont vous parvenez à faire preuve. Depuis que j’ai lu ce projet, je suis atteint d’un syndrome de Tourette.

6. Le dimanche 17 octobre 2010 à 06:13 par villiv

Euh, donc pour la prochaine condamnation de la france, la cour reprend son arrêt et corrige ainsi : au lieu de garde à vue lire audition libre
Avec la même conclusion : c’est tout aussi irrespectueux des droits, donc nul tout ça (dans tous les sens du terme ;-) )

Mais d’ici là, bien des gens aurons librement été entendus (auditionnés ?)

C’est fou tout ce que l’on peut faire librement (mais ça se réduit tout de même de jour en jour ?!)

Merciiii maître en tout cas

7. Le dimanche 17 octobre 2010 à 08:12 par Tab

Les avocats viennent de gagner le droit de faire des heures de présence dans des commissariats sales et vétustes.

Qui assurera cette présence, seront-ce les ténors du Barreau ou des cohortes de collaborateurs smiqués ?

Eolas:
Ceux qui seront appelés.

Ils passeront des heures et des nuits à attendre dans des couloirs que je vous laisse imaginer.

Dans le feu de l’inaction, siègeront-ils sur une chaise bancale pourvue d’un tissu qui étale des auréoles successives d’urine en dessous des incrustations de sang et de vomissures.
Auront-ils au mieux un coin de bureau pour poser leurs affaires ou seront-ils coincés entre la porte et le radiateur ?

Eolas:
Vous commettez là une erreur fréquente chez qui ne s’est jamais demandée comment ça se passait ailleurs, là où la présence de l’avocat en GAV est une réalité. C’est à cire un peu partout, même en Turquie. C’est simple.  Si les policiers veulent poser une question au suspect, ils préviennent l’avocat qui rapplique illico. En attendant, on l’attend. Sur 24h de garde à vue, dans un dossier ordinaire, une heure, peut être deux, sont consacrées aux interrogatoires et confrontations. On n’est pas là pour tenir compagnie à notre client dans les geôles.

Dans la garde à vue, il y a la geôle mais il y a aussi le commissariat.

Nos commissariats de France sont à l’équivalant de ce que l’on trouve en Ukraine ou en Roumanie.

8. Le dimanche 17 octobre 2010 à 08:37 par Simone

Cette décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme me conforte dans l’idée que les Ministères de la Justice et de l’Intérieur (dont je dépens dans le cadre de mes missions de police judiciaire) doivent réagir le plus rapidement possible, sans même attendre l’adoption au Parlement de la dite Réforme, encore moins la date du premier juillet 2011.
On ne peut laisser à la discrétion de chacun (policiers, gendarmes, magistrats, etc…) le soin d’appliquer ou non, dans le flou le plus total, et selon une interprétation toute personnelle, les règles édictées depuis quelques années par la CEDH.
Je sais (dans les grandes lignes) l’attitude que je vais d’ores et déjà adopter vis à vis de “mes mis en cause”. Je ne sais pas comment feront mes collègues mais ce serait certainement mieux si tous les OPJ de France (et de Navarre) exerçaient leurs fonctions de manière similaire et en conformité avec la notion de procès équitable telle que définie par les instances internationales.

Eolas:
Amen !

9. Le dimanche 17 octobre 2010 à 08:46 par LEF

Si j’ai bien compris, notre Chancellerie raisonne et agit exactement comme les voyous récidivistes : on sait que c’est contraire à la loi mais, tant qu’on n’est pas chopé, on continue.

A la limite, ça ne me choque pas, puisque la Chancellerie ce n’est pas la justice, c’est la politique.

Mais nos parquetiers, même nommés par le politique, sont des magistrats avant tout et donc ils sont la justice. Ils devraient tous d’eux-même annuler les PV litigieux, avant que les avocats n’aient à le faire. Quitte à provoquer une saillie de plus du syndicat WordArté.

Alors, Mesdames et Messieurs les parquetiers, vous placez les circulaires de votre Chancellerie au-dessus de la loi ? si oui, sauf votre respect, vous seriez exactement comme les gendarmes de paillottes, contre lesquels vous avez justement requis sévèrement…

10. Le dimanche 17 octobre 2010 à 08:48 par Galuchat

Merci de ces explications remarquablement claires…

… et fort inquiétantes !

Une question : les avocats ne dorment-ils donc jamais ?

;-)

11. Le dimanche 17 octobre 2010 à 08:54 par dwarfpower

Vous cherchez malice là ou il n’y a sans doute qu’un incapacité à prendre conscience du problème reproché.

Je pense qu’ils ont compris que le problème est l’atteinte à la liberté portée par la garde a vue, et pas la validité des éléments de preuve obtenus au cours de l’enquête. Pour eux le droit de garder le silence et de ne pas s’incriminer c’est du cinema. La preuve c’est ce qu’on voit dans les films. Dans la vrai vie seule la vérité compte quelque soit la façon dont elle est obtenue.

Un soupçonné qui dit qu’il n’a rien fait ment, si il dit que c’est lui qui a commis les actes reprochés il essaie sans doute de cacher une partie des faits, il faut donc le questionner un peu plus.

12. Le dimanche 17 octobre 2010 à 08:54 par JBT

Le contrôle effectué par la CEDH nous rappelle que la question prioritaire de constitutionnalité n’est pas si prioritaire que cela, puisque le contrôle de conventionnalité reprend ses droits. L’abrogation programmée de l’article 63-4 pourrait donc devenir effective plus rapidement (même s’il ne s’agira pas d’une abrogation stricto sensu) si les juges français s’approprient la jurisprudence de la Cour européenne. Ou comment le contrôle de conventionnalité redevient prioritaire ?

13. Le dimanche 17 octobre 2010 à 08:55 par Wood

Et, dès vendredi, c’était le tribunal de Brest qui ouvrait la danse des annulations de gardes à vue :

http://www.letelegramme.com/ig/gene…

14. Le dimanche 17 octobre 2010 à 09:00 par cinquo

Il y a dans l arret un passage que j adore : une coercition abusive de la part des autorités et, ainsi, d’éviter les erreurs judiciaires. Car il n y a pas que le gouvernement dans le coup mais tous les gendarmes, policiers et les syndicats de ces derniers…

ps mes excuses pour la typo hasardeuse mais les claviers etrangers…

15. Le dimanche 17 octobre 2010 à 09:02 par Cédric

Moi, j’avoue, en tant que non initié, j’ai encore moins bien compris que d’habitude, mais je ne dois pas être trop réveillé encore. J’ai bloqué sur le passage ou il n’a pas encore d’avocat, mais finalement si.
Bon en relisant, on comprend.

16. Le dimanche 17 octobre 2010 à 09:10 par Escualdifargo

Je ne vous suis pas Maître sur votre diatribe contre l’audition libre. Même si je reconnais que vous prêchez avec constance sur ce blog la même idée depuis longtemps : pas d’audition de suspect sans avocat à ses côtés.

“L’audition libre” n’est pas une invention, elle existe déjà dans les faits. Tous les jours dans les commissariats et gendarmerie de France des suspects sont convoqués, se présentent, sont entendus sur les infractions qui leur sont reprochées, donnent leur version des faits et repartent, avec ou sans convocation en justice.

La seule nouveauté de cette audition libre à ce que j’ai compris c’est qu’elle sera possible après une interpellation de la personne; alors qu’aujourd’hui dans ce cas là le passage par la garde à vue est (quasi) obligatoire.

Très bon dimanche .

Eolas:
Le fait que ça existe ne veut pas dire que c’est conforme à la CEDH.

17. Le dimanche 17 octobre 2010 à 09:35 par Rataxès

@ 12 : “Le contrôle effectué par la CEDH nous rappelle que la question prioritaire de constitutionnalité n’est pas si prioritaire que cela, puisque le contrôle de conventionnalité reprend ses droits. L’abrogation programmée de l’article 63-4 pourrait donc devenir effective plus rapidement (même s’il ne s’agira pas d’une abrogation stricto sensu) si les juges français s’approprient la jurisprudence de la Cour européenne. Ou comment le contrôle de conventionnalité redevient prioritaire ?”

Plusieurs arrêts seront rendus sur la conventionnalité de la garde à vue “à la française”, par la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 19 octobre. Je crois savoir qu’ils porteront sur plusieurs sortes de régimes de garde à vue et que le délibéré a eu lieu avant que ne soit connu l’arrêt Brusco, mais j’imagine mal que la Cour de cassation puisse dire maintenant que la garde à vue est conforme à la CEDH. Les effets de ces futures décisions devraient être un coup de tonnerre supplémentaire rendant difficile le maintient du projet de loi actuel.

Quant au Conseil constitutionnel, dont on voit que la rigueur de son raisonnement est à géométrie variable, il sera un peu lié par sa précédente décision et on imagine mal (mais tout est possible) que le projet actuel de réforme réponde aux exigences qu’il a fixées.

18. Le dimanche 17 octobre 2010 à 09:41 par Piquet

Ce qui est réellement désespérant, ce n’est pas qu’on ait des politiques (Parlement, gouvernement) qui ne comprennent rien à rien (ou font semblant de…).
Non, c’est qu’on ait une Justice qui met à chaque fois 10 ans à remettre les pendules à l’heure sur des principes élémentaires !!!

Sinon, je fais un appel à Eolas.

Eolas, sauvez-nous ! La lecture du code pénal convaincra chacun des citoyens que nous sommes TOUS des délinquants plus que potentiels : le nombre invraisemblable d’incriminations permet que TOUS, un jour ou l’autre, nous nous retrouvions en garde à vue.

Eolas, aidez-nous ! A réagir le jour où cela nous tombera dessus. J’ai un petit livre qui se nomme “Face à la police/Face à la Justice”, mais il est caduque puisque la législation a évolué.

Alors, Eolas, publiez un livre sur la manière d’agir le jour où on a un problème pénal.

19. Le dimanche 17 octobre 2010 à 09:52 par Philip_Marlowe

si ce torchon acquérait force de loi

Petite correction orthographique pour améliorer encore, si cela se peut, votre excellent billet.

20. Le dimanche 17 octobre 2010 à 10:33 par kuk

Juste un grand merci pour ce billet limpide, ainsi qu’aux contributeurs précédents. Bon dimanche.

21. Le dimanche 17 octobre 2010 à 10:42 par Prométhée

Cher Maître,

Je souhaiterai savoir quelle peut-être l’influence des recommandations du procureur auprès de la Cour de Cassation qui a vivement demandé la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue.

Faisait-il référence à la décision du Conseil, au nouveau projet de loi sur la Garde à Vue ou à la sanction inévitable qui tomberait de la part de la CEDH ?

Sa demande peut-elle donc avoir un quelconque effet (en l’absence de texte précis) ou n’est-elle présente que pour montrer sa préoccupation sur la question, sans effets notables ?

Bonne journée

22. Le dimanche 17 octobre 2010 à 10:48 par Georges S

Et l’exception Française? Qu’en faites-vous cher Maître?

La culture, l’économie de marché, la retraite… pourquoi la garde à vue ferait-elle exception à l’exception? Ne sommes-nous pas le village d’Astérix qui résiste à l’étranger?

Et puis entre nous la loi, c’est pour les autres. Pour soi, c’est un passe-droit qu’on attend.

Et la loi du spectacle en politique? Ne faut-il pas faire des lois spectaculaires pour se donner l’impression d’avoir encore prise sur le réel?

Plus sérieusement: je conviens avec @Piquet que votre blog mériterait une déclinaison livresque. A ce propos, j’ai lu récemment “Qu’est-ce que le libéralisme? Ethique, Politique, Société” de Catherine Audard qui fait aussi très bien oeuvre de re-situer par exemple la question de l’Etat de droit dans la défense par exemple de la liberté individuelle.

23. Le dimanche 17 octobre 2010 à 10:50 par patrons-voyous

« libre audition, piège à con. »

Vous, vous venez d’acquérir le droit de tenir le gueulaphone lors de la manif de mardi prochain !

« Vous devez déposer des conclusions dans tous les dossiers où votre client a été entendu en garde à vue, en demandant la nullité des PV où ses propos ont été recueillis, au visa de l’article 6 de la CSDH. En comparution immédiate, cela peut suffire à démolir le dossier. Au besoin, si votre client est d’accord, portez l’affaire devant la CEDH. Vous connaissez les conditions : épuisement des voies de recours interne, puis introduire la requête dans le délai de 6 mois. »

Cela représente combien de procédures annulées pour celles en cours, au bas mot ? plusieurs dizaines de milliers ?

24. Le dimanche 17 octobre 2010 à 10:52 par Behemothe

Merci pour cet excellent article.
Oui vraiment l’inanité de l’audition libre il faut le faire savoir et mettre en pratique absolument vos conseils et en cas de garde vue le silence (est d’or).
En attendant, la nullité dés que possible des résultats de garde à vue
Voilà un bon programme, je vote des deux mains pour.

25. Le dimanche 17 octobre 2010 à 11:05 par Vincent

Cher maître, (ou autres ayant la réponse ^^)

sera-t-il possible (et dans l’interêt du concerné…) de refuser d’être “placé en audition libre ” ?

26. Le dimanche 17 octobre 2010 à 11:13 par Véronique

…et faites passer le mot : libre audition, piège à con.

D’accord.

En même temps, d’un point de vue psychologique, il me semble que l’incriminé donnera évidemment et facilement son consentement pour n’être, même si c’est illusoire, qu’un auditionné libre.

Pour faire suite au post de Vincent, je pense que cette histoire de consentement est bien embarrassante.

Art. 62-4. - I. - Hors les cas où la personne mentionnée à l’article 62-3 fait l’objet d’un mandat de recherche ou a été conduite par la force publique dans les locaux des services de police judiciaire, la seule nécessité de l’entendre sur les faits dont elle est soupçonnée n’impose pas son placement en garde à vue dès lors qu’elle consent à son audition. (projet de loi ms en lien dans le billet)

Pour répondre à Vincent, je suppose que si on ne consent pas, c’est direct GAV.

27. Le dimanche 17 octobre 2010 à 11:17 par Ziggystardub

Bonjour,
Un article, publié dans la revue internationale de droit pénal, fait utilement le point sur la conformité du régime français de la garde à vue avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment le droit de toute personne gardée à vue de garder le silence:

http://www.penal.org/IMG/GARDE%20A%…

28. Le dimanche 17 octobre 2010 à 11:19 par Panthéon

Bonjour maître,
petite correction pour la 5ème ligne : il me semble que l’arrêt est daté du 14 octobre et non du 4.
Merci pour ce blog, qui aide énormément l’étudiant en droit que je suis et qui refuse de croire ce que les médias classiques lui disent.

29. Le dimanche 17 octobre 2010 à 11:21 par Ploum Ploum Troll

La Nation rappellera à ceux des siens ayant voté Sarkozy en 2007 que, désormais, la récidive en 2012 sera punie d’une peine plancher.

30. Le dimanche 17 octobre 2010 à 11:38 par Archicham

J’avais vu cette nouvelle dans les journaux et je m’étais bien dit que vous alliez en faire un billet. Moi, ce qui me chagrine là-dedans, c’est que j’en sois réduit à me féliciter d’une condamnation de la France…

31. Le dimanche 17 octobre 2010 à 11:47 par Celeborn

C’est vraiment déprimant… Ce serait vraiment trop simple de faire les choses bien tout de suite. On va plutôt les faire mal tout en traînant en longueur.

32. Le dimanche 17 octobre 2010 à 11:52 par H.

Bonjour,

L’avis éclairé de Michel Huyette rejoint le vôtre: http://www.parolesdejuges.fr/ (La garde à vue, la CEDH et la réforme à venir).

J’en extrait le passage suivant (c’est un magistrat qui parle): “En tous cas, alors que le conseil constitutionnel, tout en déclarant notre droit interne à la constitution, a accepté que jusqu’au milieu de l’année prochaine soit maintenu un système juridique violant les droits fondamentaux de nos concitoyens, ce qui peut surprendre, les décisions de la CEDH sont immédiatement applicables, comme le sont les décisions de la cour de cassation française. Cela veut dire que dès demain matin les personnes gardées à vue pourront faire constater par les juridictions pénales françaises, et dorénavant sans aucun risque d’être contredites par le ministère public, que leurs droits les plus fondamentaux ont été violés. Il est donc probable que de nombreux actes effectués pendant les gardes à vue vont être annulés, ce qui, notamment, va faire perdre leur valeur juridique aux procès verbaux d’audition dans lesquels les gardés à vue, non avertis du droit de se taire et du droit d’être assistés d’un avocat, ont reconnu les faits. Cela risque d’avoir un impact au moins sur les petits et moyens dossiers, ceux dans lesquels les enquêteurs ne cherchent pas véritablement d’autres éléments à charge une fois les aveux enregistrés.”
Paradoxalement, l’autisme dont fait preuve le pouvoir exécutif va avoir pour conséquence un effet contraire au but “officiellement” recherché et affiché: améliorer la résolution des affaires. Ça doit être ce qu’on appelle l’effet de levier juridique (http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_…). On aura donc droit ensuite à la désignation du bouc émissaire (entre autre, l’irruption de la république des juges”, chose qui m’amuse toujours quand on voit le nombre d’avocat ou postulant avocat dans le monde politique. Sur ce sujet, il serait bon de changer le filtre d’accès. C’est peut être que - oui, c’est un peu méchant mais je ne peux pas m’en empêcher - le concours est plus facile!).

Bonne journée

33. Le dimanche 17 octobre 2010 à 11:53 par François-Noël

D’abord merci pour cet excellent billet et pour le ton adopté.

Que se passe-t-il la personne qui fait l’objet d’une “audition libre” se présente avec un avocat?

Comment peut-on sérieusement faire dépendre l’exercice des droits de la défense de la volonté de l’accusateur public ? Où est l’égalité des armes ?

Quelles sont les hypothèses -et la justification de telles décisions- où la présence d’un avocat aux côtés d’un gardé à vue serait nuisible aux libertés publiques et à la manifestation de la vérité ?

34. Le dimanche 17 octobre 2010 à 12:09 par El Re

Merci pour ce billet.
Ai-je également le droit de refuser y compris de décliner mon identité ?

35. Le dimanche 17 octobre 2010 à 12:10 par tchoule

Selon la théorie de la Hiérarchie des normes, avec la primauté de la constitution en droit interne sur les normes internationales, ne pouvons nous pas considérer que la décision du conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 prévaut sur les décision de la CEDH ?

Ainsi jusqu’au 1er juillet 2010, les gardes à vues ne sauraient être annulées pendant cette période transitoire puisque “tolérées” par cette décision constitutionnelle (norme supérieure) afin de préserver les objectifs de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et éviter des conséquences manifestement excessives .

36. Le dimanche 17 octobre 2010 à 12:23 par Proteos

La novlangue judiciaire en France est de plus en plus remarquable. Après les suspects qui peuvent être des témoins assistés, les gens prisonniers au poste sont en audition libre. Tellement libre qu’on ne sera pas autorisé à partir (puisque c’est pour la durée nécessaire à notre écoute) ni autorisé à digresser (puisque les questions ne seront pas au choix).
Un autre point me semble tout de même remarquable: en attendant que les arrêts tombent contre le régime de la garde à vue, le gouvernement (ou les gouvernements successifs) a saboté une partie du travail des enquêteurs. Il est probable que nombre de dossiers vont être gravement atteints par la nullité des garde à vue et pas que dans des affaires mineures. Pourtant ce gouvernement a passé nombre de lois sur la justice ou sécuritaires, ce n’est pas par manque de temps que la garde à vue n’a pas changé. Par exemple, le dernier projet de loi sur l’immigration: à la place il eut pu être question de garde à vue. Apparemment, l’immigration est prioritaire sur les enquêtes pour meurtre & autre. C’est sans doute ce qu’on appelle avoir le sens des priorités.

37. Le dimanche 17 octobre 2010 à 12:27 par larequier

@Galuchat (10) : S’il est consciencieux (en un seul mot), l’avocat dort quand il peut, et il n’a pas de journée de récupération…
A titre d’exemple, de garde à vue depuis vendredi 17H jusqu’à lundi 9H, puis de permanence présentation (c-à-d comparutions immédiates, JLD, reconduites à la frontière TA) de lundi 9H à vendredi 17h, j’ai été appelé en garde à vue :
- dans la nuit de vendredi à samedi à 03h21 pour me rendre en garde à vue à dans une gendarmerie située à 30 km de mon domicile (retour dans mon lit douillet vers 5h20),
- dans la nuit de samedi à dimanche (il y a quelques heures ) :
. à 02h39 pour aller au commissariat de ma ville,
. à 03h30 pour aller dans la même gendarmerie qu’hier,
. 06h15 à nouveau au commissariat de police.
Si vous ajoutez le temps (perdu) à trouver en pleine nuit une station d’essence pour faire le plein (eh oui les cuves sont vides…) afin de pouvoir faire face à mes obligations, vous constaterez que mon sommeil fût très bref…
Plus qu’une journée et une nuit avant d’attaquer gaillardement ma semaine de présentation!…
@Eolas
Mon Cher Confrère, je vous avais demandé dans un précédent article consacré à la garde à vue si on pouvait se prévaloir de la jurisprudence de la CEDH pour la première fois devant le tribunal correctionnel si on ne l’avait pas fait au cours de l’instruction.
A la lecture de cet arrêt (qui m’a permis de compléter des conclusions établies en vue d’une audience de 6-8h prévue pour un même dossier à la fin de ce mois) il semblerait que oui : notre confrère n’avait pas soulevé à l’instruction la nullité de la GAV pour absence de notification du droit de garder le silence ni pour violation du droit d’être assisté par un avocat dès le début de la GAV ainsi que pendant les interrogatoires (§44, 45 et 54)…
Qu’en pensez-vous?
Votre bien dévoué confrère

38. Le dimanche 17 octobre 2010 à 12:41 par Mirambeau

@Midship,
Je vais essayer de te répondre, du mieux que je puisse, mais mes propos seront surement à être confirmés.

- Comment fait-on pour se faire assister d’un avocat lorsque l’on est gardé à vue ?
Premièrement, l’assistance d’un avocat n’intervient, à l’heure actuelle, que par un entretien de 30 min (sans accès au dossier) où l’avocat explique les droits du gardé à vue, demande si celle-ci se passe correctement etc …
Concrètement, au moment où l’enquêteur te lis tes droits (droit à un avocat, droit de prévenir de la famille ou l’employeur), il suffit de dire que tu souhaites la présence d’un avocat.

Deux solutions pour obtenir un avocat en GAV :
- Soit on désigne un avocat précis (il serait donc à ce moment préférable d’avoir son numéro)
- Soit on ne connait pas d’avocat, ou l’avocat désigné n’est pas joignable et un avocat commis d’office est désigné. Ce sont alors les enquêteurs qui s’occupent de le contacter.

Pour l’avocat commis d’office (je ne sais pas pour celui que tu désignes), tu n’as rien à payer, cela est pris en charge par l’État, quels que soient tes revenus.

- Entendra-t-on bientôt Corine Touzet dire “vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous” ?
Je n’ai pas les compétences ni les connaissances pour te répondre !

Comment fournir un avocat à chaque gardé à vue ?
Une permanence est mise en place par le barreau auprès du TGI duquel le commissariat ou brigade dépend. Selon l’éloignement du lieu de la GAV, il peut mettre plusieurs heures à arriver …

39. Le dimanche 17 octobre 2010 à 12:45 par Cleyo

@35, Tchoule : la jurisprudence de la CEDH n’est pas une “norme”.

Le bloc de conventionnalité qui, en effet, est hiérarchiquement inférieur au bloc de constitutionnalité, n’inclut par les arrêts de la CEDH.

En outre, c’est mal poser le problème, il me semble.
L’arrêt de la CEDH vise la loi, pas la constitution française. Le Conseil Constitutionnel a dit que le dispositif législatif concernant la garde à vue était conforme à la constitution.
La CEDH dit que ce dispositif est non conforme à l’article 6 de la Convention EDH. En aucun cas la CEDH ne dit que notre constitution est non conforme à l’article 6…
donc la hiérarchie des normes est respectée dans ce petit jeu de saute-mouton de conformité.

Cleyo

40. Le dimanche 17 octobre 2010 à 12:50 par Crimepensée

Vieux motard que jamais.

L’arrêt CEDH ne changera rien à la politique du Gouvernement, la condamnation fût-elle encore plus expresse qu’elle ne l’est déjà (difficile, tout de même).
De même, le Conseil constitutionnel a montré sa légèreté avec ses demi-censures (parler d’assistance sans préciser “effective” et laisser de côté les régimes de dérogatoire, franchement, est-ce bien raisonnable ?!)

J’ose encore fonder un vague espoir dans les trois arrêts de cassation à venir demain. Seule une censure en droit interne pourrait infléchir la proposition de loi de Mme Alliot-Marie. A condition, en outre, de ne pas voir M. Lauvergnat prendre son poste à l’occasion du remaniement prochain…

Croisons les doigts pour une cassation cinglante ; que la Force soit avec nous !

41. Le dimanche 17 octobre 2010 à 13:17 par dl

Cher Maître,

sans vouloir pinailler, d’autant que je pratique peu les arrêts de la CEDH, (mais davantage ceux de la CJUE), il me semble, et si j’étais la chancellerie c’est ce que je soutiendrais, que la Cour n’a pas statué dans son dispositif sur la question de l’absence de l’avocat dès la première heure mais uniquement sur celle de l’auto-incrimination et du droit à garder le silence. Ce droit était d’autant plus bafoué que l’avocat était absent dès la première heure mais ce n’est pas cette absence en tant que telle qui est condamnée. Dès lors, juridiquement et a fortiori dans une perspective de common law (comme semble être celle de la Cour), la garde à vue à la française n’est pas officiellement condamnée. Les motifs d’un arrêt sont évidemment très importants et permettent de prévoir des évolutions futures de jurisprudence (et je mets mes deux mains à couper que si on lui pose clairement la question, la CEDH condamnera la France) mais nous n’avons pas encore un arrêt de principe sur la question, ce que je regrette, comme je regrette l’absence de courage de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

42. Le dimanche 17 octobre 2010 à 13:25 par Verel

Je suis toujours très choqué de voir un criminel passer à coté d’une condamnation méritée pour des raisons de non respect de la procédure
Nous en avons encore un exemple avec cette arrêt brusco contre France
Le bon sens serait, face à ce genre de problème, de s’organiser pour ne plus risquer ce genre de condamnation, comme l’ont fait les turcs si j’ai bien compris en 2005

Et bien non, le gouvernement aujourd’hui, le législateur demain, semblent décidés à ouvrir un boulevard juridique aux criminels
Pas à tous rassurons nous, pas aux petits et aux sans grade qui feront le gros dos avec leur avocat commis d’office. Mais aux grands bandits et aux gens les mieux informés qui sauront user de toutes les ficelles
Et les mêmes qui auront failli à donner à la justice les moyens d’agir, affirmeront demain que c’est cette même justice qui laisse partir les criminels

43. Le dimanche 17 octobre 2010 à 13:27 par Jean-Christophe

@ Mirambeau (38):

L’avocat, même commis d’office, est aux frais du gardé à vue si celui-ci ne bénéficie pas de l’aide juridictionnelle totale.

44. Le dimanche 17 octobre 2010 à 13:54 par Cleyo

@42, Verel : merci de ne pas sous-entendre que les avocats commis d’office seraient mauvais, ou négligents, ou incompétents, du seul fait de leur mode de désignation.
Que je sache, la compétence ne s’apprécie pas à l’aulne de la manière dont on est appelé.
J’ignore ce qu’il en est à Paris, mais par chez moi, des avocats chevronnés acceptent toujours d’assurer des permanences garde à vue.

@43 Jean-Christophe : absolument pas. Le défraiement des avocats en garde à vue n’a rien à voir avec l’aide juridictionnelle, et d’ailleurs le BAJ (bureau d’aide juridictionnelle) ignore tout des paiements des avocats étant intervenus en garde à vue. C’est réglé directement par l’Ordre des Avocats sur la simple présentation d’un formulaire de désignation par le Bâtonnier, signé et tamponné par l’OPJ.

Une autre solution serait d’ailleurs absurde, puisque les gardés à vue n’ont pas accès à leurs effets personnels, et notamment pas leur argent. Ensuite, la petite demi-heure octroyée s’avère déjà suffisamment courte (je ne sais pas comment font les avocats qui ne restent que 10 min, il y a de quoi remplir la demi-heure quelle que soit l’affaire…) sans en plus devoir parler argent.
Et enfin, surtout, quelle horreur, mon Dieu, de parler “pognon” à ce moment-là…

Cleyo

45. Le dimanche 17 octobre 2010 à 13:54 par Cat

Et peut-on refuser de se rendre à une “audition libre” ?

Je comprends bien que si je suis en Garde à vue, je dois rester dans les locaux de la police, et ça m’ouvre les droits. Mais si un policier vient sonner à ma porte ou veut m’embarquer au poste “pour audition libre”. J’ai le droit de dire: “Non merci, pas envie. Faut me mettre en garde à vue pour ca, mais sinon, je préfère rentrer chez moi merci, à vous de voir.” ?

Cat

46. Le dimanche 17 octobre 2010 à 14:03 par Gil

Mais si cette audition est libre, je suis théoriquement libre de venir avec mon avocat non? Je n’ai pas vu dans la loi de passage l’interdisant.

47. Le dimanche 17 octobre 2010 à 14:07 par princessedezours

Le risque d’un Prix Busiris à l’occasion de la réaction inévitable du Garde des Sceaux semble grand et la tentation sera forte…

Courage MAM ! N’oublie pas ce merveilleux adage de Stanislaw Jerzy Lec, qui a dit : “la bêtise ne passe jamais les bornes. Où qu’elle pose le pied, là est son territoire”.

On compte sur toi, MAM.

48. Le dimanche 17 octobre 2010 à 14:28 par Piquet

J’ai une question sur l’audition dite “libre”.
Si un policier ou un gendarme m’invite à venir “librement” au poste pour me poser quelques questions : est-ce que j’ai le droit de refuser ?
En gros, est-ce qu’on peut m’embarquer de force sans me mettre en garde à vue.

(c’est ce que le citoyen lambda aurait besoin de savoir… d’où la nécessité d’un vademecum de libertés publiques).

49. Le dimanche 17 octobre 2010 à 15:04 par récap59

A mon avis rien ne saurait empêcher une audition libre digne de ce nom de se tenir au cabinet de l’avocat de l’auditionné.

Bonjour Cleyo (39)

Entièrement d’accord avec vous (ce n’est pas la première fois)

Tant que la constitution autorise (d’après le conseil constitutionnel) la France à violer la CEDH sans l’y obliger, on ne peut pas affirmer que le respect de la CEDH bousculerait la hiérarchie des normes juridiques.

Le problème ne se poserait que si le conseil constitutionnel osait affirmer que le respect de notre constitution est incompatible avec celui des droits de l’homme, spécialement ceux qui sont consacrés par la CEDH.

Or ce n’est pas le cas.

Le général de Gaulle n’était pas l’ayatollah Khomeiny, il n’a pas voulu que la constitution de la Vème république fasse infailliblement le lit de la dictature ou du fascisme.

50. Le dimanche 17 octobre 2010 à 15:34 par blaz

bonjour,
n’étant pas spécialiste, (plutôt catégorie mékeskidi éclairé à la bougie souffreuteuse), permettez-moi de me faire l’avocat du diable, si vous me passez ce mauvais jeu de mot.
Que les droits de la défense soit défendu par la cour européenne face aux velléités du gouvernement de verser dans le tout sécuritaire, c’est en soi une bonne nouvelle (bien que pour le mythe “france : pays des droits de l’homme” se soit un nouveau clou dans le cercueil).
Cependant, j’essaie de me mettre à la place de l’OPJ, disposant d’un réseau d’indices et de présomptions suffisamment important pour être convaincu que le suspect (ou présumé innocent en audition libre) à quelquechose à voir avec le crime dont il a la charge de l’élucidation, que seul des aveux peuvent aboutir à conclure la procédure, sans quoi celle-ci aboutirait à un non lieue au bénéfice du doute, que reste t-il comme “outil” à sa disposition ?

Parce qu’à l’aune de ce billet et de mon ignorance du système judiciaire, une impression flotte que les OPJs disposent de peu de moyen de mener leur mission à terme.

51. Le dimanche 17 octobre 2010 à 16:01 par dmdo72

Un examen sommaire des arrêts récents de la CEDH montre que le plus souvent les pays incriminés se situent plutôt à l’est de notre continent (Russie, Bulgarie, Turquie….)

L’idée que la France puisse aussi faire l’objet de rappels à l’ordre en matière de droits de l’homme, en 2010, fait réfléchir sur l’état dans lequel se trouve notre pays. C’est affligeant, pathétique et déprimant.

Maigre consolation tout de même, nous avons par ici quelques esprits libres capables d’exprimer leur opinion à ce sujet, c’est déjà ça….pour combien de temps encore ?

52. Le dimanche 17 octobre 2010 à 16:10 par Cleyo

@50 Blaz

Je vous rassure, car il ne faut pas surestimer l’intelligence du délinquant moyen, et sous-estimer celle des forces de l’ordre et des techniques dont ils disposent.

Le résultat est que la plupart des enquêtes n’ont pas besoin de l’aveu pour aboutir, car les preuves objectives résolvent la plupart des affaires.

C’est d’ailleurs le dilemme qui dérange mon dimanche ensoleillé et paresseux : je fais “sauter” la banque en invoquant systématiquement l’illégalité de la GAV dans TOUTES les procédures, quelles qu’elles soient, où je fais le tri dans mes dossiers en examinant l’intérêt pour mon client de la manoeuvre ? Je privilégie les droits de la défense dans l’absolu, ou ceux de mon client d’abord ?
Le résultat de l’invocation systématique serait que, dans la plupart des cas (enfin, les miens), faire annuler la GAV ne sera d’aucun secours pour le prévenu qui a semé des preuves comme le petit poucet.

Rassurez-vous, je pense que les membres de la CEDH entendent aussi vivre dans une société où chaque citoyen peut vivre tranquillement et ne sont pas de dangereux utopistes.

Cleyo

53. Le dimanche 17 octobre 2010 à 16:26 par El Re

Dans le même ordre d’idée que ma précédente question, a-t-on le droit de tirer la langue comme seule réponse au policier, ou est-ce considéré comme une injure ?
peut-on également mettre les deux mains devant le nez en agitant les doigts comme le petite enfant devant capitaine Haddock dans Tintin au Tibet?

54. Le dimanche 17 octobre 2010 à 16:28 par Teejee (mékeskidi de base)

“Faut-il haïr les droits de la défense…”
Ben oui, au fait : pourquoi la majorité s’acharne-t-elle contre les droits de la défense, au point de contourner une condamnation de la CEDH ? En dehors du clientélisme (satisfaire les syndicats de police), je n’en vois pas l’intérêt sur le plan politique.
Quelqu’un peut m’expliquer ?

55. Le dimanche 17 octobre 2010 à 16:41 par herve_02

@ blaz en 50,

Votre questionnement pourrait se tenir dans un monde de bisounours, malheureusement ici bas, lorsque tu n’es pas blanc et riche, c’est bien souvent le réseau d’indice et de présomption qui te mène au trou.

Ensuite si l’opj n’est pas capable de faire son travail correctement et de trouver des preuves, l’intelligence doit faire douter de la matérialité et donc non lieu.

Les seuls crimes parfait sont ceux de nos politiques : pas de poursuite, pas de poursuite.

56. Le dimanche 17 octobre 2010 à 16:47 par vuparmwa

bon article
pas grand chose à ajouter juste un petit peu de promo :

http://vuparmwa.over-blog.com/article-michele-alliot-marie-annonce-l-avant-projet-de-loi-sur-la-garde-a-vue-56713723.html

http://vuparmwa.over-blog.com/article-pourquoi-les-avocats-sont-en-greve-57947132.html

http://vuparmwa.over-blog.com/article-assistance-de-l-avocat-en-garde-a-vue-et-droit-au-silence-un-utile-rappel-des-principes-adresse-a-la-france-58907509.html

et sûrement à venir un petit tour d’horizon du projet de loi et un petit intérêt pour les régimes dérogatoires notamment suite à ça
Affaires à suivre

57. Le dimanche 17 octobre 2010 à 17:25 par DB

Vécu le 8 octobre dernier devant le tribunal correctionnel de SENS 89

Mon fils comparaissait devant cette juridiction pour un refus d’obtempérer (arrêté à un feu rouge il a été percuté en moto de face par un véhicule de gendarmerie). Il avait été placé en garde à vue, privé de ses lunettes de vue, menotté dans le dos, pendant toute la durée de cette GAV.Il avait demandé un avocat, un médecin, il n’a rien eu ! L’avocat appelé par les gendarmes étant injoignable.
A l’audience, je ne m’attarderai pas sur les propos de la procureur qui rejette en bloc tout ce qui vient de la cour Européenne. Ce qui m’a choqué le plus c’est le même discours de la présidente qui cautionne le menottage abusif, la signature du PV sans lunettes de vue, et conclue que les droits ont étés respectés, puisqu’un avocat a été appelé, ce qui suffit à légaliser à ses yeux la procédure, peu importe qu’il n’ai pas été effectivement présent et de condamner à 6 mois de suspension du permis (peine standard du jour pour tout le monde).

Spectateur d’autres affaires, il est surprenant d’entendre les arguments du tribunal sur les manquements graves des forces de l’ordre dans les procédures, face aux arguments des avocats (suite à lecture des divers procès verbaux) qui ont développés à juste titre des violations de la convention Européenne des droits de l’homme.
A la fin de cette journée, que l’Europe et les droits de l’homme me semblaient bien lointains.

58. Le dimanche 17 octobre 2010 à 17:44 par Holmes

@ Arkados (sous 17) :

Changer le repère du lieu (bureau physique - bureau informatique) implique de changer le repère de la durée - Espace-Temps - …

59. Le dimanche 17 octobre 2010 à 17:53 par Holmes

Arkados 3…

60. Le dimanche 17 octobre 2010 à 17:58 par Teejee (mékeskidi de base)

@ François-Noël, 33
Je me joins à votre question. S’il s’agit d’une audition libre, le suspect délinquant potentiel convoqué peut-il librement décider de venir librement avec un avocat qui l’accompagne librement.
@ DB : vous avez toute ma sympathie pour le calvaire que votre fils et vous avez vécu.
“Que vida, que triste/ De que pais se trata ?/ Del mio ? No !/ Del mio no se puede” (Francis Cabrel).

61. Le dimanche 17 octobre 2010 à 18:17 par Simone

@ Piquet (48)
En gros, est-ce qu’on peut m’embarquer de force sans me mettre en garde à vue.
A priori oui si on lit bien le projet de réforme de la Procédure Pénale. En effet, il semble que pour des petits délits (tout de même punis, de mémoire, d’un maximum de 5 années d’emprisonnement), l’interpellation du suspect ne devrait pas avoir pour conséquence automatique le placement de celui-ci en garde à vue (ce qui est le cas actuellement dans les faits). Encore faudra t-il bien sûr que le suspect accepte d’être entendu sans l’assistance d’un conseil. Cependant, je ne pense pas que l’audition libre puisse être imposée au mis en cause. Ce qui relative beaucoup, selon moi, l’indignation des avocats vis à vis de cette mesure.

Eolas:
C’est ça. Je gobe totalement l’hypothèse de la personne interpellée de la police qui accepte gracieusement de rester plusieurs heures au commissariat, surtout au milieu de la nuit, pour s’accabler d’un ou plusieurs délits, juste parce qu’on lui a demandé gentiment et qu’il aime rendre service.

@ DB (57)
Le gardé à vue ayant demandé de s’entretenir avec un avocat, l’OPJ a l’obligation de contacter au minimum (c’est la procédure où je travaille) l’Ordre des avocats pour l’aviser du souhait de ce justiciable, mais ne peut être tenu responsable de la carence de ce même Ordre. Il arrive ainsi parfois que pour des raisons certainement matérielles, aucun avocat n’a pu se déplacer dans le temps de la garde à vue. Pour l’instant (peut-être pas pour longtemps), ceci n’est pas considéré par les magistrats comme un vice de procédure.
Le raisonnement est le même en ce qui concerne le médecin.
C’est peut-être ce qui est arrivé à votre fils.

Eolas:
J’ajoute qu’à Paris, l’Ordre a mis en place une permanence joignable 24h/24. La police envoie un fax, qui est aussitôt traité. Si c’est un avocat commis d’office, un avocat de permanence est aussitôt appelé sur son portable. S’il ne décroche pas, on passe au suivant sur la liste, il a perdu son tour. Concrètement, un avocat est contacté dans les 10 mn qui suivent la réception du fax. A charge pour lui de contacter les services de police, pour s’assurer de la disponibilité de son client (les visites médicales se faisant souvent à l’Hôtel Dieu, il peut partir là bas le temps que l’avocat arrive, et le cas échéant il faut s’assurer qu’un interprète sera là). Si c’est un avocat choisi, c’est plus problématique. La permanence envoie un fax au cabinet, ce qui n’est pas très efficace un dimanche. Si l’avocat est sur la liste des volontaires pour les GAV, la permanence a son numéro de portable (encore faut-il qu’elle pense à vérifier). Ayez toujours la carte de visite de votre avocat dans votre portefeuille, avec son numéro de portable, et au besoin apprenez le par coeur.

62. Le dimanche 17 octobre 2010 à 18:18 par Angusta

“Ayant compris combien il était saugrenu d’invoquer les droits de l’homme devant les juges français”
Car c’est bien connu, en France les droits de l’Homme sont aussi bien respectés qu’en Corée du Nord. Je comprends bien que vous ayez, comme nous tous, la Liberté à cœur, mais là il me semble que vous exagérez un peu.

Bref, la meilleure solution n’est-elle donc pas de venir à son audition libre, accompagné de son avocat ?

63. Le dimanche 17 octobre 2010 à 18:24 par Simone

@ Cat (45) et autres intervenants que l’audition libre interpelle.
Et peut-on refuser de se rendre à une “audition libre” ?
Le dispositif de l’audition libre, tel que présenté par le Garde des Sceaux, a davantage été “pensé” pour réduire le nombre de garde à vue, en permettant à ceux qui étaient interpellés, en flagrant délit, pour des “petits” délits de faire l’objet d’une procédure “allégée”, plus rapide et sans défèrement à l’issue. Actuellement, toute interpellation est suivie d’un placement en garde à vue (d’où certainement les 790.000 mesures recensées en 2009).

Eolas:
Non. Elle a été pensée pour tenir l’avocat à l’écart et tenter de contourner la jurisprudence constante de la CEDH et la décision du CC de juillet dernier.

64. Le dimanche 17 octobre 2010 à 18:25 par Zia

Bonjour Maître,

Merci beaucoup pour votre billet.
Vous êtes assailli de questions, et j’espère que celle-ci n’est pas une redite et n’est pas trop idiote ou naïve.
Si j’ai bien compris, l’audition libre est réservée aux infractions, et non aux délits punissables d’une peine de prison. Donc elle concerne des faits “pas trop graves” dirons-nous, qui seront punis d’une simple amende ? Cela peut-il vraiment avoir des conséquences néfastes pour la personne auditionnée ? Parce que si celle-ci se met à risquer de la prison, elle va en garde à vue ?

De plus, concrètement, comment les avocats vont-ils faire ? Etes-vous vraiment assez nombreux pour assister à une garde à vue intégrale ? Avez-vous le temps ? Au final, les avocats ne resteront-ils pas seulement une heure ou deux parce qu’ils sont débordés de travail, surtout dans les territoires plus ruraux ?

Merci d’avance

Zia

65. Le dimanche 17 octobre 2010 à 18:31 par Serge

@Teejee (#54) : « pourquoi la majorité s’acharne-t-elle contre les droits de la défense […] ? »

Ne perdez pas de vue que, pour une partie de l’électorat, le principe juridique de base est : Il n’y a pas de fumée sans feu.

Un individu qui se retrouve en garde à vue est forcément un coupable qu’il faut confondre ; je ne parle même pas de celui qui se retrouve devant un tribunal ou dans une cellule. Il suffit de voir l’incompréhension quand un cambriolé se retrouve en garde en vue pour s’en rendre compte. Outreau n’est qu’une exception qui confirme la règle, une bulle hors du temps, en quelque sorte.

Dans cet état d’esprit, les droits de la défense ne sont rien d’autre qu’un moyen permettant à un coupable d’échapper à son juste châtiment et à narguer la Vraie Justice™.

Personne n’imagine être accusé à tort, ni a fortiori être incapable de faire reconnaître son innocence tout seul.

Oui, moi aussi, je trouve ça désolant.

66. Le dimanche 17 octobre 2010 à 19:27 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Serge, qui a la gentillesse de me répondre en 65
“Ne perdez pas de vue que, pour une partie de l’électorat, le principe juridique de base est : Il n’y a pas de fumée sans feu.”
Vous avez raison. J’ai malheureusement pu constater moi-même, au gré de discussions diverses, qu’il y a des personnes qui sont partisanes de peines de prison sévères parce qu’un coupable doit être châtié, sans imaginer qu’elles peuvent demain être arrêtées pour un délit qu’elle n’ont pas commis. Je sais que je cite souvent cette phrase de La Bruyère, mais elle me paraît aussi frappée au coin du bon sens qu’un gardé à vue au coin du radiateur : “Je dirai presque de moi ‘Je ne serai pas voleur ou meurtrier.’ - ‘Je ne serai pas un jour puni comme tel’, c’est parler bien hardiment.”
Ceci dit, ces personnes constituent-elles une majorité, ou une frange de la population propre à faire pencher la balance d’une élection ? Je ne dis pas que vous vous trompez, mais permettez-moi d’en douter. Nicolas Sarkozy a pu se faire élire sur le thème sécuritaire, en exploitant la peur des gens à des fins bassement électoralistes (pléonasme), mais aujourd’hui le thème est éculé.
J’y vois plus un réflexe de classe, le même que dénonce Victor Hugo dans la préface du Dernier jour d’un condamné : on applique la loi dans toute sa rigueur, et même davantage, au petit peuple; on pousse des cris d’orfraies si l’un de nous est touché.
Comment ça je fais une allusion à l’actualité judiciaire ? Qu’allez-vous penser là ?

67. Le dimanche 17 octobre 2010 à 19:45 par Simone

@ Maître Eolas
“…démontons les mensonges à venir de la Chancellerie…”
C’est ce que l’on appelle un procès d’intention… ou de la clairvoyance.

Eolas:
Clairvoyance : voyez les propos du GDS devant l’assemblée du CNB le lendemain de cette décision. Ils sont si bêtes et mécants qu’ils en sont prévisibles.

Je ferai un billet entier sur le droit de garder le silence, tant il est une pierre angulaire de la démocratie…

N’exagérons rien.
“… et étranger à notre procédure pénale…”
Il y a encore peu (entre 2000 et 2002), ce droit était énoncé lors du placement en garde à vue. Franchement, je n’ai pas senti, à l’époque, une différence notable de comportement de la part des mis en cause. Et des gardés à vue qui refusent de répondre aux questions des enquêteurs, j’en vois régulièrement.

Eolas:
Alors pourquoi est-ce que tout ce que votre profession compte de syndicaliste sont venus défiler les larmes aux yeux dans les bureaux du ministère de l’intérieur, qui a fait abroger cette notification inutile sous prétexte qu’elle compliquait le travail des policiers. Vos collègues auraient menti ? Rhôôô je suis choqué.

En ce qui concerne le projet de réforme, je vois qu’il y a encore eu des changements (il faudrait donc que je revienne sur certains de mes commentaires précédents). Ceci dit, il risque de changer encore avant qu’un texte définitif soit adopté.

L’article 62-3 qui exige pour la garde à vue que l’infraction soit passible d’emprisonnement n’apporte absolument rien, contrairement à ce qu’affirme l’exposé des motifs, puisque c’est déjà le cas : article 67 en vigueur du CPP.
Je suis bien aise de le lire sous votre plume. Quand c’est un policier qui le dit, il est systématiquement conspué.

Ainsi, en audition libre, … vous n’aurez même pas le droit de savoir la nature des faits qu’on vous soupçonne d’avoir commis…
Parce que vous pensez que l’enquêteur et son suspect se contenteront de parler de leurs dernières vacances dans le Périgord ?

Eolas:
Non, mais avouez qu’il y a une sacrée différence entre : “je vous soupçonne d’avoir commis un vol de voiture au préjudice de M. X le 1er octobre à Bogville. Où étiez-vous ce jour là ?” et “Où étiez-vous le 1er octobre dernier ?”

Si des policiers vous proposent une audition libre, acceptez, puis dites que vous décidez librement de ne faire aucune déclaration et de ne répondre à aucune question, et que vous allez partir librement, après leur avoir librement souhaité une bonne fin de journée. Si les policiers vous menacent alors de vous placer en garde à vue, vous saurez que cette proposition d’audition libre n’avait pour seul objet que de vous priver de vos droits. Vous voilà en mesure de les exercer. Vous les avez bien eus.
Vous êtes parfois très distrayant, cher Maître. C’est notamment la raison pour laquelle je suis une fidèle lectrice de votre blog.
Plus sérieusement, ne serait-ce pas plus simple de refuser dès le départ d’être entendu sous le régime de l’audition libre en exigeant la présence d’un avocat ? Non ?

Eolas:
Si on vous offre la possibilité de ne faire aucune déclaration et de rentrer chez vous, je déconseille d’exiger la présence d’un avocat qui implique le placement en garde à vue. Cela dit, je note que rien ne s’oppose à la présence de l’avocat au cours de l’audition libre. On peut se faire accompagner librement d’un avocat venu librement, non ?

Vous devez déposer des conclusions dans tous les dossiers où votre client a été entendu en garde à vue, en demandant la nullité des PV où ses propos ont été recueillis, au visa de l’article 6 de la CSDH.
En espérant que cela fasse enfin réagir (et très rapidement) notre législateur.

Eolas:
La balle est dans le camp de l’autorité judiciaire. Vous savez, celle qui est chargée de la protection de la liberté individuelle et qui nous rejette nos conclusions de nullité depuis un an malgré l’évidence. Que pourrait-il  arriver de mal ?

68. Le dimanche 17 octobre 2010 à 19:57 par OlivierBachelet

Cher Maître,

Juste une précision, si je peux me permettre.

Pour ce qui concerne la notification du droit au silence au gardé à vue, c’est la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 qui a inséré dans l’article 63-1, alinéa 1er, in fine, du Code de procédure pénale la notification du droit au silence en ces termes : “La personne gardée à vue est également immédiatement informée qu’elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs”.

C’est ensuite la loi n° 2002-307 du 4 mars 2002 - votée par une majorité de gauche -, complétant cette même loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, qui a modifié la teneur de la notification en prévoyant que “La personne gardée à vue est également immédiatement informée qu’elle a le choix de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui seront posées ou de se taire”.

En fin de compte, c’est la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure - votée, elle, par une majorité de droite - qui a totalement supprimé la notification du droit au silence au gardé à vue.

Finalement, le projet de loi proposé par la Chancellerie aujourd’hui envisage de réintroduire la notification édulcorée qui était prévue par la loi du 4 mars 2002 …

du 4 mars 2002 complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes - votée par une majorité de gauche - qui en a modifié la teneur en venant

69. Le dimanche 17 octobre 2010 à 20:37 par Cedric

J’attends avec impatience le fait divers où un suspect entendu en libre audition sera reparti du commissariat librement et en aura profité pour agresser quelqu’un. Et le gouvernement de se jeter sur ces droit-de-l’hommiste-européens-loin-du-quotidien-des-citoyens qui auront imposé à la France de ne plus mettre les gens en garde à vue, le tout à coté de familles éplorée avec tournée des ministres, éléments de langage et discours du président. Mais je sais que les politiques ne sont pas cyniques à ce point, ça ne peut pas se produire comme ça.

Eolas:
Pourtant, il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même, puisque son bras armé, le parquet, a toujours la possibilité de placer en GAV (futur art. 63-6, 2°).

70. Le dimanche 17 octobre 2010 à 20:56 par Grève générale !

Bien cher Maître,

Premier post d’un assidu lecteur silencieux, concernant un sujet qui me turlupine depuis un petit moment.

Vous soutenez avec verve et constance qu’en l’absence d’avocat en garde-à-vue, le mieux est de se taire.

En contradiction avec votre avis, le Syndicat de la magistrature, dans son Guide du manifestant arrêté (www.guidedumanifestant.org), conseille la loquacité !

Extrait en cas d’arrestations :
Vous pouvez choisir de vous taire lors des interrogatoires. En pratique, cette attitude risque d’agacer tant les policiers que les juges. Il vous est donc conseillé d’expliquer très précisément au policier pourquoi vous décidez de ne pas parler et de lui demander de l’écrire très précisément sur un procès-verbal d’audition et ce, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur les raisons de votre attitude.

Pourtant, je ne doute pas de la bienveillance de ce syndicat envers les manifestants arrêtés lecteurs de leur guide…

Avez-vous eu l’occasion d’en toucher un mot avec un magistrat syndicaliste ?

Comme vous préparez un billet sur le silence à garder, peut-être pourrez-vous aborder le cas particulier des arrestations dans le cadre d’un mouvement social et apportez votre point de vue sur ce guide.

Et permettez-moi de saisir l’occasion de ce premier post pour vous remercier pour la qualité de votre prose, tant pour sa didactique que pour la qualité de votre plume.

Et d’exprimer tout mon soutien au mouvement des avocats pour les droits de l’homme et du citoyen arrêté.

71. Le lundi 18 octobre 2010 à 00:10 par Midship

Ouvrez le ban

Merci à Mirambeau pour ses réponses.

Fermez le ban

72. Le lundi 18 octobre 2010 à 01:26 par Mélampous

Je ne résiste pas au plaisir de vous citer Mme Alliot-Marie dans son intervention du 15 Octobre 2010 devant l’assemblée générale extraordinaire du conseil national du barreau. Il est frappant de constater que l’accession à des responsabilités au sommet de la pyramide du Pharaon Sarkozy entraine immédiatement une amnésie des connaissances précédemment acquises au cours de la vie, phénomène encore plus navrant dans ce cas puisque Mme le ministre a été maître de conférence en sciences politiques et dispose d’un doctorat en droit et en sciences politiques.

(…) J’ai entendu, Monsieur le bâtonnier votre analyse de l’arrêt rendu hier par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Vous me permettrez de ne pas la partager totalement.
Tout d’abord, vous n’êtes pas sans savoir que ce qui a été condamné c’est le régime de 1999 qui n’est déjà plus en vigueur.
Ensuite, ce qu’affirme la Cour Européenne des Droits de l’Homme c’est que chacun doit avoir la possibilité de bénéficier de la présence d’un avocat.
Le projet de loi que j’ai présenté répond à cette préoccupation. Le régime d’audition libre est par nature une possibilité offerte à la personne, mais non une obligation. Si une personne suspectée veut un avocat, il lui suffit de refuser d’être entendue en audition libre. Elle est alors placée en garde à vue et donc l’assistance de l’avocat est prévue. De la même façon d’ailleurs qu’une personne placée en garde à vue conserve le droit de ne pas demander à être assistée d’un avocat.
Le droit à l’assistance d’un avocat est donc intangible, il est simplement laissé à la libre appréciation de la personne suspectée.
Faisons confiance au libre arbitre de chacun pour décider s’il est plus favorable pour lui d’être entendu librement et rapidement ou de demander à être placé en garde à vue pour bénéficier des conseils d’un avocat. (…)

L’audition libre est donc une forme de détention arbitraire qui ne dit pas son nom, puisqu’en cas de refus d’être auditionné “librement” elle se transforme immédiatement en garde à vue. Elle ne sert donc en gros à rien, hormis se réserver de nombreuses condamnations à venir de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. D’ailleurs, les annulations de gardes à vue ont commencé à fleurir en France depuis l’arrêt du 14 octobre avec des procédures annulées à Brest, Douai, Béthune.
Opportunisme politique, propos juridiquement aberrant, et en plus devant un parterre d’avocats (Eolas devait ronger compulsivement son épitoge), j’ai déjà entendu ça quelque part…

73. Le lundi 18 octobre 2010 à 03:09 par paflechien

Une question de Mékeskidi: suivant l’argument de MAM retranscrit en 115, quelle est la différence entre le suspect qui choisit l’audition libre et le prévenu en GAV qui refuse un avocat?

Eolas:
La différence qu’il y a entre faire l’amour et un viol. Celui qui commet le second essaie toujours de faire croire qu’il s’agissait du premier.

Et avec les aveux spontanés?

Eolas:
Les aveux spontanés, c’est comme les droits de l’homme à la chinoise. 

74. Le lundi 18 octobre 2010 à 08:59 par Bazto

@ Simone (61)
Cependant, je ne pense pas que l’audition libre puisse être imposée au mis en cause. Ce qui relative beaucoup, selon moi, l’indignation des avocats vis à vis de cette mesure.

Je ne pense pas que l’interpellé à qui l’on indique qu’il a le choix entre une audition libre avec sortie en principe imminente et une garde à vue de potentiellement 48 heures avec fouille et autres mesures accessoires dispose d’une véritable “liberté” de choix.

Comme l’indique Eolas, même le régime actuel de la garde à vue est plus respectueux des droits de la défense.

75. Le lundi 18 octobre 2010 à 09:08 par Shiver

Encore un article très instructif pour moi qui suis gendarme (mais tout juste agent de police judiciaire)et qui tient au respect des droits des gardés à vue (après tout, certaines garde-à-vue se font suite à une simple audition de victime et si je devais être mis en cause, a fortiori, faussement mis en cause, j’apprécierais d’être informé de mes droits et traité justement, cela semble logique).

Ayant une faible expérience du métier, j’entends beaucoup parler mais je n’ai pas encore pu vérifier si tout ce qui est dit est vrai.

J’ai déjà entendu dire autour de moi ce genre de choses:

“Quand on appelle un avocat, il y en a qui ne se déplacent même pas parce qu’on est trop loin” (il faut environ 45min juste pour faire le trajet jusque la brigade).

Est-ce seulement possible qu’un avocat refuse de venir? La personne gardée à vue a-t-elle un recours si ce cas se présentait?

Eolas:
Un avocat commis d’office ne peut refuser de se déplacer, sauf motif légitime (ex : c’est l’adversaire d’un de vos clients dans un autre dossier) dont il doit informer le bâtonnier sans délai pour qu’il puisse commettre un autre avocat. Un avocat choisi peut refuser de s déplacer puisqu’on peut toujours refuser un dossier. Dans ce cas, il convient de demander au GAV s’il choisit un autre avocat ou en veut un d’office.

Suite à ces propos j’entends donc:

“Alors ces projets de loi sur le fait de rendre obligatoire la visite d’un avocat, c’est idiot, puisqu’il y aura jamais assez d’avocats disponibles pour venir à toutes les gardes à vue”.

Pourtant techniquement même sans être obligatoire, si chacun demain voulait un avocat, ça devrait être possible je pense. Mais bon…

Eolas:
Absolument. C’est notre responsabilité d’assurer cette tâche. Rassurez-vous. A chaque fois, on nous a dit que de toutes façons on y arriverait pas. A chaque fois, on y est arrivé sans problème.

Sinon, j’ai déjà entendu ces chers Officiers de Police Judiciaire, informer le mis en cause qu’il a le droit à un avocat mais rajouter très rapidement: “un avocat de toute façon il vous informe juste des droits que je vous ai déjà donné et il a pas accès à votre dossier alors ça n’apporte rien de plus”.

C’est donc une fausse information délivrée sciemment à un mis en cause. On désinforme un mis en cause sur ses droits puisque contrairement à ce qui a été dit, l’avocat notifie le droit de garder le silence (chose que se gardent bien de faire les OPJ) et fait respecter les droits des personnes (j’ai déjà vu des aveux obtenus en échange du droit de fumer…)

Y a-t-il un recours possible contre ces mensonges? Si l’avocat n’a pas été présent en garde à vue, doit-il s’enquérir de ces informations et est-ce à lui de faire quelque chose en fonction des réponses ou bien son absence permet-elle toutes les dérives?

J’espère que les choses évolueront, positivement, rapidement..

Eolas:
Le problème est que l’OPJ se garde bien de consigner ces déclarations sur le PV. Elles entraîneraient immanquablement la nullité des auditions et confrontations, bien sûr. Et que celui qui les croit ne fait pas appel à un avocat. Qui ne peut le détromper. Sauf au moment de la comparution immédiate, et c’est trop tard. Quand bien même, dans un sursaut de méfiance, il demanderait quand même un avocat, l’avocat peut certes noter des observations faisant état de ces propos. Problème à nouveau : nous ne sommes pas témoins. L’OPJ peut très bien dire que le GAV ne l’a pas compris, ou qu’il n’a jamais dit ça. Aucune preuve. 

Oui, l’absence de l’avocat permet toutes les dérives. C’est pour ça qu’on l’a maintenu au loin pendant deux siècles. Les dérives, ça fait de super stats.

76. Le lundi 18 octobre 2010 à 09:10 par philippe913

juste un avis à moitié éclairé sur l’audition libre.

Si il est vrai que dans sa forme, elle paraît pour le moins critiquable (pas de droits afférents, si vous voulez des droits demandez la gav, il n’en reste pas moins qu’elle est une bonne chose pour tout un tas de petits délits.

Jusqu’à présent, pas mal de vols à l’étalage ou de conso de stups sont traités par de la gav, est ce utile? est il réellement utile d’avoir un avocat?

oui je sais, vous aller me descendre en flammes quand je dis que l’avocat n’est pas forcément utile, et pourtant, dans ces cas là, je ne vois pas vraiment ce qu’il pourrait apporter à l’enquête.

Eolas:
La réponse est rien : l’avocat n’est pas là pour apporter quelque chose à l’enquête. Il exerce la défense. C’est comme dire qu’il ne sert à rien d’aller voir un médecin parce que vous ne voyez pas ce qu’il peut apporter à la réforme des retraites. Maintenant, si un jour on vous accuse d’avoir commis un vol à l’étalage ou de consommer des stupéfiants, et que vous ne voyez pas à quoi vous servirait un avocat, je ne peux rien pour vous.

77. Le lundi 18 octobre 2010 à 09:47 par henriparisien

@philippe93 (normalement juste au dessus)

Ce qu’attend le prévenu de son avocat, ce n’est pas qu’il fasse progresser l’enquête mais qu’il le seconde efficacement dans sa défense.

Et c’est l’honneur des démocraties de permettre aux mises en cause de se défendre.

78. Le lundi 18 octobre 2010 à 09:51 par Véronique

@ philippe913

Le souci, tout de même, c’est que nous ne voyons pas non plus en quoi 790 000 mesures de GAV ont été normalement et si nécessaires aux enquêtes, s’il suffit, pour atteindre, semble-t-il, les mêmes objectifs, qu’un paragraphe dans un projet de loi préconise une audition dite libre .

Alors, quand des chiffres aussi hallucinants en matière de GAV sont atteints sans qu’aucune modération ne soit en mesure d’intervenir, si ce n’est que par le biais du conseil constitutionnel et de la CEDH, nous avons toutes les raisons de penser que les libertés publiques basiques ne signifient plus grand chose pour le pouvoir politique, la police et le justice.

La nécessité de l’avocat, selon moi, se situe précisèment là: permettre un frein et enrayer quelque peu les rouages dans des machineries devenues folles. Toute autre forme de modération raisonnable étant devenue inopérante.

Eolas:
Las, ce n’est pas pour tout de suite, le projet de loi ne prévoyant toujours pas d’habeas corpus faute de pouvoir contester la GAV devant un juge. Le boulet de l’arrêt Medvedyev a beau avoir frappé la tête, il a ricoché en sonnant creux. A vos conclusions confrères, apprenons au Gouvernement que la CSDH a aussi un article 5.

79. Le lundi 18 octobre 2010 à 10:00 par Paco Necté

Il est flagrant, dans ce fil de commentaires comme dans de précédents, que beaucoup de justiciables n’ont pas fait l’objet de ces procédures de GAV ou n’y ont pas été impliqués professionnellement ; c’est pourquoi ils semblent surpris qu’il soit vivement recommandé par le maître des lieux de revendiquer le droit de ne pas répondre aux questions hors de la présence d’un avocat…
J’ai l’impression qu’ils ne comprennent pas que certains enquêteurs (heureusement pas tous !) n’ont aucun scrupule à altérer singulièrement les réponses qui leurs sont faites dans la rédaction du PV d’audition qui sera “proposé” (sic) à la signature du questionné et qu’il est souvent malvenu d’en exiger la modification.
De nos jours, les propos sont retranscrits sur des ordinateurs où ils peuvent être relus et modifiés avant impression, et l’enquêteur sait faire preuve d’un peu plus de patience ; mais j’ai en mémoire l’époque où c’était laborieusement tapé sur une antique machine à écrire et où d’un commun accord, après des heures d’audition, chacun se trouvait soulagé de voir cesser le supplice.
Si l’enquêteur sait faire preuve -aujourd’hui- d’un peu plus de patience, il n’en demeure pas moins qu’il tentera souvent d’user d’une “formule sémantique” corroborant sa propre théorie sur la culpabilité de la personne interrogée ou d’une autre à propos de laquelle le témoignage de la personne interrogée deviendrait involontairement accablant ; et il n’est pas nécessairement plus agréable de voir un(e) ami(e), un parent, débarquer menotté(e) dans le commissariat que de se retrouver soi-même en cellule à la suite d’une réponse transcrite de façon ambigüe… à fortiori quand on est complètement étranger à l’affaire en cours, ne sachant même pas (ainsi que le rappelle @notre hôte) de quelle affaire il s’agit.
Bien sûr il arrive assez souvent que cette technique d’interrogatoire aboutisse à l’interpellation d’authentiques coupables (dont l’avocat aura pour mission, au tribunal, d’atténuer la responsabilité en demandant le rejet d’une partie des aveux), mais combien d’innocents auront perdu un temps infini (et fait perdre un temps infini aux enquêteurs) à avouer qu’ils tapaient la belote, à l’insu de leur tendre épouse, à quelques dizaines de mètres d’un appartement cambriolé… d’où la présence de leur véhicule à proximité des lieux ?

80. Le lundi 18 octobre 2010 à 10:10 par Simone

@ Bazto (74)
Il est cependant difficile, même avec la meilleure volonté, de transformer une procédure simple, limitée à une petite audition (avec sortie imminente), en une privation de libertés de 48 heures pleines (discuter pendant deux jours d’un vol à l’étalage, ce n’est pas évident).

@ Eolas
Remarque générale : Comment pouvez vous une fois de plus présenter l’attitude des policiers envers les suspects, dans le cas d’espèce, comme une menace ? J’ai d’ailleurs remarqué que c’est un mot qui revient souvent sous votre plume quand vous évoquez les forces de l’ordre.
Imaginez, Maître, que vous ayez commis un petit larcin. L’enquêteur en charge de cette belle affaire vous propose de vous entendre dans le cadre d’une audition libre (adjectif selon moi particulièrement mal choisi par notre Garde des Sceaux). Vous refusez (puisque vous voulez avoir un confrère à vos côtés lors de cette rude épreuve). Comment pouvez considérer que votre interlocuteur puisse alors vous “menacer”, en l’occurrence de vous placer en garde à vue, puisque c’est précisément le régime sous lequel vous désirez être entendu ?
Le seul moyen de régler le “problème”, c’est d’exiger du législateur que tout mis en cause entendu (“librement” ou non) par la police ou la Gendarmerie bénéficie, s’il le souhaite, de l’assistance d’un avocat.

Eolas:
Parce que vos collègues usent couramment de la garde à vue comme d’une menace, alors que c’est une obligation, en insistant sur la durée, les menottes et la cellule, alors que ce ne sont pas des obligations. Ps plus que la fouille à corps, dont la légalisation par le projet de loi annoncé prouve ce que je dis depuis le début : elles sont pour le moment illégales et peuvent être refusées.

81. Le lundi 18 octobre 2010 à 10:12 par Diab

L’intendance est censée suivre, et il est hors de question de se cacher derrière des problèmes matériels lorsqu’on parle de droits fondamentaux, j’en conviens.

Se cacher derrière le dispositif parisien (barreau de plus de 20 000 avocats, ressort extrêmement resserré géographiquement, transports efficaces…) pour nier les obstacles matériels qui vont se poser dans 95 % des ressorts n’est pas beaucoup mieux.

En pratique, dans la grande ville de province dans laquelle je travaille, c’est déjà parfois compliqué d’avoir trois avocats pour des défèrements, au palais et aux heures ouvrables, pour des clients à l’AJ.

Et une proportion importante des GAV se passe sans entretien avocat, même lorsque demandé par la personne (“dites lui que je le verrai lors de sa présentation, ce sera suffisant”).

Et là, je vous parle d’une grande ville, d’un barreau de plusieurs centaines d’avocats, et d’un ressort très bien desservi par les transports.

Alors, j’imagine à peine la situation lorsque une BR située à 80 km du siège d’un petit TGI avec un barreau d’une trentaine d’avocats va interpeller 8 personnes dans un dossier compliqué à 6 heures du matin. Bien entendu, un quart du barreau local va sauter de son lit, annuler tous ses rendez-vous de la journée, et se jeter dans sa voiture direction la BR du trou du cul du monde…

Ce qui me fait dire qu’hors d’une dizaine de très gros ressorts, et en l’état de l’AJ et de la culture professionnelle de trop nombreux avocats, le gardé à vue commun ne verrait pas plus d’avocat avec un alignement total sur la CEDH qu’il n’en voit aujourd’hui.

Et se cacher derrière la permanence 24/24 du barreau de Paris ou derrière un “on verra bien” ne fera pas beaucoup avancer le débat, malheureusement…

82. Le lundi 18 octobre 2010 à 10:21 par Jalmad

Je crois qu’il y a une cretaine confusion savamment entretenue par la chancellerie dans cette histoire.

Lorsque la CEDH affirme qu’une personne mise en cause doit pouvoir, par principe, être assistée d’un avocat dès qu’elle est placée en position de devoir s’expliquer, c’est tout simplement parce qu’elle estime que toute personne dans cette situation doit pouvoir être assisté d’unepersonne en charge de ses intérêts pour assurer sa défense.

Qu’on la mette dans des geôles pourries, ou pas ; qu’on la retienne 4 heures ou 48. Dans la décision qui condamne la rance, la CEDH l’affirme clairement. Exit donc le système d’audition libre, si les parlementaires se décident à entendre ce que dit la CEDH.

Ensuite, le placement en GAV relève d’autre chose : la nécessité de prendre une mesure de contrainte, c’est à dire de restreindre la liberté de quelqu’un, et ce pour les nécessités de l’enquête. A plus forte raison dans cette situation, en effet, on se dit que les droits du mis en cause doivent être renforcés. Le droit d’être assisté utilement (et quand je dis utilement, je pense que le projet actuel, comme le souligne MÔ, prévoit des possibilités d’exclusion de l’avocat encore bien trop floues et larges, qui vont laisser place à des pratiques totalement divergentes d’un ressort à l’autre…), évidemment, mais ça, ça découle du statut de mis en cause, mais aussi le droit de faire prévenir sa famille, de voir un médecin, etc…

Bref, qu’on fasse un régime “simplifié”, ou, disopns “light” de GAV, je trouve cela, dans l’idée, pas idiot : régime simplifié dans lequel la personne se verrait notifier les faits juridiquement qualifiés pour lesquels on va l’entendre, son droit au silence, la possibilité d’avoir un avocat, et le fait qu’en cas de besoin, à tout moment, l’OPJ pourra finalement décider de s’orienter vers un placement en GAV, mais sans coercition et pour une durée raisonnable, donc exit le médecin, le coup de fil à un ami, etc…Et à la imite, pourquoi en effet adopter ce régime “light” même après une interpellation : on peut imaginer que la orecition initiale de l’interpellation était justifiée sur le moment (intervention de voie publique, en flagrance, typiquement le cas de la CEA, qui doit pourvoir un nombre hallucinant de GAV), mais, pour la suite, n’apparaît plus nécessaire : la personne n’est pas dangereuse, on sait que l’enquête va aller vite, ne nécessitera pas de confrontation ou de perquisition, etc…

Les OPJ se plaignent de la “paperasserie” : et bien, là, ça me semble pouvoir être réglé en 3 coups de cuillère à pot.

En revanche, GAV avec la totale des droits si coercition. estimée nécessaire.

C’est quand même pas si compliqué, Michèle, je sais que vous pouvez y arriver !

83. Le lundi 18 octobre 2010 à 10:32 par eulP

Je trouve que les commentaires de ce blog ratent une partie importante du débat, que l’on retrouve sur le site du Télégramme de Brest:

le gouvernement portera seul le poids d’une insécurité juridique qui va prospérer partout, puisque toutes les procédures en cours peuvent devenir caduques. Son absence de réaction en urgence à la décision du Conseil constitutionnel du 1eraoût est totalement inacceptable. Elle fragilise le droit des victimes, le droit des prévenus et même le travail des policiers qui n’ont plus de cadre juridique pour travailler. Le gouvernement crée un système judiciaire hors d’état de fonctionner du fait de sa propre carence.

Le comportement du gouvernement actuel augmente l’insécurité et fragilise le droit des victimes. Il n’y a pas que le mensonge qui soit grave. Les gens de droite élisent un gouvernement de droite parce qu’ils ont peur, sur un discours sécuritaire, et se retrouvent avec une chancellerie qui risque de rendre inefficace le travail des policiers, et donc de ne plus sanctionner la délinquance. C’est hallucinant, non ?

84. Le lundi 18 octobre 2010 à 10:37 par Julie

Je me demande ce qui, concrètement, entraine un avocat à proposer à son client l’appel, puis la cour de cassation, puis la CEDH… Comment arrive-t-il à convaincre son client de se lancer dans des procédures aussi longues et complexes? Faut-il un client riche, ou prêt à se sacrifier pour le bien commun?

85. Le lundi 18 octobre 2010 à 11:33 par Billy Budd

Sauf erreur, la Cour de Cassation doit se prononcer ces jours-ci sur “l’inconventionnalité” de la garde à vue.

86. Le lundi 18 octobre 2010 à 11:47 par Simone

@ Eolas (sous 75)
Oui, l’absence de l’avocat permet toutes les dérives. C’est pour ça qu’on l’a maintenu au loin pendant deux siècles. Les dérives, ça fait de super stats.”
Ne vous laissez pas emporter par votre enthousiasme. Evitons la caricature.

Eolas:
J’aimerais que ce soit une caricature. Lisez les débats parlementaires de 1993, de 2000, de 2002.

87. Le lundi 18 octobre 2010 à 12:05 par Vicnent

on ne risque pas de se retrouver tout droit avec tous les voleurs et autres délinquants qui ne vont plus ouvrir la bouche de la première à la dernière minute de la GAV ?

Eolas:
Et c’est mal ?

88. Le lundi 18 octobre 2010 à 12:08 par Beni

Il semble que certains parquetiers soient las des inepties du Gouvernement. Et comme il s’agit du PG Cass, cela me semble être une information de première importance, même si cela arrive très tard. L’arrêt devrait être rendu demain semble-t-il.

89. Le lundi 18 octobre 2010 à 12:11 par derrière les barreaux

Tous s’évertuent à envoyer les avocats en prison pour s’assurer que les personnes détenues aient bien accès à leurs droits, notamment en cas de décision “susceptible de faire grief”, obligeant l’administration non seulement à organiser des débats contradictoires avec la possibilité pour le détenu d’être assisté par un avocat ou un mandataire, mais surtout à être très professionnelle (motivations, visa des textes, voies de recours…)… les pénitentiaires ont râlé (quoi, ouvrir le droit à l’avocat pour la commission de discipline ??) , mais cela nous a obligé à nous poser les bonnes questions sur nos procédures de fonctionnement… et cela continue avec la loi du 24 novembre 2009, dite loi pénitentiaire !
D’où une question simple: de quoi ou de qui ont peur les forces de l’ordre agissant à l’extérieur ??
D’où une seconde question: que fait le Contrôleur général des lieux de privation de libertés, qui s’évertue à publier des avis sur les prisons françaises (sans doute à juste titre…) mais qui oublie que la case prison n’est que la dernière d’un long parcours à l’ombre des barreaux (loin du barreau ?) ?! Quoique, s’il ne s’occupe que de l’état des locaux et non de ce qui s’y passe, je me demande si j’ai raison de l’évoquer ici .
D’où une question subsidiaire: fallait-il attendre une telle condamnation (qui n’aura pas les effets escomptés, si j’en crois tout ce qui précède…), n’y avait-il pas plus de gloire à être l’auteur d’une réforme (vaincre sans péril) qu’à être celui qui veut la contourner (triompher sans gloire) ??

Merci pour votre article et votre combat, que je suis de loin, m’efforçant tous les jours de faire mon métier avec rigueur et transparence…

Eolas:
Salut à l’Administration Pénitentiaire ! J’ajoute que vous pourrez témoigner que quand les avocats ont été admis, par accident législatif, à assister les détenus au Prétoire (nom usuel de la Commission de Discipline), les avocats ont répondu présent et étaient là, avant même que leur rémunération ne soit prévue par la loi.

90. Le lundi 18 octobre 2010 à 12:12 par Cleyo

Je me permets de “taper” une consultation, après avoir fait le tour des dossiers ce matin. Sur un malentendu, un confrère pourrait m’éclairer…
L’article 173-1 du CPP dispose : “Sous peine d’irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf dans le cas où elle n’aurait pu les connaître (…)”.

Peut-on considérer que, grâce au passage que j’ai graissé, même passé 6 mois après la mise en examen, je puisse aujourd’hui soulever la nullité des interrogatoires de GAV en excipant du fait que cette nullité ne pouvait être connue (car n’existait pas) dans ce délai de 6 mois ?
A mon sens la réponse est oui (de toutes les façons, je vais tenter le coup, je ne risque rien), mais je me fourre peut-être le doigt dans l’oeil.

D’autres avis, raisonnements ? Café pour celui qui me répond (c’est la crise).

Cleyo

91. Le lundi 18 octobre 2010 à 12:20 par Mike

Jessaye de convaincre tous les badauds que je croise (et qui n’ont rien demandé) que l’avocat en GAV est indispensable. Récemment un futur procureur m’a fait cette réponse, que je vous soumets en substance:

“le problème c’est qu’on sait que beaucoup d’avocats transmettront des messages pour leur client, genre faire disparaitre preuve et indice, informer des complices, etc.

Je lui ai répondu qu’il s’agissait là de délits, et il m’a demandé si Me kiejman était au courant (cf Bettencourt).

Bref je ne suis pas sur qu’il ait raison mais il a le mérite de déplacer le débat : ce n’est plus la question “culture de la preuve ou culture de l’aveu” mais bien un pragmatisme effrayant face aux droits de l’homme..

Jespere recueillir votre avis!

92. Le lundi 18 octobre 2010 à 12:26 par Diab

@ 90, Cleyo

A mon avis, l’irrecevabilité de 173-1 CPP s’applique.

En effet, la “fiction” inhérente à toute jurisprudence dans notre système est le fait qu’elle ne crée pas de règle nouvelle mais ne fait que donner une interprétation supposée avoir toujours existé.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la jurisprudence “Brusco” va devoir être appliquée à des GAV antérieures à l’arrêt.

Si l’interprétation est supposée avoir toujours exister et ne pas avoir été créée par l’arrêt, on peut difficilement soutenir qu’on ne pouvait pas la connaître pour éluder l’irrecevabilité.

Ou alors, il faut soutenir que l’arrêt “Brusco” a “créé” une règle nouvelle. C’est assez difficile intellectuellement à soutenir. Et surtout, ça risque de vous mettre en position un peu inconfortable lorsque vous viendrez plaider qu’il convient d’appliquer à votre GAV antérieure cette interprétation qui n’existait pas encore. Vous considérez que vous pouviez légitimement ignorer cette interprétation, et vous reprochez aux OPJ de ne pas en avoir tenu compte ?

Pour dire les chose simplement : si l’interprétation de “Brusco” préexiste à l’arrêt de manière à s’appliquer à votre GAV antérieure, elle préexiste aussi pour vous empêcher d’éluder le délai d’irrecevabilité de 173-1 CPP.

93. Le lundi 18 octobre 2010 à 12:29 par Shiver

@Vicnent>C’est gênant uniquement si on travaille sur l’aveu seul du mis en cause. S’il se tait, ça oblige les forces de police à travailler avec des preuves ou en tout cas un faisceau d’éléments qui orientent l’enquête.

Et si on commence à considérer que l’aveu seul, obtenu avec plus ou moins de pression (pas d’avocat, dire que plus on parle plus le Procureur de la République sera clément contrairement à celui qui ne dire rien, être en cellule, ne pas pouvoir se laver, être nourri plus ou moins bien, être fouillé régulièrement, porter des menottes..ce sont déjà pas mal de pressions sans compter certaines dérives possibles parfois…), c’est trop peu et qu’il faut des éléments à côté, plus qu’un vague témoignage ou une dénonciation reposant sur un “je pense que” ou “je soupçonne que” qui ne sont que des points de vue et non des faits, cela rend le travail de la police plus difficile.

Mais plus juste.

Surtout qu’un gardé à vue n’est pas forcément un délinquant, c’est juste un mis en cause et contrairement à ce qu’on pense habituellement, la présomption d’innocence existe. :)

Eolas:
L’affaire Kamagaté nous apprend qu’un aveu n’est pas nécessaire pour une condamnation. Une preuve non plus d’ailleurs.

Et autre “problème” au niveau du vocabulaire c’est d’appeler la personne qui porte plainte “victime” alors qu’au stade de la plainte on a que sa déclaration et rien d’autre. Qui sait si elle est victime?

Eolas:
Vous avez entièrement raison. Le mot victime est déplacé ici. Il est employé dans le cadre de la politique victimaire actuelle : ne pas les qualifier ainsi serait mettre en cause leur souffrance, c’est zorrible m’am Chazal. Le mot exact à ce stade est plaignant. On ne devient victime que comme on devient coupable : une fois qu’un jugement vous a déclaré tel.

(et merci Maître pour vos réponses à mon commentaire précédent)

94. Le lundi 18 octobre 2010 à 12:32 par Dr S.

Je n’ai rien à me reprocher donc, si un jour me retrouve en audition libre, je dirai aux policiers ce qu’ils souhaitent savoir et ne perdrai pas mon temps et mon argent en appelant un avocat. La garde à vue ne me fait pas plus peur, car je suis d’une honnêteté scrupuleuse. Mais les délinquants et criminels de tout poil seront certainement très intéressés par votre article.

Eolas:
Vous avez bien raison. Cette excellente tactique a fait des étincelles à Outreau il y a bientôt 10 ans.

95. Le lundi 18 octobre 2010 à 12:58 par Jean-ollivier

La dérive orwellienne du langage est très frappante, du point de vue littéraire. Cette “audition libre” est une merveilletrouvaille. J’ai noté qu’un commentateur se désigne comme crimepensée, ce qui a aussi le goût de George Orwell. C’est d’autant plus intéressant qu’il s’agit d’un phénomène international, et que nos amis américains nous précèdent largement. Et dire que Paul Hazard, dans “La crise de la conscience européenne (1680-1715)” (un livre qui date de 1935) cite Pierre Bayle : “la langue française est désormais le point de communication de tous les peuples de l’Europe, et une langue que l’on pourrait appeler transcendantelle, par la même raison qui oblige les philosophes à donner ce titre aux natures qui se répandent et se promènent dans toutes les catégories” (Pierre Bayle, Nouvelles de la Réublique des Lettres, nov. 1685, art 5). C’est la novlangue qui joue désormais ce rôle, sous ses divers patois (extraordinary renditions, audition libre, usw..).
Il nous reste à imaginer Madame le Garde des Sceaux faisant dans la transcendantelle…

96. Le lundi 18 octobre 2010 à 13:28 par Dr S.

Cher Maître, votre réplique à mon commentaire n°94 n’est pas juste. Je ne dis pas qu’il n’existe pas d’erreurs judiciaires, comme il y en eut une à Outreau: mais elles naissent plutôt de ce que les personnes auditionnées ne disent pas la vérité (même si c’est pour avouer faussement), et surtout la présence d’avocats ne les empêche jamais (voir justement, l’impuissance des avocats dans l’affaire d’Outreau).

La meilleure tactique pour un honnête homme n’est jamais de se taire, mais de dire la vérité: comment pourrait-elle être compromettante? Et pourquoi opposer le silence à la police? Cette logique est celle du délinquant, non celle de l’innocent.

Voilà pourquoi je ne donnerai jamais un centime à un avocat pénaliste: je n’en aurai jamais besoin. Même si je suis injustement accusé. Je me contenterai de dire toute la vérité, et cette vérité sera meilleure que toute plaidoierie, même subtile, même audacieuse, même parfaitement professionnelle.

Enfin pour un honnête homme tel que moi, sans reproches, le système de l’audition libre n’est pas mal; je n’y vois aucun inconvénient.

97. Le lundi 18 octobre 2010 à 13:45 par beldeche

Il me semble que l’affaire Patrick Dils est un exemple flagrant du problème de dérapage de la garde à vue.

Sur le sujet plus global, les questions que l’on peut se poser sont:
Quel est le pourcentage de dossiers où les aveux en garde à vue sont un élément majeur de la condamnation ?
Le travail d’enquête de la police se borne-t-il à faire pression sur les gardés à vue ?
Sans ces aveux, les jugements seraient-ils inversés ?

Pour ma part, ce que j’avais retenu dans ce genre de cas, c’était:
1) demander un avocat
2) indiquer si j’ai besoin d’un suivi médical
3) demander à boire/manger/dormir/aller aux toilettes/fumer si le besoin s’en fait ressentir
4) répondre: “Je n’ai rien à déclarer” à toutes les questions qui diffèrent de celles de mon identité

@Dr S.
Le problème c’est que dans certains cas, la police peut chercher à clôturer le dossier, notamment parce qu’elle est débordée.
En orientant certaines questions, vos réponses peuvent être interprétées comme étant en concordance avec les faits dont vous n’avez pas connaissance.

98. Le lundi 18 octobre 2010 à 13:46 par nozov

@ Simone (80)
Il est cependant difficile, même avec la meilleure volonté, de transformer une procédure simple, limitée à une petite audition (avec sortie imminente), en une privation de libertés de 48 heures pleines (discuter pendant deux jours d’un vol à l’étalage, ce n’est pas évident).

Pourquoi 48 heures ?
Je croyais (moi mekeskidi) que
- la garde à vue, modèle de base sans options, c’était 24 heures
- ces 24 heures constituent un maximum (éventuellement renouvelable une fois si nécessaire) et non un minimum obligatoire. Que donc la GAV d’un prévenu peut se terminer avant cette échéance de 24 heures si besoin est.

Donc pourquoi vouloir absolument priver quelqu’un de liberté pendant deux jours pour discuter de vol à l’étalage si quelques heures suffisent ?

99. Le lundi 18 octobre 2010 à 14:04 par vuparmwa

Maître,
Michèle Alliot-Marie, dans son discours à l’Assemblée générale extraordinaire des barreaux, a quasiment repris vos mots pour commenter très rapidement l’arrêt Brusco :

”J’ai entendu, Monsieur le bâtonnier votre analyse de l’arrêt rendu hier par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Vous me permettrez de ne pas la partager totalement.

Tout d’abord, vous n’êtes pas sans savoir que ce qui a été condamné c’est le régime de 1999 qui n’est déjà plus en vigueur.

Ensuite, ce qu’affirme la Cour Européenne des Droits de l’Homme c’est que chacun doit avoir la possibilité de bénéficier de la présence d’un avocat.

100. Le lundi 18 octobre 2010 à 14:10 par flic803

{{on ne risque pas de se retrouver tout droit avec tous les voleurs et autres délinquants qui ne vont plus ouvrir la bouche de la première à la dernière minute de la GAV ?

Eolas:
Et c’est mal ?}}

Je pense à certains crimes où les auteurs ne sont pas des délinquants d’habitude. Le mec qui tue sa femme d’un coup de folie, le déséquilibré qui viole ou tue, ce genre de personne qui n’ont pas grandi dans la délinquance et qui n’ont pas l’habitude de la GAV et autres.

Le but est un petit peu quand même qu’il reconnaisse les faits non? Les aveux circonstanciés (j’insiste sur ce mot) n’ont t-ils aucune valeur selon vous? En quoi en auraient-ils plus avec un avocat?

Vous parliez du papi qui avait flingué deux jeunes gens du voyages à son domicile et qui avait expliqué son geste par des propos racistes. Vous disiez que ces propos n’avaient pas de valeur car pas d’avocat en audition, j’avoue j’ai du mal à comprendre? Un avocat aurait du lui dire de la fermer et de donner une version plus présentable de son acte?
Un avocat défend sur le droit pas sur la vérité il me semble?

Imaginez le cas suivant : votre client a été arrêté car on le soupçonne d’avoir kidnappé et tué quelqu’un. La police n’a qu’un vague soupçon et de plus le meurtre n’est pas encore établi car le corps a été dissimulé par votre client. Ce dernier n’est pas loin de passer aux aveux, vous le sentez, les policiers aussi.
Mais vous savez que la police n’a quasiment rien contre lui et qu’il a toutes les chances de repartir tranquille de sa GAV.

Que conseillerez vous à votre client ?
Parler et partir au ballon pour 20ans ou exercer son droit à garder le silence.
Ça fait un peu caricatural comme cas mais ces situations existent vraiment. Et je me suis demandé ce que vous feriez.

Personnellement je ne suis pas du tout choqué à l’idée d’un avocat en audition, mais parfois j’ai du mal à vous comprendre sur le rôle que devrait, selon vous, avoir celui-ci en audition.

Sinon merci pour ce blog et pour avoir repris vos billets.

101. Le lundi 18 octobre 2010 à 14:25 par villiv

@Dr S. #94
“si un jour me retrouve en audition libre, je dirai aux policiers ce qu’ils souhaitent savoir et ne perdrai pas mon temps et mon argent en appelant un avocat. La garde à vue ne me fait pas plus peur, car je suis d’une honnêteté scrupuleuse. “

Outre la réponse de Eolas qui est on ne peut plus adaptée (il indique ironiquement que Vous avez bien raison),

j’ajouterai pour ma part que j’adopterai peut être la même excellente tactique si le cas se présentait…

Mais bien évidemment, ce serait pour espérer sortir au plus vite (mais il y a risque de ne pas pouvoir…. argh)

et de faire passer l’idée par écrit (via avocat naturellement) que tout ce qui a été déclaré en audition n’était pas vrai, et n’a été déclaré que sous le coup de l’émotion, de la peur etc etc…

En résumé, vaut mieux faire plus simple dès le début et se faire assister je pense …

a suivre néanmoins

102. Le lundi 18 octobre 2010 à 14:36 par Bazto

@ Simone (80)
Il est cependant difficile, même avec la meilleure volonté, de transformer une procédure simple, limitée à une petite audition (avec sortie imminente), en une privation de libertés de 48 heures pleines (discuter pendant deux jours d’un vol à l’étalage, ce n’est pas évident).

C’est certain, mais ce n’est pas ce que j’indiquais. Le problème n’est pas que pour des petits délits le suspect soit retenu effectivement 48 heures, mais que la garde à vue deviendrait une épée de Damocles que certains OPJ ne manqueraient pas de brandir pour que le suspect renonce à ses droits.

Améliorer les droits de la défense au stade de la garde à vue (ce qui d’ailleurs n’est pas le cas dans le projet) en créant parallèlement une zone de non droit (de la défense), cela revient évidemment à réduire à néant la première avancée.

Sur un plan pratique, est-il inenvisageable que certains suspects en audition libre finissent précisément en garde à vue parce qu’ils ont avoué ou au contraire refusé d’avouer ?

Le but de la chancellerie n’est pas une avancée des droits de la défense mais une diminution comptable du nombre de garde à vue, alors même que ce nombre résulte d’une politique pénale délibérée.

Ce projet, comme le précédent d’ailleurs, se base sur une défiance vis à vis des avocats, qui résulte d’un a priori et qui est démenti par l’expérience des autres pays dans lesquels l’avocat intervient en garde à vue sans que cela n’empêche les forces de l’ordre de travailler correctement.

103. Le lundi 18 octobre 2010 à 14:47 par Bazto

@ flic803 (100)

”Vous parliez du papi qui avait flingué deux jeunes gens du voyages à son domicile et qui avait expliqué son geste par des propos racistes. Vous disiez que ces propos n’avaient pas de valeur car pas d’avocat en audition, j’avoue j’ai du mal à comprendre? Un avocat aurait du lui dire de la fermer et de donner une version plus présentable de son acte?
Un avocat défend sur le droit pas sur la vérité il me semble?”

Je rebondis sur ce point.

Aujourd’hui, les déclarations de cette personne figurent au dossier et sont retenues comme reflétant un racisme revendiqué.

Or, cette analyse est elle certaine ? Que faut il retenir de déclarations d’une personne de cet âge, placée en situation particulièrement stressante, tant au regard des faits que d’une arrestation et d’un placement en garde à vue ?

Les déclarations du suspect n’auraient elles pas au contraire été plus proche de sa personnalité s’il avait pu être assisté d’un avocat ?

Je ne pense pas qu’il s’agisse de la situation idéale pour donner une explication de son geste et que c’est au contraire le moment où la plupart des gens diront des choses dépassant très largement leur pensée. Or, les déclarations ne sont pas anodines et sont reprochées ensuite au mis en cause durant toute la procédure.

Là encore, présenter l’intervention de l’avocat comme permettant de fausser le dossier est symptomatique.

104. Le lundi 18 octobre 2010 à 14:54 par Naya

Cher Maître, Chers lecteurs,

Jeune femme sans histoires, bien elevée et n’ayant jamais vu une gendarmerie de près de toute sa vie et encore moins un tribunal et son box des accusés (27 ans, peut être est ce peu …)

J’ai été mise en garde à vue il y a quelques mois et personne ne m’a dit que je pouvais garder le silence. Mon avocate ne s’est même pas deplaçée.
j’ai pleuré et hurlé pendant 5h d’interrogatoire et d’ecoute de temoins.
On m’a relachée non sans honte, non sans humiliation, fichée comme une deliquante, empreintes, photos et tutti quanti alors que je n’ai finalement été accusée de rien. Mes temoins ayant clamé mon innocence sous serment.
Mon “accusateur” etait connu de la gendarmerie du village voisin pour coups et blessures, calomnies, diffamations et autres… Personne n’a pris connaissance de ce dossier alors que j’ai hurlé pour qu’on le fasse. Ceci m’aurait évité d’être ainsi salie…
J’avais même ramené mon dossier d’avocat avec attestation de temoins et le gendarme me l’a retiré sans même en jeté un coup d’oeil…

Je ne comprends pas ces façons de faire… je n’ai d’ailleurs jamais compris…

Aujourd’hui quasiment 1 an après, j’ai du mal a m’en remettre… J’ai peur des gendarmes, peur de mon ex employeur, peur que la “justice” encore une fois se trompe ou ne fasse pas son travail… (au choix)

Que fais t-on des gens qui ont vécus ce genre de choses… Y a t-il un moyen de les soutenir…? de leur rendre justice…? A quoi jour ce gouvernement de nantis ?

Je ne comprendrais décidémeent jamais les “hauts” de ce monde… j’ai peur pour mes concitoyens et peur pour les futures générations…
Je veux me battre mais je n’ai votre savoir, Maître, et cherche toujours le moyen de mettre ma pierre à l’édifice que pourrait être la defense des droits dans ce pays…

Bien à vous.

Naya

105. Le lundi 18 octobre 2010 à 14:54 par JD & Turck

@DR S en 94
“Je n’ai rien à me reprocher donc, si un jour me retrouve en audition libre, je dirai aux policiers ce qu’ils souhaitent savoir et ne perdrai pas mon temps et mon argent en appelant un avocat. La garde à vue ne me fait pas plus peur, car je suis d’une honnêteté scrupuleuse. Mais les délinquants et criminels de tout poil seront certainement très intéressés par votre article.”

Je vous conseille le visionnage de l’excellent film de C. Miller de 1981 intitulé sobrement Garde à vue.
Le ressort psychologique (et dramatique) du film illustrera parfaitement ce que peut être une conversation entre deux inconnus qui porterait sur des sujets gênants.

Que vous le vouliez ou non un individu peut toujours avoir quelque chose à cacher (le cadavre dans le placard). Ce fait qu’il trouvera honteux peut vous sembler à vous anodin, mais il peut aussi conduire la personne interrogée à travestir la réalité, à mentir, à être hésitant

Comme en face de vous l’interlocuteur n’est pas un familier, cette gêne peut être accentuée, et surtout mal interprétée. Je pense surtout aux affaires où le mis en cause va être questionné sur sa sexualité, sur ses rapports avec Mr X son idiot de voisin avec lequel il a échangé une paire de claque il y a 3 semaines et qu’on a retrouvé décédé dans la cage d’escalier roué de coups etc…

Que vous le vouliez ou non, il y a une suspission de culpabilité de la part de l’interlocuteur qui recueillera vos paroles, puisque par défaut les textes prévoient que vous ne puissiez être interrogé que si ces soupçons existent.

106. Le lundi 18 octobre 2010 à 15:00 par eulPingouin

@95 Jean-Ollivier

La novlangue, la voilà : Le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, réfute l’idée d’une pénurie de carburant, préférant parler de «difficultés logistiques»,

107. Le lundi 18 octobre 2010 à 15:01 par Véronique

@ flic803

” Vous parliez du papi qui avait flingué deux jeunes gens du voyages à son domicile et qui avait expliqué son geste par des propos racistes. Vous disiez que ces propos n’avaient pas de valeur car pas d’avocat en audition, j’avoue j’ai du mal à comprendre? Un avocat aurait du lui dire de la fermer et de donner une version plus présentable de son acte?
Un avocat défend sur le droit pas sur la vérité il me semble?”

En tous les cas, tel que vous résumez en à peine 2 lignes les faits que le billet pourtant détaille avec un paragraphe de 17 lignes, il va de soi que si vous êtes policier comme votre pseudo semble l’indiquer, oui, sans aucun doute, un avocat est nécessaire pour assister en vrai dès la GAV.

108. Le lundi 18 octobre 2010 à 15:05 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Docteur S, 94 et 96
Je me répète, mais…
“Je dirai presque de moi : ‘Je ne serai pas voleur ou meurtrier.’ - “Je ne serai pas un jour puni comme tel”, c’est parler bien hardiment” (La Bruyère).

109. Le lundi 18 octobre 2010 à 15:10 par Simone

@ Eolas (parfois vous m’étonnez)
Parce que vos collègues usent couramment de la garde à vue comme d’une menace, alors que c’est une obligation…
C’est une interprétation du CPP toute personnelle.
J’aimerais que ce soit une caricature. Lisez les débats parlementaires de 1993, de 2000, de 2002.”
Les parlementaires sont capables de caricature, ils le prouvent d’ailleurs tous les jours.
On ne devient victime que comme on devient coupable : une fois qu’un jugement vous a déclaré tel.
C’est un peu simpliste mais pas entièrement faux.
Cette excellente tactique a fait des étincelles à Outreau il y a bientôt 10 ans.”
Vous savez très bien que les problèmes majeurs liés à cette affaire n’ont que peu de rapport avec ce qui a pu se passer au cours des gardes à vue.

@ Nozov (98)
Je vous invite à relire mon commentaire et surtout celui sur lequel je réagis.
Donc pourquoi vouloir absolument priver quelqu’un de liberté pendant deux jours pour discuter de vol à l’étalage si quelques heures suffisent ?” En effet, pourquoi ? Et comment ?

@ Bazto (102)
Améliorer les droits de la défense au stade de la garde à vue (ce qui d’ailleurs n’est pas le cas dans le projet)…
L’assistance d’un avocat au cours de la garde à vue peut éventuellement être considérée comme une amélioration du système, non ?
“… diminution comptable du nombre de garde à vue, alors même que ce nombre résulte d’une politique pénale délibérée.”
Pas que. Faut-il une fois encore rappeler que l’augmentation du nombre de garde à vue s’explique avant tout par les deux facteurs suivants : la politique dite du chiffre (catastrophique) et la pression des défenseurs des droits de l’homme (dont le Maître des lieux) qui considèrent que c’est actuellement le seul régime créateur de droits et donc qu’il doit pouvoir bénéficier à toute personne mettant les pieds dans un commissariat et soupçonnée d’avoir commis un délit.

110. Le lundi 18 octobre 2010 à 15:19 par Cleyo

@92, Diab :

Merci. J’avais pensé à votre objection (si, si !). Mais le texte parle de “connaître” l’illégalité. Or, je peux tenter d’arguer que la personne ignorait l’illégalité commise par rapport à sa GAV, qui en effet est préexistante, la jurisprudence constatant une situation juridique, mais ne la créant pas.
Cette illégalité n’a été révélée que, au plus tôt, en juillet 2010 (je passe l’arrêt Medvedyev, car si le Parquet me le ressort, je réplique avec les déclarations officielles sur la portée de cet arrêt qui nient son applicabilité au système français).

Bon, je sens que je vais devoir prendre mes pagaies pour ramer sec devant la Chambre de l’Instruction, car je reconnais que mon raisonnement est capillo-tracté, mais tant pis.

D’autres avis ? (Me Eolas, supprimez sans état d’âme mon commentaire s’il vous paraît déplacé ici, vous ennuie, agace, etc… vous n’avez certes pas besoin de mon autorisation, mais je vous donne volontiers ma bénédiction, pour ce qu’elle vaut).

Cleyo

PS : ah, le café, Diab. Au choix, dans le 44 ou le 35 de visu, ou alors là http://smileys.sur-la-toile.com/rep…

111. Le lundi 18 octobre 2010 à 15:35 par Simone

Petite rectification à mon message en 109 : “… donc qu’il doit pouvoir bénéficier automatiquement à toute personne mettant les pieds dans un commissariat et soupçonnée d’avoir commis un délit.”

112. Le lundi 18 octobre 2010 à 15:43 par Holmes

@ Dr S. (sous 96)

“Curiouser and curiouser !”

La vraie vérité vraie -

La même tendance à écrire plaidoirie avec un e en trop !

113. Le lundi 18 octobre 2010 à 15:44 par Jean-ollivier

à eulPingouin 106.Bonjour, je crains que vous ne fassiez trop d’honneur à M. Lefebvre. Dire difficultés logistiques, pour pénurie d’essence, c’est comme dire malentendant pour sourd, etc.. c’est un euphémisme. L’audition (dite) libre, si j’ai bien compris, c’est le contraire de …. l’audition libre.
Vous avez un bel exemple de novlangue dans l’ouvrage, jadis célèbre, nommé “l’Homme, le capital le plus précieux” rédigé (ou signé ?) par Joseph Staline.
Aujourd’hui, on joue ‘petit bras’, on parle de république irréprochable, etc. Pour compléter la liste, fouillez dans ce blog…..

114. Le lundi 18 octobre 2010 à 16:27 par Bazto

@ Simone (109)
L’assistance d’un avocat au cours de la garde à vue peut éventuellement être considérée comme une amélioration du système, non ?

À condition qu’il s’agisse d’assistance et pas de jouer le rôle d’une plante en pot.
Cela dit, si, vous avez raison, assister aux interrogatoires est effectivement une (faible) amélioration ; en revanche, le report de l’intervention de l’avocat à la douzième heure sur décision unilatérale de l’autorité poursuivante (!) est une régression abracadabrantesque.
On ne peut aussi que regretter l’impossibilité de consulter le dossier.

Pas que. Faut-il une fois encore rappeler que l’augmentation du nombre de garde à vue s’explique avant tout par les deux facteurs suivants : la politique dite du chiffre (catastrophique) et la pression des défenseurs des droits de l’homme (dont le Maître des lieux) qui considèrent que c’est actuellement le seul régime créateur de droits et donc qu’il doit pouvoir bénéficier à toute personne mettant les pieds dans un commissariat et soupçonnée d’avoir commis un délit.

Vous avez raison de le rappeler, et je partage totalement l’avis de mon confrère eolas sur ce point.

Cependant, il ne faut pas oublier de rappeler que la garde à vue, à la base, est un régime qui crée des droits aux suspect mais qui n’imposerait nullement pour fonctionner :
- le placement en cellule.
- la fouille à nu.
- l’inscription dans un fichier de police.
- l’attente interminable de pouvoir être interrogé sur les faits que l’on vous reproche.

C’est l’existence (pour le fichier) et l’automaticité de ces mesures qui est contestable, pas le placement en Gav en tant que tel.

115. Le lundi 18 octobre 2010 à 16:35 par Shiver

Je vois que certains paraissent contre le fait d’informer un mis en cause (qui sera peut-être jugé délinquant ou criminel et qui a peut-être effectivement enfreint la loi) de son droit de garder le silence.

Certains se demandent même le rôle de l’avocat (outre le fait d’informer la personne de ses droits les plus élémentaires).

L’avocat sert en plus de tout cela a apprécier les faits et permettre à la personne d’adopter une défense. Cette défense ne sert pas juste à dire “taisez-vous ils n’ont rien contre vous” puisque l’avocat n’a pas d’accès au dossier à ce stade de l’enquête. (et donc il ne connaît pas les éléments qu’il y a contre la personne ou les éléments qu’il n’y a pas…)

Il aide la personne a adopter une défense, à mettre en lumière certains points. qui permettront peut-être au magistrat de prendre une décision plus juste et de décider d’une peine plus adaptée.

Si vous pensez que parce que vous n’avez rien à vous reprocher un avocat vous est inutile, c’est quand même naïf, je trouve. Parce que si vous êtes en garde à vue et que vous dites “je ne comprends pas pourquoi je suis en garde à vue”, le mec en face vous dira “vous êtes pas là par hasard”. Puisque après tout, la garde à vue c’est censé se faire contre quelqu’un contre qui il existe des preuves ou des éléments qui font penser que vous puissiez être l’auteur des faits.

Dans ce cas, la vérité telle que vous pourrez la dire ne sonnera peut-être pas si bien aux oreilles de la personne qui vous entendra, vous passera les menottes, vous fouillera, vous mettra en cellule et qui vous posera des questions clairement orientées et profitera peut-être d’un instant où vous aurez mal expliqué, ou qu’il vous aura mal compris pour vous “coincer”.

C’est con mais dans un dialogue où l’on est en position de faiblesse, où le mec en face bosse en espérant des aveux pour “vous avoir” parce qu’il n’a pas de preuves tangibles, il vous fera pas de cadeaux même si vous n’avez rien à vous reprocher.

Mieux vaut prendre un avocat, au cas où.

Parce que lorsque l’OPJ fait son compte rendu au Parquet, il dira “écoutez il nous dit ça ça et ça mais à un moment il était pas clair alors bon je crois pas trop à son histoire puis on a ça qui fait penser que alors…” et dans son compte-rendu il influence en bien ou en mal la décision à venir.

Et ce serait con de “ramasser” juste parce qu’on est innocent dans les faits et qu’on en a conclu qu’un avocat c’était bon juste pour les délinquants et criminels.

Et quand bien même on a fait quelque chose de mal, prendre plus, juste parce qu’on a pas été informé de nos droits correctement et que les faits n’ont pas été jugés le plus justement possible c’est pas normal.
Du moins si on se considère dans un pays qui veut être sérieux en matière de Justice, pour tous. (et comme on le sait il y a beaucoup de choses pas normales et ça en fait déjà trop alors inutile d’en rajouter, je pense).

116. Le lundi 18 octobre 2010 à 16:55 par Simone

Vous savez Bazto, je suis dans les grandes lignes en phase avec le combat de Maître Eolas (si, si, je vous assure, même si nous divergeons sur certains points, et si j’essaye de nuancer comme je peux ses visions parfois manichéennes de la phase au cours de laquelle nous autres policiers intervenons).
Et c’est ce désir de nuance qui m’a fait réagir à vos intéressants commentaires.
Il est en effet bien certain que si l’intervention de l’avocat se limite à sa seule présence, bouche cousue, on en voit pas trop l’intérêt.
En ce qui concerne le report de l’intervention de l’avocat, ce qui peut chagriner c’est que c’est à la totale discrétion du Parquet.
Quant à la consultation du dossier, je suis contre. Je le dis ouvertement et fermement (j’y ai réfléchi un moment et je n’arrive pas à changer d’avis). Il me paraît contraire aux intérêts de l’enquête, à ce stade, que le mis en cause et son avocat aient un accès direct aux éléments en notre possession, notamment parce que cela interviendrait avant que nous posions nos questions (toujours très vicieuses vous vous en doutez).
En ce qui concerne les conditions de la garde à vue, et si vous parcourez régulièrement ce blog, vous sauriez que je considère comme une priorité leur amélioration.
In fine, sachez que l’inscription au fichier “de police” est dissociée de la mesure de garde à vue elle-même. Il suffit d’être entendu comme mis en cause, même librement, pour y voir son nom inscrit.

117. Le lundi 18 octobre 2010 à 17:37 par Bazto

@ Simone (116)

”Vous savez Bazto, je suis dans les grandes lignes en phase avec le combat de Maître Eolas (si, si, je vous assure, même si nous divergeons sur certains points, et si j’essaye de nuancer comme je peux ses visions parfois manichéennes de la phase au cours de laquelle nous autres policiers intervenons).
Et c’est ce désir de nuance qui m’a fait réagir à vos intéressants commentaires.”

Je le sais bien et c’est pour ça que cette discussion est intéressante.

Quant à la consultation du dossier, je suis contre. Je le dis ouvertement et fermement (j’y ai réfléchi un moment et je n’arrive pas à changer d’avis). Il me paraît contraire aux intérêts de l’enquête, à ce stade, que le mis en cause et son avocat aient un accès direct aux éléments en notre possession, notamment parce que cela interviendrait avant que nous posions nos questions (toujours très vicieuses vous vous en doutez).

Je comprends parfaitement qu’on soit opposé à la consultation du dossier par l’avocat. J’y suis favorable (vous me direz qu’étant avocat le contraire serait étonnant) mais il est certain que le permettre conduirait nécessairement à un changement radical du placement en garde à vue, qui ne serait plus réalisé qu’en toute fin d’enquête pour recueillir la défense du suspect sur les éléments à charge, à un moment où il ne serait plus gênant de n’avoir aucun élément de surprise contre lui.

En ce qui concerne les conditions de la garde à vue, et si vous parcourez régulièrement ce blog, vous sauriez que je considère comme une priorité leur amélioration.

Oui, je le sais

In fine, sachez que l’inscription au fichier “de police” est dissociée de la mesure de garde à vue elle-même. Il suffit d’être entendu comme mis en cause, même librement, pour y voir son nom inscrit.

Vous avez raison, c’était un raccourci rapide, mais je trouve la réalité bien pire que si l’inscription était “limitée” aux gardés à vue !

118. Le lundi 18 octobre 2010 à 17:38 par Keren

Comment est-ce que cela se passe à l’étranger ?

les films américains où les policiers expliquent au prévenu qu’il a le droit de garder le silence jusqu’à ce que son avocat arrive, et où l’entretien est filmé, sont-ils de la pure fiction ou correspondent-ils à la réalité du droit US ? (il me semble qu’il y a le célèbre décret Miranda vs Arizona qui rend caduque toute interpellation ou le parquet US ne peut pas prouver que le client était informé de ses droits)

Si c’est vrai, est-ce que la Police américaine est si impuissante que les policiers français aimeraient le faire croire ? Ou bien il y a-t-il quelque chose que je ne comprenne pas ?

119. Le lundi 18 octobre 2010 à 18:21 par récap59

Bonjour Dr S (96)

“La meilleure tactique pour un honnête homme n’est jamais de se taire, mais de dire la vérité: comment pourrait-elle être compromettante? Et pourquoi opposer le silence à la police ?”

Par exemple, parce qu’elle vous a déjà posé la même question, mais comme la vérité n’était pas la réponse qu’elle avait envie d’entendre, elle vous la repose une 2ème fois, puis une 3ème etc, jusqu’à ce que vous perdiez votre superbe, et vous décidiez enfin à garde le silence ou à réclamer votre avocat.

“Cette logique est celle du délinquant, non celle de l’innocent.

Voilà pourquoi je ne donnerai jamais un centime à un avocat pénaliste: je n’en aurai jamais besoin. Même si je suis injustement accusé. Je me contenterai de dire toute la vérité, et cette vérité sera meilleure que toute plaidoierie, même subtile, même audacieuse, même parfaitement professionnelle.”

Par exemple : “je serais tel jour à telle heure à tel endroit, je viendrais seul et je n’aurais pas d’arme”

Pourquoi en effet ne pas le dire à tout le monde si c’est la vérité , puisqu’il n’y a aucun mal à cela ?

Si vous refusez de laisser votre avocat vérifier que l’OPJ a une raison légitime de vous poser les questions qu’il vous pose (cela s’appelle l’accès au dossier) comment pouvez vous être sûr que vous n’avez pas tout simplement affaire à l’amant de votre femme, ou au mari de votre maîtresse ?

“Enfin pour un honnête homme tel que moi, sans reproches, le système de l’audition libre n’est pas mal; je n’y vois aucun inconvénient.”

Je dirais même plus : si vous tombez sur un OPJ aussi honnête et irréprochable que vous, lui non plus ne verra aucun inconvénient à vous entendre dans votre salon, dans un bar,…au cabinet de votre avocat, ou du sien !

Figurez vous que moi aussi je suis pour l’audition libre, contrairement à Maître Eolas, mais….à condition qu’elle soit vraiment libre.

Savez vous pourquoi les moutons se laissent conduire docilement à l’abattoir ?

Parce qu’ils ont leur conscience pour eux, savent qu’ils n’ont rien à se reprocher, respectent l’autorité.

Ils ne craignent donc rien.

120. Le lundi 18 octobre 2010 à 18:49 par Simone

@ Récap59 et certains autres intervenants qui se reconnaîtront peut-être.
C’est amusant de lire tous ces commentaires reposant tous (ou presque) sur la garde à vue d’une personne (que je ne qualifierais pas d’innocente, car tout suspect, même pris la main dans le sac, reste présumé innocent) totalement étrangère aux faits pour lesquels elle est entendue, avec cette volonté constante et farouche de la Police d’en faire quand même coûte que coûte un coupable idéal. Oui, c’est amusant (pas parce que cela peut arriver et arrive sans conteste parfois) mais parce que c’est la base de votre réflexion sur toute cette phase de la procédure pénale. Si vous partez sur le postulat que toute personne interrogée est par définition victime d’une erreur policière (donc judiciaire), je ne vois pas comment on pourrait tirer de tout cela des propositions de réforme pertinentes capables de respecter le fragile équilibre entre droits de la défense et moyens d’investigations destinés à la manifestation de la vérité.

Eolas:
C’est que les affaires du type Kamagaté font très mal aux institutions. J’ai eu affaire à des dossiers de ce type où la conviction aussi sincère qu’erronée d’un OPJ a fait des dégâts considérables. C’est terrifiant. Terrifiant de voir avec quelle facilité quelques éléments éparts et sans pertinence sont mis bout à bout pour forger une conviction, comment cette conviction va contaminer le parquet par le rapport de synthèse dont aucune lecture critique n’est faite. Et comment, à force de questions alambiquées, on finit toujours par obtenir une déclaration ambiguë qui est contresignée par un gardé à vue épuisé et est considéré comme un aveu. Le fait que ce soit plutôt rare ne me console ni ne me rassure.
Il ne s’agit pas de lutter contre l’aveu. J’approuve par principe une personne qui assume ce qu’elle a fait. Mais à condition que cette admission soit lucide, éclairée et sincère. L’avocat est là pour s’en assurer notamment en expliquant les conséquences de cette admission. La CEDH ne dit pas autre chose.

121. Le lundi 18 octobre 2010 à 19:25 par Côte de Veau

@Simone en 80

Imaginez, Maître, que vous ayez commis un petit larcin.

Tant que des policiers soupçonneront tout un chacun de délits inimaginables, on peut aussi, la méfiance n’étant pas à sens unique, se méfier cordialement de la police (tout innocent est un coupable qui s’ignore : il m’est arrivé d’être invité à un mariage, et, n’ayant pas trouvé des cendriers dans l’église -ils avaient l’air pleins d’eau- et étant athée, de sortir pour fumer une clope et de me faire accoster par des ahuris assermentés -ça, ils le savaient, et me bassinaient avec ça!- prêts à raconter que j’allais voler les voitures de mes amis catholiques… comment voulez vous que je fasse confiance à la police, non encadrée par d’autres -et très rigoureux- pour juger de la culpabilité de quelqu’un, après ça?)

@Recap 59:
comment pouvez vous être sûr que vous n’avez pas tout simplement affaire à l’amant de votre femme, ou au mari de votre maîtresse ?
En étant célibataire et chaste ou femme hétérosexuelle,

”Savez vous pourquoi les moutons se laissent conduire docilement à l’abattoir ?

Parce qu’ils ont leur conscience pour eux,”
Où y at-il des moutons doués de conscience?
Ce serait une supériorité sur 80% de l’humanité…

122. Le lundi 18 octobre 2010 à 20:29 par DB

Le tribunal correctionnel de Brest a annulé hier une procédure de garde à vue, en se référant au récent arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’Homme.
Me David Rajjou conseil de la défense a fustigé la garde à vue à la française.
L’avocat a publiquement lu l’arrêt de la CEDH lors de l’audience, en rappelant que le droit français devait obligatoirement se conformer à cette position. Il a de plus évoqué la présence d’un avocat dès le départ de la garde à vue ainsi que la signification du droit «à se taire».
Le parquet comme beaucoup d’autres en France a réclamé l’application de la loi Française en l’état, mais le tribunal a choisi de retenir les arguments de l’avocat et dans son jugement a reconnu la nullité de cette garde à vue sur l’unique base de l’arrêt de la CEDH.

123. Le lundi 18 octobre 2010 à 20:53 par Keren

@Simone en 120
Je pense que personne en considère que les policiers sont toujours malveillant, mais le système n’est pas la pour corriger les cas qui se déroulent bien, mais empêcher qu’il puisse se passer mal.

C’est comme le conflit d’intérêt : on ne met pas en place des règles que des gens honnêtes et bien intentionnés respecteraient de toute façon, mais parce que l’on sait qu’il peut arriver, parfois, qu’une personne ne soit ni honnête, ni bien intentionnée, et que le système doit pouvoir gérer ce cas.

Estc-e que les procédures/lois/Règles sont embétants ? oui.
Est-ce qu’elle restreignent nos libertés ? oui.
Est-ce qu’elle obèrent notre efficacité ? oui.

Mais elles sont la parce que l’alternative peut tre bien pire

Pour reprendre le sujet de la garde à vue, je préfère une garde à vue où l’avocat est présent, et peut conseiller son client, et même une fois sur 100 (ou sur 1000…) est complice de son client, même si cela rend la tache des policiers plus difficile, qu’une garde à vue sans avocat où, une fois sur 100 (ou sur 1000,…) le policier donnera des coups de bottin à un prévenu pour lui faire avouer des crimes imaginaires

124. Le lundi 18 octobre 2010 à 21:01 par Skippy

@Dr S. sous 94 et 96 :
La meilleure tactique pour un honnête homme n’est jamais de se taire, mais de dire la vérité: comment pourrait-elle être compromettante?
Vous avez raison : sur un malentendu, ça peut passer.

125. Le lundi 18 octobre 2010 à 21:27 par ranide

Je disconviens, la mort dans l’âme.

Je ne crois pas que la jurisprudence de la CEDH soit porteuse de tous les progrès procéduraux que nous y mettons ni que le projet loi en ce qu’il prévoit une “audition libre” soit si à côté de la plaque que cela.

- sur l’intervention de l’avocat en garde à vue, l’arrêt de référence est l’arrêt Salduz de novembre 2008. Le sens de cet arrêt n’est pas d’imposer une procédure contradictoire dès le stade de l’enquête. La présence de l’avocat, y compris pendant les interrogatoires de son client, n’est requise que parce qu’il y a contrainte, ce qui place la personne gardée à vue dans une situation de vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l’assistance d’un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s’incriminer lui-même (§ 54).
L’exigence de la Cour est minimale : la personne gardée a le droit de garder le silence et le rôle de l’avocat à ce stade ce n’est que cela : garantir l’effectivité de ce droit, d’abord en l’informant de son droit de garder le silence (la Cour ne dit nulle part que la notification de ce droit est à la charge des enquêteurs), ensuite en empêchant par sa présence (qui peut donc être muette) des pressions psychologiques lors des interrogatoires. Dit autrement, la jurisprudence de la Cour ne commande pas que l’avocat ait accès au dossier dès le stade de la garde à vue. La Cour le dit d’ailleurs au § 52 : le caractère équitable du “procès” ne s’apprécie pas phase de la procédure par phase de la procédure, mais de manière globale et synthétique. J’en déduis qu’au stade de l’enquête, la procédure peut au regard de la convention, être déséquilibrée entre la défense et l’accusation ; ce qui compte c’est premièrement que la condamnation n’intervienne pas seulement sur les aveux de la personne mise en cause et qu’au plus tard au stade de l’audience de jugement, les preuves réunies par l’accusation puissent être discutées et que le cas échéant des contre-preuves puissent être présentées au tribunal.

La confusion est venue de l’arrêt Dayanan qui n’apporte aucun élément nouveau par rapport à l’arrêt Salduz et qui a été mal interprété à mon avis, spécialement le § 32 : En effet, l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer.. Mais ce paragraphe 32 ne dit pas que “l’accusé” a droit à la vaste gamme d’intervention de son avocat dès le stade de la garde à vue, il ne dit pas que l’intervention pleine et entière de l’avocat ne puisse être reportée après la garde à vue. D’ailleurs dans cette affaire Dayanan, la Turquie a été condamnée en raison de l’absence d’intervention possible de l’avocat en garde à vue et alors même que le mis en cause avait gardé le silence  ; mais le grief de n’avoir pu disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense est examiné séparément de la question de la conventionnalité de la garde à vue, pour être finalement rejeté. Cela signifie donc bien que l’impossibilité légale pour l’avocat de ne pas pouvoir participer activement à la défense de son client (notamment faute d’accès au dossier) dès le stade de la garde à vue ne vicie pas la mesure au regard des exigences de la Convention.

- L’audition libre, même sans notification par les enquêteurs du droit de la personne entendue à garder le silence : je crains que l’arrêt Yoldas n’en valide le principe. Bon en l’espèce le mis en cause avait été placé en garde à vue et avait renoncé “librement” à être assisté par un avocat. Mais les deux points qui me paraissent intéressants par rapport à la future audition libre c’est que

1) la notification par les enquêteurs avait portée sur le droit de l’intéressé à un avocat, pas à son droit de garder le silence (ce qui me fait dire que cette notification n’est pas nécessairement à leur charge)

2) la preuve de ce que la renonciation à l’intervention de l’avocat était librement consentie résulte des PV signés (outre le fait que le gardé à vue ne portait pas de traces de coup à l’issue de sa garde à vue, mais c’est tout de même le minimum), et ce alors même qu’il ne s’était pas présenté librement au commissariat mais y avait été amené par la force publique. Manifestement à la Chancellerie on a lu avec intérêt cet arrêt Yoldas.

Bref, on va continuer à faire plante verte lors des gardes à vue ; le seule différence avec maintenant, c’est que ça durera plus longtemps.

C’est demain qu’on attend l’arrêt de la Cour de cassation sur la validité de la garde à vue par rapport à la Convention européenne. La Cour de cassation s’est déjà fait grillée par le Conseil constitutionnel et par la Cour européenne avec l’arrêt Brusco. Elle ne peut pas faire moins pour réhausser son prestige qui commence tout de même à être un peu flétri que de déclarer la GAV inconventionnelle. Je pense qu’après demain Simone aura sa circulaire disant que les gardés à vue ont le droit d’être assistés par un avocat pendant leurs interrogatoires… à moins, comme certains l’ont suggéré, qu’elle ne pense mieux restaurer son prestige en innovant sur le plan de la technique judiciaire et en se reconnaissant le droit, comme le Conseil d’État l’a fait il y a quelques années, d’aménager les conséquences dans le temps de ses décisions. Perso, je trouve que ça ne présenterait pas bien sur le sujet compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne mais sait-on jamais. Après tout l’arrêt Brusco qui condamne la France, n’est pas définitif.

Bon je m’arrête là, sinon il va encore y avoir de mauvais coucheurs pour faire remarquer que mon style est moins agréable que le vôtre et que je suis dépourvu de tout talent pédagogique à destination des profanes.

126. Le lundi 18 octobre 2010 à 22:36 par Jalmad

@ Ranide :

je ne comprends aucun des 2 arrêts que vous citez comme vous.

S’agissant de Danayan, la CEDH, selon moi, affirme au contraire de façon très claire que la garde à vue implique en effet la nécessité d’offrir l’assistance d’un avocat, et ce avec toute la gamme possible.

je cite le passage utile : ”Comme le souligne les normes internationales généralement reconnues, que la Cour accepte et qui encadrent sa jurisprudence, un accusé doit, dès qu’il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu’il subit (pour les textes de droit international pertinents en la matière, voir Salduz, précité, §§ 37-44). En effet, l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer.

33. En l’espèce, nul ne conteste que le requérant n’a pas bénéficié de l’assistance d’un conseil lors de sa garde à vue parce que la loi en vigueur à l’époque pertinente y faisait obstacle (Salduz, précité, §§ 27, 28). En soi, une telle restriction systématique sur la base des dispositions légales pertinentes, suffit à conclure à un manquement aux exigences de l’article 6 de la Convention, nonobstant le fait que le requérant a gardé le silence au cours de sa garde à vue.”

Toue la vaste gamme dès qu’on est privé de liberté. Et ce, bien qu’on nous ai notifié le droit au silence, et même si on a fait usage de ce droit au silence, comme en l’espèce.

Yoldas, ensuite : interprété a contrario, cet arrêt renforce encore selon moi l’idée que l’audition libre ne rentre pas dans les clous. En effet, dans cette décision, la CEDH admet en effet le principe d’un renoncement à l’assistance de l’avocat (ce qui est somme toute classique), mais après avoir pris soin de constater qu’on avait notifié (dans le cadre d’une GAV, d’ailleurs), à la fois les charges qui pèsent contre elle, et surtout la possibilité d’avoir un avocat. Et ces éléments me paraissent essentiels.

Or, ils feraient justement défaut dans le cadre de l’audition libre. Car, dans les textes actuels (sauf erreur de ma part), on prévoit juste que les personnes puissent accepter d’être entendues librement (genre, on imagine déjà la mention en tête de PV “j’accepte d’être entendu librement”), sans que l’OPJ n’ait l’obligation ni de notifier l’infraction sur laquelle la personne devra s’expliquer (comme c’est le cas en GAV), ni le droit d’être assisté d’un avocat.

Et aujourd’hui, on a la décision Brusco qui est très claire : personne mise en cause = droit d’être assisté d’un avocat (au sens Danayan du terme si contrainte, mais je ne vois pas de motif réel de considérer que cette assistance pourrait être plus limitée sous prétexte que la personne n’est pas sous contrainte, dès lors qu’elle est mise en cause). C’est pourquoi, dans mon com 82 je proposais une sorte de GAV light, ou “audition libre” qui me paraitrait répondre aux exigences CEDH.

En revanche, je suis désormais assez d’accord avec vous pour dire qu’en effet, le droit au silence n’a pas nécessairement à être notifié dès lors qu’une assistance d’avocat intervient dès le début, c’est à dire en réalité avant toute audition, que ce soit en GAV, ou contre toute personne contre laquelle il existe des éléments d’incrimination.

A cet égard, Brusco est extrêmement éclairant, car la CEDH va extrêmement loin dans son acception et dans son contrôle de la notion de personne faisant l’objet d’une « accusation en matière pénale » et devant bénéficierdu droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence. Car à l’époque de la procédure, comme l’explique la CEDH, le droit français permettait de placer, pour les besoins d’un commission rogatoire, un simple témoin en garde à vue, c’est à dire une personne à l’encontre de laquelle on a aucune charge. Et c’était d’ailleurs l’argumentation du gouvernement français dans cette affaire : cette personne n’était ni visée par le réquisitoire introductif, ne faisait pas l’objet d’un quelconque mandat, et a bien été entendue comme témoin ; dans ce dare coercitif, certes, mais parce que notre législation l’autorisait à l’époque ; et quoiqu’il en soit, vu qu’il n’y avait pas de “raisons plausibles de soupçonner” (etc…), on ne voit pas en quoi sa prestation de serment pose problème. Et que répond la CEDH ? elle dit : mais non, cette personne était nommément mise en cause par deux personnes précédemment entendues dans le dossier, donc il y avait des charges contre elles, donc vous auriez du la traiter comme une personne faisant l’objet d’une accusation en matière pénale, c’est à dire ne pas lui faire prêter serment, voire lui notifier son droit au silence ou la possibilité d’avoir un avocat.

Donc l‘“audition libre” sauce MAM, pour moi, c’est clair, en l’état, elle passe pas la barre.

ps : j’essuierai avec vous les critiques de style et de manque de pédagogie…

127. Le lundi 18 octobre 2010 à 23:19 par derrière les barreaux

Cher Maitre,

Je confirme que les avocats ont répondu présents en prison, certains un peu impressionnés d’être là (certainement plus de portes à franchir et de barreaux à contempler pour se rendre jusqu’au prétoire que dans les commissariats…)
ils nous ont “pourri” la vie en pointant les incohérences des procédures disciplinaires (depuis, je préside cette instance avec un code de procédure pénale sous la main, on ne sait jamais…);
ils nous ont parfois agacés (avec leur robe et leurs “effets de manche” comme si nous étions en cour d’assises);
ils nous ont fait sourire (à nous donner du “Monsieur le Président” un peu trop ampoulé dans une salle de 3m sur 3 aménagée en prétoire);
ils nous ont franchement énervés (oubliant parfois les raisons pour lesquelles les personnes se retrouvaient devant cette commission de discipline)
désormais, ils sont une évidence… au point que nous sommes étonnés face à un détenu qui refuse d’être assisté par un avocat (malgré la commission d’office et l’aide juridictionnelle…)
Certes, vous trouverez toujours de vieux briscards pour dire que cela ne sert à rien et que ces avocats sont outrageusement payés pour faire les beaux devant le directeur de la taule… mais les fonctionnaires pénitentiaires pour la plupart n’en sont pas morts!
Je peux comprendre les résistances de certains fonctionnaires de police face à cette avancée, mais je crois surtout que c’est la peur du changement… “de l’audace” disait Danton.

PS: est-ce vraiment le rôle de l’avocat de préciser ses droits à une personne gardée à vue ? N’est-ce pas là le rôle de l’Administration d’informer les usagers de leurs droits, à commencer par celui de se taire ? Juriste de formation, après 10 ans de boulot, j’ai un peu perdu mes connaissances, mais j’ai encore quelques réflexes de base, dont celui de rechercher les textes de loi.
Je vous laisse donc prendre connaissance de l’article 2 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations

“Le droit de toute personne à l’information est précisé et garanti par le présent chapitre en ce qui concerne la liberté d’accès aux règles de droit applicables aux citoyens.
Les autorités administratives sont tenues d’organiser un accès simple aux règles de droit qu’elles édictent. La mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller.”

128. Le lundi 18 octobre 2010 à 23:59 par Apokrif

@derrière les barreaux : quelle est l’influence de l’avocat sur le déroulement et le résultat des procédures devant le prétoire ?

129. Le mardi 19 octobre 2010 à 00:08 par megastef

Ah, au fait, un grand bravo pour avoir si poliment répondu à ce fat de Pascal Nègre…
Incroyable de voir qu’on puisse arriver à ce niveau de responsabilité avec une argumentation si plate…

130. Le mardi 19 octobre 2010 à 01:04 par ranide

@ Jalmad

J’ai longtemps lu l’arrêt Dayanan comme vous. Et puis j’étais tombé sur un point de vue d’un magistrat il y a quelques mois paru dans une revue du Jurisclasseur (je ne remets pas la main dessus) qui faisait observer que la CEDH ne consacrait pas un droit d’accès au dossier dès le stade de la GAV. À l’époque, je m’étais déjà dit qu’il fallait que je vérifie. Bon puis là je vois que tout le monde tombe à bras raccourcis contre notre Garde, alors hop mon côté avocat a repris le dessus (d’autant que c’est souvent de mauvaise tactique de prendre l’adversaire pour un con). Alors j’ai repris les arrêts.

La CEDH ne consacre au stade la GAV que le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Et l’arrêt Brusco est effectivement très clair : il le dit en toutes lettres :

50. Dans ces circonstances, la Cour estime que lorsque le requérant a été placé en garde à vue et a dû prêter serment « de dire toute la vérité, rien que la vérité », celui-ci faisait l’objet d’une « accusation en matière pénale » et bénéficiait du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence garanti par l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention.

Et plus loin

52. La Cour estime que le fait d’avoir dû prêter serment avant de déposer a constitué pour le requérant – qui faisait déjà depuis la veille l’objet d’une mesure coercitive, la garde à vue – une forme de pression, et que le risque de poursuites pénales en cas de témoignage mensonger a assurément rendu la prestation de serment plus contraignante.

C’est bien le droit de garder le silence qui est protégé par la Cour, pas le droit d’être pleinement défendu par un avocat dès le stade de la garde à vue.

La Convention ne garantit pas l’accès au dossier dès le stade de la garde à vue, seulement le droit de garder le silence. L’intervention de l’avocat dès le placement en GAV n’est requise que pour informer le mis en cause de ce droit et sa présence aux interrogatoires n’est requise que pour éviter toute pression. Pour cela, il suffit qu’il soit là. Il n’a pas besoin de connaître le dossier et encore moins de participer activement à l’interrogatoire, en suggérant des questions à poser à son client ou à des tiers, ou en suggérant des mesures d’investigations complémentaires. La CEDH ne dit rien de plus.

Les États sont certes tenus d’assurer une procédure équitable (avec assistance de l’avocat et sa vaste gamme d’interventions, égalité des armes, accès au dossier…) mais pas nécessairement au départ, dès la notification de l’accusation pendant la phase policière. Ils peuvent différer, décaler le moment où les droits de la défense s’exerceront pleinement après la phase strictement policière, après la GAV. Au demeurant, pour la CEDH, la durée de la GAV doit, sauf exception, être brève.

L’arrêt de principe est l’arrêt Salduz :

51. La Cour réaffirme par ailleurs que, quoique non absolu, le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d’office, figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable (Poitrimol c. France, 23 novembre 1993, § 34, série A no 277-A, et Demebukov c. Bulgarie, no 68020/01, § 50, 28 février 2008). Cela étant, l’article 6 § 3 c) ne précise pas les conditions d’exercice du droit qu’il consacre. Il laisse ainsi aux Etats contractants le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de le garantir, la tâche de la Cour consistant à rechercher si la voie qu’ils ont empruntée cadre avec les exigences d’un procès équitable. A cet égard, il ne faut pas oublier que la Convention a pour but de « protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs » et que la nomination d’un conseil n’assure pas à elle seule l’effectivité de l’assistance qu’il peut procurer à l’accusé (Imbrioscia, précité, § 38).

Et en ce qui concerne le rôle minimal de l’avocat en GAV (dans un pays où les droits de l’homme sont substantiels on peut aller au-delà du minimum, mais dans un pays où les droits de l’homme sont juste l’objet d’une déclaration, on peut se contenter du minimum), elle dit :

54. La Cour souligne l’importance du stade de l’enquête pour la préparation du procès, dans la mesure où les preuves obtenues durant cette phase déterminent le cadre dans lequel l’infraction imputée sera examinée au procès (Can c. Autriche, no 9300/81, rapport de la Commission du 12 juillet 1984, § 50, série A no 96). Parallèlement, un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement vulnérable à ce stade de la procédure, effet qui se trouve amplifié par le fait que la législation en matière de procédure pénale tend à devenir de plus en plus complexe, notamment en ce qui concerne les règles régissant la collecte et l’utilisation des preuves. Dans la plupart des cas, cette vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l’assistance d’un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s’incriminer lui-même. Ce droit présuppose que, dans une affaire pénale, l’accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions au mépris de la volonté de l’accusé (Jalloh c. Allemagne GC, no 54810/00, § 100, CEDH 2006-…, et Kolu c. Turquie, no 35811/97, § 51, 2 août 2005). Un prompt accès à un avocat fait partie des garanties procédurales auxquelles la Cour prête une attention particulière lorsqu’elle examine la question de savoir si une procédure a ou non anéanti la substance même du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (voir, mutatis mutandis, Jalloh, précité, § 101).

L’arrêt Dayanan ne va pas plus loin. S’il avait la portée que vous lui prêtez (et que je lui ai longtemps prêté aussi), on ne comprendrait pas pourquoi la Cour examine distinctement le grief tiré de ce que le mis en cause n’aurait pu bénéficier de toutes les facilités nécessaires pour organiser sa défense, surtout pour rejeter le grief. Si les droits de la défense pouvaient s’exercer pleinement dès le stade de la garde à vue, le grief aurait dû être admis pour la seule raison que l’accusé avait été privé de l’assistance d’un avocat au moment de la garde à vue.

Le régime procédural n’est pas nécessairement le même pendant la phase policière et pendant la phase judiciaire. On peut encore citer l’arrêt Salduz :

50. La Cour rappelle que si l’article 6 a pour finalité principale, au pénal, d’assurer un procès équitable devant un « tribunal » compétent pour décider du « bien-fondé de l’accusation », il n’en résulte pas qu’il se désintéresse des phases qui se déroulent avant la procédure de jugement. Ainsi, l’article 6 – spécialement son paragraphe 3 – peut jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si, et dans la mesure où, son inobservation initiale risque de compromettre gravement l’équité du procès (Imbrioscia, précité, § 36). Ainsi qu’il est établi dans la jurisprudence de la Cour, le droit énoncé au paragraphe 3 c) de l’article 6 constitue un élément parmi d’autres de la notion de procès équitable en matière pénale contenue au paragraphe 1 (Imbrioscia, précité, § 37, et Brennan, précité, § 45).

D’ailleurs quand il est question de contradictoire dans l’arrêt Dayanan, c’est à propos de la phase judiciaire, pas à propos de la phase policière (§§ 35 et 36).

Dans l’arrêt Yoldas, le mis en cause avait librement renoncé à l’assistance d’un avocat (sans accès au dossier, selon moi) et avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Il s’était ensuite rétracté devant la juridiction de jugement. Ce qui compte vraiment pour la CEDH au regard de l’exigence d’un procès équitable c’est que les juges du fond aient partiellement tenu compte de la rétractation des aveux et ne l’aient en définitive condamnés que pour la partie des faits qui avaient été avoués et qui étaient corroborés par d’autres éléments de preuve  : une condamnation ne peut pas être fondée exclusivement sur les aveux du mis en cause.

Vous pouvez reprendre tous les arrêts : l’intervention de l’avocat pendant la phase policière est toujours justifiée par la mesure de contrainte et par la nécessité subséquente de garantir le droit au silence. En l’état, la jurisprudence de la CEDH c’est cela.

Sauf à extrapoler exagérément ces arrêts, on ne peut pas dire que la Convention garantit à celui qui vient librement déposer au commissariat le droit d’être assisté de son avocat. Alors l’audition libre vue par MAM, je crois bien que ça peut passer, hélas.

131. Le mardi 19 octobre 2010 à 06:07 par paflechien

@Dr. S
La meilleure tactique pour un honnête homme n’est jamais de se taire, mais de dire la vérité: comment pourrait-elle être compromettante?
Parce qu’il y a dans la vie de chacun de nous mille détails que nous serions bien en peine d’expliquer. Et qui vus sous un certain angle peuvent apparaître à charge - ne dit-on pas pour cette raison qu’un alibi trop bien réglé nourrit la suspicion?

Et pourquoi opposer le silence à la police ?
Parce qu’il y aura peut-être aussi des questions auxquelles vous n’aurez pas de réponse? Par exemple:
“si vous n’avez vraiment rien fait, pourquoi la victime vous accuse-t-elle?”

Peut-être êtes vous honnête, mais les enquêteurs ne le savent pas, et ils vous interrogent pour une raison (que dans le cadre de l’audition libre vous ne connaissez pas forcément). Ils vous presseront de questions dans le but d’apporter des éléments nouveaux à leur enquête, pas pour vous permettre de vous disculper. Ajoutez à cela le stress de l’audition et vous imaginerez bien que c’est facile de mal répondre. Même quand on est honnête il y a plusieurs façons de dire les choses. J’imagine que le rôle de l’avocat est de nous aider à en choisir une bonne.

132. Le mardi 19 octobre 2010 à 06:23 par paflechien

J’avoue que je me sens un peu bête, là, mais je n’arrive toujours pas à comprendre en quoi l’audition libre change fondamentalement les choses, puisque:

  1. elle peut être refusée
  2. les enquêteurs auront le même intérêt à nous encourager à refuser un avocat en GAV qu’ils auront à nous pousser à l’audition libre, et ils utiliseront les mêmes tactiques à ces fins.

Je comprends que dans les deux cas il soit condamnable d’encourager à se passer d’avocat, mais je ne comprends pas pourquoi dans le second cas la CEDH y aura à redire mais pas dans le premier.

133. Le mardi 19 octobre 2010 à 08:04 par DB

@ simone 61
Pour la CEDH il ne suffit pas que la police appel un avocat.
Les droits de la défense exigent ainsi que l’accès à l’avocat soit concret et effectif.
La Cour européenne des droits de l’homme a rappelé à cet égard par un arrêt du 27
novembre 2008 dans l’affaire Salduz c/ Turquie :
« Pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif »,
il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police …..
Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation….
« Un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement vulnérable à ce stade la procédure.(…).
Et cette vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l’assistance d’un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s’incriminer lui-même.
Ce droit présuppose que, dans une affaire pénale, l’accusation cherche à fonder son argumentation
sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou l’expression au mépris de la volonté de l’accusé » (cf. CEDH, arrêt Salduz précité, § 54).
Il en résulte que les dispositions des articles 63 et suivants du Code de procédure pénale, qui interdisent à la personne gardée à vue d’être assistée pendant ses interrogatoires et
d’avoir connaissance du dossier, ne lui permettent pas d’accéder de manière concrète et effective à un avocat.Dès lors, elles portent gravement atteinte aux droits de la défense et au principe du procès
équitable édicté à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

134. Le mardi 19 octobre 2010 à 08:17 par Guerandal

@130. ranide

- Sauf à extrapoler exagérément ces arrêts, on ne peut pas dire que la Convention garantit à celui qui vient librement déposer au commissariat le droit d’être assisté de son avocat. Alors l’audition libre vue par MAM, je crois bien que ça peut passer, hélas.

Si j’ai le droit de déposer librement, son corrolaire obligatoire est la liberté d’être accompagné par l’avocat de mon choix.

Dans le cas contraire, ce n’est plus une audition libre.

135. Le mardi 19 octobre 2010 à 08:22 par boulemiche

D’une certaine façon, j’ai expérimenté l’audition libre.

C’était sous l’ancienne formule de la garde à vue.
J’avais été convoqué par lettre ordinaire venant du commissariat pour “affaire vous concernant” avec “dans le cas d’espèce qui vous concerne, vous pouvez utilement vous munir des pièces ci-après désignées: pièce d’identité.”
Pour ma part, il ne s’agissait pas de nier un geste délibéré fait en plein jour sur un monument public et qui consistait en un tag où je revendiquais le droit constitutionnel d’obtenir un emploi.

Mais lorsqu’il s’est agi de passer à l’identification, photos et prises d’empreintes, et que j’ai demandé si j’avais le choix de refuser, on m’a bien répondu qu’il n’en était pas question.
Au final j’ai suivi tout le parcours du gardé à vue sans en subir les inconvénients les plus dégradants avec la menace constante d’être ramené au statut du gardé à vue si j’émettais la moindre velléité de me rebiffer.
Lorsque l’on sort d’une telle convocation, on est presque content que tout se soit passé d’une manière humaine.

Mais on ne se rend pas compte qu’il s’agit de la première étape d’un système qui va avancer inexorablement sans que l’on en imagine toutes les conséquences.

C’est pourquoi je crois que la présence d’une personne avisée, connaissant le système et capable d’analyser les suites éventuelles serait un contrepoids utile .
Encore faut-il que l’avocat soit à la hauteur!!!

136. Le mardi 19 octobre 2010 à 09:51 par Chris

L’ “audition libre” me fait penser à la maxime du site lesmotsontunsens.com, de Jean Jaurès :

«Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots»

137. Le mardi 19 octobre 2010 à 10:01 par Jalmad

@ Ranide :

je comprends votre argumentation, mais définitivement, je ne la suis pas sur certains points. Pas le temps maintenant, mais je reviendrai essayer de vous convaincre (et je sais que vous ne demandez que ça, sur le fond !).

138. Le mardi 19 octobre 2010 à 10:27 par Esquire

Bonjour,

je ne suis pas sûr de partager vos conclusions, cher confrère, et je crois que vous vous êtes un peu laissé aveugler (l’utilisation du terme “torchon” ne dénote pas la qualité habituelle de votre réflextion”). En audition libre (laquelle se pratique assez largement par ailleurs aujourd’hui), la personne entendue se voit notifier art. 62-4 (a) la nature et la date de l’infraction - je crois que vous avez écrit le contraire et (b) la possibilité de partir à tout moment , ce qui est, pour moi, tout à fait équivalent au droit de garder le silence. Vous noterez aussi la présence de critères selon lesquels.
Vous semblez considérer qu’une personne suspecte ne peut être auditionnée que dans un régime de garde à vue (ou quelque chose d’analogue, avec notification des droits plus ou moins large). Certains systèmes le prévoient (Italie - code, Allemagne - jurisprudence - BGHSt 38, 214, Angleterre - “Code of Practice C” art 6), mais TOUS ces systèmes ont d’autres particularités qui vous déplairaient fortement: en Allemagne (jp dite des “Horfälle”, BGHSt 42, 139) il est possible assez facilement pour la police de procéder à un interrogatoire via un tiers “téléguidé”, sans que la conception allemande de la loyauté de la procédure vienne le remettre en cause, l’Angleterre a un “droit de garder le silence” sérieusement qualifié (le fait de garder le silence sur un fait que vous invoquez ensuite en défense peut être retenu contre vous), etc…
Là où les avocats ont, non sans raison demandé la jurisprudence Miranda …. la Chancellerie leur a donné (peut-être sans le savoir).
Les garanties de cette vénérable jurisprudence (1966) ne sont en effet applicable qu’en cas de “custodial interrogation”, c’est à dire qu’il faut (a) une contrainte et (b) un interrogatoire. Pas de contrainte, pas de Miranda, même si la personne est suspecte (il y a 1,5 t de jurisprudence sur le sujet, voir par ex. Stansbury v. California, 511 U.S. 318, 114 S.Ct.
1526, 128 L.Ed.2d 293 (1994) (per curiam)
).
On peut en discuter, mais je pense que la nuance s’impose.

139. Le mardi 19 octobre 2010 à 10:45 par Simone

@ Eolas (63) au sujet de l’audition libre :
Non. Elle a été pensée pour tenir l’avocat à l’écart et tenter de contourner la jurisprudence constante de la CEDH et la décision du CC de juillet dernier.”
Vous ne nous feriez pas par hasard une petite crise de paranoïa aiguë ? Un peu comme si je commençais à scander que toutes les “recommandations” faites par la CEDH n’ont qu’un seul but : entraver le travail des policiers. Vous conviendrez avec moi que ce n’est pas le cas. Le report de l’intervention de l’avocat à la douzième heure, sur décision unilatérale du Parquet, s’inscrit davantage dans ce que vous dénoncez.
Bref, je crois davantage que ce concept d’audition “libre” (terme, je le répète, très mal choisi) a été envisagé comme un moyen (peut-être le seul d’ailleurs) de faire baisser le nombre annuel impressionnant de gardes à vue, nombre qui ne manque pas de frapper les esprits de nos concitoyens.

@ DB (133)
Je m’exprimais sur la situation actuelle.
Ceci dit, vous mettez le doigt sur un véritable problème. Je partage votre analyse sur les prescriptions de la CEDH. Le mis en cause qui a demandé l’assistance d’un avocat doit voir son vœu exaucé, faute de quoi ses droits n’auraient pas été respectés. Cependant, je vois mal les policiers allaient chercher manu militari un avocat pour pouvoir procéder à l’audition de leur gardé à vue. Alors que faire en cas de carence de l’avocat ? Suspendre la garde à vue ? Poursuivre les investigations au risque de voir tout ce travail annulé ? Si l’avocat disponible ne peut venir qu’au bout de dix heures, pourra t-on rallonger d’autant le délai maximum de la mesure car cela fait dix heures qui viennent de s’écouler et au cours desquelles il n’a pas été possible de poser de questions au suspect ? Si certains ici connaissent déjà les réponses à ces questions, qu’ils reçoivent toute mon admiration.

@ Guerandal (134)
Que cette audition soit “libre”, c’est une chose, que vous imposiez à votre interlocuteur la présence de votre beau-frère huissier de justice, votre patron titulaire d’un doctorat en physique moléculaire, le petit neveu de votre concierge qui s’y connait en droit pénal, votre fleuriste qui lit régulièrement le “Nouveau détective”, ou enfin votre avocat, c’est autre chose.
Toute cette histoire d’audition libre (ou pas) me paraît ridicule. Il n’y a qu’une seule voie à envisager (et en tant que fonctionnaire de police, je suis disposée à la prendre) : tout mis en cause peut, s’il le désire, être entendu en présence d’un avocat, point.

140. Le mardi 19 octobre 2010 à 10:57 par parquezaco

A ceux qui estiment que les gardés à vue ou mis en cause doivent se taire,

n’oubliez-pas que parmi les délinquants, certains, probablement les plus dignes de considération, goûtent de pouvoir soulager leur conscience devant les enquêteurs.

Les dissuadera-t-on de s’épancher et d’éventuellement trouver compréhension auprès d’une oreille attentive?

Seront-ils, ces citoyens égarés du droit chemin, dissuadés de s’exprimer devant le parquetier lors du défèrement?

C’est une justice désincarnée que vous nous proposez de rendre en conseillant à tous de rester bouche cousue.

Car au silence sera opposé le silence, en toutes circonstances. Et le silence est terrible.

Pour des professionnels du Verbe, c’est un comble.

141. Le mardi 19 octobre 2010 à 11:21 par Jalmad

@ Esquire 138 :

merci d’avoir apporté ces précisions, qui manquaient en effet, et qui sont extrêmememnt importantes pour jauger la régularité de l’audition libre par arpport aux exigences de la CEDH. Eolas les avait omises, moi également, car j’avoue n’avoir que survolé ce nouveau projet, manifestement remanié depuis l’énorme pavé que j’avais étudié en son temps, et qui, sauf erreur, n’apportait pas ces précisions sur ces points.

Donc en effet, la personne se voit notifier la nature et la date de l’infraction présumée, ainsi que sa possibilité de partir à tout moment. Vous dites que cela équivaut au droit de garder le silence, et je suis assez d’accord avec vous, encore que….on a bien dû expliquer (hors PV) que si la personne tourne les talons, elle pourra être placée en GAV ; je me demande si on ne peut pas considérer cela comme une forme de “contrainte” (et je ne dis pas que les policiers “menacent”, car lorsqu’ils énoncent cela, c’est un fait juridiquement exact), et je crois qu’il vaudrait mieux notifier le droit au sile,nce et à ne pas s’auto-incriminer, ainsi que la possibilité de placement en GAV, laquelle ouvrirait droit à la présence d’un avocat. Quand ça, on peut être sûr (au moins en théorie), que l’acceptation de l’audition libre l’est effectivement en toute connaissance de cause.

Reste le problème alors de la présence de l’avocat : on ne notifie pas à la personne qu’elle peut être assistée d’un avocat.

Sur cette présence de l’avocat : selon l’interprétation de Ranide, seule la coercition nécessite, selon la CEDH, la présence effective d’un avocat lors des dépositions. Hors coercition, une simple notification du droit au silence suffirait. Sur cette base, on pourrait en effet imaginer que l’audition libre serait “dans les clous”.

Maintenant, une autre interprétation possible (qui est celle d’Eolas et la mienne, je pense, à charge pour moi de relire tout ça tranquillement et de venir m’en expliquer plus tard, comme je l’ai promis à Ranide) est que la notification de la possible présence de l’avocat est le corollaire, non pas de l’exercice d’une contrainte, mais du statut de mis en cause. Et dans ce cas, l’audition libre ne sera pas dans les clous.

142. Le mardi 19 octobre 2010 à 11:57 par akhela

@ Simone 139 : “Bref, je crois davantage que ce concept d’audition “libre” (terme, je le répète, très mal choisi) a été envisagé comme un moyen (peut-être le seul d’ailleurs) de faire baisser le nombre annuel impressionnant de gardes à vue, nombre qui ne manque pas de frapper les esprits de nos concitoyens.”

Mais pourquoi alors ne pas garantir les mêmes droits à la personne en audition libre qu’au gardé à vue? Encore une fois, nous autres avocats allons alors exiger que nos clients soient mis en garde à vue, seul moyen pour que leurs droits soient garantis, et on recommencera avec les gardes à vue en matière routière.

Prévoir une audition libre sans garantie de droits, c’est vraiment vouloir contourner les décisions de Strasbourg.

143. Le mardi 19 octobre 2010 à 11:57 par sir yes sir

hier à l’audience l’avocat de la défense a soulevé la nullité de la gAV pour absence de l’avocat. J’avoue que moi les lazzi les quolibets me laissent froid puisque la nullité de la GAV a été rejetée.

Et j’ai envie de dire heureusement car je crains que ces considérations soient brillantes sur les principes mais tout également très handicapantes pour l’avancement de mes enquêtes. Car je vous trouve, Maître, très optimiste sur l’avocat qui rapplique “illico” : le commissariat de Paris, on le trouve vite et facilement. les brigades de gendarmerie du fin fond de ma contrée, moins.

Et je me heurte parfois à des problèmes concrets : le prévenu a comme avocat un ténor du barreau (tenor version barreau local mais quand même). Il ne daigne pas se déplacer. Mon prévenu refuse l’avocat de permanence. Les OPJ auditionnent. Il avoue, le bougre. J’ai bon, j’ai pas bon ?

Mon prévenu veut l’avocat de permanence. Il arrive… 16 heures plus tard (c’est du vécu). QU’est-ce que je fais ? J’attends 16 heures, soit les deux tiers de la GAV ? J’auditionne ? ET auquel cas, j’ai bon, j’ai pas bon ?

En clair, le barreau local est maître du déroulement des enquêtes ? J’ai déjà du mal parfois à en trouver un dans l’état actuel de la législation. Quand c’est un vol à l’étalage, je pense me remettre d’avoir perdu 16 heures. Ca risque de me mettre de méchante humeur quand ce sera un viol ou un homicide en flagrance.

Et je ne doute pas un instant que mon assassin qui 1° se voit notifier le droit de se taire, 2° refuse l’assistance d’un avocat, 3° livre à l’OPJ des aveux sanglotants et circonstanciés, va quand même revenir sur ses déclarations six mois après en affirmant qu’on lui a mis la pression. Et là, j’ai bon, j’ai pas bon ?

Je suis d’accord que les conditions actuelles favorisent les stat’. Très honnêtement, en cachette de mon chef de Parquet, les stat’, ça me passe au-dessus.
Mais j’avoue que l’idée d’un délinquant ou criminel qui ne va pas desserrer les dents de toute la GAV car son conseil lui a dit de le faire et qu’il se sent du fait de sa présence soutenu, rassuré, ça me dérange. Parce que je n’ai pas toujours le témoin providentiel, l’empreinte digitale ou l’ADN pour m’aider à résoudre les enquêtes. Et que sans les aveux qui seraient peut-être survenus, je vais classer sans suite, peut-être des infractions très graves.
Je ne peux que reconnaître que les conditions de la GAV ça donne parfois OUTREAU, encore qu’OUTREAU comme exemple ça finit par faire réchauffé, alors on va dire Patrick DILS. Ca me fait certes froid dans le dos.
Mais ça donne aussi Monique OLIVIER qui balance FOURNIRET. Sans ces aveux, il serait peut-être dehors. Et ça aussi ça me fait froid dans le dos.

Je vous livre mes considérations de petit parquetier, qui essaye de se dépatouiller là-dedans, et qui pense que concilier droits de la défense et défense de l’ordre public, c’est pô facile.

144. Le mardi 19 octobre 2010 à 12:09 par keren

@Sir yes sir en 143

Encore une fois, je regarde à l’étranger et je réponds “Miranda”

145. Le mardi 19 octobre 2010 à 12:14 par Jean-ollivier

je ne sais pas si c’est rassurant, mais c’est plutôt pire ailleurs. Voici un extrait d’une dépêche de l’IRIN (une agence d’infos de l’ONU)

KYRGYZSTAN: Lawyers demand protection
BISHKEK, 19 October 2010 (IRIN) - A group of lawyers are demanding that the Kyrgyz authorities guarantee security and due process in court cases linked to inter-ethnic clashes earlier this year, to prevent the chaos and violence that has disrupted some of the hearings so far.

“We declared that we will not take part in proceedings until there is adequate security,” Nazgul Suiunbaeva, one of 161 members of the lawyers’ group that issued the statement, told IRIN.(…)

One problem, according to HRW researcher Ole Solvang, is that many of the bereaved (les familles des victimes) believe the defendants have already confessed, without realizing that this may have happened “under torture”.
“When they hear them retract those confessions at the trials, it seems like the lawyers have instructed them to do this,” Solvang told IRIN. “The situation (in the south) is still so tense. Abuses during investigations and trials are going to fuel tensions even more.”

While both Kyrgyz and Uzbeks perpetrated crimes during June’s bloodshed, research by human rights groups, as well as anecdotal evidence and statistics released in August by prosecutors, all suggest that the investigations and trials have focused more on Uzbeks.

However, potential ethnic bias is just one part of the problem of Kyrgyzstan’s dysfunctional justice system, which suffers from under-qualified investigators and allegedly malleable judges.(…)

146. Le mardi 19 octobre 2010 à 12:20 par Jalmad

@ Sir Yes Sir :

Vous exagérez, cher collègue.

Non pas sur les cas que vous décrivez, dont je ne doute pas une seconde de la réalité. Mais lorsque vous faites “comme si” la CEDH n’avait prévu aucune exception, et “comme si” on ne pouvait réfléchir sereinement 2 minutes et se dire qu’une jurisprudence, peu ou prou sur le modèle de l’obstacle insurmontable, ou en tout cas non imputable aux enquêteurs et au parquet, n’allait se développer…

Enfin quoi : il suffit de donner pour consigne aux OPJ d’acter très précisément à quelle heure ils contactent l’avocat, ce que ce dernier répond (“j’arrive dans tant de temps” ou “je ne peux venir”), d’acter le cas échéant le refus du mis en cause d’un autre avocat, et, au bout d’un délai raisonnable, si l’avocat qui a dit arriver n’arrive pas, d’acter que, conformément aux instructions du procureur qu’on aura pris soin de contacter à nouveau, on commence aux auditions. Il est clair que la CEDH n’exige pas non plus qu’on crame plusieurs heures de GAV juste parce qu’on doit attendre qu’un avocat n’arrive jusqu’à nous. C’est comme le délai raisonnable pour avis au Proc du placement en GAV, voyez….on peut réfléchir et rapidement se donner quelques repères. C’est pas non plus comme si on était démuni….

Enfin quoi, d’autres pays le font, qui ont autant à coeur que nous d’élucider leurs affaires, et qui ont probablement des taux d’élucidation comparables aux nôtres (je n’ai pas d’élément là dessus, mais je veux bien en faire le pari).

Ensuite, je comprends vos craintes. Mais je crois que c’est un fantasme pur et simple, le coup des aveux qui n’arriveraient plus sous prétexte de la présence d’un avocat. Certains n’arriveront plus, en effet, mais sans qu’on sache finalement si on a affaire à un cas en bien (un cas DILS évité) ou en mal (un cas Monique OLIVIER). D’autres continueront à arriver, car comme l’a dit Parquezaco, certains avouent réellement “spontanément”, pour soulager leur conscience, ou tout simplement parce qu’ils ne savent pas ou ne veulent pas mentir. D’autres enfin arriveront peut être aussi plus vites : car un aévocat, qui aurait eu accès au dossier et constaté la présence de preuves qu’il estimerait assez accablantes, pourrait peut être mettre son client face à ses responsabilités, et lui expliquer que des aveux dès ce stade de la procédure pourraient bien être de son intérêt (en gros, il fait d’emblée le calcul de plaider la peine….)

147. Le mardi 19 octobre 2010 à 12:22 par SYB

Les avocats étant réduits au silence, et “n’ayant le droit d’ouvrir la bouche que pour respirer” (sic, encore pourrait-on leur intimer que de ne respirer que par le nez…), peut-être devraient-ils se former de toute urgence au langage des signes…

148. Le mardi 19 octobre 2010 à 12:30 par Teejee (mékeskidi de base)

@ sir yes sir, 143
“Mais j’avoue que l’idée d’un délinquant ou criminel qui ne va pas desserrer les dents de toute la GAV car son conseil lui a dit de le faire et qu’il se sent du fait de sa présence soutenu, rassuré, ça me dérange.”
Je le conçois. Mais s’il m’arrivait un jour d’être GAVé sans que j’aie quoi que ce soit à me reprocher, je serais bien content d’avoir un conseil dont la présence me rassure face à des policiers qui feraient tout pour me faire avouer quelque chose que je n’aurais pas fait.
Du reste, comme le rappellent certains ici, si le suspect n’avoue pas, il reste l’enquête.
Et puis, croyez-vous vraiment que les criminels les plus endurcis avouent facilement, même après quarante-huit heures ?
“Et la question, en usez-vous ?
- C’est notre plus grand plaisir; nous avons trouvé que c’est un secret infaillible pour sauver un coupable qui a les muscles vigoureux, les jarrets forts et souples, les bras nerveux et les reins doubles; et nous rouons gaiement tous les innocents à qui la nature a donné des organes faibles” (Voltaire, André Destouches à Siam).
D’accord, depuis Voltaire on a aboli ce qu’on appelait pudiquement la question. Mais vous avez fort justement rappelé le cas de Patrick Dils.

149. Le mardi 19 octobre 2010 à 13:07 par derrière les barreaux

@ Apokrif:
La procédure disciplinaire est initiée par un écrit d’un fonctionnaire pénitentiaire, que l’on appelle “compte-rendu d’incident”. Pour être valable, cet écrit doit préciser le détenu mis en cause, le lieu, le jour et l’heure de l’incident, la nature des faits ou propos constatés et la mention “l’intéressé a été avisé du présent compte-rendu”.
Ce compte-rendu donne lieu à une enquête réalisée par un personnel gradé (premier surveillant, major ou officier pénitentiaire) qui consiste en un entretien avec le détenu et les éventuels témoins. L’agent auteur du compte-rendu peut être tenu de rédiger un autre écrit, appelé “compte-rendu professionnel” afin de compléter les éléments du compte-rendu d’incident, joint à la procédure. Le CRI et l’enquête étant réalisés depuis un logiciel informatique, on retrouve les mêmes items dans tous les établissements (explications du détenu sur les faits, témoignages, éléments de la vie en détention recueillis auprès des services de l’établissement, antécédents disciplinaires).
Au vu de l’enquête, de la nature des faits et de la personnalité de l’intéressé, le chef d’établissement (ou toute autre personne ayant reçu une délégation écrite en ce sens) apprécie l’opportunité de poursuivre le détenu devant la commission de discipline.
Le détenu est alors informé de son droit à être assisté par un avocat de son choix ou désigné par le Bâtonnier. L’avocat ou le Bâtonnier est alors informé par écrit (fax) de la demande du détenu et se voit transmettre toutes les pièces de la procédure ainsi que la date et l’heure de la commission de discipline. Le détenu doit être destinataire des toutes les pièces de la procédures au moins trois heures avant la tenue de l’audience disciplinaire et doit pouvoir s’entretenir avec son avocat (sans surveillance directe afin de respecter la confidentialité de l’entretien et les droits de la défense).
La commission de discipline est constituée de trois personnes: le chef d’établissement ou un membre de la direction, un personnel du corps de commandement (chef de détention ou tout autre officier) et un personnel de surveillance. Mais cette composition va changer avec la loi pénitentiaire du 24/11/2009 puisque l’un des assesseurs devra être extérieur au personnel pénitentiaire - nous attendons les décrets d’application venant préciser cette modification, car pour le moment le texte de loi ne précise pas comment cet assesseur extérieur est désigné. Le détenu doit être en mesure de donner ses explications au vu des questions qui lui sont posées, l’avocat est entendu dans ses observations (tous ces éléments sont recueillis par écrit dans le même logiciel par un secrétaire de séance). Les membres de la commission se retirent pour délibérer (en fait ce sont le détenu, l’avocat et le secrétaire de séance qui sortent) puis énoncent la sanction disciplinaire, s’il y a lieu. Le détenu a 15 jours pour faire appel de la décision auprès du Directeur inter-régional dont dépend l’établissement, l’appel n’étant pas suspensif de l’exécution.

Autant vous dire que les avocats ont été plus que vigilants sur cette procédure (validité des délégations du chef d’établissement, respect de l’entretien préalable, audition de témoins, qualification des faits en infraction disciplinaire…).
Je ne peux que vous parler de ma pratique personnelle: la présence d’un avocat influe assez peu sur le quantum de la sanction. Cependant, je suis plus vigilant(e) en amont et demande assez régulièrement des compléments d’enquête avant d’apprécier l’opportunité de poursuivre. L’administration étant en cette matière autorité de poursuite et autorité de décision, je travaille avec mes collègues personnels de direction de manière à ce que celui qui décide de poursuivre ne soit pas celui qui préside la commission.
Je suis également plus exigeant(e) sur la conduite de l’audience et la motivation des décisions (matérialité des faits établies, qualification en droit…).
Personnellement, ce n’est jamais simple de présider cette audience disciplinaire et je ne prononce jamais une sanction de cellule disciplinaire avec plaisir. La procédure est nécessaire car une prison est une société entre 4 murs et il faut savoir sanctionner ceux qui ne respectent pas les règles, aussi bien la loi (qui est la même pour tous) que les dispositions du règlement intérieur de chaque établissement (validée par le directeur inter-régional après visa des JAP).
Je pense sincèrement que l’administration pénitentiaire a gagné en crédibilité et en professionnalisme.
Par ailleurs, les autorités de contrôle se sont multipliées: les détenus n’hésitent pas à faire appel des décisions, le juge administratif est régulièrement saisi, les délégués du Médiateur de la République assurent des permanences au sein des établissements, le Contrôleur Général des lieux de privation de liberté nous porte une très grande attention, les députés et sénateurs peuvent visiter les prisons à leur demande.

Nous pouvons pas faire n’importe quoi, d’autant qu’il faut être cohérent avec les missions qui sont les nôtres. Je vous invite à lire la loi du 24 novembre 2009, dite loi pénitentiaire et notamment son article 2:
“Le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions pénales. Il contribue à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est organisé de manière à assurer l’individualisation et l’aménagement des peines des personnes condamnées.”

En espérant vous avoir apporter un début de réponse…

150. Le mardi 19 octobre 2010 à 13:10 par Véronique

@ parquezaco et sir yes sir

Il ne s’agit pas de lutter contre l’aveu. J’approuve par principe une personne qui assume ce qu’elle a fait. Mais à condition que cette admission soit lucide, éclairée et sincère. L’avocat est là pour s’en assurer notamment en expliquant les conséquences de cette admission. La CEDH ne dit pas autre chose. (Eolas à Simone - post 120)

Il me semble que ce paragraphe exprime le plus essentiel de la position d’Eolas.

Les premières déclarations ont, semble-t-il, un poids surpuissant tel pour la suite à venir, qu’il me semble normal que ce poids soit équilibré dès le départ des auditions.

151. Le mardi 19 octobre 2010 à 13:10 par ancilevien74

@Simone 139 :
Bref, je crois davantage que ce concept d’audition “libre” (terme, je le répète, très mal choisi) a été envisagé comme un moyen (peut-être le seul d’ailleurs) de faire baisser le nombre annuel impressionnant de gardes à vue, nombre qui ne manque pas de frapper les esprits de nos concitoyens.
Si je comprends bien, on veut faire baisser les chiffres de la garde à vue en changeant le nom d’une partie de ces actes, mais pas en les diminuant en volume.
Je crois que c’est là qu’il y a un problème, pourquoi y a-t-il une telle explosion du nombre de gardes à vue ? Sont-elles toutes nécessaires aux enquêtes ? N’est-ce pas plutôt lié à la culture du chiffre indexé sur le nombre de gardes à vue (entre autres)
Si on se retrouve avec 50% d’auditions libres et 50% de gardes à vue, mais que le chiffre total reste le même voir même augmente, ça ne calmera pas la grogne.

152. Le mardi 19 octobre 2010 à 13:38 par sir yes sir

A Teejee (mékeskidi de base) : une petite réponse vite faite avant de filer à l’audience où m’attendent moult nullités, notamment pour absence d’avocat en GAV : vous êtes suspicieux enfin, tous les policiers n’ont pas comme but de faire avouer à des innocents ce qu’ils n’ont pas fait…

Et à JALMAD : je sais qu’on peut se donner des repères. C’est juste que pour le moment on navigue dans le flou. Je sais aussi que d’autres pays le font. J’attends de voir à l’usage, ce que ça donne tout cela, en espérant que la tête de mes OPJ ne finissent pas par exploser de tant de formalisme. Après je ne critique pas, toucher à la liberté des justiciables ne devant se faire que d’une main tremblante, il est certain qu’il faut entourer la GAV de grandes précautions.

153. Le mardi 19 octobre 2010 à 14:04 par lambertine

“tous les policiers n’ont pas comme but de faire avouer à des innocents ce qu’ils n’ont pas fait…”

Non, mais des policiers qui ont leur idée sur les faits peuvent interroger le suspect de manière à lui faire dire ce qu’ils veulent entendre, ce suspect n’étant par ailleurs pas nécessairement étranger aux faits, mais pas coupable, seul coupable, ou principal coupable non plus.

Par exemple : si la maîtresse de mon amant se fait assassiner, même si je ne l’ai pas tuée et si je n’ai rien fait pour ça, mieux vaut que je ne reconnaisse pas devant la police que, oui, sa mort me fait plaisir, et qu’en plus elle était d’une sale race.

154. Le mardi 19 octobre 2010 à 14:05 par Teejee (mékeskidi de base)

@ sir yes sir, qui a la courtoisie de me répondre en 152
“vous êtes suspicieux enfin, tous les policiers n’ont pas comme but de faire avouer à des innocents ce qu’ils n’ont pas fait…”.
Il y a sans doute un malentendu : je n’ai jamais dit ça. J’ai simplement soulevé l’hypothèse où on essaierait de me faire avouer un délit que je n’ai pas commis. Si je l’ai commis, c’est autre chose.
Bon courage pour votre audience.

155. Le mardi 19 octobre 2010 à 14:19 par Avocatmars13

Cher Confrère, ça y est, nous y sommes, la GAV à la française semble morte, même si pas encore enterrée…

J’attends avec impatience de lire l’arrêt rendu ce jour par la Cour de Cassation, puis vos éclairés commentaires.VBD.

156. Le mardi 19 octobre 2010 à 14:20 par Romain

La Cour de cassation déclare la garde à vue non conforme au droit européen
La Cour de cassation a déclaré, mardi 19 octobre, que les dispositions limitant la présence de l’avocat en garde à vue, y compris pour les régimes dérogatoires – criminalité organisée, terrorisme, stupéfiants – , étaient non conformes au droit européen. (AFP)

157. Le mardi 19 octobre 2010 à 14:30 par Simone

@ Ancilevien74 (151)
“… pourquoi y a-t-il une telle explosion du nombre de gardes à vue ?
Il est étonnant de voir cette question continuellement posée alors que nous en avons débattu maintes fois ici même. La répétition est la meilleure des pédagogies, certes… mais tout de même.
Sont-elles toutes nécessaires aux enquêtes ?” C’est plus ou moins ce que considèrent beaucoup d’avocats qui constatent que cette mesure est la seule, à l’heure actuelle, permettant au mis en cause de pouvoir exercer ses droits dans le cadre d’un procès plus ou moins équitable (jusqu’à aujourd’hui plutôt moins). Leur point de vue a d’ailleurs été adopté par la jurisprudence qui considère, en gros, que chaque fois qu’il y a coercition, il doit y avoir garde à vue. A cela s’est ajoutée la très critiquable politique du chiffre. D’où ce magnifique résultat.
Mais cette mesure (privative de libertés) a tendance à ralentir la procédure. C’est ce que déplorent généralement les policiers. Elle ne serait donc pas très adaptée à certaines situations, notamment lorsqu’elles concernent des “petits” délits. Prenons un exemple : Madame X sort d’un magasin d’alimentation sans payer ses articles. Elle est appréhendée par le service de sécurité de l’établissement, établissement qui décide de déposer plainte et de remettre la “mécréante” entre les mains de la Police. Dès son interpellation, cette dame reconnaît avoir mal agi. Il suffira alors à un fonctionnaire de police de retranscrire cela sur procès-verbal en précisant éventuellement les raisons qui l’ont poussée à agir de la sorte, puis d’attendre quelques minutes ensuite que le Parquet décide de poursuivre ou non, et donner à la “suspecte”, si le magistrat en a décidé ainsi, une convocation pour une audience ultérieure. Le tout en une heure si nous avons affaire à des policiers efficaces, et sans passage par la case “cellule vétuste” (donc du coup pas de fouille non plus). Pensez-vous que dans pareil cas le placement en garde soit vraiment nécessaire ? Que ses droits ont été honteusement bafoués et qu’elle n’est qu’une victime de plus de l’oppression exercée par l’Etat, par le biais de “sa” Police et de “ses” parquetiers ? Bref, que se passe t-il aujourd’hui ? Cette dame est amenée devant un OPJ qui lui notifie ses droits et lui dit qu’une garde à vue peut durer une à deux journées maximum, mais qu’elle se rassure, elle peut voir un médecin, faire appeler sa famille et s’entretenir avec un avocat. Paniquée (elle a tellement entendu que la garde à vue est une épreuve inhumaine où on vous fait avouer des trucs que vous n’avez pas commis), elle décide de voir un avocat (et très bientôt de ne répondre qu’en sa présence). Le problème c’est que ce dernier n’attend pas derrière la porte qu’on l’invite à rentrer. Il peut dès lors s’écouler un très long moment avant qu’il se présente au service. Entretemps, on fera patienter la dame en cellule (sentant un peu l’urine et le vomi) après avoir vérifié qu’elle n’avait rien sur elle de dangereux (vous voyez ce dont je veux parler). Au bout de trois ou quatre heures (au mieux), la procédure est bouclée et cette personne peut enfin rentrer chez elle. A votre avis, quel régime est le plus traumatisant ? J’ai ma petite idée mais je vous laisse vous exprimer.

158. Le mardi 19 octobre 2010 à 14:32 par patere legem

Il était temps que la Cour de cassation fasse son contrôle de conventionnalité, attendons l’arrêt pour voir si elle a été plus audacieuse que le Conseil constitutionnel pour l’application dans le temps, et voir les motifs sur les régimes spéciaux, le meilleur moment sera bien entendu la prestation de la Chancellerie voire de notre cher Me Lefevre!

159. Le mardi 19 octobre 2010 à 14:35 par Esquire

@ Keren 144: si vous regardez à l’étranger et voyez Miranda, lisez-donc la fin de mon billet précédent (n° 138).

Sur l’accès à l’avocat, je crois qu’il est hors de question de faire dépendre la régularité de la procédure du moment où l’avocat arrive (à moins bien sûr qu’il y ait eu retard volontaire de la part de la police). De toute façon, le GAVé s’est vu notifier son droit à garder le silence, donc il peut très bien se taire en attendant que l’avocat arrive.

Plus généralement, et j’attends aussi avec impatience la décision de la C. Cass. pour voir où elle trace la ligne, il ne s’agit pas de faire obstacle systématiquement à l’aveu, notamment dans le cas où il est spontané et/ou issu de la tentative maladroite du criminel stupide d’embrouiller les enquêteurs, mais bien d’éviter les pressions indues liées à la combinaison enfermement + questionnement.

Et bon courage aux OPJs / parquetiers / JDI qui vont payer cash l’aveuglement du gouvernement (et de leurs syndicats), et vont devoir improviser une procédure conforme à la CEDH en lisant eux-mêmes la jp ….

160. Le mardi 19 octobre 2010 à 14:46 par Avocatmars13

Il semblerait donc que la Cour de Cassation ait décidé de différer dans le temps les effets de sa nouvelle jurisprudence et se calque sur le délai octroyé par le Conseil Constitutionnel ..

http://www.lemonde.fr/societe/artic…

Euh …………..

161. Le mardi 19 octobre 2010 à 14:59 par JBT

Tout cela devient en effet très acrobatique…

162. Le mardi 19 octobre 2010 à 15:12 par marco99

Belote (CEDH) et Rebelote (CCass) donc ! :)
là il va falloir être costaud en comm’ à la chancellerie…

163. Le mardi 19 octobre 2010 à 15:20 par marsan

pour l’application dans le temps des décisions du conseil constitutionnel et de la cour de cassation, le juge de base n’a pas à attendre le 1er juillet prochain : les principes de droit énoncés dans l’arrêt ci- dessus commenté par M e EOLAS sont d’application immédiate pour le droit commun comme pour les GAV de plus de 48 heures.
Bon courrage cher collègue - ça va faire grincer des dents -

164. Le mardi 19 octobre 2010 à 15:39 par Holmes

@ Arkados (sous 3) Apokrif (sous 128) Chris (sous 136)

- Le vaisseau du navigateur solitaire fait naufrage parce qu’un phare ne s’est pas allumé.
Trop de récifs, un sémaphore défaillant écourtent le voyage du navire de celui qu’il aurait fallu faire rentrer, provisoirement, à l’abri d’un havre aux eaux tranquilles.

Rodale IX développe des systèmes de navigation permettant de se passer des navigateurs de la Guilde.

165. Le mardi 19 octobre 2010 à 15:47 par 13zenrv

Il y a des jours où je suis content de ne plus avoir à expliquer le droit pénal à des L2. Après des années passées à détailler les différences entre règles de procédure applicables immédiatement aux affaires en cours et rétroactivité in mitius des lois de fonds, voilà que la CCass me fait une création prétorienne sur les principes généraux du droit d’application différée. Bon courage aux suivants.

166. Le mardi 19 octobre 2010 à 15:53 par Piquet

Je tiens à remercier chaleureusement tous les gouvernements qui se sont succédés ces dernières années, et qui ont construit un système de garde à vue contraire aux droits de l’homme.
Je les invite vivement à se recycler en partant en Chine.

(Il faut être logique : on n’arrête pas de nous parler de responsabilité : alors qui est responsable de ce désastre ?)

167. Le mardi 19 octobre 2010 à 16:01 par Serge

Je pense à un truc…

Si on craint tant que ça que l’avocat soit complice de son client, pourquoi ne pas recourir systématiquement à un avocat commis d’office, et jamais à l’avocat attitré du suspect ? Cela devrait réduire considérablement les risques de collusion, non ?

168. Le mardi 19 octobre 2010 à 16:15 par villiv

euh, ça a du déjà circuler

mais voila, je l’ai vu, donc je diffuse

La Cour de cassation a déclaré non conformes au droit européen les dispositions limitant la présence de l’avocat en garde à vue, y compris pour les régimes dérogatoires

169. Le mardi 19 octobre 2010 à 16:40 par je ne te connais pas non plus

le citoyen lambda que je suis est toujours fasciné par l’argumentaire, que je qualifierai
faute de mieux de “policier”, consistant à dire que respecter les droits des citoyens
c’est faire le jeu des violeurs et des assassins.
900 000 gardes à vue par an d’après le monde d’aujourd’hui.
rassurez moi : là-dedans, il y a beaucoup de cas de meurtres et de viols ?
c’est pas comme ça que vous regagnerez du crédit auprès de la population.

170. Le mardi 19 octobre 2010 à 16:56 par Sanjay NAVY

Pour info, la cour d’appel de DOUAI a annulé une garde à vue sur la base de l’arrêt BOSCO.

J’ai mis en ligne la décision sur mon site.

171. Le mardi 19 octobre 2010 à 16:58 par Sanjay NAVY

Je voulais BRUSCO, évidemment…

172. Le mardi 19 octobre 2010 à 17:08 par ancilevien74

@Simone 157
Il est étonnant de voir cette question continuellement posée alors que nous en avons débattu maintes fois ici même. La répétition est la meilleure des pédagogies, certes… mais tout de même.
Bon d’accord, je dirais que c’est la cause de la politique tout sécuritaire de nos élites (un fait divers, une loi) + de la politique du chiffre + les conditions sociales et économiques (chômage, perspectives d’emploi dans les banlieues, noms à consonances étrangères, modèle des autres délinquants, …).
Le problème ne dépend pas de la police, là (enfin si, en tant qu’électeurs comme chacun de nous).

Pensez-vous que dans pareil cas le placement en garde soit vraiment nécessaire ? Que ses droits ont été honteusement bafoués et qu’elle n’est qu’une victime de plus de l’oppression exercée par l’Etat, par le biais de “sa” Police et de “ses” parquetiers ? Bref, que se passe t-il aujourd’hui ? Cette dame est amenée devant un OPJ qui lui notifie ses droits et lui dit qu’une garde à vue peut durer une à deux journées maximum, mais qu’elle se rassure, elle peut voir un médecin, faire appeler sa famille et s’entretenir avec un avocat. Paniquée (elle a tellement entendu que la garde à vue est une épreuve inhumaine où on vous fait avouer des trucs que vous n’avez pas commis), elle décide de voir un avocat (et très bientôt de ne répondre qu’en sa présence). Le problème c’est que ce dernier n’attend pas derrière la porte qu’on l’invite à rentrer. Il peut dès lors s’écouler un très long moment avant qu’il se présente au service. Entretemps, on fera patienter la dame en cellule (sentant un peu l’urine et le vomi) après avoir vérifié qu’elle n’avait rien sur elle de dangereux (vous voyez ce dont je veux parler). Au bout de trois ou quatre heures (au mieux), la procédure est bouclée et cette personne peut enfin rentrer chez elle. A votre avis, quel régime est le plus traumatisant ? J’ai ma petite idée mais je vous laisse vous exprimer.
Déjà il y a libre et libre, par le fait même de la contrainte par les vigiles puis d’être amenée au poste, ce n’est plus une liberté (ou sinon, comme le dit le Maître : “audition libre, donc je suis libre de me taire et libre de partir, adieu”).
Donc en fait, on fait pression sur la personne (état des cellules, attente, fouille) pour que volontairement elle accepte de céder ses droits. C’est de la coercition pour moi, qu’en pensez-vous ?
Le problème c’est que l’on puisse utiliser cette coercition, mais là c’est un problème financier : entretiens des cellules, quantité de personnels suffisante, …
Maintenant, l’entretien libre devrait pouvoir être utilisable par le policier pour l’aider dans une enquête, mais le pv ne peut pas avoir valeur de preuve, ni le témoignage du policier, car il n’y a pas présence de l’avocat, dont on ne peut pas certifier de la non-incrimination, du bon déroulement de l’entretien, du contenu correct des déclarations.
Au contraire de Philou chez Maître Mô, je n’ai pas d’expérience avec la garde à vue, mais je ne sais pas si je fais confiance à la police (et dans le doute… ), après tout, je ne connais pas leurs intérêts/buts (vérité ou trouver un responsable ?, honnêtes ou près à tout ?).

173. Le mardi 19 octobre 2010 à 17:09 par Neville

http://www.courdecassation.fr/juris…
Trois arrêts rendus ce jour et un communiqué de la Cour de cassation.
Le principe de la sécurité juridique invoqué à l’appui de la non applicabiltié des solutions issues de ces arrêts aux GAV antérieures à juillet 2011.

Entre temps, le garde des Sceaux aura changé, je suppose, ce qui permettra au futur ministre de la Justice de faire porter le flot des critiques sur le compte de ses prédécesseurs.

174. Le mardi 19 octobre 2010 à 17:18 par rantanplan

Pour Serge (167) C’est le système en Espagne pour les affaires de terrorisme il me semble : le gardé à vue a droit à un avocat, mais il ne le choisit pas.

Sur les arrêts de cassation de ce jour : est-ce le 1er exemple d’un effet différé d’un arrêt de la Cour de cassation  ?

175. Le mardi 19 octobre 2010 à 17:31 par ranide

Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Ça veut dire quoi ça :

{{Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu le texte conventionnel susvisé, d’où il résulte que, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’espèce, et non à la seule nature du crime ou délit reproché, toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l’assistance d’un avocat ;

Attendu que, toutefois, l’arrêt n’encourt pas la censure, dès lors que ces règles de procédure ne peuvent s’appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en oeuvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice ;

Que ces règles prendront effet lors de l’entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue, ou, au plus tard, le 1er juillet 2011 ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;}}

Que l’application de la Convention est suspendue en France jusqu’au 1er juillet 2011, en tout cas en ce qui concerne les gardes à vue, et cela en vertu d’un coup de force (en droit, on dit création prétorienne) de la Cour de cassation ?

Cet arrêt n’est certainement pas à la gloire de la Cour de cassation, et je suis navré de voir que l’institution garante constitutionnellement des libertés individuelles est moins préoccupée de les protéger que de sauver la mise à un exécutif autiste et obtus (il y a des mois et des mois que le droit de la garde à vue aurait dû être réformé, tant il était évident que le droit français n’était pas conforme à la Convention). Au-delà du problème de la garde à vue, cet arrêt est un encouragement pour tous les gouvernements présents et à venir, de droite ou de gauche, à ignorer les droits garantis par la Convention pour des motifs de basse politique électorale, puisqu’ils peuvent le faire sans avoir à craindre l’autorité judiciaire et donc sans dommage.

Je crois au fond ce qui me navre le plus c’est que je n’en suis pas surpris plus que ça

Non seulement cet arrêt n’apporte rien à son prestige (euphémisme) mais il abaisse son autorité vis-à-vis de l’exécutif. Profondément navrant, vraiment.

176. Le mardi 19 octobre 2010 à 17:47 par Hatshe

La Cour nous apprend que l’application de la Convention Européenne est suspendue jusqu’au mois de juillet 2011 en ce qui concerne les GAV… et comment on fait concrètement ? on écrit un petit mot à la Cour pour leur dire “‘Euh bon là votre Convention elle nous embète un peu, donc on va dire que ses effets sont suspendus jusqu’à ce qu’on se mette en conformité… ah notre signature en bas de la page et la ratification du Parlement, ben on dit qu’on a pas vu. merci pour tout!!”
Pourquoi ne pas suspendre les effets de la Convention pour l’article 10, en ce moment ce serait utile …
Juridiquement je vois pas trop comment tout ça peut tenir ..
En plus si je ne me trompe pas la Cour fait allusion au droit de garder le silence et de son importance, ce qui confirme l’arrêt BRUSCO.
Donc pour résumer : la plus Haute Juridiction Judiciaire française nous dit qu’on a tout faux, mais qu’on suspend l’application de la Convention jusqu’en juillet 2011…

177. Le mardi 19 octobre 2010 à 17:54 par Simone

@ Ancilevien74 (172)
Vous n’avez ni suivi mon exemple ni vu où je voulais en venir. Il n’y était nullement question de liberté mais plutôt de la nécessité ou non de mettre en œuvre une mesure de garde à vue sans discernement (ce que, quelque part, préconisent certains avocats, alors que c’est un des principaux reproches faits par la population à sa Police), même pour de toutes petites affaires qui constituent le quotidien de la très grande majorité des commissariats et des gendarmeries de France. En cela je répondais à vos premières interrogations, et non à ce qui fait du bruit aujourd’hui dans le Landerneau judiciaire.

178. Le mardi 19 octobre 2010 à 17:58 par Mikey

Maitre,

Je vous indique qu’un tout nouveau communiqué de Synergie Officier est consultable à l’adresse suivante. http://www.synergie-officiers.com/I…

Le word art y est toujours, le ton passablement agressif et les propos suréalistes également.

J’ai particulièrement hâte de lire votre analyse critique de ce communiqué qui, j’en suis sur, sera aussi plaisant à lire que le précédent. Ils faut dire que les bougres tendent des bâtons pour se faire battre avec de tels propos.

179. Le mardi 19 octobre 2010 à 17:59 par récap59

Ainsi donc le principe de sécurité juridique et la bonne administration de la justice justifieraient que la France puisse continuer impunément à violer encore pendant de longs mois les traités internationaux qu’elle a signées depuis des dizaines d’années ?

Alors donc la sécurité juridique serait faite pour les criminels uniquement, pas pour les honnêtes gens ?

Et la bonne administration de la justice consiste à défendre coûte que coûte les intérêts de ceux qui depuis si longtemps, délibérément et en parfaite connaissance de cause, mentent au peuple, bafouent la justice européenne, violent les engagements internationaux de la France ?

Les mêmes qui se permettent constamment de donner des leçons de respect des droits de l’homme aux états étrangers ?

Ceux qui osent même invoquer les droits de l’homme comme alibi pour bloquer le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE ?

Honte à la cour de cassation, qui pour des raisons bassement politiciennes a décidé de de se faire complice des criminels qui nous oppriment !

180. Le mardi 19 octobre 2010 à 18:01 par Major Dôme

@sir yes sir en 143
Vous avez deux arguments, l’un d’intendance, l’autre plus éthique (pour lequel je n’ai pas d’opinion) pour “ne pas vouloir” d’un avocat assistant un prévenu au tout début d’une enquête,

le caprice d’un prévenu qui veut SON avocat, induisant des délais, ou , les délais d’acheminement et de réveil (Mon prévenu veut l’avocat de permanence. Il arrive… 16 heures plus tard )d’un avocat de permanence

le fait que des aveux soient parfois la seule solution pour élucider des crimes graves (avec des exceptions historiques que vous soulevez). Ce deuxième argument est plus une question de philosophie/ethique -savoir s’il vaut mieux un innocent en liberté, quitte à ce que des coupables en profitent aussi ou l’inverse- . Peut être qu’une estimation de la proportion d’innocents qui sont susceptibles d’être victimes d’erreurs judiciaires (ou de coupables qui peuvent échapper à la justice) permettrait de choisir la moins mauvaise des solutions autrement que philosophiquement…. si cette estimation peut être réaliste.
La première critique me semble plus basée sur des faits tangibles:
le prévenu a comme avocat un ténor du barreau (tenor version barreau local mais quand même). Il ne daigne pas se déplacer. Mon prévenu refuse l’avocat de permanence. Les OPJ auditionnent. Il avoue, le bougre.

Est il prévu que le prévenu ait le choix de l’avocat?

J’ai lu ici quelqu’un (Iznogoud_qui_fait_des_propositions_relatives) qui ne voulait pas appeler son avocat (pour qu’il se consacre à son affaire principale, ou?) , Maître Eolas en 4 qui donnait des arguments financiers pour ne pas appeler SON avocat , Simone qui écrivait UN avocat.

De plus, je crois que la plupart des gens, sauf s’ils divorcent (là, tomber sur l’avocat de leur conjoint serait gênant pour les deux???) n’ont pas d’avocat attitré…

Enfin, les délais pour récupérer un avocat de permanence dont vous faites état me laissent rêveur : je doute qu’un médecin de permanence qui refuserait de se déplacer (même s’il est mal payé dans ce cas) serait bien vu de son ordre longtemps…

181. Le mardi 19 octobre 2010 à 18:02 par Major Dôme

@sir yes sir en 143
Vous avez deux arguments, l’un d’intendance, l’autre plus éthique (pour lequel je n’ai pas d’opinion) pour “ne pas vouloir” d’un avocat assistant un prévenu au tout début d’une enquête,

le caprice d’un prévenu qui veut SON avocat, induisant des délais, ou , les délais d’acheminement et de réveil (Mon prévenu veut l’avocat de permanence. Il arrive… 16 heures plus tard )d’un avocat de permanence

le fait que des aveux soient parfois la seule solution pour élucider des crimes graves (avec des exceptions historiques que vous soulevez). Ce deuxième argument est plus une question de philosophie/ethique -savoir s’il vaut mieux un innocent en liberté, quitte à ce que des coupables en profitent aussi ou l’inverse- . Peut être qu’une estimation de la proportion d’innocents qui sont susceptibles d’être victimes d’erreurs judiciaires (ou de coupables qui peuvent échapper à la justice) permettrait de choisir la moins mauvaise des solutions autrement que philosophiquement…. si cette estimation peut être réaliste.
La première critique me semble plus basée sur des faits tangibles:
le prévenu a comme avocat un ténor du barreau (tenor version barreau local mais quand même). Il ne daigne pas se déplacer. Mon prévenu refuse l’avocat de permanence. Les OPJ auditionnent. Il avoue, le bougre.

Est il prévu que le prévenu ait le choix de l’avocat?

J’ai lu ici quelqu’un (Iznogoud_qui_fait_des_propositions_relatives) qui ne voulait pas appeler son avocat (pour qu’il se consacre à son affaire principale, ou?) , Maître Eolas en 4 qui donnait des arguments financiers pour ne pas appeler SON avocat , Simone qui écrivait UN avocat.

De plus, je crois que la plupart des gens, sauf s’ils divorcent (là, tomber sur l’avocat de leur conjoint serait gênant pour les deux???) n’ont pas d’avocat attitré…

Enfin, les délais pour récupérer un avocat de permanence dont vous faites état me laissent rêveur : je doute qu’un médecin de permanence qui refuserait de se déplacer (même s’il est mal payé dans ce cas) serait bien vu de son ordre longtemps…

182. Le mardi 19 octobre 2010 à 18:04 par 13zenrv

Je viens de lire les arrêts, c’est encore pire que ce que je croyais. La C. cass vient de décréter ex cathedra que le droit au procès équitable est une norme de valeur inférieure à la bonne administration de la justice (je fais court).

Il va falloir m’expliquer comment la justice peut être bien administrée en rendant des décision sur des procédures iniques. Quelque part ça me dépasse, mais je compte sur le juge européen pour tacler cette énormité.

183. Le mardi 19 octobre 2010 à 18:10 par Escualdifargo

Magnifique ! Quel talent judiciaire ! Et certains de dauber sur la qualité de la magistrature française…. si c’est pas de la mauvaise foi !

Je suis réellement admiratif de ces 3 décisions rendues par l’élite des juridictions judiciaires : l’assemblée plénière de la cour de cassation.

J’aime beaucoup l’argument développé dans deux des trois arrêts par lequel la cour tresse des couronnes de lauriers aux chambres de l’instruction qui ont fait l’exacte application de l’article 6 de la CEDH, et dans le même temps annule les dits arrêts ! A vous écoeurer d’avoir raison.

D’un autre côté ça m’a rajeuni un peu, la cour de cassation a remis au goût du jour la théorie de l’écran législatif que je croyais réservée au droit administratif.

Bref, pour moi c’est quand même du grand n’importe quoi. La seule chambre criminelle aurait suffi pour faire ça.

184. Le mardi 19 octobre 2010 à 18:14 par Pee Jee

“Le jour de gloire est arrivé”, titrez-vous.
De fait, si l’on en croit cet article du Monde, qui vous cite abondamment.

185. Le mardi 19 octobre 2010 à 18:23 par Simone

Cher Maître, en lisant votre dernier papier (sous lequel visiblement il n’est pas possible de laisser de commentaire) je me disais qu’il n’est pas très valorisant de tirer sur les ambulances. Ce syndicat (minoritaire et dont les adhérents, j’en suis certaine puisque j’en côtoie, n’ont pas tous la même vision que le bureau national sur la question qui nous taraude aujourd’hui) se livre à une bataille perdue d’avance. Vous devriez les plaindre plutôt que vous moquer. Vous manquez parfois de compassion.

186. Le mardi 19 octobre 2010 à 18:34 par La Boétie

La volonté de la Cour de cassation de reporter les conséquences de sa décision est en effet navrante et elle servira à ceux des juges qui refusent toujours d’appliquer la jurisprudence Salduz de continuer encore quelques mois. Mais elle n’empêchera pas les autres d’annuler les procédures ou de refuser les prolongations de GAV à la 48ème heure (JLD). Voici quels pourraient être les débuts de leur motivation (en forme de leçon à la cour de cassation sur la séparation des pouvoirs..)
Après avoir repris les arguments de la cour de cassation i.e ceux de la CEDH):
“attendu qu’il n’appartient pas au juge judiciaire de suspendre l’application de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme; que ce pouvoir n’appartient qu’au parlement venant ratifier, le cas échéant, un accord international signé par le pouvoir exécutif; qu’en l’absence d’un tel traité dûment ratifié par le parlement, il y a lieu à appliquer la convention et à annuler etc.”

187. Le mardi 19 octobre 2010 à 19:22 par sir yes sir

Mon cher mékeskidi de base en 154 : je vous taquinais voyons. Le parquetier, surtout qui va se prendre trois nullités de la GAV dans les trois heures à venir, est souvent d’humeur facétieuse.

188. Le mardi 19 octobre 2010 à 21:11 par ranide

@ Jalmad

J’ai retrouvé l’article du magistrat dont je vous parlais.

Il s’agit d’un article de Vincent Lesclous, intitulé “La présence obligatoire de l’avocat en garde à vue . - Point de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme” et paru à la Revue Droit pénal n° 3, Mars 2010, dossier 2.

Je viens de le relire et je trouve que c’est assez amusant parce qu’il lit comme vous le § 32 de l’arrêt Dayanan (c’est-à-dire que le § 32 s’applique à la GAV et pas à la procédure dans son ensemble) mais qu’il en déduit comme moi que l’accès au dossier dès le stade de la GAV n’est pas garanti.

Pour lui l’arrêt Salduz est “central”, en soulignant qu’il a été rendu par la Grande Chambre de la CEDH et qu’il est rédigé comme un arrêt de principe. Il note que sur le plan des principes, cette décision n’apporte pas de véritable innovation en ce qui concerne l’accès à l’avocat en GAV par rapport à l’arrêt Murray (spécialement en relevant que l’arrêt Salduz n’exige pas la présence de l’avocat aux interrogatoires pendant la GAV) ; il situe l’apport de l’arrêt Salduz dans “l’analyse des restrictions susceptibles d’être apportées” à l’accès à l’avocat lors de la GAV, en n’admettant plus que des dérogations “exceptionnelles” motivées par des raisons “impérieuses” (au lieu de “valables” dans l’arrêt Murray).

Les arrêts postérieurs à l’arrêt Salduz sont pour V. Lesclous des arrêts “purement d’application”, le débat portant sur la présence de l’avocat lors des interrogatoires. Il discerne :

- une première ligne d’arrêts, parmi lesquels l’arrêt Dayanan qui “énumère les divers aspects du rôle de l’avocat en garde à vue” (le fameux §32 donc) en soulignant que “la préparation des interrogatoires” n’implique pas “l’assistance à ceux-ci que l’arrêt ne mentionne pas” et que l’arrêt ne cite pas non plus l’accès au dossier.

- une seconde ligne d’arrêts (Karabil c/ Turquie ; Mehmet Ali Ayhan c/ Turquie ; Oleg Kolesnik c/ Ukraine) qui “paraissaient” compterparmi les éléments nécessaires pour un procès équitable, la présence de l’avocat lors des interrogatoires de GAV.

Il concluait “même si la plus grande prudence s’impose, cette série jurisprudentielle ne paraît consacrer
expressément, conformément à la décision Murray qui en est la base, que la nécessité de l’assistance immédiate d’un avocat dès le début de la garde à vue à laquelle le droit positif français paraît satisfaire, sauf exceptions dont il est permis de penser qu’elles entrent dans la notion des restrictions visées par l’arrêt Salduz”.

Dans cette analyse, l’arrêt Brusco est un peu plus qu’un arrêt “purement d’application” puisqu’il tranche expressément la question de la présence de l’avocat lors des interrogatoires (§ 45 La Cour rappelle également que la personne placée en garde à vue a le droit d’être assistée d’un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires, et ce a fortiori lorsqu’elle n’a pas été informée par les autorités de son droit de se taire).

En ce qui concerne la question qui nous occupe et qui porte sur l’accès au dossier pendant la GAV, je me suis rendu compte que les mots étaient piégés.

Lorsque j’ai lu qu’il était question de “l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé” dès le stade de GAV, j’ai compris, sans doute parce je suis avocat et pas magistrat “accès au dossier”. Cet article de V. Lesclous a sonné comme un signal d’alarme : la CEDH ne garantit pas l’accès au dossier dès le stade de la GAV.

Alors deux interprétations possibles :

- la vôtre, le § 32 vise la GAV mais l’avocat doit se débrouiller pour organiser la défense sans dossier et rechercher des preuves favorables dans le huis-clos du commissariat (ou de la brigade de gendarmerie au choix). Moi, je vous le dis, je ne sais pas faire. Voyez-vous je trouve une telle inconséquence proprement incroyable de la part d’une juridiction qui est si fortement attachée à ce que les droits reconnus soient “concrets” et “effectifs”

- la mienne qui consiste à relire le § 32 et à constater qu’il est expressément question de la “vaste gamme d’interventions” de l’avocat qu’à propos de l’équité de la procédure considérée dans son ensemble et non pas particulièrement de la GAV.

J’ajoute, en ce qui concerne la question de l’audition libre prévue par le projet que si la présence de l’avocat aux interrogatoires n’est requise que pour garantir l’effectivité du droit à garder le silence (et c’est bien ce que redit l’arrêt Brusco), il n’y a pas d’incohérence à admettre des auditions libres sans avocat : pas de contrainte donc pas de nécessité de garantir le droit au silence ; pour le reste égalité des deux situations, puisque quel que soit le statut de la personne mise en cause, pas de possibilité pour l’avocat d’assurer une défense effective au stade de l’enquête policière.

En tout cas, l’insuffisance du projet de loi par rapport aux exigences de la Convention ne m’apparaît pas si évidente que cela. Et c’est cela l’objet principal de mon propos.

Sur un point tout de même, même si je ne vois pas encore bien comment articuler ça : la comparution immédiate. On peut différer à après la GAV le moment auquel l’avocat est admis à exercer l’ensemble de ses prérogatives au bénéfice de son client. Mais c’est à la condition qu’il soit encore possible pour l’avocat d’intervenir utilement pour “organiser la défense” et “rechercher des preuves favorables”. Je ne crois pas que le système français soit bien conforme à ces exigences en matière de comparution immédiate et le projet n’y apporte strictement aucun remède. Alors oui je sais on peut demander un report de l’audience et le tribunal peut ordonner un complément d’enquête, mais il n’est tout de même pas très satisfaisant de déférer pour jugement sur la base d’une enquête dépourvue de tout caractère contradictoire. Et la seule présence de l’avocat lors des interrogatoires ne me paraît pas suffisante pour assurer “l’équité de la procédure”. Je suis sensible à cette question, parce qu’il n’y a pas lieu pour la police, pour les magistrats et pour les avocats d’être fier de la manière dont la justice est rendue dans ce cadre-là ; et particulièrement dans des temps d’agitation, où les juges officient sous les yeux de la presse convoquée par le procureur qui veut faire savoir que l’ordre règne dans son département. La compa, c’est vraiment la justice des classes populaires assimilées à des classes dangereuses.

Je vous quitte là et je vous laisse réfléchir. Remarquez, vous avez le temps : l’application de la Convention est suspendue en France, c’est officiel, la Cour de cassation vient de le décréter. Et vu le principe de sécurité juridique et la nécessité de bien administrer la justice, c’est pas avant 2048 qu’on verra les avocats accéder au dossier dès la GAV, compa ou pas compa. Je me moquerai bien alors des droits de l’homme car je mangerai les pissenlits par la racine ; dans la meilleure des hypothèses, je sentirai très fort le sapin.

189. Le mardi 19 octobre 2010 à 22:01 par Teejee (mékeskidi de base)

@ sir yes sir
Vous aviez l’air tellement sérieux que je n’ai pas saisi la subtilité de votre humour (ben oui, mon pseudo le dit bien :”mékeskidi de base” !) ! Ou alors, je me suis laissé impressionner par vos éminentes fonctions. J’espère que votre journée s’est bien passée.
J’apprécie vos commentaires par ailleurs.

Cordialement,

Teejee

190. Le mardi 19 octobre 2010 à 22:04 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Ranide, 188
“l’application de la Convention est suspendue en France, c’est officiel, la Cour de cassation vient de le décréter.” J’ai mal compris, peut-être. La Cour de Cass’ n’a quand-même pas décidé que la France allait faire un bras d’honneur à la CEDH ?

191. Le mardi 19 octobre 2010 à 22:08 par Jacotte

@ La Boëtie
Pas franchement d’accord avec votre motivation : ce n’est pas la convention qui impose la présence de l’avocat en garde à vue, c’est la jurisprudence de la cour.

Il y aura donc des juges qui appliqueront cette jurisprudence, d’autres pas ; comme c’est déjà le cas avec la jurisprudence de la cour de cassation, certains feront de la résistance.

Ça va être un beau bazar…

Mais je vois mal les juges d’instruction et les juridictions libérer les pédophiles, les assassins et autres délinquants peu sympathiques dans les jours qui viennent au motif qu’ils ont passé leur garde à vue sans avocat. Certains ont quand même le sens de leurs responsabilités !

192. Le mardi 19 octobre 2010 à 23:07 par Déclaration de non conformité

@157 “Mais cette mesure (privative de libertés) a tendance à ralentir la procédure. C’est ce que déplorent généralement les policiers. Elle ne serait donc pas très adaptée à certaines situations, notamment lorsqu’elles concernent des “petits” délits.”

D’ou il s’en suit qu’il ne fallait surtout pas permettre de poursuivre sur cette voie avec biensur la mise en conformité à la CESDH, ce qui justifie le recours à l’audition libre, plus rapide, moins ( pas du tout ..) respectueux de la défense.
-cf CESDH et possibilités devant effectivement être connu et applicable par le gardé à vue si il était dans une telle situation.
Nous pouvons ainsi dire qu’en claire cela reviendrait à dire “monsieur l’audition libre se déroule de la façon suivante et voici à quoi vous auriez le droit en cas de placement en garde a vue”. Si elle était conforme aux exigences constitutionnelles et conventionnelles nul doute que le choix serait vite fait et que l’on y verrait là enfin le deuxième effet kiss cool de l’audition libre censé être plus rapide, moins contraignante etc etc ec etc , doux dans la poche fort dans la bouche…

“notamment lorsqu’elles concernent des petits délits”, le notamment signifie que ce n’est pas la condition exclusive selon vous, y a t il d’autres élements que j’ignore ? c est probable, la CESDH ne se résumant pas qu’à son article 6.

193. Le mardi 19 octobre 2010 à 23:37 par revulcif

@Simone/157

Mais cette mesure (privative de libertés) a tendance à ralentir la procédure. C’est ce que déplorent généralement les policiers. Elle ne serait donc pas très adaptée à certaines situations, notamment lorsqu’elles concernent des “petits” délits.

perso je n’aurais rien vraiment contre à ce stade contre une “audition libre” de très très courte durée , mais à la condition qu’elle soit toujours formellement actée en début, toujours complètement enregistrée, et défalquée de la durée de GAV éventuellement à suivre.

Toujours une camera, si avocat pas là !
Si avocat là, alors pas besoin de camera  !

194. Le mercredi 20 octobre 2010 à 01:49 par Paris XIII Villetaneuse

Big-up à Bertrand Périer

195. Le mercredi 20 octobre 2010 à 09:25 par Fassbinder

J’approuve Maitre Eolas en tout point.
Heureuse que cette infamie envers l’être humain soit remise en cause par des républicains…
Je ne suis pas une ‘délinquante’ dans l’absolu, n’ayant jamais commis d’actes délictuels envers mon prochain que D.ieu m’en garde (excepté sur mon ‘ami’), mais ayant subie parfois plus d’une dizaine de gardes à vue de 24H par mois si ce n’est plus…
Mise en gav pour un délit bien codifié mais celui-ci faisant parti d’un monde à part vu qu’aucun droit n’y ait stipulé dans l’immédiat, aucun avocat, aucun médecin, aucun procureur ne peut y avoir accès…

Des souvenirs me reviennent à la lecture de votre billet et des coms :

Un soir de rafle, après 24H de gav ayant demandé à voir un médecin fatiguée d’interpellations dicontinues sur près de 6 ans, non pas que j’étais malade loin de là mais les OPJ me mettaient des coups de chauffe (auditions toutes les heures, claques sans discontinuer,humiliations verbales sexuelles, paluches et trombi intentionellement ratées, menaces d’appeler les parents si je ne disais rien…), on me dit ’ ici c’est comme sur le trottoir, va falloir sucer ‘

Bref, ces soirs là pour retrouver la ‘liberté’ (vu que le taulier ne pardonne pas les mise en GAV, la mise à l’amende pour le manque dû est sévère dans ce cas là) ou pour épargner une crise cardiaque aux parents, je me suis prêtée assez souvent bureaux fermés, à soulager la Liberté, l’Egalité et la Fratenité…

Ha ha ha cool, je vis avec mais il n’y a pas une seule fois où mon coeur ne crêve pas en y pensant, ces soirs là où je me suis agenouillée la peur au ventre en occultant celle-ci par la bouche…

Alors oui, après toutes ces années de souffrance à tendre les mains derriere le dos à chaque rafles et n’avoir pour seule défense qu’un orifice, je suis là Maître, je n’ai plus peur vous savez !

Je vous embrasse cordialement.

196. Le mercredi 20 octobre 2010 à 09:43 par Fassbinder

@Simone

Bonsoir,
J’aimerai tant que chaque flics soient aussi digne que vous l’êtes mais malheureusement en 6 ans de pratique ma bouche vous répond que c’est dur d’y croire…

j’essaieraie de répondre sur certains points dans vos coms qui m’interpelle quand même mais l’heure des Tropiques me rapelle l’heure du sommeil…
Bonne journée

197. Le mercredi 20 octobre 2010 à 10:33 par aimemji

Commenter avec humour, voire ironie la prose souvent consternante d’un syndicat particulièrement corporatiste… c’est effectivement distrayant et effectivement instructif, au regard de la qualité des commentaires. Mais est-ce bien raisonnable ? Ce syndicat réactionnaire mérite-t-il une telle publicité -même négative- de votre part ?

198. Le mercredi 20 octobre 2010 à 11:54 par récap59

Essayons de voir le bon côté des choses.

Pour l’avocat les conclusions sont beaucoup plus faciles à rédiger quand la partie adverse ne conteste ni les faits ni le droit.

Devant la justice européenne il sera d’autant plus facile de prouver que la cour de cassation viole la CESDH qu’elle ne s’en cache pas : elle le revendique, même, et a annoncé officiellement son intention de continuer à le faire pendant encore de longs mois.

Si avec cela nos avocats ne parviennent pas à obtenir gain de cause à Strasbourg….

199. Le mercredi 20 octobre 2010 à 12:43 par sir yes sir

j’ai lu avec d’autant plus d’attention les commentaires faisant référence aux arrêts d’hier de la C.CASS que j’en ai pris connaissance au cours de mon audience, grâce à une douce collègue qui m’en a apporté copie afin de me permettre de ferailler avec mes adversaires en défense qui soulevaient moult nullités.

Le débat était ardent, et ce d’autant plus que dans mon ressort (je n’en dirai point trop afin de ne pas dévoiler mon vrai visage) une juridiction du deuxième ressort a annulé une garde-à-vue en référence à son in conventionnalité.

bien sûr à la lecture de ces arrêts le parquetier que je suis a pu se lever, et triompher, en se drapant dans le principe de sécurité juridique si cher à nos si suprêmes juridictions.

Je ne puis vous révéler la fin de l’histoire, les dossiers ayant été mis en délibéré ; je ne sais donc point si mon collègue du siège fera droit à ces demandes de nullité.

Alors bien sûr, je suis juriste. Et à la lecture de ces arrêts je désespère que le plan du droit : soit notre loi est conforme à la CEDH, dont acte ; soit elle ne l’est pas. Et en ce cas on voit mal ce qui justifie qu’on la tolère jusqu’en juillet 2011.

Mais aussi je suis membre du ministère public, et donc quelque peu pragmatique. Car je ne puis m’empêcher d’être soulagé de pouvoir brandir ce joli parapluie que m’a offert la C.CASS (j’avoue en avoir un peu honte d’ailleurs, mais je ne suis pas à un paradoxe près ces temps-ci) : qu’aurais-je fait si elle n’avait pas sorti de son chapeau le principe de sécurité juridicique de toutes les procédures en cours, comportant des GAV qui parfois ont été prises avant même que le débat sur sa conventionnalité ne se fasse jour ? Qu’aurais-je fait des instructions en cours, avec de belles GAV ayant donné lieu à des aveux magistraux (aveux qui ont bien sûr servi de fondement à la mise en examen et aux investigations diligentées sur commission rogatoire) ? et qu’aurais-je fait lors des sessions d’assises qui vont prochainement s’ouvrir (avec des fois des vrais méchants dedans) ?…

Alors oui c’est tout pourri comme solution, j’en conviens… mais ça a le mérite de ne pas remettre en cause trois ans de travail.

200. Le mercredi 20 octobre 2010 à 14:35 par beldeche

L’impression qui se dégage de ce débat c’est que le législateur et le système judiciaire ont tout fait pour maintenir en place le système de GAV actuel.
Une espèce de déni de réalité collective, un peu comme si la France allait réussir à maintenir un système d’exception.

Le sentiment très confus, très fragile et très lointain que j’ai, c’est que la cour européenne est en train de regarder comment la France se met en conformité.
Sa réaction par rapport aux arrêts de la cour de cassation sera, à mon avis, inspiré par la crédibilité du système d’audition libre.

Un tel renversement du process de GAV doit nécessiter des jeux d’équilibristes juridiques vertigineux pour maintenir une cohérence de fonctionnement mais une réformette me parait bien plus dangereux.

Dieu merci je ne suis pas juriste (si vous me passez l’expression).

201. Le mercredi 20 octobre 2010 à 14:43 par ranide

@Yes sir yes

Dites, vous êtes sûr que vous n’en rajoutez pas un peu là ?

Non parce que pour les dossiers qui viennent en jugement après l’instruction, il me semble que toutes les nullités tirées de la GAV et de l’instruction sont purgées par les ordonnances de renvoi ou de mise en accusation. Mais il est vrai que les aveux en garde à vue ne pourraient plus à eux seuls fonder une condamnation. Maintenant si au bout de 3 ans d’instruction vous n’avez pour vous appuyer que ces fameux aveux, il n’y a pas que la solution trouvée par la Cour de cassation qui est pourrie, vos dossiers aussi.

Pour les procédures d’instruction en cours, combien de procédures (de plus de 6 mois) qui reposent entièrement sur les aveux passés en garde à vue ? Et quelle imprévoyance, parce que ça fait un moment que la CEDH dit que le droit d’accès à l’avocat ne peut être restreint que très exceptionnellement et au cas par cas. Quand je pense à ce malheureux JLD de Bobigny qu’on a traîné dans la boue il y a quelques mois parce qu’il refusait de prolonger des gardes à vue, motif pris justement de la Convention…

Restent les dossiers qui passent en jugement sans passer par la case instruction : s’ils ne reposent que sur des aveux, méritent-ils d’être sauvés ? A priori, cela concerne des faits beaucoup moins graves que ceux que vous évoquez.

Je suis quant à moi persuadé que l’intervention de l’avocat aura moins d’effet dans les gros dossiers de trafic (les méthodes d’enquête changeront, les interpellations et les gardes à vue seront différées) que dans les petits dossiers (en tout cas pour ceux qui feront l’objet d’une garde à vue et qui ne renonceront pas à l’avocat).

Maintenant de vous à moi, la purge par la Cour de cassation de toutes les inconventionnalités passées aurait été beaucoup mieux accueillie si elle ne s’était pas étendue aussi et par anticipation aux inconventionnalités à venir dans les 9 prochains mois.

202. Le mercredi 20 octobre 2010 à 14:47 par herve_02

@ sir_yes_sir :

C’est cool comme république irréprochable, vous me donnez envie de croire dans vos institutions.

Et puis, quel est la probabilité que vous vous retrouviez, vous, dans le cas de l’innocent en prison ? nulle puisque vous “êtes de la maison”. C’est pour cela que cette solution pourrie vous satisfait. Mais vous faites bien peu de cas du vivre ensemble.

C’est vrai que tous les policiers ne sont pas pourris, que tous les crs ne sont pas des psychopathes qui aiment frapper, que tous les parquetiers ne veulent pas du chiffre peut importe la culpabilité ou non, mais de la même manière que
tous les chômeurs ne sont pas des fainéants, tous les rmistes pas des assistés, tous les roms pas des délinquants, tous les arabes pas des islamistes, tous les grévistes pas des anarchistes irresponsables, tous les étudiants pas des casseurs immatures … ah ça non ça marche que pour l’institution le “présumé innocent”… ah zut… pas de bol pour nous, pauvres pécheurs.

203. Le mercredi 20 octobre 2010 à 15:32 par promotion "TGV-Est"

Je force le trait pour être sûr de comprendre ;”La peine de mort est abolie, mais pour des raisons administratives de sécurité juridique, l’abolition prendra effet une fois qu’il n’y aura plus de personnes déjà condamnés en attente d’exécution”.
C’est vraiment ça que ça veut dire, l’arrêt de la cour de Cassation ?

204. Le mercredi 20 octobre 2010 à 16:01 par sir yes sir

A Ranide (201) : il m’est arrivé de batailler sur un dossier où je n’avais QUE des aveux… Difficile de chercher autre chose dans des dossiers d’infractions sexuelles révélées 10 ans après les faits et où, chose rare, le mis en cause avoue les pires infamies au cours de sa GAV. Bien sûr c’est rare les dossiers où je n’ai que ça. Je ne suis pas un parquetier du 18ème siècle, je ne considère pas l’aveu comme la reine des preuves. Mais même sans parler de n’avoir aucun élément, nous savons bien qu’en cas d’aveux, s’il y a d’autres éléments qui constituent un faisceau important de présomptions, ce faisceau se trouve largement fragilisé si le prévenu revient sur ses déclarations et a fortiori si la juridiction de jugement fait l’impasse sur ses déclarations en GAV.

Après j’ai dit que j’étais d’accord avec vous sur la position de la Cour que je trouve très tendencieuse.

A herve_02 : si vous me connaissiez mieux vous ne me prétriez pas de si insipides considérations. Mais vous ne me connaissez pas.
Je crois (mais peut-être me trompe-je?) que j’essaye d’être nuancé. J’aimerais assez qu’il en soit de même lorsqu’on souhaite m’apporter la contradiction, qui est la bienvenue. Et quant à la présomption d’innocence, dont je fais grand usage des dizaines de fois par jour quand j’effectue des classements sans suite et à laquelle je me réfère chaque fois qu’un de mes collègues (ou moi-même) a poursuivi un dossier qui à l’audience se révèle ne pas tenir, je crois ne pas avoir de leçon à recevoir.

205. Le mercredi 20 octobre 2010 à 16:58 par herve_02

Ce que je veux dire sir_yes_sir, c’est que pour celui qui est de l’autre coté du marteau : il FAUT ABSOLUMENT un contre pouvoir à la “conviction” de l’opj et du parquetier.
Je suis désolé que cela ne vous satisfasse pas, mais je ne veux pas dépendre de la bonne volonté de mon “interlocuteur”. Parce que oui, peut être, que vous êtes de bonne foi, respectueux de l’innocent, mais rien ne me le _prouve_, rien ne me prouve que dans 15 jours vous n’aurez pas une mauvaise intuition et que ce sera moi qui prendrait cher, rien ne me prouve que l’interrogatoire oppressant par un ‘opj’ n’aura pas pour but de me faire craquer en vengeance d’une autre affaire politique locale.

Alors non je ne vous connais pas (heureusement pour moi, mon cas ne vous a pas été présenté comme délinquant), mais je trouve dommage qu’en tant que “défense” de la société vous soyez heureux de pouvoir violer les droits de l’homme pour “faire votre travail”. En tant que représentant de la société vous devez être, plus que tout autre, un exemple d’irréprochabilité. C’est comme l’armée US qui explique que la torture pour sauver des vies humaines…. Alors, non j’ai conscience qu’on ne torture pas dans les GAV, enfin certains en meurent des GAV et les “poursuites” _semblent_ peu véloces ou féroces .

Regardez les _préfectures_ qui commentent des actions illégales et le font vite pour expulser des personnes qui ne devraient pas l’être. Vous êtes peut être _juste_ mais je veux être protégé de celui qui n’est pas juste et qui peut _lui aussi_ violer les droits de l’homme pour me faire du tord, à tort.

Enfin, sans vouloir paraître pinailleur, n’est-ce pas un échec et un aveux d’avoir mal fait son travail, que de voir _seulement_ à l’audience que le cas ne “tient” pas : cela veut pas dire qu’il aurait fallu un interrogatoire plus musclé, mais une enquête plus “professionnelle”. Peut être qu’en respectant les droits de l’homme : vous vous seriez aperçu, bien avant l’audience que c’était une non affaire : vous auriez gagné du temps, l’opj aussi, et le “prévenu” n’aurait pas acquis une rancoeur tenace contre l’institution supposé le défendre.

206. Le mercredi 20 octobre 2010 à 18:01 par Frère de la Côte

@]102
en tant que “défense” de la société vous soyez heureux de pouvoir violer les droits de l’homme pour “faire votre travail”
Ceci est un procès d’intention (avec de vagues références historiques, un lien vers les Etats-Unis qui est dénué de toute logique, des généralités absurdes -les bassesses des préfectures qui expulsent _extrajudiciairement, donc sans procureurs!- , un grand tout, un magma loufoque, une ragougnasse d’argumentation).
Etes vous bien sûr que siryessir n’a pas brûlé Jeanned’Arc , le Reichstag et la bibliothèque d’Alexandrie, tant qu’à faire!!!.
enfin certains en meurent des GAV
On meurt bien davantage des suites de sa naissance (100% de létalité) et les morts suspectes en garde à vue sont très rares depuis 15 ans…

ET les exemples qu’il donne (crimes dont la seule trace est dans la mémoire de celui qui les a commis -donc la seule preuve repose sur des aveux, le reste étant des présomptions sans valeur juridique-) sont convaincants

207. Le mercredi 20 octobre 2010 à 18:17 par Simone

@ sir yes sir (passé lui aussi du côté obscure de la Force)
A lire les différentes interventions ici sur ces fameux “aveux” (vous savez, ces trucs que l’on obtient à coup de bottin et de propos déformés, et qui nous évitent de trop nous fatiguer à la tache), j’en viens à me demander pourquoi les policiers s’évertuent à recueillir les déclarations des mis en cause, à leur poser des questions puisque la parole prononcée devant un enquêteur ne vaut rien, qu’elle est intrinsèquement sujette à caution. Je propose donc de simplifier la procédure et de ne laisser à la charge des enquêteurs que le recueil des plaintes, les constatations, les analyses scientifiques (quand c’est possible) ainsi que le relevé d’identité du suspect. Une fois tout ceci terminé, nous vous laissons le soin, à la lecture de nos petits dossiers purement factuels et tout en superficialité, de renvoyer tout le monde (plaignant, témoins, mis en cause, experts, etc…) devant au moins trois juges indépendants (“plus professionnels”) qui finiront, dans le plus pur respect de la procédure contradictoire, les investigations et prendront note des explications de chacun, à charge donc pour eux de réussir à en extraire cette tant recherchée Vérité (ce ne devrait pas être trop compliqué puisque l’avocat de la défense devrait a priori la détenir). Qu’en pensez-vous ?

@ hervé_02 (205)
Bafouer les individus et violer les droits de l’homme, c’est ce qui nous permet de nous lever le matin. Ne nous enlevez pas cela d’un coup, ça pourrait être dangereux pour notre équilibre (déjà fragile).

208. Le mercredi 20 octobre 2010 à 20:59 par herve_02

@simone
Oh oui, venez violer mes droits de l’homme dès potron-minet (mais seule, sans vos collègues masculins) :-)

Simone, si vous voulez que l’on vous respecte et que l’on vous aime, admettez qu’il est bon que le _droit_ vous protège de l’image que peut donner vos mauvais collègues en les “punissant” lorsqu’ils ont dérapé plutôt que de les couvrir : et en ne leur donnant pas les moyens de déraper.
Dura lex …. sed lex, mais pour tout le monde.

@frère de…
Il manque populiste et poujadiste dans votre harangue, ça aurait donné un peu plus de poids à votre saine argumentation et ca vous évite de répondre sur le fond.

Vous pouvez toujours trouvez des excuses et des argumentations qui “justifient” peu ou prou telles ou telles pratiques, cela n’en reste pas moins contraire à la CEHD : on ne peut le nier, c’est un fait. Lorsqu’un prévenu vous explique qu’il roulait vite parce que sa maman était souffrante ou mourante parce qu’il n’avait pas fait attention, parce que …. cela n’arrête personne pour lui coller une prune et -3 points. Pourquoi ? parce que c’est la loi et le droit. On peut le comprendre parfaitement. Maintenant lorsque c’est la loi et le droit et que cela ne vous arrange pas, c’est moins “grave” …. pourquoi ?

Vous regardez la “chose” à l’aune de la complainte d’un “procureur(?)” qui traite des 100aines de cas par an et si, dans le lot, 5-10 ça merde et qu’un pauvre bougre s’en prend plein la gueule, en pourcentage ça fait pas beaucoup. Mais regardez du coté du pauvre bougre, seul, qui lui s’en prend plein la gueule car il aura été désagréable avec l’opj “de base” qui était fatigué à ce moment là ou parce que c’était un mauvais opj (il doit y en avoir non ? statistiquement ?). Pour lui, c’est 100% de merde, et JE trouve ça très grave. Et cette défiance envers la justice et la police vient justement à cause de la “justification” de cette situation : oui c’est pas super, mais on peut pas faire autrement, “de toute façon, si t’es là c’est que t’es pas clair”.

Est-ce que vous vous rendez compte, une seule minute que la france est condamnée COMME LA TURQUIE que le nain-sident refuse en europe à cause des droits de l’homme ? La Turquie, la roumanie ! ! !

Maintenant pour “concilier” tout le monde on pourrait aller vers une position intermédiaire : ok, on continue comme cela, mais si il s’avère que l’opj à _utilisé_ cette procédure pour obtenir par la _force_ des aveux _faux_, l’opj se prend, en “compensation”, la peine qu’encourrait le justiciable par les textes (sans que la hiérachie le couvre.) Ce serait une mesure _simple_

Avec le pouvoir, vient la responsabilité. Je peux comprendre que pour certains cas, il y a peu de moyen, mais êtes vous prêt à expliquer à celui qui s’en est pris plein la gueule pour rien qu’il est “tombé” pour la france et sa justice ? sans compensation et même sans excuse, parfois dans un “jugement” rapide, comme honteux ?

Oui, on meurt d’avantage de naissance qu’en garde à vue (si ça c’est pas une une “ragougnasse d’argumentation” …), maintenant si les morts en garde à vue sont “couvertes”, nous ne sommes plus dans un état de droit. Cela ne me pose pas de soucis, je n’ai rien à me reprocher (ah ah), mais autant le dire tout de suite : “ok, on est pas vraiment dans un état de droit, mais la france si tu l’aimes pas, tu la quittes.”

Enfin, cherchez google “mort en garde à vue” vous verrez c’est moins que mort naturelle, certes, mais c’est plus que “mort par agression d’un chien dangereux”, mais étonnamment, il y a une loi contre les chiens dangereux, et pas contre les morts en GAV. La vie est mal faite, en fait, c’est une “ragougnasse de vie.”

209. Le mercredi 20 octobre 2010 à 22:58 par revulcif

@ simone/207
Je propose donc de simplifier la procédure et de ne laisser à la charge des enquêteurs que le recueil des plaintes, les constatations, les analyses scientifiques (quand c’est possible) ainsi que le relevé d’identité du suspect

et pourquoi pas ?
Ce ne serait d’ailleurs pas simplifier la procédure, puisque vous ne voyez là la procédure que par votre “lorgnette à vous” , mais très simplement transférer la phase d’interrogation d’un mis en cause ailleurs et devant et cet ailleurs et devant ne peut être qu’indépendant des pouvoirs, le mis en cause pouvant toujours être assisté.
Devant Un magistrat indépendant ? ça me rappelle quelque chose ?
Mais quoi ?
ha oui ! cela me reviens : un juge d’instruction ! :D

Adaptez vous à l’avenir et passez donc le 2eme concours maintenant Simone  ! :D

210. Le jeudi 21 octobre 2010 à 09:15 par sir yes sir

Oh oui oh oui, confions les centaines de milliers d’interrogatoires à effectuer par an à un magistrat indépendant, qui se délectera des vols de vélo, des excès de vitesse, des conduites sous l’empire d’un état alcoolique, des infractions àa la législation sur la chasse, les soldes… Oh oui, multiplions les effectifs de magistrats par 20 et les délais d’audiencement par trois !!

Moi je propose chère Simone d’abolir la police nationale, trop passéiste, trop suspecte. Je suis sûre que même les témoignages et les constatations techniques, vous les recueuillez par la force.

Et Hervé_02, pourquoi faire peser sur les policers la charge de leurs erreurs ? N’était-ce pas à moi d’éviter les loupés ? pourquoi donc ne pas faire peser sur moi la peine qu’encourait le pauvre innocent que j’ai injustement traîné en justice ?

J’avoue trouver agaçante votre référence à la “complainte du procureur”, ainsi que votre agressivité latente et votre indignation outragée parce que la France a été condamnée par la Cour européenne. Comme si d’ailleurs c’était la première fois… On a déjà été condamné pour torture, il me semble que pour autant on n’avait pas aboli la garde-à-vue. A votre grand regret apparemment…

je n’ai pas dit que cette solution était satisfaisante d’ailleurs, ce que vous feignez d’oublier. Je n’ai même pas dit que le système actuel me convenait parfaitement, ni que j’étais favorable à ce qu’on fasse tout pour que mes sanguinaires OPJ puissent continuer à extirper des aveux douteux dans l’ombre afin que je puisse continuer à faire commettre 5 à 10 erreurs judiciaires par an.

Maintenant Hervé_02, êtes-vous prêt à expliquer à la partie civile que les aveux de son père, qui l’a abusée de ses 8 à ses 17 ans, il y a vingt ans, et qui a tout raconté par le menu sordide au cours de sa GAV, ça compte pas, c’est pour du beurre, parce que ça fait des décennies que la GAV ne respecte pas les dispositions sur le procès équitable ?
alors bien sûr on va me dire que l’argument joue sur les sentiments et qu’il est un peu facile, ce dont je veux bien convenir. Mais parfois c’est ça, la nullité de la GAV.
Je ne dis pas pour autant qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs et que pour traduire de vrais méchants en justice il faut bien faire condamner quelques innocents. J’ai dit que cette perspective me faisait froid dans le dos.

Tout n’est pas tout blanc ou tout noir cher herve_02; moi qui suis un gros vilain procureur, pour une fois que j’essaye d’être modéré et juste de faire part de mes doutes, laissez moi mes nuances de gris.

211. Le jeudi 21 octobre 2010 à 14:33 par Résident du Pouvoir d'Achat

Est-ce que vous vous rendez compte, une seule minute que la france est condamnée COMME LA TURQUIE que le nain-sident refuse en europe à cause des droits de l’homme ? La Turquie, la roumanie ! ! !
Je sais depuis au moins 6 mois que le refus de faire entrer la Turquie en Europe est ” basé ” sur des “arguments de civilisation” (étant musulmans, ils déplairont à mon électorat favori et puis, les musulmans c’est po bien) beaucoup plus que sur des arguments “droits de lhommistes”, pour lesquels NS n’a que sarcasmes … tant que ses amis ne sont pas victimes de lynchages_et_prises_en-otage, aux “relents” d’avant guerre…

Maintenant pour “concilier” tout le monde on pourrait aller vers une position intermédiaire : ok, on continue comme cela, mais si il s’avère que l’opj à _utilisé_ cette procédure pour obtenir par la _force_ des aveux _faux_, l’opj se prend, en “compensation”, la peine qu’encourrait le justiciable par les textes (sans que la hiérachie le couvre.) Ce serait une mesure _simple_
Une mesure plus simple, et plus efficace, consisterait en cas de bavure à suspendre sans traitement l’intégralité de la hiérarchie
ce jusqu’au sinistre, qui peut avoir une responsabilité politique, ne serait ce qu’en entretenant /créant une pénurie de moyens dont ni les magistrats, ni les policiers ne peuvent être tenus responsables. Notez qu’une pratique politique actuellement assez courante consiste, en empilant les contraintes, à pousser quelqu’un/une profession à la faute, et ensuite expliquer qu’il/elle est inutile ou nuisible.
. Le seul inconvénient que j’y vois est que ça aboutirait, en pratique, à ce que tout le monde passe son temps à se couvrir… mais l’hiver approche…

212. Le jeudi 21 octobre 2010 à 19:01 par herve_02

@Sir, yes Sir

La problématique de base ne vient pas d’un cas en particulier, mais du cadre législatif et des pratiques en vigueur. Je veux bien comprendre qu’il y a des milliers d’opj et de procureur honnête et qui font un travail difficile dans de mauvaises conditions, avec des volontés politiques qui ne sont pas saines et ne veulent pas donner les moyens.
Ok so what .?

Que fait-on pour éviter qu’un mauvais opj fasse volontairement un mauvais travail ? elle est là la question, elle n’est pas de savoir sir robert va taper sur un “suspect” parce qu’il est énervé, ou, plus proche de nous - cf Fassbinder @195 - que un ou plusieurs opj ou op ou apj ou ap vont “contraindre” à certains actes. Qu’est ce qui existe dans la loi, dans le CPP, dans la jurisprudence et dans la pratique du métier pour que cela n’arrive pas.

C’est peut être un cas sur mille, mais si c’est votre femme qui tombe sur le cas en question, pas de témoin, la caméra “en panne” c’est quoi votre manière de réprimer cet acte ?

Attention, je ne dis pas que c’est un cas général, je ne dis pas que tous sont comme cela, mais qu’est ce qu’on fait MAINTENANT pour que ca ne PUISSE pas arriver ? Ce n’est pas une agressivité latente que de poser inlassablement la même question, sous différente forme et de n’avoir aucune réponse, AUCUNE réponse.
Ah si j’en ai une : on meurt plus souvent d’être né. cool.

Toutes les réponses sont des procès d’intention sur ce que je penserais ou sur mon “incapacité” à réfléchir intelligemment.

Pourtant c’est une question simple : qu’est ce qui est fait pour éviter cela.

La “non validité” des aveux en GAV SANS AVOCATS est UNE solution pour éviter que l’opj “dérape” en voulant boucler un dossier plus vite, parce qu’il n’a pas les moyens d’aller interroger tout le monde, de faire une enquête approfondie
OK, ca peut marcher dans 90(?)% des cas et le “suspect” sera bien l’auteur des faits, mais si c’est M. kagamate ou patrick Dils … on fait quoi ?, on passe à perte et profit ? le pauvre bougre, car il y a de forte chance qu’il soit pauvre et pas très cultivé.

Maintenant si vous en avez une autre solution , pas de soucis proposez, mais de grâce pas la peine de me sortir le couplet du maichant pédophile qu’on peut juste arrêter parce qu’il a avoué en garde à vue. On le sait depuis longtemps que c’était pas conforme mais tout le monde s’en foutait, les juridictions envoyaient bouler, et les cass pareil. Il a fallut la tête dans le mur sur la déclaration des droits de l”homme pour que cela fasse un peu bouger les choses. Oui ce serait dommageable que ce vilain monsieur ne puisse pas répondre de ses actes. Vous étiez là lors de l’interrogatoire pour savoir comment cela c’est passé ? peut-être que c’était clean et pro (j’espère de tout coeur) et peut être pas. Est-ce que c’est lui ? est-ce que ca c’est passé comme cela ? Est ce que VOUS pouvez certifié à 100% que ce que vous allez défendre est la réalité vraie ? Je ne demande rien d’autre que d’avoir une confiance aveugle dans la justice. Mais pour cela il FAUT que les procédures ne puissent pas permettre à des officiers de “contourner” les textes et les règles, car c’est MA protection : c’est l’application stricte des textes par TOUTE la chaine judiciaire et la punition “exemplaire” de ceux qui dérapent qui fait que demain je (ou d’autres) pourront avoir confiance en la justice. Parce que lorsque vous êtes juges (devoir démêler le vrai du faux dans une affaire) et partie (devoir rendre compte de vos “chiffres”) ca ne peut pas marcher, sauf avec que des hommes intègres. Et 100% d’intègres ca n’existe pas, nul part. Vous faites quoi pour protéger le citoyen contre ceux qui ne sont pas intègres ? (les poursuites semblent assez rares contre les forces de l’ordre.)

Elle est là la question de base : est-ce qu’on est prêt à _RISQUER_ de mettre des innocents en prison pour utiliser un raccourcis et aller plus vite à mettre des coupables sous les verrous. L’image que vous donnez dans votre post, et Simone également, est “OUI c’est pas cool, mais on y peut rien”. Ben non je suis pas d’accord. D’abord parce que la parole d’un opj vaut plus que celle d’un suspect : déséquilibre. La contrainte de la garde à vue  : deuxième déséquilibre. Politique répressive : 3ème déséquilibre. Ça fait beaucoup.

Je ne vous accuse pas, pas plus que Simone, d’être maichant et retors, je pose juste la question :
” on fait comment pour lutter contre les mauvais dans le corps de la justice”

213. Le vendredi 22 octobre 2010 à 10:38 par bernadic

A Sir yes sir,

votre opiniatreté à présenter objectivement votre belle et difficile mission est remarquable.

Je crains néanmoins qu’elle ne soit éternellement vaine avec certains de vos interlocuteurs peu au fait des choses et docteurs cum libro.

214. Le vendredi 22 octobre 2010 à 16:30 par beldeche

Ha mais je ne comprends pas, je suis sûr que les premiers à critiquer sir yes sir sont également ceux qui aiment Manuel de Valos.
Avez-vous songé à prendre une voyante pour pallier à la réforme de la GAV ?

Sinon, peut-être qu’il faudrait qu’un ou des procureurs de ce site fasse un billet / profession de foi afin d’expliquer ce qui les a motivé à devenir procureur.

215. Le vendredi 22 octobre 2010 à 21:32 par natgif

Beldeche : Devalos. En un mot (Manuel de son prénom). Et pour de vrai à Phoenix, les avocats sont présents. Même si on ne les voit pas beaucoup dans la série…

216. Le samedi 23 octobre 2010 à 22:39 par Tête de Fossoyeur

Encore, encore Eolas! Mes révisions de grand O sont enfin intéressantes - enfin surtout vivantes - et les sujets sur lesquels je comptais me pencher sont traités ici… Mais on en veut encore, encore du Rom (Acte II), de la déchéance de nationalité, du cynisme et de l’impertinence! Merci.

217. Le dimanche 24 octobre 2010 à 12:54 par Iceman

Excusez mon inculture Maitre mais si j’ai bien lu “le délit de solidarité n’existe pas, et d’ailleurs, on va le modifier”, je me pose la question suivante :

Comment modifier quelque chose qui n’existe pas ? On peut, tout au plus, le créer mais certes pas le modifier. Si quelque chose est modifiable, c’est donc qu’il existe CQFD.

218. Le dimanche 24 octobre 2010 à 16:07 par Résident du Pouvoir d'Achat

@herve-02, en 212 : toutes les abominations que vous narrez sont le fait de policiers, ce qui rend la question ” on fait comment pour lutter contre les mauvais dans le corps de la justice” que vous posez à la fin illogique ou, au mieux, décousue…

@Iceman, en 217 : Comment modifier quelque chose qui n’existe pas ?
Désolé de répondre à la place de Maitre Eolas, mais vous m’avez l’air d’être un sacré mécréant, drapant sa gocho-boboïtude derrière une logique purement formelle. Il suffit (et ceci M’a été confirmé par deux visites successives au Vatican) de garder la Foi dans Nos Ministres (Besson http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2…).
Vade Retro, Iceman!!!

219. Le lundi 25 octobre 2010 à 11:51 par chikipi lawyer

Cher Eolas, au secours. suis de permanence cet apm à Paris. M’assurez vous que je peux avec mon aplomb de jeune avocat soulever systématiquement la nullité de la gav si mon client a été entendu ce we hors présence de son avocat? in limine litis bien sur … Merciiii.
(c’est too much de vous demander si à tout hasard vous auriez un modele de conclusions?)

220. Le lundi 25 octobre 2010 à 14:47 par Simone

@ chikipi lawyer (219)
Peut-être pourriez vous, comme le suggère le Syndicat de la Magistrature, commencer par soulever l’inopposabilité des déclarations “incriminantes” recueillies hors la présence d’un avocat ?
J’en profite pour rebondir et évoquer auprès du Maître des lieux la possibilité pour un OPJ de passer outre la décision d’un gardé à vue de ne pas être assisté par un conseil, la possibilité donc de lui imposer un avocat lorsque l’on sait qu’il “va se mettre à table”. Initialement teintée d’ironie, ma remarque s’avère finalement plus ou moins sérieuse.

221. Le lundi 25 octobre 2010 à 21:59 par zadvocate

Mon cher confrère, aujourd’hui je suis passé aux travaux pratiques dans le cadre de deux dossiers de comparution immédiate. Dans le premier cas, deux jeunes sont placés en garde à vue pour une tentative de vol aggravé par deux circonstances. On leur notifie leurs droits (enfin ceux qui figurent dans le CPP) et ils sollicitent l’entretien avec l’avocat. Dans le second, le gardé à vue qui a reconnu lors d’un contrôle routier rouler sans permis et après avoir fumé du canabis, renonce à son droit de rencontrer un avocat.

Je prépare donc des conclusions pour obtenir a minima la nullité de toutes les auditions, confrontations des gardés à vue. Ca a surtout un intérêt dans le premier dossier ou les déclarations des gardés à vue sont confuses et contradictoires donnant un faible impression de crédibilité. Surtout, le reste du dossier est assez faible. Dans le second, mon exception a un intérêt limité de mon point de vue puisque les faits ont été reconnus avant même le placement en garde à vue mais le client qui a renoncé à son droit de rencontrer un avocat s’enfonce tout seul en indiquant aux gendarmes avoir été condamné 15 jours plus tôt pour la même chose. Or cet élément n’est confirmé ni par son casier ni par la chaîne pénale, en gros ca ne figure que dans ses déclarations.

J’explique au tribunal que si les décisions de la cour de cass sont à effet retardé (je m’interroge encore sur la faisabilité de la chose mais bon), l’arrêt rendu par la CEDH est immédiatement applicable et transposable à notre système de garde à vue actuel.

Je soutiens l’irrégularité de toutes les auditions des gardés à vue, en demande le cancellement. Je vais même (sans grand espoir) soutenir que le pv de comparution immédiate doit être jugé irrégulier car je considère qu’il n’existe que parce qu’il y a eu garde à vue au préalable (l’espoir fait vivre mais en même temps je n’ai jamais connu de CI sans garde à vue préalable)

Le Parquet soutient que pas du tout, si la Cour de cass a dit qu’il fallait attendre 2011, le tribunal n’avait pas à tenir compte de l’arrêt de la CEDH. Le substitut d’audience finira par dire que si le tribunal annulait, elle se rangerait à sa décision.

Le Tribunal rejette les deux exceptions de nullité… J’ignore encore la motivation de cette position. Les clients se sont finalement satisfaits des condamnations prononcées donc il n’y aura pas d’appel. J’ai commandé les jugements, on verra bien. Je n’ai malheureusement pas eu le temps de m’entretenir avec la présidente pour savoir ce qu’il en était.

Avez-vous de votre côté des décisions d’annulation à la suite de l’arret de la CEDH ?

222. Le mercredi 27 octobre 2010 à 23:18 par Apokrif

@herve_02: “la france est condamnée COMME LA TURQUIE que le nain-sident refuse en europe à cause des droits de l’homme ?”

Comme tous, ou presque tous, les Etats membres du Conseil de l’Europe. Mais la Turquie est en général condamnée pour des faits autrement plus graves que ceux qui concernent la France:

Exemple dans la liste des arrêts de 2005 sur le site de la CEDH:

Turquie:
- absence d’enquête effective sur l’homicide de membres de la famille de quatre des requérants en 1994, prétendument par les forces de l’ordre
- absence de tout recours effectif quant à des homicides prétendument perpétrés par les forces de l’ordre
- indépendance et impartialité d’une cour de sûreté de l’Etat (à répétition)
- décès d’un détenu au cours de son transfert dans une autre prison après un affrontement ayant opposé des détenus aux gardiens ; caractère effectif de l’enquête ; absence de tout recours effectif
- condamnation de membres d’un syndicat pour avoir fait des déclarations à la presse sans autorisation préalable
- mauvais traitements infligés en garde à vue ;absence de tout recours effectif
- mauvais traitements infligés en garde à vue
- condamnation pour propagande séparatiste
- condamnation à des dommages-intérêts pour diffamation du Président
- caractère effectif de l’enquête sur la disparition du mari de la requérante après qu’il aurait été enlevé par des agents de l’Etat
- Homicide par balles d’un détenu alors qu’il accompagnait la police au domicile d’un autre suspect; caractère effectif de l’enquête; absence de tout recours effectif
- caractère effectif de l’enquête sur l’allégation selon laquelle les autorités n’ont pas empêché le meurtre du fils d’un député dans la cité parlementaire;absence de tout recours effectif
- décès de membres de la famille des requérants au cours d’une opération militaire ; absence d’enquête effective ; souffrance causée à un père du fait de la mutilation du corps de son fils ; absence de tout recours effectif (article 13) ; mise à mort d’un cheval et d’un chien par les forces de l’ordre
- caractère effectif de l’enquête sur le meurtre de l’époux de la requérante dans le nord de Chypre, prétendument par des agents turcs et/ou de la « RTCN »; absence de tout recours effectif quant à un meurtre; refus d’autoriser la requérante à passer du nord au sud de Chypre pour participer à une réunion

etc.

223. Le mercredi 3 novembre 2010 à 18:34 par DB

LE CONSEIL D’ÉTAT
ET LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE

L’article 55 de la Constitution de 1958 énonce que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ….Il juge également que le gouvernement est tenu de laisser inappliquée une loi incompatible avec le droit communautaire, c’est-à-dire qu’il ne peut légalement prendre les décrets d’application d’une telle loi ….
Cependant, le maintien de dispositions législatives incompatibles avec les engagements internationaux de la France engage la responsabilité de l’État, c’est-à-dire qu’un particulier qui aurait subi un préjudice du fait de l’application de ces dispositions peut en obtenir réparation …….

Tout est ici
http://www.conseil-etat.fr/cde/fr/d…

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