Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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And the Winner is ?

Par Gascogne


Dans un arrêt en date du 10 juillet 2008, la Cour Européenne des Droits de l'Homme vient à nouveau de condamner la France pour violation de l'article 5 § 1 de la convention.

L'affaire soumise à la sagesse de cette Haute Assemblée est une procédure assez rare ayant donné lieu à retentissement médiatique certain : il s'agissait de l'arraisonnement au large des îles Canaries du bateau nommé "Winner", battant pavillon cambodgien, et dans lequel une quantité moins que négligeable de stupéfiants avait été retrouvée. Suite à l'intervention des forces militaires françaises, après accord du gouvernement cambodgien, le bateau avait été détourné sur Brest. Une information judiciaire était finalement ouverte, et plusieurs membres de l'équipage ont au final été condamnés par la Cour d'Assises spéciale (i.e. composée uniquement de magistrats professionnels) de Loire Atlantique a des peines très lourdes.

Les requérants ont soulevé deux points précis : ils ont été gardés treize jours en mer hors de tout cadre légal avant d'être placés en garde à vue à Brest, et en outre n'ont pas été présentés dans les meilleurs délai à un magistrat. Le premier argument (le deuxième, en fait, dans l'ordre de l'arrêt), est écarté par la Cour, qui précise qu'il est normal de tenir compte du temps de trajet entre l'arraisonnement et l'arrivée au port, alors même que le gouvernement cambodgien avait donné son aval à l'abordage. On ne peut qu'être d'accord avec la Cour, sauf à considérer qu'un héliportage de procureur à bord du bateau est envisageable, comme cela a pu se faire dans d'autres circonstances.

C'est la condamnation sur la base du deuxième argument qui a provoqué un certain remous dans la magistrature française : la Cour Européenne des Droits de l'Homme affirme en effet tout simplement que les magistrats du parquet français, les "procureurs"...ne sont pas membres de l'autorité judiciaire. Rien de moins.

Beaucoup de collègues y ont vu la porte ouverte à une réforme de plus, dont on parle depuis quelques temps, à savoir la séparation du siège et du parquet. Etant pourtant particulièrement opposé à cette séparation, je ne suis pas loin de penser que cet arrêt est au contraire plutôt positif.

Les juges de Strasbourg considèrent dans le paragraphe 61 de leur décision que si l'entière procédure d'abordage, d'interpellation puis de placement en garde à vue se déroule bien sous le contrôle du procureur de la République, celui-ci "n'est pas une autorité judiciaire au sens de la jurisprudence de la Cour (...) : il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié."

C'est une gifle bien pire que celle qu'un élève peut recevoir de son professeur après insulte. Et le pouvoir politique pourrait bien voir là une occasion en or de revenir sur sa marotte du moment.

Je suis personnellement opposé à cette séparation : le magistrat du parquet reste en France, de part son statut, un magistrat. Cela signifie qu'il est constitutionnellement garant des libertés individuelles (art. 66 de la constitution), tout comme son collègue du siège. Si une garde à vue est illégale, il est de son devoir d'en ordonner la levée. Si une procédure est nulle, il doit le relever à l'audience. Si les éléments ne sont pas suffisants dans un dossier, il doit requérir le non lieu devant le juge d'instruction, la relaxe ou l'acquittement devant la juridiction de jugement, quelle que soit l'opinion personnelle qu'il a pu se forger sur la personne mise en cause.

Retirez le statut de magistrat aux membres du parquet, et vous vous retrouverez avec des préfets de justice, soumis comme les autres à la pression des chiffres. Après les instructions vers les commissaires de police pour enregistrer tant de gardes à vue par mois, et celles vers les préfets pour obtenir tant d'expulsions, des instructions pour obtenir tant de condamnations mensuelles ne tarderaient plus à venir.

Si je suis plutôt en désaccord avec mes collègues pessimistes suite à cet arrêt de la CEDH, c'est que j'ose espérer que l'influence européenne existe sur notre société, et qu'un jour les procureurs bénéficieront enfin de la fin de cette relation quasi-incestueuse entre l'exécutif et le judiciaire. On peut espérer que cet arrêt serve de pression en ce sens, à l'heure où la France préside à la destinée européenne, notamment en matière de justice. Reste à savoir quand le politique sera prêt à se priver de ce moyen bien pratique, de diriger une politique pénale, ce qui n'est pas contestable en soit, mais également de bénéficier d'un véritable bouclier judiciaire qui nous range à égalité avec l'Italie berlusconnienne au rayon des pays où la séparation des pouvoirs n'est pas assurée.

Commentaires

1. Le jeudi 28 août 2008 à 18:06 par Pirates


En vous lisant, Eolas, je pense aux pirates du Ponant...

Je sens que cette jurisprudence va en embarrasser certains...


2. Le jeudi 28 août 2008 à 18:07 par Pirates mal voyant

euh.... c'était Gascogne... pardon...

3. Le jeudi 28 août 2008 à 18:10 par bob

"...j'ose espérer..."

un peu plus et c'est de la pornographie ! :-D

4. Le jeudi 28 août 2008 à 18:24 par Yves D

Ah ben oui, c'est Gascogne !

Faut dire que leur style commence à se ressembler ... En bien ;-)
Et que quand je l'ai lu pour la 1e fois (avant d'aller musarder ailleurs), il m'a semblé que la conclusion ne mentionnait pas l'Italie Berlusconienne ... Serais-je moi aussi mal voyant, ou l'article a-t-il été "reposté" entre temps ??

5. Le jeudi 28 août 2008 à 18:27 par Milena

"j'ose espérer que l'influence européenne existe sur notre société" ...
Rassurez-vous, Maître, elle existe bel et bien.

Mais, je pencherais davantage pour une influence sur notre droit, pour la plupart de ses branches, qui est en mutation.

Et, là , c'est très perceptible.

6. Le jeudi 28 août 2008 à 18:28 par PEB

En gros, il aurait fallu que le parquet envoyât fissa les prévenus en comparution immédiate ou alors devant le juge d'instruction qui aurait appelé son collègue des libertés qui aurait fait croupir quelque temps lesdits présumés malfrats dans un sombre cul de basse-fosse?

Si ce n'est que cela, l'arrêt n'est pas si dramatique que cela.

7. Le jeudi 28 août 2008 à 18:30 par Deilema

une petite coquille : "Pour une gifle, s'en est une bien pire" (aïe!)
(ce commentaire peut être supprimé une fois la coquille rectifiée)


Gascogne :
Outre la faute de clavier, la formulation n'était en plus pas très heureuse. Merci pour la correction.


8. Le jeudi 28 août 2008 à 18:44 par Eolas

Un jour, avec seulement 8 siècles de retard sur nos voisins anglais, la France se dotera d'un véritable writ of habeas corpus. En attendant, nous collectionnerons les condamnations par la CEDH en feignant de croire que le procureur de la République, autorité de poursuite, est impartiale pour décider des mesures de privation de liberté dans le cadre des enquêtes qu'il dirige.


Gascogne :
Primo, le procureur de la République ne décide pas de la mesure de privation de liberté. C'est l'OPJ qui est seul maître du placement en garde à vue. Le PR n'intervient qu'a posteriori, dans le cadre de la permanence pénale. Secundo : c'est quoi, être impartial ? Nécessairement croire que le client de l'avocat est innocent ? (tertio : vous avez vraiment cru que je n'allais pas réagir à trois jours de mon passage du côté obscur de la force ???)


9. Le jeudi 28 août 2008 à 18:46 par Sly

"Moins que négligeable" ? Entre mon côté mathématique et le littéraire, mon coeur balance...

Négligeable, c'est très peu, presque rien. Moins que négligeable, c'est moins que rien.
Pourtant, "plus que négligeable", c'est encore plus négligeable que négligeable.

Je me draperai donc dans une prétention toute littéraire pour recommander l'usage du vocable "non négligeable", dans cette affaire où Google m'apprend que l'on parle de 80 kilos à... deux tonnes (!!!) de drogue.


Enfin, je suis un lecteur heureux et assidû, désolé de ne monter au créneau que pour râler : la clarté et la qualité littéraire de ce blog ajoutent à mon plaisir de lecteur, et j'ai été secoué par cette phrase.

Bon courage à tous dans vos sacerdoces respectifs !

10. Le jeudi 28 août 2008 à 19:07 par Hapax

Hmmm... de quoi faire sauter les GAV sous contrôle du Parquet...? ;-)

11. Le jeudi 28 août 2008 à 19:14 par Sauvé qui peut

Bienvenue au club des condamnés de la CEDH
Chez nous, cher cousin éloigné, le commissaire du gouvernement s'est fait expulser du délibéré, a dû changer de nom et doit adressé ses voeux aux parties avant chaque audience...
Ah j'oubliais, il doit se faire réprimander par les parties à l'audience après le prononcé de ses conclusions, et sans répliquer siouplait!

mais au fond, je trouve que la jurisprudence de la CEDH demeure un excellent aiguillon pour le perfectionnement de l'Etat de droit, et la justice administrative lui doit beaucoup.

12. Le jeudi 28 août 2008 à 19:30 par Pax Romana

@ Eolas
Hélas, si nous n'avions que huit siècles de retard, cela se saurait... dans mon souvenir, les premiers writs of habeas corpus, bien que ne portant pas encore ce nom, datent de Henri II, donc au XIIe siècle.
À moins que vous ne fassiez référence à sa codification par l'Habeas Corpus Act du 1679, et nous prévoyiez donc l'adoption d'une loi analogue en France vers l'année 2479 ?

13. Le jeudi 28 août 2008 à 19:44 par Nexus 6

Les "magistrats" du parquet n'ont ils pas de magistrat que le nom?
Cet arrêt semble y répondre par l'affirmative.
Cela donne en effet à réfléchir sur la collusion entre exécutif et judiciaire...

14. Le jeudi 28 août 2008 à 19:54 par Apu

Petite question naïve.

Est-ce qu'il ne serait justement pas plus simple (j'allais dire plus sain), de retirer cette qualité de magistrat aux procureurs dans la mesure où, comme le dit Eolas, il ne sont pas impartiaux dans leur choix de procédure? La fonction d'autorité de poursuite prenant le pas sur celle de gardien des libertés individuelles. Comment pourrait-il en être autrement ? Il n'y a qu'à voir sur quels éléments reposent certaines garde à vue (type insulte à agent )pour répréhensibles qu'elles soient.

Le procureur est un magistrat. Oui mais dans un même temps il peut recevoir de la Chancellerie l'ordre de poursuivre un individu. pour des raisons pas toujours juridiques. Ce qui implique de placer en garde à vue le plus souvent.

C'est un peu contradictoire. .

Les décisions de placement en garde à vue seraient alors placées sous l'autorité d'un magistrat du siège. Saisi par le procureur.

15. Le jeudi 28 août 2008 à 20:10 par tschok

Bonsoir Gascogne,

Si on fait le compte:

Le juge, qu'il soit du siège ou du parquet, est formé comme un serviteur de l'Etat, avec une mentalité de grand commis de l'Etat, service-service, jugulaire-jugulaire... voire de chien sanglant ("s'il faut un chien sanglant je serai celui là", comme disait le type chargé de mater les rébellions).

Pourtant, la constitution fait de lui le gardien des libertés individuelles: le "garant", c'est pas rien.

Ca doit être dur à gérer d'être à la fois un serviteur de l'Etat et d'être un garant des libertés individuelles. Faut être souple.


Gascogne :
Pourquoi faudrait-il être souple ? Vous croyez que mon employeur ne me versera pas ma paye si je suis à la fois "serviteur" de l'Etat et garant des libertés individuelles ?



Quant au magistrat du parquet, je lui connais trois casquettes:

- Accusateur public représentant les intérêts de la société et à ce titre responsable de l'accusation. Il mène la charge;

- Docte professeur de droit exposant, tel le regretté commissaire du gouvernement devant le TA, ce qui lui semble être la juste application du droit rapportée au cas qui est examiné. Il peut soutenir une relaxe si telle est son opinion, à la condition de se l'exprimer clairement et avec courage, ce qui n'est pas donné à tous.

- Larbin au service de l'exécutif. Mettons, pour éviter de froisser les susceptibilités, "fonctionnaire au sein d'un service devant produire des résultats". Dans ce dernier rôle, on le vois soutenir tour à tour la relaxe ou conduire l'accusation selon des circonstances qui dépendent bien souvent du niveau de protection dont jouit ou ne jouit pas la personne poursuivie.


Gascogne :
Ben tiens...Où avez-vous trouvé qu'un parquet devait "produire des résultats" ? Il le devra sans doute quand la fonctionnarisation sera complète, mais cela n'est pas encore le cas au désespoir de certains. En feriez-vous partie ?



Quand vous, magistrats, vous aurez choisi votre identité, entre serviteur de l'Etat, ce qui est une cause très noble, ou protecteur des libertés individuelles, ce qui est une cause également très noble, ou qu'à tout le moins vous saurez collectivement équilibrer ces deux tendances, et qu'ensuite les magistrats du parquet auront choisi la casquette qu'ils veulent se mettre sur la tête, définitivement, avant d'entrer en audience, alors, oui, on pourra éviter un mélange des genres qui nous vaut quelques européennes condamnations.

Gascogne :
Moi qui croyais la théorie du Léviathan enterrée...Servir l'Etat et être protecteur des libertés individuelles n'est pas incompatible tant que l'on ne considère pas l'Etat comme l'oppresseur omnipotent et intransigeant qu'il n'est pas, du moins en France.



Alors, un juge bicéphale d'un côté et un procureur à trois têtes de l'autre, ben... va falloir élaguer.

Sinon, l'aspirine et les tranquillisants resteront un équipement en dotation standard dans la magistrature française.

Je vous rejoins donc sur votre conclusion.

Mais il y a un hic.

Séparer le parquet de l'exécutif, c'est très bien sur le papier, mais en pratique cela implique un transfert d'autorité sur la police.

En l'état, niveau police, le procureur est responsable de tout et chef de rien (en droit on appelle ça un lampiste: un gérant de droit, légalement responsable, destiné à couvrir un gérant de fait qui détient la matérialité du pouvoir).

C'est quand même curieux de se dire que nous vivons dans un pays où la responsabilité de la grande majorité des enquêtes repose sur les épaules d'un lampiste.

Parce que les policiers veulent conserver la maîtrise opérationnelle, ce en quoi ils ont raison (je vois mal Monsieur Bilger faire lui-même une filoche dans une affaire criminelle).


Gascogne :
M. Bilger n'est pas magistrat de parquet sur le terrain. Il est avocat général près la cour d'appel de paris et les médias, nous ne faisons pas le même métier.



Or, dans les enquêtes de police il est en réalité très difficile de distinguer ce qui relève de l'opérationnel de ce qui relève du décisionnaire, part incompréssible du pouvoir qui doit être octroyé à un procureur réellement indépendant.

Mon avis est que s'il faut faire un parquet indépendant, il faudra:

1) Faire un transfert d'autorité du parquet sur la police, ce qui n'est pas en soi une mince affaire;

Gascogne :
Il faudrait savoir : si le parquet n'a aucune autorité sur la police, quel intérêt d'un quelconque "transfert" ?



2) Distinguer clairement ce qui relève du décisionnaire et de l'opérationnel, le parquet s'emparant du décisionnaire, la police conservant l'opérationnel;

Gascogne :
Ou comment inventer la machine à courber les bananes. Figurez-vous que c'est déjà ce qui existe...



3) Dans les situations limites, trouver un truc pour trancher les conflits de compétences.

Si vous regardez attentivement les séries policières américaines (je ne doute pas que vous le fassiez) vous verrez que ces problèmes se posent concrètement et que des solutions ont été trouvées.

Gascogne :
Doutez, doutez...C'est sans doute ce qui nous distingue.



Mais, en ce qui nous concerne, c'est toute une culture à inventer.

Sinon, on peut faire un procureur indépendant, mais sans rien changer de ses prérogatives sur la police.

Dans ce cas il n'aura pas plus d'efficacité qu'un juge d'instruction qui envoie CR sur CR et à qui on répond qu'il n'y a pas assez d'effectif pour les exécuter, moyen comme un autre d'enterrer proprement une enquête trop gênante.

Alors voilà le schéma: soit une réforme "en vrai" mais avec à la clé de sacrés défis, soit une réforme symbolique avec encore un type de plus dans la structure qui a des prérogatives qui viennent s'ajouter à celles d'un autre sans qu'on sache trop à quoi ça sert.

Vous êtes partant pour laquelle?



Gascogne :
A partir du moment où votre caricature du système vaut raisonnement, vous m'excuserez de ne pencher pour aucune de vos solutions.


16. Le jeudi 28 août 2008 à 20:38 par boratkehul

vous présenterez mes amitiés à lukeskywalker....

quel billet éclairant... dites, dans une semaine, seront-ils désormais obscurs ?


Gascogne :
J'y veillerai, mon maître...(shrrrrr : bruit de respiration)


17. Le jeudi 28 août 2008 à 21:08 par Raph

Le parquet est placé sous l'autorité du garde des sceaux (poste actuellement vacant, la garde des sots faisant fonction de, oui je sors..).
La politique pénale est belle et bien une politique publique. Que des personnes des personnes élues en décide (même indirectement) est justifiée et légitime (Actuellement, il s'agit du président de la République).
Il est vrai que les membres du parquet disposent d'une indépendance de parole lors de l'audience (et Mme Dati veille bien à protéger les procureurs de la République des méchants procureurs généraux), mais ils peuvent recevoir des consignes écrites.

La question est donc, en définitive : comment assurer une action publique garante des libertés individuelles et indépendante du pouvoir politique, tout en sachant que le responsable de celle-ci devra aura un pouvoir politique ?
Comment assurer une indépendance réelle (c'est à dire financière) ?

Si la seconde question est relativement simple : garantir constitutionnellement une somme fixe pour la justice (12% du PIB, par ex) ce n'est pas le cas de la première.

Dans certains états, les procureurs sont directement élus. Ce qui reviendrait à rendre un procureur directement dépendant des citoyens. Ce qui est une dangereuse solution : on va se retrouver à élire des personnes qui sont censé garantir nos libertés individuelles.. Est-ce réellement faisable ?

Faire élire les procureurs par le parlement reviendrait à confier à un parti politique le soin de placer les représentants de l'action publique. Autant dire que les procédures pour les certains types de délits (qui à dit financier et électif ?) de certains personnes vont disparaitre et celles visant la minorité (surnommée ironiquement opposition) vont fleurir.

Mettre en place une commission intermédiaire ? Solution intéressante, mais les magistrats pourrait alors être une source d'opposition pour le gouvernement
Que les représentant du MP aient le même patron que les forces de l'ordre peut avoir un avantage : une cohérence dans la politique pénale.
Que va faire un commissaire de police si un procureur lui dit rouge, un préfet bleu, avec le maire qui s'agite dans tous les sens, en rappelant que lui est élu ?
Actuellement, le procureur et le préfet ne sont pas d'accord sur la nuance, mais la couleur dominante reste plus ou moins la même ; ce qui permet de calmer le maire...

Le problème peut donc être exprimé différemment : comment assurer l'indépendance des magistrats et la cohésion de la politique pénale...

18. Le jeudi 28 août 2008 à 21:11 par gene69

Je veux pas être désagréable mais après trois lectures je n'ai rien compris. Je vous suis très bien jusqu'au quatrième paragraphe, mais après le ciel s'obscurcit. Ya un détail qui m'échappe sur l'enjeu de cette condamnation, sur les mesures correctives qui devraient être prises par la France (et qui devrait en tenir compte), sur qui paient les pots cassés et si les trafiquants on été élargis.

Je croyais naïvement que magistrat = juge (pauvre de moi) et que procureur = représentant de la préfecture et voilà siège, parquet, estrade ou tabouret on s'y perd.

Les commentaires gagneraient en lisibilités si un jour Eolas ajoutait un script sur la page qui permettrait de relier automatiquement vers la bonne entrée d'un glossaire ou faire comme une simple balise <acronym></acronym> avec les infos qui vont bien. Autant pour votre public dans le métier, ça ne doit pas être trop inaccessible mais pour moi...

19. Le jeudi 28 août 2008 à 21:22 par Rizgar Amin

Devons-nous comprendre que Mr Gascogne va passer sous très peu d'un poste de Juge d'instruction à un poste de procureur ?
Si oui, CQFD diront ceux qui militent pour la suppression du juge d'instruction en affirmant qu'il ne s'agit pas d'un "vrai" juge... :-)
Par ailleurs, bravo pour votre défense et illustration du parquetier-petit soldat des libertés-bien plus indépendant que ne le croient ces mécréants d'avocats.
Mais... je pense que vous vous bercez d'illusions, cher collègue pour encore deux jours. J'ai vécu depuis ces dernières années la "préfectoralisation" (certains disent la militarisation...) du Parquet. Ce n'est plus une vague crainte. C'est déjà la réalité.
Je ne sais pas comment les choses se passaient dans votre petit TGI gascon, mais je crains que vous n'ayez pas une totale conscience des réalités.
Vous occultez l'incroyable montée en puissance des Procureurs Généraux (nommés en Conseil des Ministres comme le premier Préfet venu... au mépris souverain des avis du CSM*) et l'incroyable pression qu'ils exercent désormais sur les Parquets de la République**.
Vous n'avez pas entendu parler de ces Procureurs de pourtant très gros tribunaux mis sous tutelle directe ? Personne ne vous a raconté les inspections surprises, les demandes de rapport qui pleuvent par courriel ? Vous ne savez pas qu'il faut désormais justifier de non-réquisitions de peine plancher, ou, si la peine plancher requise n'a pas été prononcée par ces laxistes du siège, du non-appel immédiat ?
Le département des Landes aurait-il pris sans que je ne m'en rende compte son indépendance ? :-)
Enfin, bon, on vous l'avait dit : "Plus facile est le côté obscur***, pas plus puissant"****
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Notes pour les Mékeskidi :
* CSM = Conseil Supérieur de la Magistrature, organe constitutionnel dans lequel les juges et procureurs sont encore pour peu de temps majoritaires, et qui donne des avis sur l'opportunité de nommer un juge (avis alors obligatoire) ou un procureur (avis alors facultatif) à un poste déterminé.
** Rappel : le procureur de la République est le responsable du Parquet dans un Tribunal de Grande Instance (TGI), alors que le Procureur Général est, au niveau de la Cour d'Appel, non seulement le responsable du Parquet près la Cour d'Appel, mais surtout le supérieur hiérarchique de tous les procureurs et autres substituts, même lorsqu'ils sont "chefs" du Parquet d'un TGI.
*** plus facile notamment parce qu'on est mieux noté au Parquet (procureurs) qu'au siège (juges) et qu'on y connait un avancement plus rapide.
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Note pour ceux qui ignorent tout de la saga StarWars :
**** Maître Yoda à Luke Skywalker dans "L'Empire Contre-attaque"


Gascogne :
A partir du moment où vous réduisez la Gascogne aux Landes, je comprends que vous puissiez penser que dans deux jours, nous ne serons plus collègues, si tant est que nous le soyons vraiment. Dés lors que la richesse du passage d'une fonction à une autre se réduit pour vous à un argument en faveur de la suppression du juge d'instruction, comprenez que je ne pense pas que nous fassions le même métier. Désolé que vous souffriez de la réalité du terrain que vous affirmez connaître actuellement, mais en ce qui me concerne, j'ai toujours pensé que l'indépendance était plus affaire d'état d'esprit que de statut. Et je n'ai jamais appris grand chose des collègues qui voulaient me donner des leçons. Les avocats m'ont beaucoup plus apporté dans mon exercice quotidien. Fréquentez les plus souvent, je suis sûr que vous en sortirez moins aigri.
Et en ce qui me concerne, j'ai toujours considéré que le côté obscur était au contraire bien plus compliqué.


20. Le jeudi 28 août 2008 à 21:25 par rez-de-chaussée

@gene69

Toute personne condamnée peut faire sanctionner la France devant la Cour EDH si des manquements à la Convention EDH sont constatés. Cela n'emporte aucune autre conséquence qu'une condamnation financière de l'État fautif. Nos trafiquants recevront donc des dommages-intérêts.

Mais les arrêts de la Cour EDH sont toujours importants car ils devancent souvent des réformes de notre droit interne. A force de condamnations nous modifions notre législation.

Sinon vous dites "procureur = représentant de la préfecture". Effectivement il faut revoir les bases. :-)

Je crois qu'il y a un billet qui traite de la fonction de Proc. Le titre doit être du style "Un procureur au fait ça fait quoi (de bien) ?".

Bonne lecture

21. Le jeudi 28 août 2008 à 21:55 par Nichevo

Les magistrats du parquet sont ceux qui écopent.
Ils sont décriés mais indispensables dans ce système qui tangue dangereusement vers l'accusatoire.
Notre système n'est pas parfait mais la démocratie ne l'est pas non plus.
Je lis souvent les commentaires des policiers anglais ou américains et je n'échangerais pas mon système pour le leur; je comprends que certains avocats y soient favorables...
C'est de bonne guerre.

22. Le jeudi 28 août 2008 à 22:17 par lapazeric

Doit-on s'attendre maintenant pour chaque garde à vue à un recours devant la CEDH? Dorénavant, des dommages et intérêts devraient en toute logique être systématiquement alloués?!

Cet arrêt est tout à fait inopportun et je ne vois vraiment pas comment à court terme résoudre ce problème.

La relation hiérarchique du Parquet vis à vis pouvoir exécutif personnellement ne me choque pas. Le Procureur a pour principale mission de requérir l'application de la législation au nom de la société, et il est forcément tributaire d'une politique générale pénale (comme il y a une politique de l'éducation par exemple) définie à un niveau national par le gouvernement.

Je serais beaucoup plus favorable à une dissociation définitive et organique des investigations et des mesures de contrainte nécessaires à ces investigations.
Toutes les opérations d'investigation devraient être donc de la responsabilité de la police judiciaire sous la direction et le contrôle du Procureur, avant et après l'engagement des poursuites (donc même après l'ouverture d'une information) et toutes les mesures de contrainte, donc par définition attentatoires aux libertés individuelles, et cela inclut la garde à vue, sous le contrôle (et autorisation préalable) d'un super juge des droits et libertés, toujours chargé évidemment d'apprécier la consistance du dossier de procédure en vue de saisir ou non la juridiction de jugement.
Voila qui simplifierait une bonne fois pour toutes les conflits d'intérêts et permettrait de nous conformer à la nouvelle jurisprudence de la CEDH.

23. Le jeudi 28 août 2008 à 23:08 par José manuel Barroso

Tout système de justice est émanation d'une culture juridique et judiciaire ; donnez capacité à une Cour - dont les réflexes sont en l'espèce furieusement marqués par le "mode de pensée" anglo-saxon - de venir influer sur les droits nationaux, et vous mettez la pagaille dans ce même système quand il s'agit de venir circonscrire des notions de droit. Ce qui est vrai pour le Conseil de l'Europe est encore plus vrai pour l'UE.


Gascogne :
Merci cher José, je pense effectivement que l'inspiration anglo-saxonne est un peu trop présente dans nos instances judiciaires européennes. Les magistrats continentaux du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, que j'ai pu voir fonctionner, s'en plaignent d'ailleurs énormément.


24. Le jeudi 28 août 2008 à 23:15 par PEB

Dans la justice administrative, le parquet est "naturellement" indépendant. Dsant le droit, il exerce une liberté de penser qui rafraichit les esprits.
Rien qu'à la Cour des comptes, le bureau du Premier président est sombre et encombré de dossier tant le poids de la décision lui incombe. Chez le Procureur général, le bureau est vaste, vide et clair afin de donner toute liberté à l'intelligence.

Dans la justice pénal, il faut bien que l'autorité publique et, in fine, le gouvernement assume les têtes qui vont rouler place du Trône Renversé. La dépendance avec la Chancellerie est donc organique. Le statut de magistrat donne à la fonction sa dignité, sa liberté à l'audience dans l'intérêt de la justice et des hommes aussi bien formé que ceux qui siègent là-haut.

En matière d'instruction criminelle, le juge des libertés et de la détention, gardien d'un habeas corpus à la française, ne pourrait-il pas libérer le parquet de la question?

25. Le jeudi 28 août 2008 à 23:34 par José manuel Barroso

De rien Gascogne, vous savez, moi, quand je peux rendre service.

Votre José.

26. Le jeudi 28 août 2008 à 23:41 par xtph

dorénavant un procureur ne peut plus autoriser une prolongation de garde à vue.
à priori le contrôle de la garde à vue est revoir.

27. Le jeudi 28 août 2008 à 23:46 par Atreyuh

@ Gascogne

"Si vous regardez attentivement les séries policières américaines (je ne doute pas que vous le fassiez) vous verrez que ces problèmes se posent concrètement et que des solutions ont été trouvées."

C'est un collector celle là vous ne trouvez pas?

28. Le jeudi 28 août 2008 à 23:53 par José manuel Barroso

@ xtph, # 26

<i>dorénavant un procureur ne peut plus autoriser une prolongation de garde à vue</i>.

Ok, je tente l'histoire à ma prochaine permanence ...si je suis placé en Gav je peux vous faire appeler ?

29. Le vendredi 29 août 2008 à 00:03 par Rizgar Amin

@Gascogne
Ah, voilà ! Si on vous porte la contradiction, c'est qu'on est un donneur de leçons aigri ! Bon sang, mais c'est bien sûr !
En fait, j'ai moins envie de plaisanter en lisant votre réponse quelque peu outrancière et assez peu conforme à l'esprit des échanges de ce blog.
Ah, c'est parce que j'ai commencé en taquinant les juges d'instruction peut-être ?
En fait, je souhaitais informer les autres lecteurs sur la vraie vie des magistrats du parquet d'aujourd'hui.
Sans doute peut-on essayer de peindre les choses en rose ("l'indépendance est un état d'esprit").
J'ai pour ma part l'outrecuidance (un donneur de leçon est nécessairement outrecuidant !) de persister dans une vision plus réaliste : le Parquet se caporalise. Et à grande vitesse. Ce n'est bon ni pour les juges, ni pour les avocats, ni pour la justice, ni pour personne.
Tiens, allez : Essayez d'envisager que d'autres puissent avoir des expériences différentes des vôtres, mais tout aussi réelles. Souffrez qu'ils en fassent part eux aussi en commentaire aux lecteurs de ce blog.
Et puis, tiens, revenez dans quelques mois triompher définitivement des donneurs de leçons en nous contant vos expériences de parquetier. Et peut-être, sans doute même, votre soulagement d'avoir trouvé le Parquet tel que vous l'aviez rêvé, et pas comme le décrivent certains aigris.
Et pour finir, permettez-moi de vous adresser sans la moindre ironie et en toute sincérité mes voeux de bonne prise de fonctions et de pleine réussite au Parquet.


Gascogne :
Vous avez raison : à vous lire, on sent tout de suite que vous n'êtes pas du tout aigri d'être au parquet...


30. Le vendredi 29 août 2008 à 00:05 par Fantômette

Un mot d'explication pour nos chers Mekeskidizes

L'Habeas Corpus, comme son nom ne l'indique pas nécessairement, est une procédure du droit anglais, dont on trouve l'origine dans la Magna Carta de 1215, même si l'Habeas Corpus Act date est quant à lui plus tardif (1679).

Il s'agit d'une voie de recours ouverte à toute personne privée de sa liberté, qui peut, par le biais d'un acte de procédure appelé "writ of habeas corpus", parfois traduit par "bref d'habeas corpus", exiger de l'autorité qui la détient qu'elle démontre la licéité de cette détention devant un Juge. La procédure exigeait d'ailleurs non seulement que cette autorité se justifie devant le juge, mais qu'elle amène PHYSIQUEMENT le détenu devant son juge (d'où le nom "habeas corpus", qui si mes souvenirs sont exacts signifie : que tu aies ton corps - sous entendu : pour l'amener devant le juge).

Il y avait donc là une sorte de droit double, le droit de ne pas se voir priver de liberté de manière illicite, et le droit d'accès à un juge.

Cela recouvre évidemment toutes les hypothèses pénales auxquelles vous pouvez penser : arrestations policières, détention pénitentiaire, etc... mais cela va également au-delà : internements, gardes abusives d'enfants...

L'habeas corpus se présente, dans l'esprit de nos voisins britaniques, comme le très nécessaire et inévitable corollaire de la liberté d'aller et venir. De la liberté tout court, donc.

C'est une sorte d'article 5.4 CEDH avant la lettre, à la fois très protecteur des libertés, et très pragmatique dans ses applications.

Ce droit est naturellement toujours en vigueur au Royaume-Uni. Il est également constitutionnellement garanti par le Droit américain.

Il n'a cependant pas empêché le Royaume Uni de se voir condamner par la CEDH, laquelle, héritière ingrate de ce beau principe, a pu prosaïquement constater que ce contrôle restait parfois formel quand il doit toujours être effectif (arrêt X c/ RU, 5 novembre 1981).

31. Le vendredi 29 août 2008 à 00:14 par José manuel Barroso

@ Fantômette

L'Habeas Corpus à 0h05 du mat, alors là j'dis respect

32. Le vendredi 29 août 2008 à 01:51 par ramses

Cher Gascogne,

La condamnation de la France par la CEDH dans cette affaire du Winner est grotesque...

Voilà des trafiquants de drogue, arraisonnés par la Marine Nationale, qui viennent se plaindre (et sont écoutés) de ne pas avoir été traités en mer dans des conditions juridiques adéquates ! Je crois rêver !

Il ne manquerait plus que les pirates du Ponant viennent se plaindre à la CEDH du droit de suite en Mauritanie pour récupérer la rançon !

Vive la démocratie :)

33. Le vendredi 29 août 2008 à 02:51 par Esurnir

@ramses: Moi je te dis René ces pirates trafiquants de drogue mangeur d'enfant faut les pendre haut et court ! Eh par ici la binouze !

34. Le vendredi 29 août 2008 à 02:53 par Caramel

Pour ma part, je trouve que cet arrêt est une excellente nouvelle!
En effet, la cohabitation au sein du même corps des juges et des procureurs ne relève nullement de l'évidence et n'est pas sans inconvénient.

J'entends bien le principal argument des partisans de ce "concubinage": Le procureur serait le premier défenseur des libertés et devrait donc bénéficier du même statut que le juge. Juges et procureurs exerceraient en quelque sorte la même mission, appliquer le droit dans le respect des libertés et en considération de l'intérêt général. Seules les modalités différeraient, les premiers jugeant les affaires apportées par les seconds. Le corollaire de cet argument est que l'unicité du corps des magistrat permettrait le développement d'une culture commune dont juges et procureurs bénéficieraient, les premiers en n'ignorant rien des nécessités des enquêtes, de leur conduite et de l'activité délinquante et les seconds en partageant le supposé esprit d'indépendance et le supposé souci des libertés des premiers.

Pourtant, les magistrats du parquet (i.e. les procureurs) sont organiquement dépendants du pouvoir exécutif. Ils sont au service d'une politique. Et cela n'a rien que de très normal. Il faut bien que le pouvoir exécutif puisse exercer une politique en matière pénale. Ils sont les agents de poursuite du gouvernement et se comportent effectivement comme tels. Pour s'en convaincre, il suffit de se souvenir qu'un garde des sceaux a été jusqu'à affréter un hélicoptère dans l'Himalaya afin de joindre un procureur qui s'y trouvait pour qu'il empêche l'ouverture d'une information judiciaire (affaire Xavière Tibéri), que le parquet de Paris a opportunément décidé d'ouvrir une enquête préliminaire dans la lamentable affaire du Nouvel observateur relative à l'envoi d'un SMS par Nicolas Sarkozy à sa précédente épouse.

Moins médiatiquement mais plus systématiquement, l'usage démesuré de la garde à vue dans notre pays n'est possible que grâce à la complaisance des procureurs. La garde à vue est une privation de liberté qui, pour les infractions "ordinaires", peut aller jusqu'à 2 jours. Le gardé à vue est maintenu dans des locaux de police dans des conditions matérielles plus ou moins désastreuses. Il est coupé de tout contact avec l'extérieur et peut être interrogé par les policiers à tout moment et autant que ceux-ci le souhaitent. On comprend aisément qu'il s'agit pour celui que y est soumis d'une épreuve. Or, la garde à vue est placée sous le contrôle du procureur qui en est avisé dès le début et qui peut à tout moment en ordonner la cessation. Elle ne devrait donc être admise que lorsque les investigations le justifient.

Et pourtant, les étrangers en situation irrégulière sont systématiquement placés en garde à vue dans l'attente que la préfecture prenne un arrêté de reconduite à leur encontre. Le procureur avisé du placement en garde à vue sait parfaitement qu'il n'entend pas exercer de poursuites et sciemment laisse se continuer une garde à vue qui n'a d'autre utilité que de laisser du temps à la préfecture. Ce faisant, le procureur agit purement et simplement en supplétif de l'administration...

Plus généralement, il n'est quasiment pas de poursuites qui ne donnent lieu à garde à vue et alors même que, dès l'interpellation, les faits sont parfaitement établis. Il ne reste au procureur qu'à obtenir le casier judiciaire du mis en cause pour décider de l'orientation de la procédure. Et pourtant, nombre de mis en cause restent dans les cellules de garde à vue bien au delà du temps nécessaire.

On le voit donc bien le procureur est un agent du pouvoir exécutif. Etant un magistrat, il est aussi un agent de l'autorité judiciaire, et à ce titre, notre Constitution permet qu'il puisse décider de nombreuses mesures coercitives (garde à vue, contrôle d'identité, visite d'entreprise, fouille de véhicule, délivrance de mandat de recherche). Janus ou cheval de Troie, le procureur est certainement le lieu de la confusion des pouvoirs. Il est le moyen pour le pouvoir exécutif d'exercer directement certaines prérogatives qui devraient être réservées à l'autorité judiciaire.


Par ailleurs, la proximité entre juges et procureurs qui travaillent dans les mêmes locaux et arrivent ensemble aux audiences ne peut que donner au public une impression de cousinage si ce n'est de connivence. Ainsi, il n'est pas rare qu'à l'audience, les prévenus non assistés d'un avocat ne songent pas à répliquer aux réquisitions du parquet, convaincus que le procureur ne demande pas une peine mais la décide.

Pour ces raisons, il serait préférable que juges et procureurs soient séparés statutairement et même qu'ils occupent des locaux distincts.

35. Le vendredi 29 août 2008 à 03:04 par Marie-Christine BLIN

bien que je lise attentivement ce blog, j'ai du louper un épisode car me voilà devenue une Mekeskidize à propos de l'avenir de Gascogne : il va où ? faire quoi ? du côté obscur ?

36. Le vendredi 29 août 2008 à 03:49 par Esurnir

Ben servir Dark Vador bien sur ! imagesforum.doctissimo.fr...

37. Le vendredi 29 août 2008 à 04:44 par Redu

Moi je me sens bien sur ce blog, il m'a meme aide a arreter de fumer.

38. Le vendredi 29 août 2008 à 04:44 par Marcel

Je partage l'avis de Caramel sur les actes réels du procureur, à mille lieues de ce que nous décrit Gascogne. Si le procureur est le premier défenseur des libertés individuelles, mission qu'il est censé exercer en toute indépendance, force est de constater qu'il a lamentablement failli à sa mission, et qu'il est plus que temps de redistribuer les cartes.
Dans l'ensemble, aujourd'hui, le procureur se contente de représenter l'accusation et y compris en usant si besoin d'une mauvaise foi parfois affligeante. L'utilisation abusive de la garde à vue est tout simplement flagrante, les réquisitions de détention provisoire censée être "exceptionnelle" sont devenues la règle, et il apparaît même parfois évident qu'un procureur cherche sciemment à charger la mule d'accusations dont il sait pertinemment qu'elles ne tiendront pas, juste pour augmenter ses pouvoirs en la matière (ce qui est pratique quand on accuse quelqu'un pour l'envoyer en préventive, c'est que le temps que l'instruction établisse qu'en fait l'accusation ne tient pas debout, il aura déjà moisi 4 mois sous les verrous).

Quand on lit à froid les textes qui régissent la détention provisoire et quand on compare à qui se trouve concrètement ainsi enfermé avant son procès sur réquisition du procureur, la notion de "gardien des libertés" fait sourire... jaune.


Gascogne :
Si "force est de constater", on ne peut plus rien répliquer, alors.


39. Le vendredi 29 août 2008 à 07:44 par salah

La source du lien « un Arrêt » a été modifiée. Le pipeline MEDVEDYEV a été rompu.‎


Gascogne :
J'ai rebricolé le pipeline, merci. Mais combien de temps va-t-il tenir ?


40. Le vendredi 29 août 2008 à 08:24 par Véronique

"M. Bilger n'est pas magistrat de parquet sur le terrain. Il est avocat général près la cour d'appel de Paris et les médias, nous ne faisons pas le même métier. " (votre réponse à Tchok)

Eh bien, faudrait savoir.

Vous nous dites dans votre note que les magistrats du Parquet sont des magistrats.

M. Bilger est magistrat au même titre que vous. Il exerce le même métier que vous. Il a été juge d'instruction. La Cour d'assises de Paris juge aussi et surtout des affaires quotidiennes en l'absence des médias. Dans sa pratique professionnelle, Philippe Bilger est tenu d'observer les mêmes obligations que vous quant à la garantie des libertés individuelles.

Pour le fond de votre billet, je partage votre position centrale. Mais pas pour les mêmes raisons que vous.

41. Le vendredi 29 août 2008 à 08:35 par Doc

@ aliocha et Tschok:
Bonjour!Je m'étais promis de ne plus remettre les pieds ici, mais juste le temps d'une question: ne pourriez vous ouvrir votre propre blog juridique ,à 2 voix au timbres harmonieux ? Vous lire est un plaisir, et ramses ,ou Rizgar Amin ou toute autre personne courtoise pourrait intervenir en se faisant courtoisement traiter. Et si vous laissez un lien, je pourrais tenir ma promesse tout en lisant de passionnants sujets. Ce serait bien, non?

42. Le vendredi 29 août 2008 à 09:00 par EPR

@ gascogne

Que je sache (mais je suis loin d'être expert en matière), en Italie le parquet est indépendant du gouvernement.

C'est bien ce qui agace Berlusconi, qui rêve d'une séparation des carrières de juge et de procureur.

De plus, les poursuites pénales sont obligatoires, et pas laissées à l'appréciation du parquet.

43. Le vendredi 29 août 2008 à 09:04 par Clems

"Si je suis plutôt en désaccord avec mes collègues pessimistes suite à cet arrêt de la CEDH, c'est que j'ose espérer que l'influence européenne existe sur notre société, et qu'un jour"

Et vous parlez de coté obscur ? Ralala, je ne vous prendrai jamais pour disciple. Cela dégouline d'espérance.

"j'ai toujours pensé que l'indépendance était plus affaire d'état d'esprit que de statut. "

L'état d'esprit doit un jour passer aux actes lorsqu'il s'agit de désobéir à des demandes qui vous font perdre de fait toute votre indépendance si vous les acceptez.

44. Le vendredi 29 août 2008 à 09:16 par Alex

Nouvelle rupture du pipeline...(mais n'accusons pas les Russes sans preuve!). La Suisse va mettre en oeuvre en 2011 un nouveau CPP enfin unifié (on jongle avec 28 procédures actuellement)fondé sur le modèle Ministère public (sans juge d'instruction) . Mais nous restons fédéralistes et chaque canton pourra organiser son Ministère public comme il l'entend... A vous lire, je me demande si cet arrêt n'a pas plus de répecussion pour la Confédération que pour sa République voisine et néanmoins amie.

45. Le vendredi 29 août 2008 à 09:27 par olivanto

Ha !
Je ne suis pas proche du milieu des magistrats, mais j'imagine mal certains hélitreuillés sur un navire hostile....

En revanche, une intervention militaire française (pourquoi française d'ailleurs ?) dans les iles canaries ont dues avoir surtout l'accord des espagnols, non ? Pour quoi l'accord du Cambodge ? Si ce navire est dans des eaux nationales, il est abordable par des forces de polcies maritimes, non ? Et pourquoi les accusés n'ont pas été dirigés sur un tribunal espagnol peut être plus proche...

Je ne comprends rien à cette histoire ; un navire cambodgiens dans les eaux espagnoles est araisonné par des français ??

46. Le vendredi 29 août 2008 à 09:41 par Rossel

Pour les affaires dites sensibles, je ne vois pas actuellement la différence entre des préfets judiciaires et des procureurs soumis à leur hiérarchie.Ils sont tous nommés en conseil des ministres et les plus dévoués font une carrière presque exclusive de procureurs..La cour européenne a dû le remarquer..

47. Le vendredi 29 août 2008 à 09:42 par Chomsky

L'unité du corps des magistrats m'interroge : si je conçoit qu'un juge puisse passer au parquet, je me demande comment se passe l'inverse ?
Comment passer d'une fonction où le doigt doit être sur le plis de la couture du pantalon à une fonction d'impartialité ?

Je comprend néanmois la crainte des magistrats face à l'hypothèse d'une dissociation des ces deux corps, qui pourrait acter la "préfectoralisation" des procureurs.

48. Le vendredi 29 août 2008 à 09:50 par Petit Filou 313-5

@ Gascogne.

Désolé de vous bousculer un peu durement mais je trouve que vous répondez un peu lâchement sous les commentaires laissés plus avant.

Les arguments soulevés par Rizgar Amin, Caramel et Marcel sont loin d'être ridicules et ils auraient mérité meilleur réponse de votre part que des répliques du type "..à vous lire, on sent tout de suite que vous n'êtes pas du tout aigri d'être au parquet... " ou encore... "Si "force est de constater", on ne peut plus rien répliquer, alors".

Vous commencez par exposer votre point de vue puis vous mettez fin à celui des autres sans en y répondant sèchement.

Le statut des procureurs et la contradiction qui peut exister avec leurs fonctions soulève des questions légitimes. Vous auriez tout à gagner, ainsi que les lecteurs de vos billets, à faire preuve de pédagogie, plutôt que d'ironiser sous les commentaires de ceux qui vous contestent. Personnellement je ne demande qu'à être convaincu. J'ai soif d'argument. Pas de "casse" à tout-va.

Ce qui fait la richesse de ce blog c'est la qualité des billets -et les vôtres sont excellents- mais aussi la pertinence des réponses aux questions qui sont soulevées sous ces billets, parfois maladroitement, par des quidams de la justice. Bref, tout cela pour dire que je trouve que vous gâchez l'éventualité d'une discussion pertinente en refusant d'argumenter avec un futur collègue du parquet, (Rizgar Amin).

@Doc

Vous vous conduisez en amant éconduit. Vous devriez pourtant être fier que vos jérémiades aient poussées le maître des lieux à rédiger ce qui restera l'un des meilleurs billets de ce blog, clairs et argumenté, à propos de la responsabilité médicale, (d'après Louis bien sûr ;-) ). Vous êtes une source d'inspiration en quelques sortes. Vous avez tort de vous vexer pour si peu. Rester donc par ici. Vous verrez que le masochisme s'acquière avec le temps. :-)

Sinon Aliocha est journaliste. Pas juriste. Et bien que sa plume soit pertinente et très agréable à lire elle est ici, comme beaucoup, en stage d'apprentissage. Ouvrir un blog juridique ailleurs risquerait fort d'alimenter la rubrique " Mon amie la presse" de celui-ci.

49. Le vendredi 29 août 2008 à 09:59 par Rataxès

Apparemment, le lien supposé nous diriger vers l'arrêt est encore rompu.

50. Le vendredi 29 août 2008 à 10:11 par Pax Romana

@ Fantômette (30)

Vous avez juste fait une petite erreur sur la signification littérales d'habeas corpus. L'expression veut en fait dire [nous ordonnons que] tu [= le geôlier] aies le corps [du prisonnier] (il ne s'agit pas pour le prisonnier d'avoir avec lui son propre corps, car il est en général difficile de l'en séparer). Par ailleus, l'expression habeas corpus est incomplète : elle suivie d'une expression de la forme « ad + gérondif » pour indiquer ce que l'on compte faire du corps en question, ce qui indique la nature de l'acte.

L'acte de procédure auquel vous faites référence est en fait un habeas corpus ad subjiciendum (ou habeas corpus ad subjiciendum et recipiendum), ce qui signifie [nous ordonnons que] tu [= le geôlier] aies le corps [du prisonnier] pour qu'il soit soumis (et reçu) [à notre cour].

Il existe par ailleurs d'autres actes de procédure qui sont des writs of habeas corpus : par exemple, l'Habeas corpus ad prosequendum, qui ordonne au geôlier d'amener un prisonnier pour qu'il soit mis en accusation.

51. Le vendredi 29 août 2008 à 10:11 par mourkos

la CEDH n'aurait-elle pas tendance à assimiler les notions de magistrats et de juges ?
Les gardes-à-vues, du moins la première prolongation de 24 heures, ne pourront plus être décidé par le procureur de la république ?
y-aura-t-il une séparation en de la fonction, une fonction pour la phase d'enquête et une fonction -et donc un autre fonctionnaire- pour la phase d'instruction/jugement ?

52. Le vendredi 29 août 2008 à 10:16 par tschok

@ Gascogne,

Très bien, c'est une caricature et l'arrêt du 10/07/08 est une fiction.

53. Le vendredi 29 août 2008 à 10:19 par mourkos

on va donc avoir une phase d'enquête bien plus accusatoire alors ?
avec ministère public vs présumé innocent et un arbitre dans le genre JLD ?
arrêt bien étrange

54. Le vendredi 29 août 2008 à 10:29 par aliocha

@petit filou 313-5 : dites donc bien nommé (et bien numéroté) Petit filou, je vous trouve drôlement dégourdi pour un soi-disant étudiant, je vous rappelle que mon petit exercice de rentrée sous un billet précédent auquel vous avez répondu presque bien était réservé aux apprentis juristes ;)
Je suis juriste mon Cher et j'ai même exercé en des temps forts anciens avant de devenir journaliste. Cela étant, si je caresse l'idée d'ouvrir un blog, il s'agit d'un blog sur le journalisme et non pas sur le droit.
@Doc : il est vrai qu'Eolas a un caractère, comment dirais-je, légèrement abrasif ? Mais personnellement, je pardonne beaucoup aux gens intelligents, à ce niveau-là, ils ne sont pas si nombreux, foi de journaliste ! Rompez donc votre promesse et venez bavarder tranquillement, petit filou a raison sur ce point.

55. Le vendredi 29 août 2008 à 10:40 par borat

Je partage l'avis de caramel..

J'ai une question pour gascogne qui dit :

"Si une procédure est nulle, il doit le relever à l'audience" (le procureur)

Cela veut dire que des le 11 octobre 2008 (date ou l'arret cedh est definitif), les procureurs vont reclamer à l'audience l'annulation de toute les garde à vue sous controle du procureur pour violation de l'article 5§1c) ? ou vont refuser de requerir l'appliquation la jurisprudence de la CEDH ;)

Par ailleurs, on vous rassure les juges d'instructions ne sont plus considere également dorenavant comme une "autorité judiciaire" meme pour leur fantome ;)

Extrait de l'arret:
"Sur ce tout dernier point, le Gouvernement affirme certes que les deux juges d’instruction se sont déplacés les vingt-quatrième et quarante-huitième heures pour notifier à chacun des intéressés la prolongation de leur garde à vue. Cette thèse, à l’appui de laquelle le Gouvernement ne produit aucun élément, n’est cependant corroborée ni par l’exposé des faits figurant dans l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes du 3 octobre 2002 ni par aucun pièce du dossier. Il y a lieu de toutes façons de retenir que les requérants n’ont été présentés à « un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » au sens de l’article 5 § 3 qu’au moment de leur comparution devant le juge des libertés et de la détention en vue de leur placement en détention provisoire (le 28 juin 2008 pour les uns, le 29 pour les autres), soit après quinze ou seize jours de privation de liberté."

Le procureur doit être élu au suffrage universel par les citoyens et etre une autorité de poursuite independante au nom de la société.

Les mesures de coercitions, et les decisions de renvoi en jugement doivent etre decider et controller par un juge independant élu au suffrage universel. Il doit avoir le droit de controler les locaux de garde à vue, et peut decider de placer sous caution, controle judiciaire, ou detention le prevenu, comme dans les democraties.

A la suite de cet arret, je suis sur que les avocats vont envoyer des requetes a la CEDH pour les 80 000 personnes gardes à vue + de 24h par an sous controle du procureur, pour violation de l'article 5§1c), 5§3 et 5§4. La requete prenant 1h a completer..il n'y a pas d'obstacle materiel...On verra dans 2 an si il y a beaucoup de communication de requetes à la france par la CEDH.

56. Le vendredi 29 août 2008 à 11:02 par Lulu

@ Véronique;

Oui Philippe BILGER est magistrat. Mais à fréquenter ce blog, vous avez dû comprendre que le métier de magistrat revêtait mille facettes. Et je suis d'accord avec Gascogne pour affirmer que le boulot d'avocat général près la Cour d'appel de PARIS est à mille lieues du travail du substitut de terrain. Attention, ce n'est pas moins noble ni plus noble, c'est juste complètement différent. C'est bien d'ailleurs la raison pour laquelle je suis parfois profondément agacée par les opinions émises par Bilger, qui à mon sens, écrit parfois sur des choses qu'il ne connaît pas.

à Gascogne

Cher Gascogne, j'aimerais partager votre optimisme et croire que l'arrêt Winner ouvre la voie à un parquet réellement indépendant du pouvoir exécutif. Hélas, pour de multiples raisons, et notamment la frilosité des politiques dès qu'il s'agit de construire un réel pouvoir judiciaire, je crois que l'on n'en prend pas le chemin. Combien je parie que l'on va bientôt demander aux pauvres JLD d'autoriser toutes les prolongations de GAV?

57. Le vendredi 29 août 2008 à 11:14 par petit filou 313-5

@ Aliocha

Désolé de vous avoir réduit à l'état de journaliste. (je plaisante bien sûr). Plus sérieusement je suis, comme beaucoup ici, un peu désabusé par le traitement de l'information dans les médias. Et lorsque quelqu'un se lève pour critiquer les journalistes, j'ai une fâcheuse tendance, tel le reflex de Pavlov, à l'applaudir et à l'encourager.

C'est un réflexe idiot et je dois dire que votre travail d'avocat de la défense commence à payer ses fruits. J'ai lu attentivement votre plaidoirie, ici...

dinersroom.free.fr/index....

... et je reconnais que cela commence à payer ses fruits. Sur moi en tous cas. Le patient, que je savais malade, commence à m'apparaître guérissable.

Sur mes compétences de juriste à présent. Eolas m'a humilié publiquement en m'infligeant un zéro. J'ai mis quelques jours à m'en remettre -j'ai même posté sous différents pseudo pur brouiller les pistes- mais cela va mieux à présent. :-)

58. Le vendredi 29 août 2008 à 11:21 par mourkos

je crois que Lulu a raison, ce sont les JLD qui vont avoir le pouvoir de décider la première prolongation de gav et le ministère public sera réduit à un super flic et un super accusateur.

59. Le vendredi 29 août 2008 à 11:22 par Toms


Je suis, et c'est bien la première fois, étonné par la rudesse des réponses de Gascogne.

Je ne pense pas qu'il y avait de l'agressivité dans les propos de votre collègue Rizgar. Plutôt de l'ironie voire de l'humour ?

60. Le vendredi 29 août 2008 à 11:45 par Ti

Bravo Gascogne
Choisir le côté obscur est courageux
Et oui, je suis persuadé qu'il est plus intéressant que bien des fonctions de juge, en tous cas permettant un rôle plus actif.

Il faut juste prendre garde de ne pas sombrer............

61. Le vendredi 29 août 2008 à 12:42 par Sagéfou

Il me semble aussi que surcharger le JLD serait la solution la plus rapide pour rémédier à cette censure.


Sinon, une question me taraude concernant la compétence des juridictions françaises dès l'origine:

Territorialement: au large des îles Canaries;
Personnellement: pavillon cambodgien, marins grec, chypriote et chilien;
Matériellement: traffic de stupéfiants. Il y a une compétence internationale pour ça ?

Cela n'a que peu de rapport avec le sujet d'origine. Mais tout de même, j'aimerais bien savoir...

62. Le vendredi 29 août 2008 à 12:56 par Pax Romana

@ Gascogne, et @ EPR (42)

Je trouve comme EPR Gascogne bien prompt à se moquer de l'Italie, et je pense qu'il s'agit d'une méconnaissance de sa part.

En effet, en Italie le pouvoir judiciaire est aux mains des magistrats, qui d'après l'article 101 de la constitution sont « soumis uniquement à la loi », i.e. peuvent (et doivent) ignorer les consignes que pourrait être tenté de leur faire parvenir l'exécutif. Et cela vaut également pour les procureurs, au contraire de ce qui se passe en France.

D'ailleurs, il s'agit bien d'un pouvoir judiciaire, et non d'une simple autorité comme en France, car la magistrature italienne jouit du statut d'« organe constitutionnel ». Les organes constitutionnels sont au nombre de cinq en Italie : la Présidence, le Parlement, le Gouvernement, la Magistrature et la Cour Constitutionnelle (dont les membres en Italie sont nommés pour un tiers par le Président, un tiers par le Parlement, et un tiers par les membres de rang élevé de la Magistrature... bref, par des représentants des trois pouvoirs, encore une fois contrairement à ce qui se passe en France).

Le conseil supérieur de la magistrature (qui en Italie jouit du statut d'« organe d'importance constitutionnelle » au même titre que le Conseil d'État italien par exemple) est le seul organe de gouvernance de la magistrature (tant du siège que du parquet, au contraire de la France).
Il se compose de deux tiers de membres « en toges », i.e. de magistrats élus par leurs pairs, et d'un tiers de membres « laïcs », i.e. de Professeurs d'université en droit et d'avocats exerçant depuis plus de quinze ans élus à ce poste par le Parlement. Il est présidé en droit par le Président de la République (mais rappelons qu'en Italie, le Président est irresponsable politiquement et ne dispose d'autre pouvoir que de celui de mener des consultations) et en fait par un vice-président élu par les membres « laïcs ».
Encore une fois, ce n'est pas vraiment pareil qu'en France...

63. Le vendredi 29 août 2008 à 13:07 par Véronique

@ Lulu

"Mais à fréquenter ce blog, vous avez dû comprendre que le métier de magistrat revêtait mille facettes. "

Ah.

Pour le moment, les magistrats qui ont écrit des billets sur ce blog ne sont que des magistrats du siège.

Le jour où le magistrat du parquet qui écrit des commentaires sous le pseudo de " parquetier " écrira des billets, je pourrai alors considérer qu'à fréquenter ce blog, je serais un peu instruite, non pas des mille facettes du métier de magistrat, mais plus précisément de TROIS facettes de votre métier:

juge d'instruction (Gascogne et vous-même), juge aux affaires familiales (Dadouche) et un magistrat du parquet (parquetier). Pour le moment, seules deux facettes sont représentées.

" C'est bien d'ailleurs la raison pour laquelle je suis parfois profondément agacée par les opinions émises par Bilger, qui à mon sens, écrit parfois sur des choses qu'il ne connaît pas."

Ah.

Philippe Bilger a d'abord été juge d'instruction à Lille. Son expérience au parquet a débuté à Bobigny en 1975. Il a été nommé à Paris en 1982 comme premier substitut à la section des escroqueries et abus de confiance. Puis il a fait un passage dans le cabinet de René Monory, alors président du Sénat. De retour au Palais de justice de Paris, il a été substitut à la section de la presse et des libertés publiques. Ce n'est qu'à partir des années 90 qu'il est devenu avocat général.

Bref, je pense qu'il est autorisé à parler de son métier et de ses expériences de magistrat.

"Combien je parie que l'on va bientôt demander aux pauvres JLD d'autoriser toutes les prolongations de GAV? "

Ah.

Il y a quelques mois Gascogne a écrit un billet où il disait que comme juge d'instruction, il avait la latitude d'ordonner, de prolonger ou de lever une garde à vue. Les personnes en garde à vue étaient soupçonnées de proxénétisme. J’avais cru comprendre que Gascogne était juge d'instruction, et non magistrat du parquet.



64. Le vendredi 29 août 2008 à 13:12 par Pax Romana

@ Véronique
Juste une petite correction dans l'étiquetage de votre collection de facettes : je crois que Dadouche est juge des enfants, et non juge aux affaires familiales.

65. Le vendredi 29 août 2008 à 13:21 par Véronique

@ Pax Romana

Merci pour la correction. Désolée vis à vis de Dadouche pour mon erreur.
Mais je ne vous le cache pas. Je m'y perds dans les mille et une facettes...

66. Le vendredi 29 août 2008 à 13:33 par UFC Que choisir

@sur 63: une présentation des différents auteurs autre que Me Eolas serait bienvenue.

67. Le vendredi 29 août 2008 à 13:42 par aliocha

@petit filou 313-5 : Vous êtes pardonné bien sûr ;) Ainsi mon combat ne serait donc pas totalement inutile ? Je suis touchée que vous me le disiez, merci.

68. Le vendredi 29 août 2008 à 13:56 par étudiante

"le magistrat du parquet reste en France, de part son statut, un magistrat. Cela signifie qu'il est constitutionnellement garant des libertés individuelles (art. 66 de la constitution), tout comme son collègue du siège."

A la fac on nous apprend que depuis une décision du conseil constitutionnel du 21 janvier 1981 " sécurité et liberté" l'article 66 de la constitution ne concerne que les magistrats du siège et non ceux du parquet qui ne bénéficient pas des mêmes garanties d'indépendance!

69. Le vendredi 29 août 2008 à 14:14 par Dadouche

@ Véronique

Certaines fonctions peuvent comporter plusieurs facettes. Et je vous confirme que celle d'avocat général devant une cour d'assises est très différente au quotidien de celle de substitut dans un TGI de base, comme j'avais pu par exemple la décrire ici : www.maitre-eolas.fr/2006/...

Et je peux vous assurer que les conditions d'exercice de nombreuses fonctions ont profondément évolué depuis vingt ans.

70. Le vendredi 29 août 2008 à 14:24 par Dadouche

@ Rizgar Amin

Cher collègue (je me permets de vous appeler ainsi, puisque je suis juge et que j'ai cru comprendre à votre réponse à Gascogne que seuls les magistrats du siège ont l'honneur de pouvoir se considérer comme vos collègues)

Je suis toujours un peu amère de constater l'écart qui se creuse entre certains magistrats du siège et leurs collègues (car c'est bien ainsi que moi je les considère) du parquet.

Loin de moi l'idée de contester que les temps sont durs pour les procureurs.
Oui, le pouvoir politique use et abuse du lien hiérarchique et vous avez raison de rappeler ce qui se passe dans certains parquets.
Oui, la fiche de poste de la Garde des Sceaux, qui s'est définie comme la « chef des procureurs » est révélatrice d'un état d'esprit inquiétant et d'une forte tentation de préfectoralisation du parquet.
Oui, la nomination de procureurs généraux, parfois sans expérience au parquet ni dans des postes de chefs de juridiction, qui n'ont d'autre légitimité que d'être du bon côté est inquiétante.

Mais faut-il pour autant abandonner les parquetiers ?
Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est aussi à cause de l'attitude des magistrats du siège qui, peut être soulagés de ne pas être en première ligne face à la tentation de la reprise en main, n'ont rien fait pour soutenir leurs collègues du parquet.
Engagée dans l'action syndicale, je suis désespérée par l'atonie de nombreux collègues face aux multiples écornes qui ont été faites à l'autorité judiciaire ces dernières années.
Je suis inquiète de voir des magistrats expérimentés déserter le parquet, laissant de jeunes collègues seuls face à une haute hiérarchie de plus en plus centralisée. Et reconnaissante à ceux qui, comme Gascogne, vont au charbon, convaincue que je suis qu'il est plus aisé de faire preuve d'indépendance au parquet quand on a goûté à celle du siège.
Je suis consternée de voir des collègues du siège « taper » sans vergogne sur le parquet, qui est pourtant, j'en suis persuadée, l'ultime rempart. Car les travers dont vous faites état au parquet, ils sont en germe au siège, particulièrement avec la modification de la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature, qui laisse aux mains des politiques le pouvoir de nomination de tous les magistrats.

Il est indispensable que l'action publique soit confiée à des magistrats, avec des garanties d'indépendance. C'est le sens que je veux voir moi aussi dans l'arrêt de la CEDH.

Je suis en revanche moins optimiste que Gascogne sur l'influence du droit européen, puisque la récente réforme de la composition du CSM a été menée contre tous les standards européens en la matière. Mais peut-être la CEDH rendra-t-elle un jour un arrêt considérant que les magistrats du siège français ne présentent pas les garanties d'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être qualifiés d'autorité judiciaire ?

71. Le vendredi 29 août 2008 à 14:25 par Simplet

[...] Les requérants ont soulevé deux points précis : ils ont été gardés treize jours en mer hors de tout cadre légal avant d'être placés en garde à vue à Brest [...]

"Hors de tout cadre légal", c'est les bons mots pour "vide juridique"?

...
OK je sors ...

72. Le vendredi 29 août 2008 à 14:36 par Ponpon

A propos de "Force est de constater", ne trouvez-vous pas cela étonnant de la part de tels juristes que l'arrêt en question utilise cette même expression - sans aucunement l'argumenter en droit - pour considérer que le procureur de la République n'est pas un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires... Dans ces conditions, quid des droits de la défense ?

73. Le vendredi 29 août 2008 à 14:39 par Lulu

@ Véronique;

Il est inutile de me rappeler le parcours professionnel de Philippe BILGER. Mais ainsi que vous le rappelez vous-même, il est avocat général affecté au parquet près la Cour d’Assises de PARIS. Son quotidien, ce sont des affaires criminelles (préparation de dossiers et réquisitions à l’audience) dont beaucoup sont “hors-normes”. Pas grand chose à voir, je vous l’assure, avec la journée type du substitut de permanence, qui jongle entre une comparution immédiate pour récidive de conduite en état alcoolique et une ordonnance de placement provisoire. Vous pouvez constater que M. BILGER exerce ses fonctions d’avocat général depuis plus de dix ans. Je maintiens qu’à la lecture de ses écrits, j’ai parfois le sentiment qu’il a perdu de vue ce qu’est le boulot des magistrats “de terrain”. J’avais aussi eu cette impression suite à une conférence qu’il avait donnée à l’ENM il y a trois ans .

D’autant plus qu’en une décennie, le travail du ministère public a considérablement évolué.

"Combien je parie que l'on va bientôt demander aux pauvres JLD d'autoriser toutes les prolongations de GAV?

Ah.

Il y a quelques mois Gascogne a écrit un billet où il disait que comme juge d'instruction, il avait la latitude d'ordonner, de prolonger ou de lever une garde à vue. Les personnes en garde à vue étaient soupçonnées de proxénétisme. J’avais cru comprendre que Gascogne était juge d'instruction, et non magistrat du parquet.”

Déjà, arrêtez de multiplier les “ah” dans vos post comme si vous aviez découvert le Saint Graal.

En tant que juge d’instruction, je suis seule compétente pour autoriser les éventuelles prolongations de garde à vue dans le cadre de MES dossiers et de MES commissions rogatoires.

En revanche, les choses sont différentes pour les enquêtes préliminaires et de flagrance diligentées sous la responsabilité du procureur de la République.

Le Procureur de la République peut autoriser une première prolongation de garde à vue (jusqu’à 48 heures donc).

Mais s’il souhaite une nouvelle prolongation jusqu’à la 72ème heure ou la 96ème, comme la loi le prévoit pour certaines infractions (dont le trafic de stupéfiants), il doit solliciter le juge des libertés et de la détention pour en obtenir l'autorisation.

Lequel JLD, en règle générale, n’est pas ravi quand on lui présente 4 clampins pour prolongation de GAV. Mais bon passons.

A mon sens, quand le législateur tirera les conclusions de l’arrêt Winner, s’il les tire un jour, ce sera non pas de garantir l’indépendance du parquet mais de décider que le JLD statuera sur toutes les prolongations de GAV, y compris après les 24 premières heures, dans les enquêtes préliminaires et de flagrance.



74. Le vendredi 29 août 2008 à 14:54 par Pax Romana

@ Véronique

Mais je vous en prie. Il est vrai qu'il est facile de s'y perdre. Mais connaissant votre goût pour l'exactitude, que je partage d'ailleurs, je me suis dit que vous ne le prendriez pas mal.

75. Le vendredi 29 août 2008 à 15:08 par ramses

Ca part un peu dans tous les sens, à la suite de cet arrêt "Winner", aussi j'aimerais donner un point de vue d'ensemble à toutes les contributions précédentes :

Le Winner était dans les eaux internationales lorsqu'il a été neutralisé par la Marine française. Celle-ci avait une mission de surveillance de trafiquants de drogue et la neutralisation du Winner et l'arrestation des membres de l'équipage entraient parfaitement dans ses attributions et conforme au Droit international, comme l'a d'ailleurs reconnu la CEDH.

Les marins ont été bien traités et remis aux autorités françaises pour être jugés.

Ce que nous reproche la CEDH, c'est de n'avoir pas embarqué à bord de notre Frégate un Procureur, un JLD, un OPJ, que sais-je encore ? Et d'avoir "privé de liberté" pendant 16 jours de dangereux trafiquants, en les soumettant en plus à une garde à vue prolongée à leur arrivée en France... Tout ceci pour conclure que ce n'est pas au Procureur de prononcer les gardes à vue, ni à la Marine nationale de neutraliser des trafiquants de drogue !!

A mon avis, la Marine nationale n'est pas prête d'arraisonner à nouveau un navire de ce genre, en prenant des risques en plus (je rappelle qu'un marin de la frégate a été tué lors de l'abordage).

Dans le genre "ridicule absolu", je pense qu'on n'avait jamais atteint un tel sommet...

Il est sûrement plus confortable de siéger dans la salle climatisée de Strasbourg que de se battre sur le terrain, comme le rappelle aujourd'hui le Général Français, commandant les forces d'intervention en Afghanistan, à propos des réactions sur la perte de nos 10 militaires.

On veut toujours faire des omelettes, mais surtout sans casser les oeufs ! Guerre zéro mort, trafiquants protégés par les "Droits de l'homme" (est-on conscient à la CEDH des ravages provoqués en occident par la drogue ?)

Dans un autre registre, je trouve ce blog passionnant, du fait justement des avis très divers qui s'expriment librement (il faut vraiment aller trop loin pour être assomé par Troll Detector). De plus, ce blog n'est pas modéré à priori, ce qui est très rare. Les interventions sont de qualité, les commentateurs soignent le style et l'orthographe.

Le seul petit reproche que je ferais aux auteurs du blog, c'est une sécheresse souvent excessive dans leurs commentaires aux commentateurs... On peut ne pas être d'accord (c'est d'ailleurs plutôt sain), sans être vexatoire, sauf dérapage incontrôlé...

76. Le vendredi 29 août 2008 à 15:18 par Dini

@ramses

On peut par exemple ne pas être d'accord avec vous et lire l'arrêt (du moins son commentaire par Gascogne) et constater que la Cour a rejeté l'argument des marins concernant le fait qu'il s'était écoulé plusieurs jours pendant lesquels ils étaient prisonniers sur le bateau ("la Cour, qui précise qu'il est normal de tenir compte du temps de trajet entre l'arraisonnement et l'arrivée au port").

On peut par conséquent ne pas être d'accord avec vous et estimer que résumer cet arrêt par "ce que nous reproche la CEDH, c'est de n'avoir pas embarqué à bord de notre Frégate un Procureur, un JLD, un OPJ, que sais-je encore" révèle soit une absence d'honnêteté, soit une absence d'intelligence de votre part.

On peut même pencher pour la seconde hypothèse lorsque vous préconisez de cesser de conférer aux trafiquants de drogue la protection des "droits de l'homme". C'est sûr que si on les réserve aux mamies à caniche (ou moustache), ça diminue légèrement l'utilité de la chose...

77. Le vendredi 29 août 2008 à 15:25 par VSD

Merci pour ce billet. Votre blog est toujours très intéressant

78. Le vendredi 29 août 2008 à 15:37 par ramses

@ Dini

Vous avez votre propre lecture de cet arrêt, c'est votre droit, mais celà ne vous autorise pas à vous prétendre plus intelligent.

J'imagine que les américains doivent bien rigoler en lisant les arrêts de la CEDH :)

79. Le vendredi 29 août 2008 à 15:45 par Dini

@ ramses

Voici quelques extraits de l'arrêt:

66. [Dans une affaire précédente appelée Rigopoulos] la Cour a conclu au défaut manifeste de fondement du grief tiré de l’article 5 § 3, au motif que « compte tenu des circonstances tout à fait exceptionnelles de (...) l’affaire, on ne saurait conclure que le délai qui s’est écoulé entre le moment de la mise en détention du requérant et sa présentation au juge d’instruction a excédé la promptitude telle qu’elle est conçue au paragraphe 3 [de l’]article [5] ». Elle a relevé au titre de ces circonstances que la distance à parcourir était « considérable » (le navire se trouvait à 5 500 km du territoire espagnol au moment de son interception) et qu’un retard de quarante-trois heures, qui avait été provoqué par des actes de résistance de membres de l’équipage, ne « saurait être imputable aux autorités espagnoles » ; elle en a déduit qu’il existait « une impossibilité matérielle d’amener physiquement le requérant devant le juge d’instruction dans un délai plus court ».

...

67. Au moment de son interception, le Winner se trouvait lui aussi en haute mer, loin des côtes françaises, à une distance du même ordre que celle dont il était question dans l’affaire Rigopoulos, et rien n’indique que son acheminement vers la France ait pris plus de temps que nécessaire. Par ailleurs, les requérants ne prétendent pas qu’il était envisageable de les remettre aux autorités d’un pays plus proche que la France, où ils auraient pu être rapidement traduits devant une autorité judiciaire. La présente espèce se rapproche donc grandement de l’affaire Rigopoulos : il y avait pareillement une impossibilité matérielle d’amener « physiquement » les requérants devant une telle autorité dans un délai plus bref.



Je crains que, lorsque vous évoquez des "lectures" différentes de l'arrêt, il ne faille pas entendre ce terme comme signifiant "interprétations", mais comme "action de lire": je l'ai lu, manifestement pas vous (ni la note de Gascogne d'ailleurs, puisqu'il évoquait le point).

80. Le vendredi 29 août 2008 à 16:01 par aliocha

@dini : vous avez raison mais ne chahutez pas Ramses comme ça, il va se vexer.
@ramses : bon mon ami, vous soulevez une objection classique qui consiste à dire qu'il ne faut avoir aucune pitié pour les voyous et qu'il faut cesser de leur accorder des droits qu'ils ne méritent pas. Admettons, mais voyez-vous, la procédure pénale et les droits de la défense ne protègent pas les voyous, ils protègent tout le monde, y compris vous. Imaginez que demain un voisin jaloux vous accuse d'avoir cambriolé sa maison en son absence. Je suis certaine qu'alors vous allez prendre la mesure de l'intérêt des droits de la défense et des garanties procédurales. Et vous allez même vous dire qu'il faudrait améliorer tout cela, parce que bon sang de bonsoir, crier qu'on est innocent et ne pas être relâché immédiatement avec des excuses, c'est quand même inadmissible. Non ?

81. Le vendredi 29 août 2008 à 16:14 par Babar

Juste un commentaire sommaire sur l'orthographe : ce n'est pas "de part son statut" mais "de par son statut" qu'il faut dire.

82. Le vendredi 29 août 2008 à 17:04 par Fantômette

@ Pax Romana

Merci pour la rectification. Je n'étais plus sûre de la traduction et à force d'être obligée de parler français depuis 1539, mon latin a fini par rouiller, c'était à prévoir...

83. Le vendredi 29 août 2008 à 17:28 par Alceste

@Le roi des éléphants
Il paraît même qu'il ne faut pas dire "de par", que c'est mal, sauf si on est roi de France. Mais je ne sais pas pourquoi.

Eolas:
C'est depuis que Louis XVI a été coupé en de par inégales.

84. Le vendredi 29 août 2008 à 18:10 par ramses

@ Dini

Non seulement j'ai lu l'arrêt et le billet in extenso, mais j'avais même, en son temps, visionné entièrement les débats sur le site de la CEDH, car il me paraissait déjà ahurissant que la Cour accepte d'enrôler une telle affaire...

Que reproche t'on à la France, en l'occurence ?

Deux choses :

1) d'avoir placé les malfaiteurs en garde à vue à leur arrivée à Brest (les 16 jours de mer étaient amplement suffisants, paraît-il ; il aurait donc fallu les relâcher dès leur arrivée, après avoir tué un marin de la Marine Nationale ?)

2) qu'un Procureur ait décidé seul de cette garde à vue et l'ait même prolongée.

Excusez-moi, mais je ne puis partager ces points de vue et d'ailleurs la Justice française a condamné lourdement les délinquants pour les faits commis et ils sont en prison pour une vingtaine d'années. Leur appel à la CEDH avait sans doute pour effet de les remettre en liberté (vice de procédure), c'est raté, ils auront 5.000 € à se partager (en fait à remettre à leur Avocat, hélàs plus brillant que la Commissaire du Gouvernement).

@ Aliocha

Ne confondez pas "erreur judiciaire", "flagrant délit" et "garanties procédurales". Bien sûr que les prévenus doivent être protégés jusqu'à leur condamnation... En a t'il été différemment des marins du Winner ? Ont-ils été maltraités ?

Je maintiens que cette condamnation de la France est grotesque, à moins que l'on ne veuille remettre en question le principe des gardes à vue et des détentions provisoires ?... C'est un autre débat.

Et soyez rassurée, je ne me vexe pas pour si peu.

Eolas:
S'ils espéraient être libérés, ce ne pouvait être que raté, la cour n'ayant que le pouvoir de prononcer des condamnations pécuniaires. Cela dit, ils peuvent demander la révision de leur procès et soulever à nouveau une nullité de procédure tirée de la violatio nde l'article 5 de la CESDH. Ça promet d'être amusant.

85. Le vendredi 29 août 2008 à 18:35 par Dini

@ Ramses

Décidément, nos "lectures" divergent.

§68-69: "Par ailleurs, la Cour juge raisonnable l’argument du Gouvernement selon lequel cette garde à vue et sa durée s’expliquent par les nécessités de l’enquête, eu égard au nombre des requérants et à l’obligation de recourir à des interprètes pour procéder à leur interrogatoire.
...
Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention."


Je ne comprends pas comment vous pouvez déduire de ceci, surtout après avoir suivi l'affaire depuis le début, que la Cour "reproche à la France d'avoir placé les malfaiteurs en garde à vue à leur arrivée à Brest (les 16 jours de mer étaient amplement suffisants, paraît-il ; il aurait donc fallu les relâcher dès leur arrivée, après avoir tué un marin de la Marine Nationale ?)"


Et, juste pour nourrir vos lectures, le § 49

"A titre liminaire, la Cour souligne qu’elle partage le point de vue du Gouvernement selon lequel il faut garder à l’esprit que les mesures prises par les autorités françaises à l’encontre du Winner et de son équipage s’inscrivaient dans le cadre de la participation de la France à la lutte contre le trafic international de stupéfiants. Comme elle l’a à maintes reprises indiqué, vu les ravages de la drogue, elle conçoit en particulier que les autorités des Etats parties fassent preuve d’une grande fermeté à l’égard de ceux qui contribuent à la propagation de ce fléau. Cependant, aussi légitime qu’elle soit, une telle fin ne saurait justifier tous les moyens : lesdits Etats sont tenus de garantir à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés garantis par la Convention et les Protocoles additionnels qu’ils ont ratifiés, en toutes circonstances et dans les seules limites prévues par ces mêmes textes."

De dangereux droitsdelhommistes, on vous dit.

86. Le vendredi 29 août 2008 à 19:47 par mplopez33

« Beaucoup de collègues y ont vu la porte ouverte à une réforme de
» plus, dont on parle depuis quelques temps, à savoir la séparation du
» siège et du parquet. Etant pourtant particulièrement opposé à cette
» séparation, je ne suis pas loin de penser que cet arrêt est au
» contraire plutôt positif. »

On disait la même chose à propos des décisions du Conseil d'État concernant l'inscription de fœtus à l'état-civil. Le résultat : plutôt que la transcription en loi ou décrets des recommandations de l'OMS (espoir des optimistes), publication de décrets autorisant une telle inscription sans limites.

87. Le vendredi 29 août 2008 à 20:51 par Véronique

@ Lulu

" D’autant plus qu’en une décennie, le travail du ministère public a considérablement évolué. "

Doit-on pour autant en conclure que ce qui précède le présent ne compte pour rien dans le regard qu'un magistrat porte sur son métier et sur son milieu professionnel, et plus particulièrement comme representant du Ministère public ?

J'ai une profonde estime pour Philippe Bilger. Je nous souhaite, à nous justiciables, un maximum de magistrats à sa dimension.

Quand j'ai mentionné l'ancien billet de Gascogne, je voulais dire que la question de l'indépendance dans la décision d'une garde à vue peut concerner également les juges d'instruction.

@ Dadouche

Merci pour le lien. Je vous ai lu. Je partage la ligne de fond que vous développez et que vous défendez dans votre commentaire repris en billet.

88. Le vendredi 29 août 2008 à 20:54 par Véronique

@ Dadouche

...Je vous ai luE...

89. Le vendredi 29 août 2008 à 21:06 par Scif

Merci à Raph (commentaire n° 17), qui m'a donné mon premier fou rire de la journée en proposant "garantir constitutionnellement une somme fixe pour la justice ([b]12% du PIB, par ex[/b])" ...

90. Le vendredi 29 août 2008 à 23:40 par Lucas Clermont

Houp là ! Ce billet — et les commentaires de magistrats qui réagissent à votre changement de fonction — révèle tout un malaise dans la profession qui se traduirait par un antagonisme entre des magistrats du siège et du parquet.


«L'indépendance est affaire d'état d'esprit» écrivez-vous, et bien on peut se réjouir qu'à partir de lundi un nouveau procureur sera déterminé à se forger le caractère pour encore quatre ans.

91. Le samedi 30 août 2008 à 04:05 par Apokrif

"le magistrat du parquet reste en France, de part son statut, un magistrat. Cela signifie qu'il est constitutionnellement garant des libertés individuelles (art. 66 de la constitution)"

L'art. 66 ne parle pas des magistrats, mais de l'autorité judiciaire (qui n'est pas la même chose que l'autorité judiciaire au sens de la jurisprudence de la Cour).

Par ailleurs, le fait qu'une personne soit chargée de remplir un rôle n'implique pas qu'elle remplit bien ce rôle. La question, c'est ce que font les parquetiers (ou ce qu'ils semblent faire, compte tenu de leur qualité de partie à la procédure et de leur subordination hiérarchique), pas ce qu'ils sont censés faire.

92. Le samedi 30 août 2008 à 04:11 par Apokrif

"Retirez le statut de magistrat aux membres du parquet, et vous vous retrouverez avec des préfets de justice, soumis comme les autres à la pression des chiffres."

Je poursuis: quelle est l'influence de la qualité de magistrat (ou de chevalier de la légion d'honneur, ou de docteur en droit) des parquetiers sur la présence ou l'absence de pression des chiffres ? A supposer que ce statut joue effectivement un rôle, ce rôle est-il suffisant pour que les parquetiers soient assez indépendants pour exercer un contrôle suffisant sur la privation de liberté ?

93. Le samedi 30 août 2008 à 12:03 par Lincoln

Certains commentateurs se plaignent de la désertification de ce blog de parquetiers. Alors je profite de deux minutes entre deux coups de fils...(en réalité, ce message va prendre deux bonnes heures à être écrit et relu avec la perm').

Je m'étonnerais toujours de constater comme chacun peut avoir une idée très précise, parfois très péremptoire, de ce que doit ou ne doit pas être la justice et éventuellement son organisation. Chacun a son avis sur la matière sur un sujet qui me paraît pourtant bien technique ou qui du moins, me semble-t-il, nécessite d'y avoir un peu baigné. On me taxera de corporatisme, de sourd à la voix du peuple éclairé ou pire d'affreux élitiste tentant d'éloigner le bon citoyen du service public de la justice et d'un débat démocratique. Je sais, j'assume.

En toute hypothèse, il serait bon que la modération règne dans les commentaires de certains qui parlent, manifestement sans savoir ou en s'abreuvant de clichés plus ou moins médiatisés (combien de fois nous fera-t-on le coup de l'hélicoptère et j'attends à partir du centième commentaire l'affaire d'outreau ou le substitut de montpellier sous les barreaux, que l'on pourra certainement relier au statut du magistrat du parquet d'une manière ou d'une autre: on a bien réussi à réformer l'instruction sur cette base alors que le problème central est celui de la détention, à mon sens).

Quelques morceaux choisis, qui m'ont tout spécialement fait plaisir:

"Moins médiatiquement mais plus systématiquement, l'usage démesuré de la garde à vue dans notre pays n'est possible que grâce à la complaisance des procureurs. La garde à vue est une privation de liberté qui, pour les infractions "ordinaires", peut aller jusqu'à 2 jours. Le gardé à vue est maintenu dans des locaux de police dans des conditions matérielles plus ou moins désastreuses. Il est coupé de tout contact avec l'extérieur et peut être interrogé par les policiers à tout moment et autant que ceux-ci le souhaitent. On comprend aisément qu'il s'agit pour celui que y est soumis d'une épreuve. Or, la garde à vue est placée sous le contrôle du procureur qui en est avisé dès le début et qui peut à tout moment en ordonner la cessation. Elle ne devrait donc être admise que lorsque les investigations le justifient."

L'article 63 du CPP vient border très nettement la garde à vue qui est possible, pour faire simple, dès qu'il y a raison plausible de soupçonner la commission d'une infraction. Le domaine est vaste. J'aimerais savoir à quel titre un magistrat du parquet pourrait lever une garde à vue décidée par un OPJ en indiquant que les investigations ne la justifient pas. Croyez-moi que l'on se passerait bien des garde à vue pour défaut de permis (sans antécédent) ou usage de stupéfiants. Cela serait d'ailleurs fort problématique d'entendre la personne à l'issue de cette levée de GAV, alors qu'elle a été privée de liberté pendant un certain temps auparavant...Donc, nous respectons le CPP, nous n'en sommes pas désolés. Il n'est pas regrettable que les enquêteurs puissent interroger à l'envi cette même personne, c'est quand même mieux pour l'entendre... Je ne réponds pas au reste du billet sur le plaisir compulsif et vicieux du parquetier à prolonger des personnes en GAV dans des conditions peu confortables. Du travail en plus alors que des dizaines d'autres appels nous assaillent (ou de problèmes bassement matériels). Quant au délai pour obtenir un casier judiciaire, il est pour le moins variable (erreur sur l'identité, date de naissance, fax occupé...). Effectivement, les seuls qui doivent visiter les locaux de GAV - obligation procédurale - et se cognent les rapports sont les parquetiers - des rapports qui ne semblent pas avoir d'effet notable, il est vrai -.

Marcel:

"Dans l'ensemble, aujourd'hui, le procureur se contente de représenter l'accusation et y compris en usant si besoin d'une mauvaise foi parfois affligeante. L'utilisation abusive de la garde à vue est tout simplement flagrante, les réquisitions de détention provisoire censée être "exceptionnelle" sont devenues la règle, et il apparaît même parfois évident qu'un procureur cherche sciemment à charger la mule d'accusations dont il sait pertinemment qu'elles ne tiendront pas, juste pour augmenter ses pouvoirs en la matière (ce qui est pratique quand on accuse quelqu'un pour l'envoyer en préventive, c'est que le temps que l'instruction établisse qu'en fait l'accusation ne tient pas debout, il aura déjà moisi 4 mois sous les verrous)."

Je me désolé profondément que de tels poncifs puissent revenir à la plume de lecteurs de ce blog (y aurait-il eu une mauvaise expérience derrière ses réminiscences). Le juge du siège est parfait et le parquetier, monstre assoiffé de détention, à mettre au rebus. Mais quand cesserons-nous les jugements à l'emporte-pièce et les caricatures à n'en plus finir ? Parlons en de la détention provisoire: la société veut toujours plus de sécurité, parfois jusqu'à l'absurde ou l'aseptisation complète, mais avec toujours moins de risque, de responsabilité et de sacrifice. La question est en partie la suivante: acceptons-nous le risque (avec des risques pour tout: d'erreur humaine, de procédure) pour plus de sécurité (pour les citoyens, les victimes...) ?.

La grande difficulté au parquet est de concilier les contradictions: le meilleur exemple peut être celui de l'application des peines. Un fou dangereux doit sortir bientôt de plusieurs dizaines d'années de réclusion criminelle (il s'agit d'une hypothèse réellement à peine caricaturale): le pronostic est réservé mais il se dit prêt à engager des soins dehors, indemnisation moyenne de la victime, pas entendu parler de lui en détention, lui reste deux ans. Le parquet dit banco avec obligation de soins stricte: il récidive pour, choisissons au hasard, viol sur un gamin de quatre ans (toujours pas exemple)...Qui a autorisé ce dangereux personnage à sortir de prison: le JAP, crucifions le, le parquet a dit ok, pure folie, le parquet doit protéger les citoyens, la société, comment ce malfaisant a pu prendre des réquisitions favorables ?. Deuxième option: réquisitions négatives, le JAP ne suit pas. Il sort à la fin de sa peine et il récidive sur un gamin de quatre ans en le violant (par exemple). Mais pourquoi diable personne n'a enjoint à ce fou de se faire soigner ? Il sont vraiment incompétents dans la justice... Les mêmes qui hurlent à l'incompétence lorsque des prévenus sont relaxés après une (longue) détention provisoire sont ceux qui exhortaient à l'incarcération immédiate dès que les faits sont connus. Mieux, lorsque l'on détourne des millions d'euro, au plus haut niveau, on demande devant la caméra la détention en soulevant le critère de l'ordre public, parce que cela "choque nos citoyens que ces individus profitent du système" (le critère de l'OP n'étant désormais possible que pour la matière criminelle).

Finalement, rien n'a changé...on continue sur le même éternel registre en voulant tout et son contraire, en commettant toujours les mêmes erreurs (présomption d'innocence bafouée allègrement, temps de l'enquête calquée sur le temps médiatique, simplification outrancière des dossiers...), surtout, je dois bien le dire à travers le traitement médiatique des "affaires" (qui font maintenant plus de trois quart d'un journal télévisé: le fait divers fait toujours recette...). A caillasser les pompiers, il arrivera un jour qu'ils ne viennent plus...

Je pense néanmoins que la meilleure des leçons est celle que l'on retient après l'expérimentation pratique. Faisons des parquetiers des fonctionnaires comme les autres, séparons les matériellement des autres magistrats et observons...nous verrons si les garde à vue sont mieux contrôlées, les libertés individuelles mieux préservées, les poursuites mieux exercées,la sécurité mieux assurée, les citoyens plus satisfaits du service public de la justice.

Je regarderai avec attention et intérêt de mon nouveau poste de l'instruction passant du "doigt sur la couture", caporalisé comme j'étais à l'excès, un peu idiot sur les bords, il faut bien le dire, à cette merveilleuse et sereine indépendance d'esprit éclairé, loin de toute pression (ah, si vous saviez...). Quelle métamorphose !

Bien cordialement à tous.


94. Le samedi 30 août 2008 à 12:07 par lincoln

A apokrif:

"Par ailleurs, le fait qu'une personne soit chargée de remplir un rôle n'implique pas qu'elle remplit bien ce rôle"

et le fait qu'une personne ne soit pas chargée de remplir un rôle implique-t-il qu'il le remplisse bien ?

"Je poursuis: quelle est l'influence de la qualité de magistrat (ou de chevalier de la légion d'honneur, ou de docteur en droit) des parquetiers sur la présence ou l'absence de pression des chiffres ? A supposer que ce statut joue effectivement un rôle, ce rôle est-il suffisant pour que les parquetiers soient assez indépendants pour exercer un contrôle suffisant sur la privation de liberté"

- chevalier de la légion d'honneur: la roble est plus lourde à porter mais fondamentalement pas grand changement
- docteur en droit: essayez avec docteur en pharmacie, je ne sais pas si vous aurez moins de garde à vue ou des procédures mieux ficelées
- magistrat: demandez à Maître Eolas qui il préfère pour exercer l'action publique: le parquet ou le préfet ? (question piège)

95. Le samedi 30 août 2008 à 12:52 par Ceci-n'est-pas-une-jérémiade

Je suis médecin psychiatre. Après avoir lu le commentaire de lincoln, je précise que contrairement à ce qui semble généralement admis (dans le monde du droit aussi? Il me semble que oui, d'autant que des lois sont parties de cette supposition) une perversion, cela ne se soigne pas, cela ne guérit pas. Tout au plus peut-on aider, voire sauver la vie, d'un sujet pervers qui est déprimé , qui supporte mal sa perversion, etc... Mais cela ne concerne pas, à mon avis, la plupart des individus dangereux dont on nous parle dans les journaux.
C'est comme ça dans mon expérience et d'après mes connaissances. Je pense que la majorité de mes confrères (pas la totalité) diraient la même chose... Mais en général, ils semblent plutôt se taire ou ne pas l'énoncer clairement.
Ce commentaire n'entre nullement en contradiction avec celui de lincoln, j'en serais d'ailleurs bien incapable.

96. Le samedi 30 août 2008 à 13:46 par lincoln

Je suis bien d'accord avec vous...et c'est bien tout notre problème

97. Le samedi 30 août 2008 à 14:26 par Véronique

@ lincoln

" Deuxième option: réquisitions négatives, le JAP ne suit pas. Il sort à la fin de sa peine et il récidive sur un gamin de quatre ans en le violant (par exemple). Mais pourquoi diable personne n'a enjoint à ce fou de se faire soigner ? Il sont vraiment incompétents dans la justice..."

A vous lire, juste une petite remarque.

Dans votre hypothèse, ce qui pose problème, ce n'est pas le fait que le détenu soit libéré à l'issue de sa peine, c'est qu'il soit libéré, alors que les mesures prises pour encadrer sa libération, par exemple, une mesure de surveillance judiciaire, ne soit pas opérationnelle avant près de deux mois. Période estivale oblige.

98. Le samedi 30 août 2008 à 14:29 par Véronique

@ lincoln

"...ne seront pas opérationnelles avant près de deux mois...

99. Le samedi 30 août 2008 à 14:59 par Ceci-n'est-pas-une-jérémiade

Vous ne trouvez pas quand même ça un peu bizarre de tenir à priori les juges pour responsables de la récidive du crime, les médecins de la maladie, etc... Vous croyez que ceux qui caillassent les pompiers, ils les tiennent pour responsables des incendies et des accidents?
Non, je ne crois pas, mais entendu à la télé : ceux qui sont rentrés avec une voiture dans un collège et qui l'ont incendié "sans doute qu'il lui en voulaient d'avoir failli à sa mission. " Non, là non plus, je ne pense pas, mais quelle idée d'aller suggérer ça??

100. Le samedi 30 août 2008 à 15:10 par Apokrif

Lincoln: "et le fait qu'une personne ne soit pas chargée de remplir un rôle implique-t-il qu'il le remplisse bien ?"

Je ne pense pas, mais à ma connaissance, personne n'a prétendu que c'était le cas; au contraire, certaines personnes semblent penser que les textes, les statuts et les dénominations importent plus que les faits.

101. Le samedi 30 août 2008 à 15:42 par Lulu

Merci Lincoln,

D'avoir pris le temps de répondre aux clichés qui s'accumulaient sur le parquet, la garde à vue, etc... Clichés qui concernent parfois aussi l'instruction (parce que les juges d'instruction ne pensent qu'à mettre au trou eux aussi, c'est bien connu...).

Sur la garde à vue, j'aimerais renchérir sur le fait que si le nombre de gardes à vue a augmenté en France ces dernières années, c'est parce que ce chiffre a suivi celui des enquêtes, lui même en augmentation.

La garde à vue, c'est beaucoup de paperasses et de formalités. En règle générale donc, les OPJ s'en passeraient bien. Et s'en passent dès qu'ils le peuvent, en entendant les mis en cause sous le statut de témoins. Ce qui parfois pose d'autres difficultés. Pour ma part, j'ai été très embêtée il y a quelques temps à la lecture d'une procédure ouverte du chef d'agressions sexuelles sur mineur de quinze ans lors de laquelle le suspect avait été entendu sous le statut de témoin. Pas génial sur le plan procédural car si la garde à vue est un moment éprouvant pour le mis en cause, c'est aussi un statut, qui offre un certain nombre de droits (dont celui à un entretien avec un avocat). Rien à voir donc, avec le simple témoin qui peut tout juste espérer que son audition n'excédera pas quatre heures.

Enfin aux avocats qui fustigent les gardes à vue: à l'audience, vous n'hésitez pas à soulever la nullité si vous estimez que ce placement en GAV a été tardif. Et c'est de bonne guerre. Mais ne vous étonnez pas en retour, si pour bilnder leurs procédures, les OPJ multiplient ces mesures.

102. Le samedi 30 août 2008 à 15:59 par ramses

@ Lincoln

Merci de cette remise en perspective salutaire...

Le fond du problème, à mon avis, c'est que les magistrats sont, comme tous les êtres humains, de qualité inégale.

Ce ne sont pas les Lois qui sont en cause, les changer, en ajouter de nouvelles alors qu'il suffirait de bien appliquer les anciennes, ne sert à rien.

Ce qu'il faut améliorer, c'est la qualité de la formation et surtout la sélection des magistrats.

Votre sagesse montre la voie.

Prétendre que les gardes à vue et les détentions provisoires jugées indispensables pour une manifestation de la vérité, seraient des "atteintes à la liberté", comme le sous-entend la CEDH, m'apparaît comme une régression.

J'observe d'ailleurs que ce sont avant tout les malfrats qui réclament l'abolition de ces mesures de coercition... Je n'ai pas entendu Dominique de Villepin se plaindre à ce sujet...

103. Le samedi 30 août 2008 à 16:37 par Ceci-n'est-pas-une-jérémiade

Quels sont vos marqueurs?
En médecine , nous avons des marqueurs, que l'on peut comparer avec d'autres pays. Exemple: les taux de mortalité (pour telle ou telle tranches d'âge, telle ou telle causes...) Bien -sûr, ils ne dépendent pas uniquement de la médecine , mais aussi de l'alimentation, de l'hygiène, du mode de vie, etc... Certaines avancées ont même eu des effets paradoxaux.Par exemple , la mortalité néo natale a légèrement remontée quand les grossesses ont été plus tardives, et plus souvent multiples , mais quand même, on considère les taux de mortalité et de morbidité et leurs fluctuations comme des indicateurs. Pour la justice, bien-sûr qu'il y aura toujours des crimes, y compris abominables, des récidives, des innocents en prison, et que l'on daubera sur les juges, mais si l'on ne se contente pas de faits ponctuels ou d'impression?
L'Organisation Mondiale de la Santé a fait une grosse enquête il y a quelques années, incluant encore d'autres considération que celles qui sont le plus habituelles, en particulier l'accessibilité des soins. Avec leurs critères, quel pays disposait de la meilleure médecine?
La France.
Cette enquête n'a pas fait grand bruit chez nous, et étonnerait sans doute un certain nombre de nos concitoyens (ceci dit, notre médecine est en train de changer-et-ceci-n'est -pas une-jérémiade).
Allez, vous avez les moyens de m'étonner?

104. Le samedi 30 août 2008 à 17:46 par Marcel

Puisqu'une partie de votre commentaire m'est adressé, lincoln, et que de toute évidence vous avez envie de discuter courtoisement et honnêtement, je me permet de vous répondre, en réagissant sur chaque point sur lesquels j'estime utile de rebondir :

- Concernant la GAV, s'il s'agissait de moi, et étant donné les méthodes actuelles, je refuserais de prononcer le moindre mot à l'enquêteur, si ce n'est celui-ci : "je n'ai rien à vous dire car vous représentez l'accusation et instruisez à charge, mais je me tiens à la disposition du juge d'instruction en cas de mise en examen, et je répondrais à chacune de ses questions." C'est un peu HS mais c'est aussi une façon de vous rappeller que la garde à vue n'est qu'une seule façon d'entendre une personne parmi de nombreuses autres possibles. Alors oui, il faudrait une culture chez les parquetiers qui amène à lever systématiquement chaque garde à vue qui ne se justifie pas, c'est à dire toute garde à vue qui n'est pas indispensable et le seul moyen d'entendre une personne. Si vous leviez les gardes à vue chaque fois que l'accusé pourrait être entendu comme témoin ou témoin assisté, et si vous refusiez de prolonger les gardes à vue chaque fois qu'un gardé à vue a fourni assez d'élément pour qu'il soit mis en examen et donc entendu par un juge qui instruit à charge et à décharge, vous ne susciteriez pas la même m(d?)éfiance de la part des justiciables.
Quand vous dites que vous vous passeriiez bien des gardes à vue, j'ai envie de vous répondre "chiche" : êtes vous vraiment prêt à renoncer aux gardes à vue à chaque fois qu'elles ne sont pas la seule et unique solution ? Je n'y crois pas un seul instant, ne serait-ce que parce que les gardes à vue de 48h au lieu de 24 sont devenues plutôt la règle que l'exception. Je veux bien qu'elles puissent être utiles à l'occasion, ces prolongations. Mais leur systématicité me laisse supposer que c'est plus une solution de facilité qu'autre chose.

- Concernant les "poncifs", rassurez vous, je ne blanchis ni les JI, ni les JLD. Somme toute, vous ne faites que requérir : si une personne se trouve derrière les verrous, c'est parce que derrière vous, deux juges ont donné leur accord. Vous jouez néanmoins un rôle prépondérant (les JI vous écoute le plus souvent, et les JLD ne font la plupart du temps qu'enterriner la décision du JI) et en la matière, reconnaissez que vous n'êtes pas tout à fait objectifs. Ce n'est pas votre faute, il n'y a rien de personnel là-dedans : c'est une question d'attributions. On ne peut pas représenter l'accusation contre une personne et la défendre devant les magistrats. Ce serait se tirer une balle dans le pied. Tout comme soulever des nullités : tout le monde sait que vous ne le faites pas, parce que par définition, si vous poursuivez l'individu, ce n'est pas dans l'espoir qu'il soit relâché. Ces deux boulots sont simplement antagonistes.

- Je ne reviens pas sur le caractère "girouette" de l'opinion publique qui souhaite que vous preniez des décisions (les bonnes, bien-sûr) sans savoir, avant de vous traîter de tous les noms si la décision en question n'était pas bonne : nous sommes d'accord sur ce point. Il serait temps que les gens soient prêts àa ssumer leurs idées, dans un sens ou dans l'autre, jusqu'au bout. Croyez bien que personnellement, je crois sincèrement à la présomption d'innocence et que je n'accuserais jamais un parquetier de ne pas avoir deviné que l'individu relâché avant son procès allait récidiver : vous êtes magistrats, pas Madame Soleil, et je ne vois pas comment vous en vouloir pour cela. Par contre, je ne cesserais jamais de critiquer les utilisations abusives du critère d'ordre public (ou d'un autre critère) pour envoyer un individu en prison parce qu'on est choqué de ses actes.

Prenons un exemple : Je repense à ces deux jeunes mineurs corses jeteurs de pierres et incarcérés pendant quelques temps, et je ne vois décidément pas comment, à la lecture du CPP, on peut justifier en toute honnêteté de ce placement en détention provisoire (étant entendu qu'il n'y avait ni risque de cavale, ni de pression sur les témoins, et que leur arrestation, éventuellement assorti d'un placement en centre éducatif, suffisait à mettre fin au trouble à l'ordre public). Du reste, on ne me retirera pas de l'esprit que cette affaire relève de l'homicide involontaire (du moins en l'état actuel de l'enquête et vu les déclarations des accusés et en attendant qu'une reconstitution vienne éventuellement prendre leur version en défaut), et que les "coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort" ne servaient qu'à donner une qualification criminelle aux faits, ce que je n'arrive pas à ne pas lier au fait que la détention provisoire immédiate pour des mineurs de moins de 16 ans est impossible en matière correctionnelle.
Voilà, pour vous parler très franchement, et très concrètement, ce que je vous reproche. Je ne vous reprocherais jamais, en revanche, le fait qu'un présumé innocent se soit servi de son statut de "pas encore coupable" pour se soustraire à la justice : pas encore coupable, c'est pas encore coupable. Tant pis si ça doit engendrer, à l'occasion, des dérives.

- Vous demandez à Apokrif si le fait que vous ne soyiez pas chargé d'un rôle vous amènerait à mieux le remplir : certes non, mais au moins, on le saurait, les choses seraient claires, et prises en compte par la justice. Aujourd'hui, lors d'un passage chez le JI, chacun sait que vous avez infiniment plus de poid que l'avocat, parce que vous êtes magistrat, supposément défenseur des libertés, collègue du JI et qu'il vous fait confiance, là où l'avocat n'est que le défenseur du grand méchant. Arrivé au tribunal, vous êtes sur l'estrade avec le juge du siège, et vous avez infiniment plus de poids que la défense : on vous considère comme plus ou moins objectif, on vous fait confiance pour soulever des nullités. Or nous savons bien qu'il n'en est rien : ce serait se tirer une balle dans le pied. Vous n'allez pas poursuivre un individu jusqu'au procès pour y soulever une nullité et risquer de laisser filer votre affaire. Ce n'est simplement pas compatible avec votre rôle d'accusateur, que vous prenez nettement plus à coeur.
Alors, ce qu'on souhaite, c'est que les choses soient claires : vous êtes l'accusateur, l'avocat est le défenseur. Vous n'avez pas à être au dessus de l'avocat, vous n'avez pas à être sur l'estrade, vous n'avez pas à être vu comme une instance objective, et c'est sur l'avocat qu'il faut compter pour voir une nullité soulevée.
Nous ne pensons pas que vous changerez de méthodes - c'est votre boulot et vous le faites bien, mais nous aimerions qu'elles soient reconnues pour ce qu'elles sont : celles de l'accusation. Ce n'est pas un gros mot, ce n'est pas une insulte : il faut des gens pour accuser, c'est nécessaire dans un état de Droit, tout le monde sur ce blog garde cela à l'esprit je pense. Mais il ne faut pas que vous prétendiez à un rôle qui ne vous correspond pas vraiment. C'est une quasi-imposture que de se faire passer pour neutre quand on ne l'est pas, et cela fausse toute la procédure judiciaire.

Il y aurait, du reste, autant à en dire sur les autres facettes de la magistrature, mais pas les mêmes choses.

105. Le samedi 30 août 2008 à 18:35 par Fantômette

@ Ramsès

Mais enfin, Ramsès, évidemment qu'une mesure de garde à vue et que la détention provisoire est une mesure attentatoire à la liberté. Ça ne se discute même pas. Quand vous êtes en garde à vue, quand vous êtes en détention, vous n'êtes pas libre d'aller et venir, n'est-ce pas ? Eh bien c'est ça la définition d'une mesure attentatoire à la liberté.

Que la CEDH le "sous-entende", comme vous l'indiquez finement, ça me parait la moindre des choses. Je m'inquiéterais pas mal de la voir "sous-entendre" l'inverse.

106. Le samedi 30 août 2008 à 20:36 par lincoln

Cher Marcel,

Votre second billet me paraît d'une bien meilleure qualité que le premier sur le fond. Je vous en remercie. Toutefois, je reste en désaccord fondamental avec vous mais je pense comprendre désormais pourquoi: nous n'avons pas la même conception de ce que doit être la société. Il s'agit là d'un vieil antagonisme qui existe depuis la nuit des temps: qui doit primer: l'individu ou la société ?. Les lois font en sorte de concilier ce délicat équilibre permanent. C'est toujours la même question qui se pose au juge: la sanction qui doit toujours permettre de réinsérer mais qui doit aussi tenir compte du préjudice collectif, de la transgression fondamentale qu'un n'a pas respecté.

Pour ma part, j'estime (mais c'est là un point de vue éminemment personnel et qui ne sera certainement pas partagé de tous, y compris dans la magistrature) que l'on ne peut justement pas mettre sur un pied d'égalité l'avocat et le ministère public. Pourquoi ? Parce que l'un défend les intérêts d'un - et c'est très légitime, et compréhensible, il est d'ailleurs payé pour cela - et que l'autre requiert pour protéger tous les autres. Il n'y a pas plus de grandeur pour l'un: il y a juste des intérêts, parfois divergents. On doit essayer de concilier les deux lorsque cela est possible mais parfois la balance doit pencher d'un côté. Pour ma part, je crois par exemple que l'impérieuse nécessité de réinserer quelqu'un doit trouver sa limite fondamentale dans l'impérieuse nécessité de protéger tous les autres de cette même personne. Il faut, un moment, savoir exclure, ce qui ne signifie pas que cette exclusion soit définitive, comment pourrait-elle l'être d'ailleurs. Mais rien ne me frappe plus qu'un avocat qui hurle contre un parquetier qui demande de l'emprisonnement ferme face à un multirécidiviste, ayant bénéficié de TIG, de SME, de sursis, d'amende et qui ne propose finalement aucune alternative si ce n'est un énième SME, tout en précisant que la "prison n'est pas la solution" (quelle est la solution ?). Je pense aussi que cette différence n'est pas incompatible avec une égalité des armes procédurale: je note néanmoins que beaucoup d'avocats ne se servent guère des moyens que leur offre le Code pour servir aux mieux les intérêts de leur client (la procédure regorgeant de difficultés juridiques ou techniques...).

Vous dénoncez les travers d'un système judiciaire en soulignant notamment le poids excessif du ministère public auprès des magistrats du siège. D'une part, je ne suis pas certain de ce point même s'il est parfois vrai. Toutefois, je ne vois pas en quoi faire des parquetiers des fonctionnaires changera la donne...Ce n'est pas parce qu'il y a deux magistrats et un avocat qu'il y a collusion entre les deux magistrats. Ce serait être décidément bien peu amène envers l'ensemble des magistrats et leur professionnalisme. Vous dénoncez en réalité des faiblesses de caractère ou de tempérament: mais cela, aucun système ou garantie procédurale n'y changera quoi que ce soit, dans la mesure où elles existeraient.

Vous tombez également dans les travers, me semble-t-il, des a priori: je ne m'exprime pour ma part jamais sur le fond d'un dossier que je ne connais pas. Je ne sais pas ce qu'il y a dans le dossier que vous évoquez concernant les deux mineurs, et d'ailleurs, je ne veux pas le savoir. Il serait sain que chacun fasse preuve de réserve dans ces domaines. L'on ne sait que trop où mène l'opinion publique en matière de justice: comme disait Bachelard, "elle a, en droit, toujours tort".

Je ne me sens absolument pas, enfin, déshonoré de représenter le ministère public. Pourquoi ? justement parce que nous ne sommes pas, encore, des préfets judiciaires. Je ne sais pas quelle sera la position d'un préfet face à une circulaire ministérielle à la légalité douteuse. Je sais qu'en tout cas, les magistrats du parquet, même si on les entend finalement peu, ceux du terrain du quotidien - et à juste titre je crois - restent vigilantq quant au respect des procédures. Cela peut vous étonner, vous pouvez estimer que cela relève de la schizophrénie pure ou d'un phantasme collectif, mais c'est une réalité du métier. Il m'est arrivé plus d'une fois, face à un tribunal parfois peu accoutumé aux procédures pénales, de soulever des prescriptions (d'ordre public) ou d'acquiescer à des nullités soulevées par des avocats qui, à mon sens, tenaient la route. Il m'est aussi arrivé de demander le rejet de nullités, parce que je partageais pas l'argumentation juridique. Vous semblez penser que le parquetier n'a qu'un but : poursuivre coûte que coûte et sanctionner, de préference le plus lourdement possible parce qu'il est payé pour cela. Nous n'avons ni prime supplémentaire, ni RTT pour plus de poursuites ou plus de détention provisoire. Et nous n'avons pas de plaisir pervers à charger des gens. En revanche, lorsque j'estime que des poursuites sont nécessaires, que la détention provisoire protegéra mes concitoyens, parfois au risque de briser une vie et en ayant toujours à l'esprit cela, aussi douloureux soit ce choix, je la requiers. Je crains que la manière dont vous décrivez le ministère public ne soit pas la réalité de bon nombre de parquetiers: bien sûr, nous nous attachons à "rendre carré" nos procédures car c'est notre métier. Mais nous le faisons dans le respect du droit, un droit qui peut faire l'objet de débats devant un tribunal qui tranchera.

L'antagonisme que vous créez entre le siège, le parquet et l'avocat relève d'une vision caricaturale des choses: la vie n'est ni blanche, ni noire mais grise. C'est très pénible mais c'est comme ça.

En espérant m'être exprimé du mieux possible malgré mon peu de disponibilité intellectuelle et mon habilité limitée à la frappe (et une petite paresse fautive de soirée).

107. Le samedi 30 août 2008 à 21:04 par Lucas Clermont

@ Lincoln

Qu'en est-il de la notation ou de l'avancement des parquetiers ? Qui décide de cela ? S'il s'agit de l'administration il y a me semble-t-il une motivation qui peut s'avérer suffisante pour guider une activité dans le sens des statistiques qui servent de tableau de bord au gouvernement ; ces statistiques qu'on présente à l'opinion publique...

Alors naturellement, tout est ensuite affaire de caractère. Et qu'est-ce qui se passe si le parquetier a suffisamment de caractère pour s'affranchir des pressions implicites ou explicites ?

108. Le dimanche 31 août 2008 à 00:05 par hector

@lincoln

"Effectivement, les seuls qui doivent visiter les locaux de GAV - obligation procédurale - et se cognent les rapports sont les parquetiers - des rapports qui ne semblent pas avoir d'effet notable, il est vrai -."

cela veut dire que les parquetiers font des rapports pour chaque visite des locaux ? a Paris aussi ?

C'est malheureux que cela ne serve pas ameliorer ces locaux..

109. Le dimanche 31 août 2008 à 08:48 par Flo

J'aurais bien aimé savoir les grandes conditions pour être une "institution judiciaire" selon la jurisprudence de la CEDH (à part l'indépendance sus évoquée).

Merci aux âmes compétentes et surtout charitables de bien vouloir me répondre :-)

110. Le dimanche 31 août 2008 à 13:46 par Fantômette

@ tschok

On en revient à la question qui avait cloturée l'une de nos précédentes discussions, n'est-ce pas ?

La réponse du magistrat subtil : ne sert-on pas l'Etat (sous entendu : l'Etat de Droit) lorsque l'on défend les libertés individuelles ?

Et vous aviez rétorqué : Mais défend-on les libertés individuelles lorsque l'on sert l'Etat ?

Poursuivons donc - car je crois que Gascogne a lu trop vite votre commentaire.

Qu'il y ait une tension entre les pôles "service de l'Etat" et "gardienne des libertés individuelles", c'est une évidence. Lincoln en parle d'ailleurs très bien, pour ce qui concerne la fonction, telle qu'il la conçoit, de représentant du Ministère Public.

Je note cependant que vous ne situez pas l'origine de cette tension dans la co-existence de deux principes de même nature. Nous n'avons pas deux principes à valeur constitutionnelle, l'un qui place l'autorité judiciaire au service de l'Etat, l'autre qui lui enjoint d'être la gardienne de nos libertés.

D'un côté, vous évoquez une logique institutionnelle (service de l'Etat), logique que l'on retrouve dans la formation initiale des magistrats, l'organisation de la profession, la composition et la mission du CSM...

De l'autre côté, vous évoquez une logique constitutionnelle : l'autorité judiciaire est constitutionnellement gardienne des libertés.

D'un côté, le fonctionnement de l'institution, et de l'autre côté, le Droit. Dit autrement, d'un côté, la nature de l'institution, de l'autre, sa mission.

Cette tension là, elle est inéluctable, je le crains. Mais il ne s'agit d'une tension, et pas véritablement d'un conflit, puisque pour répondre à la question : que faire ? il n'y a pas deux réponses contradictoires en droit, il n'y en a qu'une : gardienne des libertés individuelles.

Je ne prétends rien démontrer en disant cela. Je vous donne mon opinion.

Donc, à la question "Défend-on les libertés individuelles lorsque l'on sert l'Etat ?", le magistrat subtil, embêté, mais le dissimulant sous un sourire affable vous répond : "Mais l'Etat n'exige de ma part aucun autre service que celui de défendre les libertés individuelles".

Oui, mon magistrat subtil est un peu jésuite. Mais il n'a pas tort.

111. Le lundi 1 septembre 2008 à 15:16 par Anatole Turnaround

NIHIL NOVI SUB SOLE !

J'arrive trop tard. Mais une question quand même :


Cet arrêt Winner, n'est-ce pas beaucoup de bruit pour rien ?

Certes, le débat sur l'évolution du parquet est passionnant.

Mais l'arrêt Winner qui lui a servi de déclencheur n'est pas ce qu'on croit.

Je voudrais tenter de tempérer les éventuelles inquiétudes qu'auraient pu engendrer l'arrêt Winner quant à la régularité des prolongations de garde à vue.

On pourrait croire que les prolongations parquet sont désormais condamnées, faute pour le parquet d'être "un juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires", au sens de l'article 5 § 3 de la convention européenne des droits de l'homme.

Il n'en est rien, comme vous allez le voir:

1. Cette jurisprudence n'est pas nouvelle. L'article 5 dispose que toute personne arrêtée doit être présentée "aussitôt" à "un juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires". Les parquetiers sont fermement rejetés de cette honorable catégorie, au moins depuis un arrêt CEDH Assenov contre Bulgarie du 28 octobre 1998 ( ), et peut-être indirectement depuis l'arrêt Schiesser c/ Suisse du 4 septembre 1979.

Le motif ? Ils ne sont indépendants ni du pouvoir exécutif (subordination du ministère public) ni des parties (ils seront la partie poursuivante à l'éventuel procès).

La présentation d'un gardé à vue au parquetier n'est donc pas une présentation devant un juge ou magistrat équivalent, et ce depuis de nombreuses années.

(Frémissements dans les rangs du parquet).

2. Notons au passage que les juges d'instruction sont peut-être concernés aussi ! Une présentation au juge d'instruction pourrait ne pas remplir les conditions de l'article 5 § 3. En effet, ce magistrat est indépendant du pouvoir exécutif, mais pourrait être considéré comme n'offrant pas l'impartialité requise, dès lors qu'il est susceptible de contribuer aux poursuites par l'adoption d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ou de mise en accusation devant la cour d'assises. (En ce sens, sous réserve de transposabilité à la procédure pénale française, CEDH 5 avril 2001, H. B. contre Suisse).

La présentation au juge d'instruction d'un gardé à vue sur commission rogatoire n'est sans doute pas une présentation devant un juge ou magistrat équivalent.

(Manifestations d'indignation de tous les magistrats pénalistes, siège et parquets confondus).

3. Mais ce n'est pas grave (pour le moment) !

Car le terme "aussitôt", au sens de l'article 5 § 3, impose une présentation rapide devant un juge, mais pas une présentation immédiate.

Quatre jours de garde à vue, selon la Commission européenne des droits de l'homme (Comm. EDH 6 octobre 1966 et 05/09/98 Egue c/ France), peuvent valablement s'écouler entre l'arrestation et la présentation au juge.

(Nombreuses congratulations mutuelles dans l'assistance).

Mais la défunte Comm. EDH, instance de filtrage et de conciliation préalable à la saisine de la Cour, supprimée en 1999, n'est pas la Cour.

Et la Cour européenne des droits de l'homme, dix années auparavant, avait vu une violation de l'obligation de présentation rapide devant le juge dans le fait de garder à vue une personne pendant quatre jours et six heures (CEDH 29 novembre 1988 Brognan et auters c/ Royaume Uni).

(Mouvements divers)

En conclusion:

L'arrêt Winner ne change rien car il se borne à confirmer une jurisprudence ancienne, sans aborder la question de la durée minimale d'arrestation avant présentation au juge.

Les gardes à vue du droit français, limitée à quatre jours, n'atteignent jamais les durées sanctionnées par la CEDH au titre de la présenation tardive devant un magistrat.

Il importe donc peu qu'au cours de cette durée de quatre jours interviennent des décisions de prolongation prises par des personnels dépourvus de toute impartialité dans la procédure.

PAX VOBISCUM, amis du parquet, et prolongez sans crainte !

112. Le lundi 1 septembre 2008 à 16:02 par ramses

@ Anatole Turnaround 111

Selon vous, si tout est si clair, à quoi correspond exactement cette condamnation de la France dans l'Arrêt Winner de 5.000 € de dommages-intérêts au profit des prévenus ?

S'agirait-il d'une condamnation abusive, en l'état de la jurisprudence que vous citez ?

113. Le lundi 1 septembre 2008 à 16:34 par Anatole Turnaround

@ Ramses

Je dis que le droit européen exige qu'une personne arrêtée soit présentée rapidement à un juge ou magistrat équivalent.

Je dis que la jurisrpudence européenne exclut les procureurs de la catégorie des juges et magistrats équivalents, et permet (pour le moment ) l'écoulement de quatre jours avant la présentation devant le juge ou le magistrat équivalent.

Aurez-vous la bonté de me remettre en tête le nombre de jours écoulés entre l'arrestation de l'équipage du Winner et leur présentation à un juge ou à un magistrat équivalent ?

Si, comme il me semble, ce nombre excède largement quatre, la condamnation de la France me semble des plus cohérente avec la jurisprudence que je cite.

VALE !

114. Le lundi 1 septembre 2008 à 18:02 par borat

@anatole

mmh une detention dans un local de police est arbitraire si un seul des articles 5 est violé.

Or comme vous l'avez fait remarqué l'article 5-1-c est violé car le procureur n'est pas une autorité judiciaire donc la detention est arbitraire.

L'article 5-2 du droit a etre informé de facon complete est aussi en violé en France, les forces de police n'avertissant pas des faits reprochés de maniere precise.

Enfin il n'existe pas de recours sur la legalité de la garde à vue a bref delai donc l'article 5-4 est viole.

Pour l'article 5-3, si l'article 5-1-c) est violé, la Cour n'examine pas cet article. Mais la notion de durée (4j pour les affaires de terrorisme 48h dans les autre cas) n'est valable que si la personne est presentée à une autorité judiciaire si elle ne l'est pas alors il y a violation du 5-1 de toute facon. Qui plus la garde à vue+deferement totalise 68h dans la procedure actuelle. (cf. Zervudacki c. France 2006)

Enfin la decision de non recevabilité de la Commission Egue c. France date de 1987...la jurisprudence a bien evoluée depuis..


115. Le lundi 1 septembre 2008 à 23:54 par ramses

@ Anatole Turnaround 113

Dini, en 73, nous a rappelé :

"la Cour a rejeté l'argument des marins concernant le fait qu'il s'était écoulé plusieurs jours pendant lesquels ils étaient prisonniers sur le bateau ("la Cour, qui précise qu'il est normal de tenir compte du temps de trajet entre l'arraisonnement et l'arrivée au port").

Ces jours de mer ont donc été neutralisés de la durée de la GAV à Brest, qui n'a pas excédé les 48h autorisées en cas de trafic de stupéfiants.

Je ne comprends donc toujours pas le sens de la condamnation... Est-ce dû au fait que c'est le procureur qui a prolongé la GAV de 24h, alors que c'était du ressort du JLD ?

Ca nous ramenèrait donc au billet de dimanche sur Darth Vader ?


116. Le mardi 2 septembre 2008 à 09:56 par Antatole Turnaround

@ Ramses.

Au temps pour moi ! Merci de me rappeler utilement à l’exactitude.

En relisant l’arrêt Medvedyev et autres contre France, plus couramment appelé arrêt Winner, je constate en effet que la France est condamnée pour avoir procédé à des arrestations dépourvues de bases légales suffisantes, et non pas pour avoir présenté tardivement au juge les personnes arrêtées.

Sur le manque de bases légales, la cour examine minutieusement les conventions internationales applicables et estime qu’elles “n’offrent pas une protection adéquate contre les atteintes arbitraires au droit à la liberté” dès lors qu’elles “n’encadrent pas les conditions de la privation de liberté à bord, notamment quant aux possibilités pour les intéressés de contacter un avocat ou des proches” et qu’elles ne placent pas cette privation de liberté sous le contrôle d’une autorité judiciaire.

La France a ainsi procédé à des arrestations sans bases légales suffisantes, ce qui suffit à justifier sa condamnation aux yeux de la cour.

Ce faisant, la cour fait un choix: celui de sacrifier la répression des mis en cause (objectif particulier) à la défense de la prééminence du droit (objectif général).

Sur la présentation des personnes arrêtées devant un juge, la cour retient que les quinze ou seize jours écoulés constituent un délai trop long, mais ne condamne pas la France, en raison des circonstances exceptionnelles liées notamment à “l’inévitable acheminement du Winner vers la France”, qui justifient un aussi long délai.

Ce faisant, la cour confirme sa jurisprudence antérieure sur la nécessité d’une présentation rapide devant un juge, sur le choix d’un approche pragmatique des délais objectivement possibles dans chaque affaire, et sur l’exclusion des procureurs de la catégorie des juges ou magistrats équivalents.

Je maintiens donc que ce dernier point, qui agite tant les parquetiers, est tout sauf nouveau.

Et j’ajoute que l’émotion suscitée par la découverte de cette vieillerie montre, hélas, combien notre connaissance du droit européen est à parfaire.

117. Le mardi 2 septembre 2008 à 14:24 par ramses

@ Anatole Turnaround

Merci de ces précisions. Celles-ci confirment entièrement mon point de vue en 75, contesté par Dini en 76 et 79.

Notre Marine Nationale n'étant pas en mesure d'embarquer dans chaque navire et pour chacune de ses missions en haute mer, un OPJ, un Procureur, un JLD, des interprêtes et des Avocats, l'arrêt de la CEDH met un terme à l'arraisonnement de navires se livrant au trafic de drogue.

Dont acte et bravo pour ce grand pas en avant en faveur des droits de l'homme :)

118. Le mardi 2 septembre 2008 à 14:41 par Anatole Turnaround

@ Ramses

Ah mais non ! La cour ne dit pas qu'il faut embarquer des magistrats sur les navires. Elle dit même le contraire puisqu'elle admet la possibilité de faire patienter les personnes aux fers pendant quinze jours de mer pour rallier le tribunal.

La cour dit seulement que les accords internationaux applicables n'ont pas su créer une règle du jeu pour les arrestations en mer comme celle qui nous occupe.

Et qu'on arrête pas le gens sans règle du jeu, bandits ou pas. C'est la défense de la prééminence du droit, c'est à dire d'un certain niveau de civilisation.

A mon avis, il ne faut pas voir dans l'arrêt Winner un encouragement aux trafiquants, pirates et autres malfaisants, mais au contraire une incitation à l'amélioration des accords internationaux en vue de la sécurisation juridique des interpellations en haute-mer.

119. Le mardi 2 septembre 2008 à 14:56 par ramses

@ Anatole Turaround

"La cour dit seulement que les accords internationaux applicables n'ont pas su créer une règle du jeu pour les arrestations en mer comme celle qui nous occupe."

Il s'agit donc d'un "vide juridique" ?

Comment peut-on condamner la France sur la base de règles inexistantes ?

Et à votre avis, quelles règles pourrait-on mettre en place pour permettre à la fois l'arraisonnement de tels navires en haute mer, sans enfreindre les recommandations de la CEDH ?

Je vous rappelle quand même que le Droit international, en particulier le droit de la mer, dépasse largement les frontières de l'Europe... Et que je ne suis pas sûr que les Etats-Unis, par exemple, soient prêts à y apporter des modifications de ce genre, pour faire plaisir à la CEDH :)

Dans la pratique, celà conduira la Marine Nationale à se désintéresser de ce genre de mission et je confirme trouver celà extrêmement regrettable.

120. Le mardi 2 septembre 2008 à 15:05 par A. Turnaround

@ Ramses

"Comment peut-on condamner la France sur la base de règles inexistantes ?"

Et comment pourrait on arrêter et retenir des gens sur la base de règles inexistantes ?

A oui, comme les étatsuniens à Guantanamo !

Chacun ses références ...


121. Le mardi 2 septembre 2008 à 15:37 par ramses

@ A. Turnaround

S'il vous plaît, ne noyez pas le poisson avec Guantanamo, c'est un autre sujet, qui n'a rien à voir avec notre débat.

Je vous demande seulement de répondre, si vous le voulez bien, à cette question :

"Et à votre avis, quelles règles pourrait-on mettre en place pour permettre à la fois l'arraisonnement de tels navires en haute mer, sans enfreindre les recommandations de la CEDH ?"

Actuellement, le droit de la mer, ratifié par la France, précise :

"La haute mer... L’ordre juridique qui s’y applique est celui des autorités de l’État dont le navire bat le pavillon. C’est donc une compétence personnelle, fondée sur la nationalité du navire."

Je conviens qu'actuellement, le Droit français s'applique à l'Arrêt Winner. Il faudrait donc un concensus international pour modifier cette compétence en cas d'arraisonnement d'un navire hors la loi par une Marine nationale...

On peut toujours rêver :)

122. Le mardi 2 septembre 2008 à 17:34 par A. Trurnaround

@ Ramses

"Et à votre avis, quelles règles pourrait-on mettre en place pour permettre à la fois l'arraisonnement de tels navires en haute mer, sans enfreindre les recommandations de la CEDH ?"

A mon avis, si on lit bien l’arrêt et notamment ses paragraphes 58 à 63, il manquait seulement aux traités en vigueur quelques dispositions prévoyant expressément pour l’équipage du navire de la marine française le droit d’arrêter et retenir l’équipage d’un bâtiment cambodgien suspect naviguant en haute mer, et fixant quelques règles relatives à cette détention, comme le droit de prévenir un avocat, d’aviser les proches, d’être visité par un médecin, la date prévisible de présentation à un juge compte tenu des délais de route jusqu’au port, ainsi que le contrôle de cette détention par une autorité judiciaire..

Ces règles constitueraient la fameuse base légale dont l’absence est ici sanctionnée par la cour, les divers traités applicables directement ou par renvoi de l’un à l’autre, trop imprécis, trop anciens ou non ratifiés par les pays en cause, ne régissant finalement pas la détention de l’équipage et se bornant aux modalités de contrôle du navire, d’arraisonnement ou d’appréhension des marchandises illicites.

En d’autres termes la France est condamnée parce qu’elle a porté atteinte à la liberté de navigation en haute mer de l’équipage en le retenant sans y être autorisée de façon suffisamment précise par les textes du droit international.

Pour plus de précisions, je ne peux que vous renvoyer à la lecture de l’arrêt, malgré sa complexité, elle-même révélatrice de la complexité du droit international et de la nécessité de le renforcer, à quoi contribueront peut-être les conséquence immédiates choquantes de la jurisprudence de la CEDH.

Voilà tout ce que je puis pour vous en cette matière. Et le bonsoir.

123. Le mardi 2 septembre 2008 à 18:22 par ramses

@ A. Turnaround

Je vous remercie de ces précisions et je constate avec plaisir que vous considérez choquantes les conséquences de cet Arrêt.

Le bonsoir également.

124. Le mercredi 3 septembre 2008 à 21:09 par tschok

Bonjour Gascogne,

(ah non, bonsoir, en fait: combien de minutes de soleil en moins aujourd'hui?).

D'abord, merci pour vos réponses à mon com 15.

L'autre jour, je vous ai répondu de façon très rapide.

Sans désir de polémique, je souhaite reprendre vos réponses pour y répondre à mon tour.

1) Le conflit d'intérêt

"tschok : Ca doit être dur à gérer d'être à la fois un serviteur de l'Etat et d'être un garant des libertés individuelles. Faut être souple.

Gascogne :Pourquoi faudrait-il être souple ? Vous croyez que mon employeur ne me versera pas ma paye si je suis à la fois "serviteur" de l'Etat et garant des libertés individuelles ? "

Justement je crois qu'il vous verse votre paye parce que vous êtes les deux.

Mais, si vous devenez uniquement un serviteur de l'Etat vous changerez de statut, profondément, sans que votre fiche de paye ne subisse aucun changement apparent. Et si, au contraire, vous devenez uniquement un protecteur des libertés individuelles, on vous fera comprendre un jour ou l'autre que vous vous êtes trompé de vocation.


2) Sur l'équilibre dans le conflit

"tschok: Quand vous, magistrats, vous aurez choisi votre identité, (...), ou qu'à tout le moins vous saurez collectivement équilibrer ces deux tendances (...).

Gascogne :Moi qui croyais la théorie du Léviathan enterrée...Servir l'Etat et être protecteur des libertés individuelles n'est pas incompatible tant que l'on ne considère pas l'Etat comme l'oppresseur omnipotent et intransigeant qu'il n'est pas, du moins en France."

Très franchement, le problème ne me semble pas là: il n'y a pas qu'un choix binaire entre dictature et démocratie. Vous avez raison, le Léviathan est bien mort.

Il existe d'autre formes d'exercice du pouvoir qu'une espèce d'Etat totalitaire ou la démocratie idéale.

C'est la zone grise qui est intéressante à analyser.

Refouler l'analyse de la zone grise en disant "on n'est pas dans une dictature, donc on est dans une démocratie, donc, j'ai le droit d'avoir le pouvoir que j'ai et de l'exercer parce que c'est la loi, expression de la volonté générale" devient une réponse insuffisante.


3) Sur la troisième fonction du parquet

"tschok: fonctionnaire au sein d'un service devant produire des résultats".

Gascogne :Ben tiens...Où avez-vous trouvé qu'un parquet devait "produire des résultats" ? Il le devra sans doute quand la fonctionnarisation sera complète, mais cela n'est pas encore le cas au désespoir de certains. En feriez-vous partie ?

Non. Jamais de la vie.

Sinon, pour les résultats, je le trouve dans leurs propos, qui vous contredisent. Accordez vos violons entre magistrats et je me ferai un plaisir de battre la mesure.


4) Sur Bilger

"tschok: je vois mal Monsieur Bilger faire lui-même une filoche dans une affaire criminelle.

Gascogne :M. Bilger n'est pas magistrat de parquet sur le terrain. Il est avocat général près la cour d'appel de paris et les médias, nous ne faisons pas le même métier."

Je sais, c'était une image. Raison de plus pour mal l'y voir, à faire sa filoche.


5) Sur le transfert

tschok: "Faire un transfert d'autorité du parquet sur la police, ce qui n'est pas en soi une mince affaire;

Gascogne :Il faudrait savoir : si le parquet n'a aucune autorité sur la police, quel intérêt d'un quelconque "transfert" ?"

Le pouvoir, bien sûr (l'autorité,c'est ce que vous avez, le pouvoir, c'est ce que ceux qui donnent des ordres ont).

Si vous souhaitez l'indépendance du parquet, il faut réclamer le pouvoir. Pas d'indépendance sans pouvoir. C'est simple et c'est, sauf erreur, une règle invariable. Demandez aux femmes, elle vous diront.

Le pouvoir de gagner leur argent leur a donné l'indépendance.


6) Sur les types de pouvoirs

"tschok: Distinguer clairement ce qui relève du décisionnaire et de l'opérationnel, le parquet s'emparant du décisionnaire, la police conservant l'opérationnel;

Gascogne :Ou comment inventer la machine à courber les bananes. Figurez-vous que c'est déjà ce qui existe... "

La machine à courber les bananes existe, car les bananes, naturellement droites, ont quelque chose d'inquiétant. C'est pourquoi toutes les bananes que nous consommons sont en réalité courbées en usine.

Jadis, avant la mécanisation des tâches, elles étaient courbées sur la cuisse d'une vierge, comme les cigares.

Plus sérieusement: vous avez tellement raison que le procureur du TGI de Nanterre s'est réveillé un matin en tendant une oreille distrait vers son poste de radio, réglé sur France info, et il a appris, alors qu'il baignait nonchalamment sa tartoche de pain beurre dans son cofolait que... le Raid avait pris d'assaut une école maternelle pour mettre fin à une prise d'otages sans lui demander son avis.

Ca se fait déjà, dites vous? J'aurais tendance à vous demander si ça se fait encore.


7) Sur les restes

"tschok: Si vous regardez attentivement les séries policières américaines (je ne doute pas que vous le fassiez) vous verrez que ces problèmes se posent concrètement et que des solutions ont été trouvées.

Gascogne :Doutez, doutez...C'est sans doute ce qui nous distingue."

Euh... pourquoi ne pas laisser ma petite personne, ses doutes ou ses certitudes en dehors de tout débat sur la distinction?

Le reste des restes:

"tschok: (...) soit une réforme "en vrai" (...) soit une réforme symbolique (...).

Vous êtes partant pour laquelle?

Gascogne :A partir du moment où votre caricature du système vaut raisonnement, vous m'excuserez de ne pencher pour aucune de vos solutions. "

Vous savez bien que je n'ai à vous excuser de rien, puisque vous m'avez donné votre avis que j'ai moi même sollicité.

J'ai posé une question à l'oracle, l'oracle m'a répondu. Si je ne suis pas content de la réponse, je n'avais qu'à me taire ou mieux poser ma question.

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