Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Le juge enfin pendu, dansez Messires!

Par Anatole Turnaround

La République est une organisation de la société à laquelle nous tenons.

Le pouvoir législatif permet au peuple de voter les lois et de contrôler le gouvernement. Le pouvoir exécutif gouverne le pays et en répond devant le parlement. La justice tranche les litiges en appliquant les lois de la même façon à tous. Elle n’a point d’amis, point de créancier, point de chef.

Les grands de la société doivent craindre la justice autant que les petits. Le deuxième impératif de notre devise nationale, l’Egalité, doit rassembler notre peuple, et non lui inspirer le doute et le ricanement.

Des juges d’instruction français, dans les années 1980 et 1990, s’étaient courageusement affranchis de l’auto-soumission coutumière à beaucoup de magistrats. Les Français avaient découvert la corruption de leurs élites. Dans les hautes sphères de la politique et de la finance, le droit ne s’appliquait guère, et la recherche de l’argent, à des fins partisanes ou personnelles, justifiait tous les abus de biens sociaux, les prises illégales d’intérêts, les corruptions actives et passives. Les trafics d’armes, les affaires africaines, les commission faramineuses, le racket des entreprises de travaux publics, par la gauche comme par la droite, faisaient partie des habitudes, dans ce monde là.

Et les enquêtes ont démarré, malgré la résistance des procureurs, malgré les refus d’obéir de la police, et malgré les hélicoptères envoyés chercher en Himalaya les ordres espérés.

Et ont commencé les gardes à vue, les interrogatoires, les détentions, puis les condamnations, les inéligibilités.

Grâce à ces juges d’instruction déterminés et indépendants, grâce à ces petits juges qui osaient affronter les géants, c’était le début de la fin de l’impunité. C’était le début de la fin des privilèges. C’était le début de l’égalité devant la loi.

On était en 1989. On fêtait le bicentenaire de la révolution française. Paris pavoisait.

Aujourd’hui, 6 janvier 2009, le journal Le Monde annonce la décision du président Sarkozy de supprimer le juge d’instruction.

Sans rendre le parquet indépendant.

C’est sérieux, c'est grave.

Rappelons-nous que les partisans et les adversaires du juge d’instruction (rapport Delmas-Marty, rapport Outreau) s’affrontent schématiquement ainsi:

Pour les uns, le juge d’instruction doit survivre car il est le seul organe d’enquête et de poursuite indépendant du pouvoir et de ses amis. Pour eux, seul le juge d’instruction peut assurer l’application des lois aux personnes superprotégées. Il est donc un des piliers du pouvoir judiciaire. Pas d’équilibre des pouvoirs sans juge d’instruction. Gardons-le !

Pour les autres, le juge d’instruction doit disparaître car il est une aberration intellectuelle, ne pouvant être à la fois enquêteur et agent de poursuite, donc partial et juge impartial. Il faut donc le supprimer et confier ses dossiers aux procureurs. Mais, pour garantir l’indépendance de la justice pénale, il faut alors donner à ces procureurs l’indépendance qu’avait le défunt juge d’instruction. Ces procureurs dirigent librement les enquêtes et décident librement de classer les dossiers ou de faire juger le personnes soupçonnées. Les actes d'enquête attentatoires aux libertés individuelles doivent être ponctuellement autorisés par un juge. C’est selon un tel système que fonctionnait la justice italienne lors de l’opération Mani pulite (mains propres), au cours de laquelle le procureur Di Pietro et ses collègues ont accompli un impressionnant travail contre la corruption politique italienne. Ces procureurs italiens étaient indépendants et dirigeaient réellement la police judiciaire, avec qui ils partageaient parfois les mêmes locaux.

Pour tous, il était nécessaire de garder un organe d'enquête indépendant. Soit le vieux juge d'instruction indépendant. Soit le nouveau procureur indépendant. Mais dans tous les cas quelqu'un d'indépendant.

Mais en France, rien de tel ne semble envisagé.

Les procureurs resteront hiérarchiquement soumis au garde des sceaux, et de leur prudente conduite des affaires sensibles continuera à dépendre leur désirable carrière.

En supprimant le juge d’instruction sans compenser par l’indépendance du parquet, le président de la République ne propose pas de remplacer un système procédural par un autre supposé équivalent ou supérieur en termes d’efficacité.

Non, il se borne à retirer du système actuel ce qui menace ses amis.

C'est un affaiblissement pour la justice. C’est un recul pour la République. C’est un progrès pour l'autocratie. C'est une protection pour les corrupteurs et les corrompus.

Le voulons-nous? L 'Etat de droit est plus facile à perdre qu'à reconquérir...

Ajouté le 7 janvier 2009 à 18 heures 13:

LE DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ANNONCANT LA SUPPRESSION DU JUGE D'INSTRUCTION ET LA FIN DE LAJUSTICE PENALE INDEPENDANTE EN FRANCE EST INTEGRALEMENT REPRODUIT AU COMMENTAIRE 206.

La discussion continue ailleurs

1. Le vendredi 9 janvier 2009, 09:17 par InfosNews

Le début de l'immunité pour les gens au pouvoir

[html] Nicole Milhaud, présidente des avocats parisiens de...

2. Le vendredi 9 janvier 2009, 09:23 par InfosNews

Le début de l'immunité pour les gens au pouvoir

[html] Nicole Milhaud, présidente des avocats parisiens de...

Commentaires

1. Le mardi 6 janvier 2009 à 10:29 par capello

Etat de droit et non état de droit. Il ne s'agit pas d'une situation mais d'un organisation politique soumise à la hiérarchie des normes et son contrôle je le signale car cette erreur est très répandue.

Sur le fond, il vaut mieux garder en l'état le juge d'instruction mais doter de réel moyen la collégialité de la chambre d'instruction, c'est la conclusion que l'on peut tirer des débats de la commission d'Outreau.

Anatole:

L'Etat de droit est en mauvais état. Merci Capello.

2. Le mardi 6 janvier 2009 à 10:39 par Youkoulélé

Pour l'heure, il s'agit d'un projet. Il faudrait d'ailleurs faire de l'auto-contrôle et arrêter de faire croire qu'une "décision" du président est immédiatement applicable.... il me semble qu'un débat est nécessaire et que nous sommes dans une matière relevant de la compétence du législateur. Supprimer ou pas le juge d'instruction, je ne suis pas assez spécialiste pour prendre une position tranchée mais j'attends une "instruction" indépendante. Aussi, si le Parquet était chargé de celle-ci, il serait nécessaire que son indépendance soit consacrée. Il est également dit dans l'article du Monde qu'un "juge de l'instruction" contrôlerait le tout ? Qu'est-ce à dire et comment ? Si certain(e)s ont des lumières...

Anatole:

Ce qui rend possible une justice pénale indépendante c’est d’avoir un organe (juge d’instruction ou procureur, peu importe le nom) qui puisse: 1. Décider librement de débuter une enquête sur tel ou tel comportement socialement nuisible; 2. Mener l’enquête en n’ayant d’autre souci que la défense des intérêts de la société et des victimes; 3. Décider de faire ou non juger les suspects sans mettre en jeu son avenir professionnel. Les procureurs français ne répondent absolument pas à ces critères. Qu’un “juge DE l’instruction” aux pouvoirs mal définis vienne (semble-t’il) contrôler la légalité de certains aspects de la procédure ne retire rien au faits que les enquêtes et les poursuites seront décidées par un organe soumis hiérarchiquement. C’est la fin de tous les dossiers politico-financiers et le retour à l’irresponsabilité pénale de fait des hautes élites. Après, on est d’accord ou pas ...

3. Le mardi 6 janvier 2009 à 10:47 par Ana

Que pensez-vous de l'impact de la CEDH? Je pense à son récent arrêt, (dont le nom exact m'échappe) dans lequel elle ne reconnait pas le parquet comme une autorité indépendante. Si le juge d'instruction est supprimé, et remplacé par un magistrat du parquet, alors il y aurait contradiction avec la jurisprudence européenne non ?

4. Le mardi 6 janvier 2009 à 10:49 par Mia

Entièrement d'accord avec vos conclusions, Anatole. Si ce projet devient réalité, j'aurai une raison supplémentaire de demander ma mutation au siège.

5. Le mardi 6 janvier 2009 à 10:51 par capello

J'ajoute que la tendance des pouvoirs publics (gauche droite confondus, pas de sarkophobie, je n'est pas l'esprit moutonnier) est de tirer les mauvaises conséquences de dysfonctionnement (outreau, lenteur, etc...) de la justice. Plutôt qu'une énième réforme de la procédure, et vous permettrez d'associer certaines réformes touchant la juridiction administrative (celle qui assure un contrôle de l'Etat et toutes ses émanations) - visant à supprimer la collégialité pour certains litiges-, nos gouvernants pourraient peut - être consolider budgétairement et politiquement (en arrêtant la critique des juges, et je ne pense pas qu'à l'exécutif, mais à toutes les autorités publiques et locales) la fonction régalienne (supposée être le coeur de l'Etat) qu'assure au quotidien dans des conditions matériellement et humainement dégradées la justice! Et qu'on nous épargne les slogans sur la RGPP, la productivité (puisqu'il faut utiliser cette novlangue) de la justice, pénale, civile et administrative, n'a jamais été aussi élevée qu'actuellement.

6. Le mardi 6 janvier 2009 à 10:53 par oaueoe

@1: État de droit, en fait.

7. Le mardi 6 janvier 2009 à 10:55 par Lulu

Cher Anatole,

Vous me coiffez au poteau...

Puis-je faire remarquer l'extrême considération de notre PR pour les commissions qu'il met lui-même en place (puisque la commission Léger n'a pas encore déposé son pré-rapport sur cette question précise) et pour la précédente législature, la loi du 5 mars 2007 étant applicable depuis moins d'un an pour les pôles de l'instruction, les dispositions sur la collégialité devant entrer en vigueur au 1er janvier 2010.

Par ailleurs, je peux comprendre les arguments développés par les partisans du système accusatoire, même si j'estime que beaucoup d'approximations, d'erreurs voire d'âneries ont été dites au sujet du travail du juge d'instruction.

Et notamment qu'il s'agirait d'un juge schizophrène, changeant de casquette en permanence, devant instruire à charge le matin et à décharge l'après-midi.

Rassurez-vous braves citoyens: nul besoin pour mes collègues ou moi-même de se livrer à des contorsions intellectuelles. Ce qu'exige de nous la loi, c'est de faire tous les actes utiles à la manifestation de la vérité, pour mettre en lumière tous les aspects intéressants du dossier.

Quand j'ordonne une expertise génétique, pour comparer le profil d'un suspect à celui qui a pu être retrouvé sur la scène de crime, je ne sais pas si les résultats de cette expertise seront à charge (comparaison positive) ou à décharge (résultats négatifs).

Quand j'ordonne l'audition d'un témoin, le mis en examen ayant affirmé que ce dernier était avec lui à l'heure du crime supposé, je ne sais pas si cette audition sera à décharge (le témoin confirmant l'alibi) ou à charge (le témoin ne confirmant pas l'alibi).

Je n'ordonne pas cette expertise ou cette audition en me disant, tiens, tel acte est à charge, tel autre à décharge. Je les ordonne parce qu'elles sont utiles à l'enquête, et à la compréhension de l'affaire, c'est tout.

Bref, je n'ai pas vraiment le sentiment d'être schizophrène. Je me porte très bien merci, et mes collègues de l'instruction aussi.

Si le juge d'instruction doit être supprimé, j'en serais navrée car je suis intimement convaincue qu'il est beaucoup plus bénéfique que nuisible à notre institution. A l'heure où les prérogatives du parquet s'étendent et où les procédures de comparution immédiates se multiplient, les procédures d'instruction sont devenues le moyen presque unique de fignoler un dossier. Un des rares espaces où les magistrats peuvent se payer le luxe de se pencher longuement sur une procédure. Selon les avocats eux-mêmes qui parfois, déplorent à l'audience l'absence d'information judiciaire pour telle ou telle affaire.

Attention, il ne s'agit pas de prêcher pour ma paroisse: les magistrats ne sont pas au chômage technique, loin de là, tenez, on pourra aller prêter main forte à Dadouche (navrée Gascogne mais dans le contexte actuel je ne crois pas que beaucoup de collègues seront tentés par le parquet...).

Et puis d'autres pays fonctionnent (bien) sans juge d'instruction, alors...

Autre aspect positif: si on supprime le juge d'instruction, on ne pourra plus lui faire grief de tous les malheurs de notre pays en général et de notre institution judiciaire en particulier. Il faudra trouver un autre bouc émissaire.

Sans un parquet indépendant, néanmoins, nous courrons à la catastrophe.

Anatole:

Chère Lulu, C’était donc vous, que j’entendais galoper dans mon dos pendant que j’éperonnais durement mon vieux Samsung pour être le premier à publier. Sapristi, je crois bien que j’ai eu chaud! Vous ai-je coiffée à votre goût ?

8. Le mardi 6 janvier 2009 à 10:55 par Delio

@Youkoulélé : Dans la république bananière qu'est devenue notre pays, il suffit que le petit homme ait une envie le matin en se rasant pour que tous les béni-oui-oui du parlement votent comme un seul homme le coup de génie du Prince des Rolex et des Mont-Blanc.

Nous en avons un exemple concret depuis hier 20h00 en allumant les "étranges lucarnes" chères au "Canard Enchaîné".

9. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:11 par Le_Pompiste

Le "Monde" indique que "le nombre d'affaires dont il le juge d'instruction est saisi n'a cessé de diminuer, pour représenter moins de 5 % des affaires pénales aujourd'hui".

Quelle procédure suivent les autres 95 % ?

Anatole:

Seulement 5 % des affaires à l’instruction, pourquoi ? Le parquet d’un procureur , comme disait mon maître Louis Bartolomei dans une des formules dont il avait le secret, c’est Narbonne. Il entendait, par cette allusion au noeud ferroviaire audois, présenter le parquet comme un plaque tournante, un centre d’aiguillage, où se décide la destinée des milliers de procédures qui y parviennent à jet continu. L’art du parquetier, c’est l’art d’orienter. Et l’instruction n’est qu’une des voies. Sans aller dans le détail: L’immense majorité des procédures reçues par les parquet sont classées car l’affaire n’est pas jugeable: soit pas d’infraction, soit pas de preuve, mais le plus souvent parce que l’auteur des faits reste inconnu (vol de cyclo, voitures brouies, etc...). Une part importante des affaires juridiquement poursuivables sont classées aussi, pour des motifs avouables (circonstances atténuantes, simple rappel à la loi suffisant, dédommagement de la victime, mise en conformité...) ou moins avouables (incapacité d’absorber la masse avec le nombre de juges et de greffiers disponibles, classements massif de vieilles procédures non traitées pour sauver les procédures récentes ...). La plus part des affaires poursuivies n’ont pas besoin du juge d’instruction car elles sont suffisamment simples pour être présentées au tribunal selon des procédures plus légères (citation directe, convocation par OPJ, comparution immédiate ...). L’instruction est réservée aux dossiers lourds, qui exigent du suivi, de l’attention, et du temps. Elles est obligatoire pour les crimes. Elle est facultative pour les délits et les contraventions. Depuis quelques années, beaucoup de procureurs semblent vouloir saisir de moins en moins le juges d’insruction et ils préfèrent, lorsque c’est possible, piloter eux-même les dossiers délictuels lourds, grâce à un bureau des enquête. Les lois dites Sarkosy ont d’ailleurs renforcés les pouvoirs d’enquête des procureurs (perquisitions sans consentement, perquisitions de nuit, écoutes téléphoniques) sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. Ceci a contribué à réduire fortement le nombre de dossiers passant par l’instruction. Les véritables raisons de ce moindre recours au juge d’instruction m’échappent. Certains collègues paranoïdes avancent qu’il s’agit de réduire le nombre de dossiers instruits pour mieux pouvoir supprimer le juge.

10. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:15 par villiv

"C'est un N'ième/énième/nouvel/ affaiblissement pour la justice"

rien n'a changé en 2009, donc...

pas étonnant, nous ne sommes qu'en l'an 2 de l'ère Nico-Premier ;-)

11. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:20 par mad

si le parquet récupère la charge de travail des JI, et perds tous ses membres qui parviendrons à obtenir une mutation au siège, qui restera t il ?

mad, on me dit dans mon oreillette qu'il va pas faire bon être auditeur pendant quelques promotions ...

12. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:21 par Lagos

Les termes de l'article du Monde sont assez flous. Quoiqu'il en soit le législateur sera bien obligé de tenir compte de la jurisprudence de la CEDH. L'affaire "Medvedev c. France" doit être rejugée en mai mais la condamnation de la France ne fait guère de doute à lire les termes de l'arrêt rendu à l'unanimité des 7 juges selon une jurisprudence déjà établie de la Cour. Le procureur, faute d'être indépendant, n'est pas considéré comme un magistrat par la CEDH.

Pour les amateurs de documentaires, je conseille de regarder la vidéo des débats en première instance, la représentante de la France, incollable sur les subtilités du droit de la mer, n'a pathétiquement rien à dire pour la défense du Parquet tel qu'il est actuellement organisé en France.

13. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:21 par Citoyen mitoyen

Je suis d'accord avec vous, cette rupture d'indépendance me fait penser que nous nous dirigeons de plus en plus vers un état de travers...

(sinon vous avez écrit la parquet au milieu de votre billet... c'est parce que son chef est une femme ?)

Anatole:

Le. Merci. Je désespère d’atteindre un jour la norme qualité.

14. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:25 par Gsourima

Juste pour la forme : "Le troisième impératif de notre devise nationale, l’Egalité"... Ne serait-ce pas plutôt le deuxième ? J'ai peut-être raté quelque chose, remarquez...

Anatole:

Oui, oui... je corrige et me flagelle derechef.

15. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:26 par NicoB73

Anatole

Pour aller plus loin dans ce billet, il me semble qu'il faudrait également songer aux moyens affectés à des procureurs indépendants, notamment humains; aujourd'hui, les juges d'instruction saisissent les services d'enquête de la police ou de la gendarmerie nationale, mais j'ai le souvenir d'une perquisition chez un ancien Maire de Paris qui s'était soldé par un refus pur et simple d'intervenir de la part de l'OPJ en question, probablement sur des pressions de sa hiérarchie : entre perdre son habilitation OPJ et se mettre à dos sa direction, je pense qu'il n'avait pas hésité trop longtemps ... résultat: un juge qui se trouve tout bête au pied d'un immeuble, et incapable de mener la mesure d'instruction qu'il comptait effectuer.

16. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:26 par Mia

Allons, allons, n'allons pas penser qu'un organe aussi mineur que la CEDH empêche l'hyperprésident de dormir, de se raser, ou d'éructer compulsivement des propositions avant de se préoccuper de leur faisabilité ou de leur utilité (cf le billet d'Eolas "brouir ou conduire") ...

Quant aux 95 % de procédures qui ne passent pas devant le juge d'instruction, elles sont actuellement traitées par le Parquet, parce qu'elles sont moins complexes, moins lourdes à gérer, ne nécessitent pas d'investigations approfondies, etc ...

Il ne ferait pas non plus bon d'être parquetier dans le monde rêvé de Nicolas 1er.

17. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:30 par Aurelien

Le principe du juge d'instruction ne va-t-il pas à l'encontre des droits de la défense ? Il semble bien que les cibles de l'instruction ne disposent pas des éléments du dossiers et soient soumis à la bonne volonté (et à l'humeur) d'une personne seule (trop seule, à entendre les témoignages sur le sujet lors de l'enquête sur l'affaire d'Outreau, question de moyens mais aussi de culture). Et ce n'est pas Philippe Bilger qui me contredira sur ce point.

Si la solution préconisée présente des risques d'une autre nature, n'est-ce pas l'occasion de proposer une solution qui aille dans le sens de la disparition du juge d'instruction sans soumettre la procédure au bon vouloir du garde des Sceaux ?

18. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:31 par Ben

J'ai du mal à croire, au final, qu'on en arrivera à suppression pure et simple du juge d'instruction sans amener l'indépendance obligatoire du parquet.

Toutefois, je me suis toujours senti proche de l'idée d'une procédure pénale sans juge d'instruction, mais avec bien sur une indépendance du parquet. Reste que ça peut être un moyen de couper quelque peu les coûts, non ?

19. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:33 par zirglob

Bonjour,

Merci pour votre article.

Quelqu'un (vous ou un commentateur) peut-il nous expliquer comment est garantie l'indépendance du juge d'instruction? Qui le nomme? Qui peut le révoquer? j'ai crois comprendre qu'il ne répond pas à une hiérarchie?

Il y a peut-être déjà un article sur ce blog à ce sujet, mais je ne l'ai pas trouvé...

20. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:35 par 1bR

Mais, je ne comprends pas bien, sous quelle forme voudriez vous "rendre les procureurs indépendants" ? En les faisant élire par la population avec un mandat local comme aux USA ? Quoiqu'il arrive, ca posera des soucis... Enfin quelles solutions proposez vous ? Et l'indépendance c'est bien, mais ca ne doit pas rimer non plus avec irresponsabilité... ^^

Anatole:

Vous avez raison. Confions la justice à des fonctionnaires révocables, hiérarchisés et responsables pécuniairement. C’était comment, vos dernières vacances en Birmanie ?

21. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:37 par Naja

Hallucinant!
Je rêve ou ce serait vraiment le début de la fin de la séparation des pouvoirs?
L'on pourra toujours arguer - à la lecture de l'article - que dans les faits, cela nous ramène aux années '80 et non à la monarchie... sauf que la non indépendance des magistrats chargés des enquêtes ne relèveraient plus de la corruption mais de l'obéissance à la hiérarchie, si j'ai bien suivi

@ Lulu,

Autre aspect positif: si on supprime le juge d'instruction, on ne pourra plus lui faire grief de tous les malheurs de notre pays en général et de notre institution judiciaire en particulier.
Je doute que ce soit ce qui motive une telle décision...
A moins que si, réflexion faite. Cela s'inscrit à mon sens dans la stratégie gouvernementale actuelle. Un problème? Une éradication de ses symptômes visibles. Un scandale? Une nouvelle mesure.

22. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:40 par Candide au Pays du Droit

Restons prudents car sa Majesté n'a pas encore annoncé officiellement SA décision ni les modalités de SON projet. Moi je vais jusqu'à (furtivement) m'imaginer quitter la magistrature devant des inepties pareilles (je ne le ferai pas, mais c'est mon "signal" d'exaspération). Encore une annonce choc pour "changer de sujet" et surprendre le téléspectateur qui subit le feuilleton désolant de l'actualité politique. Sur le fond, quelle poésie... En l'état aucune perspective de parquet indépendant pour légitimer un tant soit peu le système, au moins en façade... Puisque le système du juge de l'instruction pallierait soit-disant l'absence d'indépendance du parquet. La sempiternelle référence à Outreau -où on le sait bien, le Parquet a joué un rôle extrêmement protecteur des libertés (soit dit en passant, je n'ai pas compris pourquoi la "leçon" d'Outreau, s'il y en avait une sous l'angle de réformes institutionnelles, n'a pas été d'instaurer une collégialité du JLD). Un système accusatoire ? Faisons reposer le sort des mis en examen sur la seule compétence et l'extrême vigilance de l'avocat, qui, se voyant doté d'une mission d'investigation, devra être bien choisi (et au diable le principe d'égalité devant la justice...). La schizophrénie de la fonction ? Alors supprimons les juges tout court, l'impartialité rend schizophrène (et l'indépendance, dangereux). A défaut d'un débat public éclairé sur lequel je ne compte plus, vu la qualité de l'information et l'espace médiatique laissé à la critique, j'espère que la résistance des acteurs judiciaires permettra de s'opposer efficacement à cette folie ou tout au moins d'en limiter les dérives. Quel beau pays.

23. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:41 par didier Schneider

Allons nous vers une 'privatisation' de l'instruction ?

24. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:41 par Justed

Sauf erreur de ma part, ça ne figure pas dans le programme de notre intouchable-président (www.sarkozy.fr/download/?lang=fr&mode=programme&filename=monprojet.pdf -).

On nous aurait donc menti ?

25. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:47 par indi

2009 commence mal

Après la création des pôles d'instruction, voici la suppression du Juge d'Instruction, ça c'est de la cohérence d'une politique pénale.

J'attends avec impatience que Rachida Dati, que mille Girafe Sophie se penche sur le berceau, nous explique le bien fondé de cette décision. Je pense qu'il va y avoir des morceaux d'anthologie.

26. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:52 par h

Etat de droit? Etat de droite!

27. Le mardi 6 janvier 2009 à 11:54 par Chrisitian

Projet de suppression de la fonction de juge d'instruction, un entretien (fictif) exceptionnel avec la ministre de la Justice :

"Rationaliser la justice : ne pas condamner les puissants plutôt que les gracier. Pas bête…"

http://www.article11.info/spip/spip.php?article250#forum2813

Les "autoréducteurs" peuvent dormir sur leurs deux oreilles.

28. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:01 par Marcel

Même question que d'autres : n'est-ce pas une idée totalement incompatible avec la jurisprudence de la CEDH ? Auquel cas toutes les procédures françaises pourraient mener à une condamnation : ce serait rigolo...

29. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:04 par lambda

Peux -t-on espérer moins de GAV et/ou de détentions abusives et/ou inutiles avec la suppression du juge d'instruction ?

Lambda

30. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:06 par Martin K

Une fois de plus, je frémis. Une fois de plus, je me demande si cette brillante idée de M. notre président va aussitôt retomber aux oubliettes, ou si c'est la responsabilité de "on ne l'a finalement pas fait" qui va retomber sur quelqu'un d'autre, législateur ou... juge constitutionnel (?).

Ou alors, pire, si vos tristes prophéties se confirment. Et, devant cette perspective, je frémis encore.

31. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:07 par Salomon Ibn Gabirol

Bon flan mais c'est bien flur! Remplacer le juge d'instruction par un juge de l'instruction, quelle idée de génie.

Il parait que Darcos va remplacer les maitres d'école par des maitres de l'école, que Pecresse va transformer les professeurs d'université en professeurs de l'université, que Bachelot va renommer les médecin urgentistes en médecin de l'urgence.

32. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:11 par Koudou

Il y a une chose que je ne comprends pas bien. Le procureur représente l'État il est donc partie prenante dans le débat. Si c'est le procureur qui instruit il instruira dans l'intérêt de l'État. Mais qui enquêtera pour la partie adverse ?

Faudra-t-il avoir des enquêteurs privés ? Si oui que pourront-ils faire face à des enquêtes menées avec les moyens de la police ?

33. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:13 par Antonin

Alors je suis effaré! Mais alors, que deviendra la chambre de l'instruction? Il s'agit là d'une refonte considérable de la procédure pénale!! Si effectivement l'instruction sera confié au parquet tel qu'il l'est (non indépendant) c'est un scandale! c'est grave!

si tel est le cas la vague de protestation sera sans doute sans précédent!

34. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:14 par tacot

mon ou ma pauvre lambda, le but de la réforme n'est pas ce que l'on va vous dire: supprimer l'arbitraire ou le risque d'arbitraire ( subtile comparaison dans ce sens ce matin du ministre de la relance P. Devedjian, comparant le juge d'instruction au lieutenant criminel de Louis 14...) avec l'inévitable tarte à la crème de la référene à Outreau et au juge Burgaud qui comme par hasard sera jugé par le CSM dans un mois environ. EN réalité le but est bel et bien de mettre un terme dé-fi-nin-tif aux enquêtes qui gênent et à l'indépendance de la justice. Sauf que le bébé va être jeté avec l'eau du bain et qu'il faudra à l'avenir se lever de bonne heure pour lutter contre la criminalité. Pas la petite, celle là c'est pas compliqué ( une bonne petite compa immédiate et le tour est joué) mais la grande, celle des trafics en tous genres, du "milieu" qu'il soit du grand banditisme ou de la délinquance " en col blanc". en tous cas, le parquet n'est pas en état actuellement de reprendre le bébé. Mais je pense que nous aurons le temps et la place ( merci à l'hôte de céans) d'en reparler. En attendant, je vais faire mes croix pour le siège, de préférence loin du pénal.

Anatole:

Quitter le navire? Ou rester et souquer ferme ?

35. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:19 par bleu horizon

quelle horreur et c'est anticonstitutionnel à plus d'un titre, je ne suis pas contre une réforme mais l'indépendance totale de la justice doit être garantie et surtout pendant l'instruction.

36. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:20 par Un policier de passage

Je me souviens d'une citation de Walter LEISNER (article dans un "mélanges" dont le bénéficiaire m'échappe) qui résume plutôt bien ce qui se profile. "L'état de droit, ce n'est pas le gouvernement des hommes, c'est le règne des normes."

37. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:24 par Tef

J'imagine que l'on va nous argumenter que Burgaud était juge d'instruction...

S'il avait été procureur, aurait-on évité les erreurs d'Outreau ? J'ai un doute.

38. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:33 par tinotino

Plutôt que de vouloir réformer notre système judiciaire, ne serait-il pas plus judicieux de lui accorder plus de moyens pour qu'il fonctionne de manière optimisée. Quid de l'indépendance de la justice et de la séparation des trois pouvoirs.. Il semblerait que certains soient fâchés avec ces grands principes, pourtant source d'équité et d'impartialité.

39. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:39 par Frédéric Lamourette

Je trouve les conclusions un peu rapides, étant donné la brièveté et la prudence de l'article du Monde...

Ceci étant dit, grand naïf que je suis, je rejoins Candide (#21) : la réforme annoncée des pôles de l'instruction (dont je vous rappelle qu'elle avait déjà été tentée : une loi du 10 déc. 1985 avait institué la collégialité de l’instruction, mais une loi du 30 déc. 1987 avait écarté cette solution pour des raisons budgétaires ; la collégialité coûte cher !) est si ce n'est incohérente, du moins pas conforme au but annoncé : Outreau a mis en lumière des détentions provisoires abusives, et a dénoncé les maladresses d'un juge seul (qui n'était d'ailleurs pas si seul...).

Or, la loi du 5 mars 2007 a instauré une collégialité pour les décisions les plus graves de l'instruction, sauf pour la plus grave d'entre elles, celle qui avait précisément justifié la réforme: l'autorité compétente pour mettre quelqu'un en détention est toujours un juge seul, le JLD...

Peut-être que si le Gouvernement ne demandait pas seulement aux commissions instituées d'apposer une signature sur un projet déjà rédigé, on obtiendrait mieux...

40. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:40 par Koen

Je ne peux pas m'empêcher de répéter haut et fort qu'on vit maintenant en Sarkozistan.

Je ne sais pas si c'est un pays démocratique. Et encore. Le pays démocrate par excellence, les US, ont bien inscrit la torture parmi leurs outils de justice.

Ensemble, tout devient possible :(

41. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:44 par Jt

Etudiant en Droit, je viens de réviser le Juge d'Instruction pour mes partiels, et me réjouis de voir qu'il ne sera plus au programme. Ou pas.

Sinon, pour votre norme qualité, je crois que l'égalité se trouve en 2ème position dans la devise nationale ( la seule chose que j'ai à redire, c'est dire)

42. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:47 par emmapeel

L'indépendance est décidément un gros mot en France ! Ne nous étonnons pas, une réforme de la procédure pénale avait été annoncée ! Après les avoués, combien de juges et magistrats vont rejoindre l'avocature ? ! Avant que celle-ci ne soit, à son tour, laminée par le pouvoir en place !

43. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:50 par Pax Romana

@ Anatole (sous 9) Tsss, n'employez donc pas brouir ainsi. Bien qu'étymologiquement cela puisse se défendre, de nos jours ce verbe décrit l'action du soleil faisant roussir des végétaux ayant subi du gel.

@ 1bR (19) Mais, je ne comprends pas bien, sous quelle forme voudriez vous "rendre les procureurs indépendants" ? ... Et l'indépendance c'est bien, mais ca ne doit pas rimer non plus avec irresponsabilité... Hé bien, en les soumettant au CSM, et en s'assurant que celui-ci n'est pas à la botte de l'exécutif, par exemple selon le modèle italien, où le CSM, organe d'importance constitutionnelle, se compose du Président de la république (qui le préside), du premier président et du procureur de la Cour de cassation (qui le co-vice-président), et de membres élus (pour 2/3 par les magistrats du pays en leur sein, et pour 1/3 par le parlement parmi les Professeurs de droit et les avocats).

44. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:55 par Frédéric Lamourette

Quelques éléments de plus : L'indépendance, c'est la garantie que le pouvoir judiciaire n'est pas soumis à l'un quelconque des autres pouvoirs : le procureur de la République n'est pas une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : (...) il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir politique pour pouvoir ainsi être qualifié a précisé la CEDH le 13 juillet 2008 (pas pour la première fois).

Le juge de l'instruction ressort de sa boite à chaussure ; ce n'est pas nouveau. Il me semble que son instauration n'a jamais été proposée sans garantir l'indépendance du Parquet qui, par exemple, pourrait être soumis à l'autorité d'un Procureur général de la Nation (désigné par qui ? élu par qui ? un corps dans le corps...). J'ajoute que le juge de l'instruction existe déjà : c'est la chambre de l'instruction, qui contrôle la régularité des actes d'instruction.

45. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:58 par isidor

Très franchement je suis plutôt souvent d'accord avec les mesures prises par le président gouvernement en matière sociale et économique (le RSA, la suppression de la publicité sur FT, plan de sauvetage) et même parfois à celles qui touchent le droit pénal; peines planchers, excuse de minorité, CRPC, etc.

Mais là, non vraiment, là, je dois dire que je suis effaré! Même moi, c'est dire. Je ne suis jamais descendu dans la rue pour aucune cause. Mais si cette "idée" devait devenir projet (ce qui ne manquera pas d'être le cas) je serais l'un des premiers à crier haut et fort que c'est une idée de merde et que personne n'est dupe, que tout le monde a bien compris l'intérêt réel de confier l'initiative de l'enquête à des préfets procureurs ! Malgré tout le respect que j'ai pour les membres du Parquet et en dépit de leur qualité officielle de magistrat, il ne sont pas, pour moi, de véritables magistrats puisque leur dépendance hiérarchique, prévue par la loi, les empêche d'être de véritables garants des libertés individuelles.Quoi qu'ils en disent.

Les procureurs deviendront des magistrats avec un "M" majuscule le jour ou ils seront VÉRITABLEMENT indépendants. Donc dans les mêmes conditions que ceux du siège. (Avant réforme du CSM :-) )

Il ne faut pas vraiment s'inquiéter pour les enquêtes qui seront menées, puisqu'elles continueront d'aboutir devant un Tribunal indépendant, mais il faut en revanche s'inquiéter de celles qui ne seront pas menées... pour des raisons douteuses.

Non seulement il ne faut pas supprimer les juges d'instruction mais il faut renforcer ses attributions ainsi que celles de la Chambre de l'instruction. Notamment sur l'opportunité du placement en garde à vue.

46. Le mardi 6 janvier 2009 à 12:59 par Tom

Je crois que notre cher Président va se faire flinguer a bout portant par le Conseil constitutionnel (un bon article 16 DDHC, ça peut faire mal, très mal), ou, sinon, la CEDH.

Allier incompétence et mise en danger de l'état de droit c'est fort, très fort...

47. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:04 par Sully

Serait-ce l'annonce d'un Parquet "tout puissant"? Le Parquet était déjà un "touche à tout" dans la procédure pénale, un employé polyvalent. Depuis les lois du 15 juin 2000 et du 9 mars 2004, il avait fortement mis dans l'ombre le juge d'instruction et une réforme futur en France me laisse dubitatif. Quid de la cohérence des réformes pénales avec l'arrivée de la collégialité de l'instruction qui était prévue pour 2010? Quid de la constitution de partie civile devant le juge d'instruction? Apparemment, la réforme veut apporter une place particulière aux droits à la défense: heureusement, car si l'on supprime le juge d'instruction, on supprime également les droits à la défense au stade de l'instruction. Il faudra alors accroître les droits de la défense au stade de l'enquête pour compenser. Concernant, l'absence de mesures pour rendre un Parquet (surpuissant) indépendant, ça me laisse sans voix. Si les citoyens souhaitent une justice indépendante, non influencé par les volontés (politique) du Garde des Sceaux, il faudrait qu'un juge puisse contrôler la légalité de la procédure effectuée par ce ce dernier, et notamment l'opportunité de ses classements sans suite. Un contre-argument est bien sûr de dire que la subordination hiérarchique du Parquet au Ministre de la justice permet d'établir une cohérence de la politique pénale. Mais où est la cohérence de la politique pénale ces dernières années? Je la cherche encore.

48. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:19 par Siskotte

/mode aigrie on

ah ben ça tombe bien, si on supprime les Juges d'instruction, ils pourront prêter main forte ailleurs, disons par hasard le JAF !!!

pis ça fera des greffiers en plus pour les autres services !

/mode aigrie off

et bien mon année 2009 commence fort mal avec toutes les mauvaises nouvelles qui s'accumulent !

49. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:22 par La Rimule

Ça fait peur... (mon commentaire n'est pas très pertinent mais intensément ressenti !)

50. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:27 par le petit prince

Que deviennent les plaintes avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction ?

En effet les plaintes déposées auprès du Parquet sont régulièrement classées sans suites pour d'obscures raisons (statistiques ?)

Alors l'Avocat saisi le juge d'instruction afin de permettre (parfois) à la pauvre victime d'obtenir le renvoi de son agresseur devant une juridiction représsive.

Eh non, terminé, COUIK ! Exit le juge d'instruction ...

Que devient notre victime ? rien ...

Il me semblait cependant que le sort des victimes était la préoccupation majeure de notre gouvernement, ah oui suis-je tête en l'air ...cette préoccupation est fonction de l'actualité !

51. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:27 par Lumen tenebris

Mais la méthode veut déjà tout dire : on distille dans la presse une rumeur pour voir l'effet sur ""l'opinion"". Résultat : un PS qui réagit mollement (espère-t-il sauver le soldat Dray ? dont brutalement on ne parle plus après un soigneux lynchage). Comme d'habitude, Sarko fera sa déclaration en faisant des propositions plus modérées que les rumeurs. Et ainsi, il passera pour un modéré alors que c'est lui le véritable un incendiaire. Ben voilà : les français étaient prévenus et ils ont voté pour ça : le Sarkozistan. On aura un Parquet aux ordres, comme n'a pas manqué de le rappeler Dati, et il prendra garde de ne plus poursuivre les politiques et les hommes d'affaires proches du pouvoir. Par contre, je vous dit pas les mineurs de moins de 12 ans : il en prendront plein la gueule

52. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:27 par henriparisien

Sur l’indépendance actuelle des juges d’instructions, j’avais cru comprendre que les magistrats pouvaient passer du statut de procureur à juge. Ils ont donc une partie de leur carrière qui est sous l’autorité formelle du garde des sceaux. Une carrière c’est long et dans le déroulée de celle-ci, je crois que juge d’instruction est l’une des premières marches. L’indépendance affichée est donc un peu de façade.

Par ailleurs, si effectivement dans les années 80 et 90, un grand nombre d’affaires politico-médiatiques ont été instruites par les juges d’instructions, l’actualité depuis 2000 et plutôt pâlichonne. La dernière en date, celle concernant Julien Dray n’est pas (encore ?) passé par les mains d’un juge d’instruction. A cela deux hypothèses, soit les hommes politiques ont gagnés en moralité, soit ils ont trouvé une parade. Les deux hypothèses ne s’excluant bien entendu pas.

Il me semble que le principal problème de cette réforme – si elle est effectivement mise en œuvre – c’est l’égalité des moyens entre d’un coté le procureur qui disposerait implicitement de moyen pour instruire à charge (service de police et de gendarmerie, budget d’expertises etc…) et la défense.

Anatole :

Je conteste! S'il est possible qu'un juge d'instruction s'auto-soumette par révérence naturelle ou par stratégie de carrière à long terme, il reste que le juge d'instruction qui n'entend pas se soumettre, nul ne peut le démettre: Le déplacer est impossible car il est inamovible. Le révoquer est impossible car seul le Conseil supérieur de la magistrature, organe indépendant dont je souhaite qu'il le reste, est seul à pouvoir prendre une sanction disciplinaire.

Oh, je sais bien que diverses menées permettent de surmonter ces obstacles, mais la manoeuvre est parfois trop malaisée ou trop lente pour être efficace.

Alors, oui, je conteste votre analyse. La perte d'un organe indépendant d'enquête et de poursuite serait une amputation majeure pour la justice française.

Quant à savoir qui mènera l'enquête à décharge, et même s'il faudra en mener une, je ne suis pas certain que la question soit d'actualité. Les juges d'instruction étant délibérément de moins en moins saisis par les parquets, de plus en plus de dossiers lourds sont soumis aux tribunaux après la seule enquête du parquet, ce qui pour le moment ne semble pas poser de problème particulier, à ma connaissance en tout cas.

Le problème est surtout de savoir quelle possibilité auront les victimes de faire démarrer une enquête quand le parquet s'y refusera. Il y a deux ans, elles pouvaient le faire aisément en déposant une plainte entre les mains du doyen des juges d'instruction. Actuellement elles peuvent encore le faire, mais sous certaines conditions restrictives, notamment celles de s'être préalablement heurtée à un classement de la plainte par le procureur. Demain, pourront-elles contraindre le procureur, qui avait classé, a poursuivre l'enquête ?

Il est a craindre que la suppression du juge d'instruction fasse ses premières victimes parmi les victimes.

53. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:40 par araok

Un juge ne décide pas de faire une enquête. Il est saisi par le parquet ou par une victime qui se constitue partie civile. Il ne peut enquêter que sur les faits dont il est saisi. Ceci signifie donc que le procureur (c à d ce personnage "éventuellement aux ordres") est la plaque tournante initiale et que que le juge d'instruction n'enquête que sur ce "qu'on" lui a dit d'enquêter. Cette liberté dont il est si fier me paraît en réalité fort restreinte. Je me trompe? Où?

Anatole :

Vous avez raison sur le droit mais tort sur les conséquences pratiques. Il est vrai que le juge d'instruction ne peut se saisir lui-même. Il ne travaille que si le parquet ou la victime le lui demande. Mais une fois saisi, et dans les limites de sa saisine (=de sa mission), il est libre d'agir autant qu'il l'estime utile

Exemple. Un gros entrepreneur du BTP de votre ville, également président de l'équipe de volley, et candidat aux prochaines élections sous l'étiquette gouvernementale, construit un immeuble sans respecter les règles de sécurité, ce qui provoque accidentellement la mort d'un salarié, dans des conditions mal définies, les autres salariés témoins se montrant très réticents à compromettre leur employeur.

Hypothèse 1: La veuve porte plainte au parquet. La police, mal à l'aise eu égard à le personnalité de l'entrepreneur, enquête sommairement et ne parvient pas à déterminer précisément les causes de l'accident. En outre, l'organigramme complexe de l'entreprise ne permet pas d'identifier aisément le pénalement responsable. Le politique intervient pour faire valoir l'importance locale de l'entreprise et les danger d'une enquête trop poussée sur la campagne électorale à venir. Classement. La veuve ne peut pas contraindre le parquet à poursuivre. Mais elle peut saisir le juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile. Pourra-t'elle, dans le nouveau système, obtenir une enquête du parquet qui a estimé devoir classer le dossier?

Hypothèse 2. La veuve porte plainte directement entre les mains du doyen des juges d'instruction. Un juge est chargé du dossier. Nul ne peut l'empêcher de reprendre l'enquête infructueuse et de fouiller le dossier, de faire réentendre les autres salariés par des enquêteurs spécialisés, voire de les entendre lui-même. Nul ne peut l'empêcher de perquisitionner au siège de l'entreprise, de nommer des experts, etc... Dans cette hypothèse, la victime a nettement plus de chances de parvenir à un procès et à une condamnation.

Je tire cet exemple de mon expérience professionnelle. Dans la réalité, les choses étaient pires car le procureur voulait pousser l'enquête, mais se heurtait à la police qui rechignait à effectuer les actes d'enquête compromettant pour le Messire.

Le juge d'instruction est un bras armé puissant offert aux faibles. Le supprimer, sans le remplacer par un système équivalent ou supérieur, sera source de déséquilibres dangereux.

54. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:43 par la biscotte

Je suis JI, et encore une fois désolée de cette annonce de la suppression de ma fonction.. Non par corporatisme, mais vraiment pour l'état de la justice en France. Je ne reprends pas tt ce qui a déjà été développé jusqu'ici : supprimer le JI sans rendre le Parquet indépendant, c'est faire de la France une république bananière qui n'aura plus rien à envier à certaines dictatures actuelles concernant le rôle de la justice. Sans JI, il n'y aurait jamais eu ttes ces affaires politico-financières ayant conduit à de lourdes condamnations de pas mal d'élus en France. Passons... Un détail : sans JI, le parquet va donc enquêter à charge, c'est à dire récupérer un maximum de preuve pour obtenir une condamnation. En face ? La défense, qui aura pour rôle de diminuer ces charges et de prouver l'innocence (en schématisant). Question : qui va payer les expertises, reconstitutions, enquêtes permettant de savoir exactement ce qui s'est passé ? Jusque-là, c'était le JI qui ordonnait ttes ces mesures afin de savoir où était la vérité. S'il n'en faisait pas certaines, la défense pouvait lui demander de le faire. Sans JI, ce seront les accusés qui devront payer ces mesures, que le Parquet pourrait bien se garder d'ordonner, des fois que le résultat n'aille pas dans le bon sens ? Et pour tt ceux qui n'ont pas les moyens de se payer un bon avocat, ils pourront difficilement reprocher à leur avocat commis d'office de pas passer des heures sur leur dossier, dans la mesure où il est payé des clopinettes par l'Etat.. Au final, un énorme risque d'erreur judiciaire, un véritable déséquilibre entre les parties, et une impunité quasi garantie pour tous les amis du Président. Car ne se voilons pas la face : si un copain de Nicolas se retrouve en situation délicate (accusé de viol par exemple), il suffira d'un coup de fil au Procureur concerné pour étouffer l'affaire, alors qu'aujourd'hui, un JI (qui n'a aucun compte à rendre au pouvoir exécutif) était obligatoirement nommé pour enquêter sur ces faits.

Tout cela m'écoeure, et si cette réforme passe en l'état, j'aurais vraiment honte de mon pays!!!!

55. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:49 par Nemosus

Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Pour simplifier et faire des économies il suffit de supprimer tous les juges et de confier la décision de la peine aux parquets. Quant au civil, on tire à pile ou face, et hop ! L’affaire est réglée...

56. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:53 par Sartorius

Vous dites d'abord: "Des juges d’instruction français, dans les années 1980 et 1990, s’étaient courageusement affranchis de l’auto-soumission coutumière à beaucoup de magistrats."

Puis, en réponse au commentaire #2, vous donnez 3 qualités que doit avoir un juge d'instruction:

  1. Décider librement de débuter une enquête sur tel ou tel comportement socialement nuisible;
  2. Mener l’enquête en n’ayant d’autre souci que la défense des intérêts de la société et des victimes;
  3. Décider de faire ou non juger les suspects sans mettre en jeu son avenir professionnel.

Plusieurs questions me viennent:

Vous ne nous expliquez pas comment ces juges d'instruction, dans les années 80-90, se sont "affranchis de l'auto-soumission". Quelle est la particularité de ces juges d'instructions qui a fait que leur avenir professionnel n'était pas un frein? Juge plus intègre que carriériste? Ou bien carrière professionnelle réellement intouchable? Quelle est la différence entre un procureur et un juge d'instruction qui fait que le premier subit des pressions sur sa carrière? (Mode de nomination différent?)

Un juge d'instruction peut-il se saisir lui même pour "débuter une enquête"? Ne doit-il pas être saisi par un procureur?

Merci

57. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:57 par La Guiche

''Non, il se borne à retirer du système actuel ce qui menace ses amis.

C'est un affaiblissement pour la justice. C’est un recul pour la République. C’est un progrès pour l'autocratie. C'est une protection pour les corrupteurs et les corrompus.''

Méfiez vous cher Anatole, Le Président ne réchigne pas à saisir les juridictions. Heureusement, Maître Eolas est là!

Anatole:

Vos chaleureux encouragements me vont droit au coeur.

Sur le fond, je partage uen partie de vos craintes, pondérées néanmoins par le principe d'opprtunité des poursuites du Parquet

58. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:57 par Cujas

Question de sous : qui prendra en charge financière les investigations que voudront les avocats ? Aux Etats-Unis, ce sont les clients qui payent. En France, quand il y a actuellement demande d'acte, ce sont les frais de justice. Les avocats souhaitent sûrement le beurre, l'argent du beurre et le c.. de la crémière. Va-t-on leur accorder le tout ? Avec le budget du ministère de la justice ? Ne parlons pas des absents !!!!

59. Le mardi 6 janvier 2009 à 13:58 par justice

Cette mainmise du pouvoir exécutif sur le judiciaire se fait sentir depuis des années déjà. Les réformes faites, les réformes annoncées, les convocations des Procureurs à la Chancellerie pour rendre des comptes, la façon de procéder de l'IGS à l'égard des magistrats, etc. le confirment. C'est précisément pour cela que j'ai choisi d'être magistrat du siège, malgré tout l'intérêt que représente la fonction de parquetier. Il est bien normal de s'empresser de commenter l'annonce (non encore faite) du Président de la République. On est habitué à la vitesse des réformes, surtout celles voulues par M SARKOZY... Il faut réagir vite (comme le 23 octobre dernier), la démocratie continue d'être en danger. Nous nous éloignons des fondamentaux, ceux qui font la base de la séparation des pouvoirs ...

60. Le mardi 6 janvier 2009 à 14:08 par Tache d'Huile

Si j'ai bien compris le commentaire d'Anatole sous 50, il ne restera plus aux présumées victimes déboutées par le procureur qui a classé leur plainte, que la citation pénale directe devant le TGI, à charge pour elles d'apporter les éléments probants, c'est-à-dire une procédure accusatoire (pour les deux parties). Effet boomerang garanti pour les 'affaires sensibles'.

61. Le mardi 6 janvier 2009 à 14:18 par Sartorius

@Anatole:

Je vois que vous avez en partie répondu à ma première question dans un commentaire au dessus du mien.

J'ai encore une question parallèle concernant le juge Halphen (est-ce l'un de ceux dont vous parliez?):

Sur Wikipedia, je lis ceci sur la page Affaire des HLM de Paris:

  • 4 septembre 2001 : annulation pour vice de forme de tous les actes concernant Jacques Chirac (convocation et saisie de la vidéo de Jean-Claude Méry). Éric Halphen est dessaisi de l'affaire et remplacé par le juge Armand Riberolles.
  • Septembre 2001 : le juge Éric Halphen est dessaisi de son enquête par la cour d'appel de Paris, qui annule une partie de la procédure pour vice de forme.

Sur la page Eric Halphen, je lis ceci:

  • Septembre 2001 : la chambre de l'instruction estime que le juge ne pouvait pas relancer son dossier et annule toute la fin de la procédure. Éric Halphen est dessaisi au profit du juge Armand Riberolles.

On a l'impression en lisant ces articles qu'il a été écarté...

Anatole :

Bon sang, c'est pourtant simple:

Un juge d'instruction se montre trop curieux. Comment l'arrêter?

Le muter à sa demande suppose qu'il en fasse la demande, même pour lui offrir un beau poste (où il risque de recommencer à être incontrôlable). Le muter d'office est impossible (inamovible !) ou suppose une longue et aléatoire procédure disciplinaire. Le déssaisir dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice est très voyant, y compris médiatiquement, et supposer de trouver des chefs de juridiction prêts à lâcher leur collègue. Le surcharger d'autre dossiers n'est pas si facile, et sera sans doute peu efficace. Ordonner à la police de lui désobéir est un peu voyant, et il risque de confier l'enquête aux gendarmes, dont il faudra obtenir le même refus d'obéissance. Bref, entraver le juge d'instruction est possible, mais pas commode.

Un procureur se montre trop curieux: Il suffit de lui faire comprendre (jamais par écrit) que la carrière s'arrête là s'il continue. S'il ne comprend pas, le garde des sceaux peut le déplacer d'office quasi-discrétionnairement. Facilement. Et très rapidement.

62. Le mardi 6 janvier 2009 à 14:43 par Anatole Turnaround

Pour ceux qui s'intéressent aux affaires politico-financières françaises, en voici une liste, avec une référence intéressante au classement de la France par l'ONG Transparency International.

63. Le mardi 6 janvier 2009 à 14:44 par Minerva

Bonne surprise de rentrée 2009... J'espère sincèrement que les garde-fous démocratiques feront barrage... mais imaginons que la réforme envisagée passe telle qu'elle... que les pouvoirs d'instruction reviennent au Parquet sans que son indépendance totale vis à vis du pouvoir exécutif lui soit accordée. 2 questions alors :

Aspirante petit pois, je m'inquiète, le Parquet m'attire mais je ne veux pas être un "petit soldat" (sinon j'aurais tenté l'ENA pas l'ENM)... Je m'inquiète de l'adéquation de ce que j'ai appris à l'université à la réalité de la vie d'un parquetier :

-Ne peut-on pas imaginer que tous les parquetiers ne soient pas carriéristes, que certains fassent leur travail d'aiguilleur de la Justice, dans un soucis de Justice, justement, et non dans un soucis de progression de carrière ? N'y a-t-il pas aussi une progression de carrière à l'ancienneté pour les parquetiers ? Alors y a-t-il vraiment dans les faits une soumission du parquet au pouvoir politique quant à sa carrière ?

-L'Université m'aurait-elle menti en me disant que les parquetiers ne pouvaient recevoir que des instructions générales d'orientation de la politique criminelle, ou des instructions spéciales dans une affaire précise obligeant la poursuite alors qu'un classement était envisagé ? Ainsi les instructions ne peuvent demander un classement alors que des poursuites étaient envisagées dans une affaire précise ? Alors y a-t-il vraiment dans les faits une soumission du parquet au pouvoir politique quant à l'exercice quotidien de ses fonctions ?

Je pars en quète des articles de Gascogne sue la réalité des parquetiers...

64. Le mardi 6 janvier 2009 à 14:55 par araok

@anatole, commentaire 51 Le juge d'instruction est un bras armé puissant offert aux faibles Merci, c'est beaucoup plus clair. PS:vous connaissez bien ma ville!

65. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:00 par Musashi

dans la mesure ou on a perdu la bataille de la communication (tout refus de changement étant assimilé à une défense corporatiste) et ou les pouvoirs du JI se sont de toute façon amoindris depuis quelques années....j'ai envie de dire CHICHE,

ok, on y va, supprimons le JI mais faisons des propositions concrètes pour permettre au parquet d'être indépendant ET aux avocats en défense d'intervenir dans le cours de la procédure...

bref, passons en procédure accusatoire, ou qui s'y rapproche.

cela nécessite de repenser tout notre système

et pourquoi pas

notre système est tellement attaqué et présenté comme le pire de tous qu'il faudrait peut être songer à montrer les inconvénients des autres systèmes, et les avantages aussi...

ca fait plus de 18 mois que les juges s'opposent quasi sytématiquement à tout changement...ce n'est plus tenable

alors changeons, mais en exigeant un système cohérent car, ce qui est pire que tout actuellement, c'est l'incohérence de toutes ces réformes qui s'empilent et se contredisent

l'avis à deux sous d'un juge d'instance, ancien parquetier, qui gère la réforme des tutelles sans moyen aucun et la réforme de la carte, sans visibilité aucune, si ce n'est, peut être, le transfert de ces compétences vers le tgi.....et avec des greffiers qui perdent le moral parcent qu'ils voudraient bien savoir ce qu'ils vont faire dans 1 an et qu'ils n'ont pas de réponse...de personne

bonne année à tous quand même

66. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:01 par Concis

Quand le juge d'instruction renvoi une affaire devant une juridiction de jugement, cela signifie t-il qu'il croit le prévenu coupable, ou simplement qu'il estime qu'il y a assez d'éléments pour que le procès ait lieu?

67. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:01 par Concis

Quand le juge d'instruction renvoi une affaire devant une juridiction de jugement, cela signifie t-il qu'il croit le prévenu coupable, ou simplement qu'il estime qu'il y a assez d'éléments pour que le procès ait lieu?

68. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:03 par Duval Uzan

@ à Salomon Ibn Gabirol

Merci c'est tout à fait ça!

69. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:08 par Mia

@ Concis 65 à 67 (!)

Seconde hypothèse : le dossier contient des charges suffisantes à l'encontre du mis en examen pour que le procès ait lieu.

70. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:11 par juno

Il est évident que supprimer le juge d'instruction, est une atteinte à l'indépendance de la justice.En effet, la justice française repose maintenant sur le principe de la séparation des pouvoirs car sous la monarchie,Le roi,en détenant tous les pouvoirs,était autocrate. Mais pour quoi le président veut-il supprimer le juge d'instruction ? A mon avis,c'est parce que le J.d'i,par son indépendance, peut instruire des affaires de corruption et notamment chez les hommes politiques d'où la crainte d'un scandale dans la campagne électorale de 2012. Évidement,tout cela est caché par une communication très habile;il va vendre aux magistrats une régression juridique déguisée sous la forme d'un progrès. Là,je pense que la situation est très grave,les magistrats et tous les citoyens doivent se mobiliser et ne pas laisser un seul homme déconstruire la justice de notre pays.Inutile de dire qu'on a constaté que tout ce qui est indépendant, dérange le pouvoir (la presse,le juge d'instruction, internet...).

71. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:24 par Bardamu

Afin d'éviter tout soupçon de corporatisme, le mieux est, au delà du refus de ce pétard qui risque de mouiller (intention de l'exécutif présumée dans la presse, qu'un "pré-rapport" commandé veillera bientôt à confirmer dans l'impartialité (avec l'avocat de SM en bon loup) - vous ne gloussez point ?), d'exiger l'indépendance de tous les magistrats français. Car pourquoi le parquet devrait-il être dépendant du pouvoir ? Ce n'est pas qu'une question rhétorique, j'attends des précisions s'il y en a... Si c'est pour appliquer la "politique pénale", je ne comprends pas : le siège comme le parquet appliquent les mêmes lois.

72. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:27 par Concis

@ Mia en 69

Pardon de m'étaler (dans le temps et dans l'espace) sur la question...

Mais les "charges", ce sont bien des indices qui tendent à démontrer la culpabilité du prévenu, non? Donc quand un juge d'instruction décide de le renvoyer devant la juridiction de jugement, n'est-ce pas qu'il est convaincu de sa culpabilité? Et à ce moment là, cles juges qui doivent se prononcer sur la culpabilité du prévenu ne sont-ils pas tentés de suivre l'opinion du juge - impartial et indépendant - qui leur a renvoyé l'affaire?

73. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:35 par Bébèrt

Gageons que cette magouille de Sarko, la gauche ne la dénoncera pas trop !

74. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:35 par Mia

@ Concis 72

Non, pas forcément. Le JI peut estimer qu'il y a des charges et donc, renvoyer le dossier devant la juridiction de jugement, tout en estimant pour sa part qu'il y a un doute sur la culpabilité du mis en examen, mais que le débat mérite d'être tenu.

Le Tribunal correctionnel ou la Cour d'assises, eux, devront impérativement prononcer une relaxe ou un acquittement en cas de doute (et si vous me demandez mon avis personnel, je dirais même que le Parquet aura dû requérir en ce sens).

Les affaires d'agression sexuelle ou de viol constituent un cas typique de ce genre d'hypothèse.

75. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:47 par Frédéric Lamourette

A Minerva, #31 : je connais plein de parquetiers qui font admirablement bien leur travail, et, si soumission il y a, c'est plutôt aux chefs des parquets locaux, qui choisissent d'exercer ou pas une influence sur leurs subordonnés.

Et ne rendez pas l'Ecole responsable des différentes pratiques des Palais : un cadre, quel qu'il soit, autorise beaucoup, même dans une matière où règne l'interprétation stricte. Il est pourtant nécessaire de comprendre le cadre, avant d'approfondir. :)

76. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:48 par Frédéric Lamourette

Oups, je voulais dire : #61.

77. Le mardi 6 janvier 2009 à 15:50 par Femme à l'éventail

Merci pour cet éclairage.

Les futurs ex-juges d'instruction conserveront-ils leur permis de conduire ?

78. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:04 par Christophe Borhen

Juges au tapis, parquet encombré (et pas que)... Comment comprendre ça quand on a une araignée au plafond ?

79. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:05 par YR

C'est la même annonce qu'en 2008, non ?

Et dans un an, face à l'obstruction parlementaire, les juges appliqueront d'eux-mêmes la modification voulue par le chef de l'état, avant même que la loi passe au Sénat...

(Quelqu'un peut-il demander à M. Carolis pourquoi il a choisi de se coucher devant l'ultimatum ? Parce qu'il a peur pour sa carrière ? Comme un juge du parquet, vous voulez dire ?)

Heureusement, d'ici là il n'y aura plus d'obstruction possible grâce à la la réforme constitutionnelle récente...

Vous avez aimé 2008 ? Vous adorerez 2009 !

Un peu HS, je le crains, mais tout cela est tellement inquiétant.

80. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:08 par Shad

@ 61 Minerva:

A la fac, le droit est réduit à un système de règles (on appelle ça le positivisme-normativisme) et plus personne ne songe à critiquer l'exclusivisme de cette représentation du droit. En pratique, sur le sujet qui nous intéresse, il y a - entre autres - les coups de téléphone, la notation des magistrats, les petites remarques dans le confinement d'un bureau ou entre deux portes (la machine à café également), le risque disciplinaire (si si). Et parfois certains n'attendent même pas un coup de fil de la Chancellerie et en devancent les attentes supposées (comment il disait La Boétie déjà ?).

81. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:09 par Minerva

@Frédéric Lamourette #73/74 Merci pour votre réponse... j'espère aussi que la réalité est moins noire que "tous les parquetiers sont à la solde de l'Etat", même si j'ai bien conscience que elle n'est pas tout aussi "rose" que ce que j'ai appris à l'Université (et pas à l'Ecole, enfin, pas encore, la rentrée est le 2 février...), je m'interroge juste sur l'étendue de cette inéquation théorie/pratique...

82. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:13 par Minerva

@ Shad #78 Votre réponse est moins encourageante... vous dites que dans les faits la subordination est constante...ça donne pas envie d'y être! bon, j'ai encore 31 mois , euh non 24, pour me décider... paequet or not parquet, that is the question!

83. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:20 par Shad

@ Minerva

Je n'ai pas du tout dit ça. Simplement la puissance de subordonner (qui se nourrit beaucoup des discours officiels médiatiques ou politiques sur la place et la légitimité du judiciaire) peut se rappeler à vous ponctuellement, en principe à l'occasion d'affaires dites "sensibles". Mais tous n'y succombent pas forcément, du moins pas sans résister un peu... La fonction de parquetier me paraît en tout cas demeurer passionnante (vu de l'extérieur puisque je ne l'exerce pas).

84. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:23 par célia

Quid de l'arrêt de la CEDH de septembre (je crois...) qui dit que le parquet ne peut pas etre considéré comme une autorité judiciaire indépendante? Confier la charge de l'instruction à une autorité non indépendante est inenviseagable du point de vue de la conformité à la CESDH, non?

85. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:33 par Boule75

Mais qu'est-ce qu'ils ont tous avec leur CEDH ? C'est pourtant simple : je nomme une commission ayant pour instructions d'abolir la CEDH comme j'ai aboli l'instruction. Plus de CEDH, plus d'instruction, plus d'affaire gênante, plus de problème : que des bonnes affaires ! P.S. : bonne année, Rachida.

86. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:35 par Frédéric Lamourette

"L'Ecole", c'est un terme général Minerva, c'est l'endroit où l'on enseigne le Droit, ENM, CRFPA ou Faculté.

@ Shad, #78 (qui n'a pas dû aimer l'Ecole justement), à la Fac, tout le monde critique le positivisme, qui, au demeurant, n'a pas que des mauvais côtés. Enseignant moi-même, je précise que la pratique est généralement présentée aux étudiants. Elle l'est peut-être de façon caricaturale, mais c'est par fin pédagogique, et elle n'est en tout cas pas dévalorisée par rapport à la théorie, tout aussi importante.

D'ailleurs, notre présentation divergente du Parquet montre bien que chacun vit la pratique différemment, et que, d'un Parquet à l'autre, ce ne sont pas les mêmes règles pratiques qui s'appliquent. En revanche, la théorie, cadre rassurant, demeure commune.

87. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:36 par Julien

Pour information, le sujet qui nous intéresse sera traité dans l'émission C à Dire qui aura lieu ce mardi à 17h30 sur France 5. Thierry Guerrier recevra Philippe Houillon, député UMP et auteur d'un rapport sur Outreau.

Je pense qu'on peut dors et déjà deviner quels vont être les arguments avancés. Une fois de plus on va se servir qu'un fait divers pour faire passer une réforme liberticide qui ne fera que renforcer l'exécutif...

88. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:40 par Shad

@ Célia

C'est me semble-t-il plus compliqué que ça.

Il ne s'agit pas de dire qu'une instance non indépendante ne puisse pas enquêter, mais que si tel est le cas, la défense doit avoir les mêmes moyens tant juridiques que matériels pour répliquer; qu'une telle instance ne puisse pas en tout état de cause disposer des mêmes moyens qu'un juge; qu'elle puisse être de plus soumis à un contrôle juridictionnel très exigeant (confère la place qu'occupe le principe de loyauté dans une procédure accusatoire): le rôle et le staut du parquet ne peuvent ainsi être pensés que dans un ensemble plus vaste constitué par les règles de procédure (parmi lesquelles la théorie des nullités et le droit de la preuve), les règles statutaires, les pouvoirs reconnus aux avocats et aux juges...

89. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:47 par styves

Je suis sidéré par cette annonce, où est passée la fameuse collégialité promise ? Et comment faire confiance aux Procureurs dépendants ? Se dirige-t-on vers une justice à l'américaine où la défense dépend des moyens du prévenu ?

Mais peut-on vraiment être surpris alors que la dépénalisation du droit des affaires est un des grands projets du petit timonier ? Une trahison de plus à ajouter au tableau noir du Président, mais bien heureusement pour l'intéressé, ce crime n'existe plus !

90. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:55 par opéra

4 mois avant l'éléction présidentielle de 2007, j'ai "osé" dire lors d'un diner de famille que M. SARKOZY consitituait à mon sens un danger pour les libertés publiques.

Je me suis fait lynché par l'ensemble de mes cousins, belles-fsoeurs, etc, alors même que nous avions les même affinités politiques.

Aujourd'hui, je regrette presque d'avoir eu raison. Ce que je constate au quotidien est à mon sens très inquiétant.

91. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:57 par Shad

@ Frédéric Lamourette

Si si j'ai beaucoup aimé l'Ecole. Et je n'entends pas récuser toute pertinence au positivisme-normativisme (d'où l'emploi du mot "exclusivisme"). Je dis seulement que l'"Ecole" laisse parfois, malheureusement, libre cours au seul apprentissage par coeur de dispositifs légaux spécieux et de collections de jurisprudences, qui fait beaucoup de mal à l'esprit critique et à la capacité de raisonner (que l'on pense à certains commentaires sur la décision du conseil constitutionnel relative à la rétention de sûreté qui considéraient notamment que la responsabilité pénale et donc la présomption d'innocence étaient des idées de gauche et que cette loi était de toute façon valide parce qu'il s'agissait d'une mesure de sûreté et pas d'une peine, alors que la doctrine pénaliste soulignait jusqu'à présent que cette fiction pour être pertinente ne devait pas trop s'éloigner de la réalité et des conséquences liberticide et douloureuse de la mesure en cause).

92. Le mardi 6 janvier 2009 à 16:58 par opéra comique

je n'avais pas remarquer que nous étions en dictature, vous avez le sens de la mesure vous, et surtout du réel.

93. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:11 par Olivier

Le journal Le Monde est loin d'avoir toujours raison, aussi j'espère pour vous que Nicolas Sarkozy annooncera bel et bien cette suppression mercredi, sinon vous et le journal Le Monde passeraient pour des allumés paranoiaques...

94. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:14 par Cassandre

Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est qu'Eolas nous interdisait presque de considérer Sarkozy comme un antidémocrate. Est-il revenu sur sa position ou continue-t-il à prôner que toute comparaison entre notre président et un dictateur est une forfaiture de l'esprit?

Anatole:

Dictature: L’existence du blog d’Eolas, et le fait que j’aie pu écrire ce billet sans risquer (pour l’instant) autre chose que les avertissements amicaux de La Guiche (post 55) , prouve que nous sommes en démocratie. Mais il faut quand même surveiller le sens et la force du vent ...

95. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:24 par Jean-François

@90 Rassurez-vous, bientôt vous serez en totale sécurité : les bébés, les fous et les vieux porteront des bracelets électroniques, la vidéo-tranquilité se sera substituée à la vidéo-surveillance, les militants politiques seront en prison, Internet sera contrôlé par le CSA, ce même CSA qui fera respecter la loi sur le droit d'expression : 80% pour la droite (y compris le président), 20% pour les autres. Dormez tranquille.

96. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:24 par Candide au Pays du Droit

Et toi le sens de la grammaire.

Bref, let's wait and see...

97. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:25 par STA

On peut être conscient que le pouvoir actuel a et malheureusement aura un mauvais bilan en matière de libertés publiques et applaudir à la suppression des juges d'instruction. L'article d'aujourd'hui, qui raconte les enquêtes des années 90 sur le mode de l'épopée, est quelque peu hors sujet. Pas l'ombre d'une remise en cause ou d'une interrogation sur (i) ce qui peut justifier les critiques contre le juge d'instruction et (ii) au sujet des réformes de la procédure pénale qui ne changent rien (ex: 30 ans de réformes de la détention provisoire... pour rien!). Quant à l'action des juges italiens contre la corruption, certes méritoire, elle n'a pas empêché une rupture avec l'opinion italienne dont témoigne la réélection de S Berlusconi malgré son "casier judiciaire"!

Il vaudrait mieux que s'engage une vraie réflexion sur ce que doit être l'indépendance des Parquets, leitmotiv dangereux s'il conduit à l'autonomie corporatiste.

Anatole:

En attendant les résultats de la Vraie Réflexion, je vous classe dans la catégorie "Fumigènes d'efficacité moyenne".

98. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:26 par Passant

Indépendance des magistrats ? Bof :

"Le JLD avait justifié sa décision (de maintien en détention) par le fait qu'Yldune Levy n'avait pas encore été interrogée par le juge d'instruction chargé de l'enquête,"

http://www.liberation.fr/societe/0101309869-sabotages-sncf-yldune-levy-reste-en-prison

99. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:26 par Candide au Pays du Droit

PS : le message n°94 s'adressait à Opéra comique, mais je me laisse emporter inutilement avec toutes ces fadaises...

100. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:27 par Frédéric Lamourette

@ Shad, #89, sur la rétention de sûreté (beurk), je vous rejoins complètement :

cf. mon blog (presque mort, en contrepoint à la vitalité revigorante des présents lieux) :

101. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:35 par Cassandre

@Anatole #92 : et si la définition du mot dictature avait changé? Et si précisément la force de la dictature était désormais de pouvoir se donner les atours de la démocratie?

Qu'est la liberté d'expression quand elle n'a plus d'impact? Qu'est la défense de la justice quand on a donné la justice en pâture aux citoyens? Êtes-vous sûr que votre billet ne serait pas pris par une majorité de Français comme une "énième manifestation du corporatisme des juges"?

Avoir le droit de dire ne vaut plus rien sans la possibilité d'être entendu.

Anatole:

Je réponds d'abord que vous avez lucidement choisi votre pseudo. Pour le reste ? Bloguons, bloguons, bloguons et bloguons!

102. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:38 par hildoceras

Je voulais juste signaler que sans aller jusqu'à la CEDH, le Conseil constitutionnel peut suffire à arrêter ce... cette... enfin ce truc en pleine gueule, là.

Déjà en avril dernier, (pressentant la venue de ce... de cette... du truc, là ), Jean-Louis Debré faisait un discours sur la séparation des pouvoirs et la constitution. http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_mm/discours_interventions/2008/pdt_debre_doha_avril2008.pdf Pourquoi faire ça à Doha plutôt qu'à Paris ? Enfin bref, toujours est-il que je le préfère comme président du Conseil constitutionnel que président de l'Assemblée nationale.

Cela n'empêche pas de se mobiliser et de dénoncer qu'une certaine personne présidentielle ait pu même avoir l'idée de ce... de cette... de la chose, là.

103. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:45 par Bardamu

C'est sympa les gars de me répondre...

Je me répète (ça se trouve vous avez eu la mégarde de ne pas me lire, ça arrive..) : qu'est-ce qui fonde que tous les juges ne soient pas inamovibles, i.e. indépendants du pouvoir politique ?

Les lecteurs (rapides : voyez Althusser 1959) de Montesquieu invoquent une "tripartition" du pouvoir (vous pouvez me donner la référence dans la Consitution ou ailleurs en droit ?) en ne voyant pas qu'il n'y a pas que les inquisiteurs, oups les JI, qui sont en jeu...

cela me permet de répondre à Cassandre et consort qu'il est inutile d'affubler SM d'un tel sorbriquet - le vilain, le *** c'est toujours l'autre : et pourquoi pas soi ? Parce que moi (soulignez) je suis bon, ha oui...

Car lorsque tout le monde crie au loup en commentant cette "idée de l'Elysée", en postulant que le JI doit rester indépendant, nul ne dit pourquoi tout juge ne devrait pas l'être. Ce qui est inféré du fait de votre non-dit est désastreux : vous êtes des gardiens du temps, i.e. des "vieux-réac" qui défendent un état de fait favorable leur situation. Puisque la réforme est présupposée - quoi ! vous êtes contre la réforme, mais le monde change mon vieux ! -, il convient non de s'y opposer mais de la retourner contre elle-même : vous voulez réformer les juges, nous aussi : rendez-les TOUS indépendants dans l'exercice de leur pouvoir (pourquoi pas ?).

En attente de discussion,

Bardamu.

Anatole :

Cher Bardamu, n'y aurait-il pas mécompréhension de quelques détails ? Dans les pays démocratiques européens, tous les juges sont indépendants, pour respecter l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dont voici un extrait:

Article 6: 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

En France aussi, tous les juges sont indépendants: Le juge d'instruction, mais aussi le juge aux affaires familiales, le juge pour enfants, le juge à l'application des peines, le juge correctionnel, le juge d'instance, et les autres.

Les procureurs, qui ne jugent pas mais présentent aux juges des demandes de condamnation pour les personnes soupçonnées d'infraction en raison des preuves réunies lors des enquêtes, ne sont nullement indépendants. Dans une affaire mettant en cause les personnes au pouvoir ou proches du pouvoir, les procureurs peuvent être maniables et intervenir non dans l'intérêt général mais dans l'intérêt particulier de tel ou tel privilégié.

Ce qui pour moi est un inconvénient dans un pays censé être bâti sur l'Etat de droit (on se donne des règles et on les respecte tous).

L'intérêt du juge d'instruction actuel est d'être un organe qui réunissait la puissance d'un procureur et l'indépendance d'un juge, ce qui lui permettait d'affronter le pouvoir quand cet affrontement était utile.

Le supprimer au profit d'un parquet plus puissant mais sans indépendance est pour la justice une amputation. Dans l'équilibre recherché des trois pouvoirs, elle pèsera nettement moins lourd.

104. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:45 par Shad

@ 98 Frédéric Lamourette: The Big Lebowski est effectivement un film énorme...

105. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:47 par Fanfan

Tout à fait juste, mais que faisons-nous ? De reculs en reculades, le mur se rapproche et la démocratie se lézarde. Il devient quelque peu oppressant de constater sans agir, d'autant que la mémoire est faillible ; il faudra bientôt un historien pour rendre compte de toutes les régressions accumulées depuis quelques mois seulement. Fâcheux, non ?

106. Le mardi 6 janvier 2009 à 17:49 par PrometheeFeu

Tout les procureurs ne sont pas carriéristes j'imagine, mais ils ne sont pas tous prêts a êtres des martyres non plus... Tout bêtement, j'imagine bien un procureur dont le conjoint bosse ne pas vouloir se faire muter a l'autre bout de la France. Aussi, les procureurs sont déjà assez schizophrènes (acceptez le Gascogne et demandez de l'aide on est la pour ça) sans en leur demander plus.

107. Le mardi 6 janvier 2009 à 18:00 par Frédéric Lamourette

@ Shad, :)

@ Ferdinand, #101 (pour ne pas envoyer juste un sourire), les magistrats du Parquet sont soumis à l'exécutif pour assurer la cohérence, non pas de la loi pénale, mais des poursuites pénales (c'est ça la politique pénale). La France n'ayant pas retenu, pour des raisons pragmatiques, le principe de légalité des poursuites, qui impliquerait de poursuivre tous les auteurs d'une infraction, elle a adopté un principe d'opportunité des poursuites, qui permet aux procureurs de ne pas poursuivre, ou de recourir à une mesure alternative aux poursuites. Cependant, il faut alors que l'application de la loi pénale reste la même pour tous. les ressorts. Dès lors, le haut de la hiérarchie fixe des directives - il faut poursuivre plutôt telles infractions - que les chefs de parquet retranscrivent.

Ainsi, on assure une égalité au moins de principe...

108. Le mardi 6 janvier 2009 à 18:03 par opéra comique

@93: lire l'annotation sous 92 .

109. Le mardi 6 janvier 2009 à 18:15 par karina

Partout on lit que le juge d'instruction ne s'occupe que de 5% des affaires. Je ne sais pas si ce chiffre est vrai ou pas et ce qu'il recouvre.

Mais si c'est le cas, cela signifie donc que 95% des affaires se passent d'un juge d'instruction et que visiblement, ça ne gêne pas grand monde. Est-ce que ces 95% d'affaires seraient mal gérées ou soumises aux pressions du pouvoir politique sans qu'on le sache et que personne proteste ?

110. Le mardi 6 janvier 2009 à 18:18 par Frédéric Lamourette

Non Karina : le juge d'instruction sert avant tout à rechercher des preuves et donc à mettre une affaire en état d'être jugée.

Si 95% des affaires ne connaissent pas d'instruction, c'est qu'il existe déjà suffisamment de preuves pour les résoudre.

111. Le mardi 6 janvier 2009 à 18:30 par Passant par là

Nous savions bien avant les élections que notre cher président agirait de la sorte, à prendre des décisions discutées.

En connaissance de cause, il a été élu à la majorité des français. Ce qui signifie que les décisions qu'il prend sont celles que les citoyens désirent.

De quoi nous plaignons-nous alors?

112. Le mardi 6 janvier 2009 à 18:35 par La Guiche

Ce n'est pas à un Magistrat qu'y prône à raison, avec talent et en conscience l'Etat de droit que je ferai l'affront de rappeler qu'il est parfois tout aussi dangereux, au moins légalement, de tenir des propos hâtifs, fussent-ils dictés par la bonne foi ou la fougue des convictions. L'effet peut précisément être l'opposé du but recherché. La démocratie (et la liberté d'expression qui en découle) a pour limites les lois qu'elle a engendrées.

Mon intervention antérieure n'avait donc pas pour but de vous "épingler", mais de nourrir le débat juridique qui fait tout le sel de ce blog.

Merci en tout état de cause de vos contributions en ces lieux; je me permets de vous encourager sincèrement à persévérer pour notre plus grand plaisir.

113. Le mardi 6 janvier 2009 à 18:46 par Shad

@ Passant par là:

La démocratie ce n'est pas seulement un principe de légitimité ou une forme de gouvernement, mais aussi un projet de raison qui implique une remise en compte permanente (via le débat et dans le cadre du droit qui garantit la liberté d'expression) d'un ordre établi. N'en déplaise...

114. Le mardi 6 janvier 2009 à 18:50 par polynice

C'est bien de vouloir rendre indépendants les magistrats du parquet, pour rééquilibrer le système après la décision princière de supprimer le juge d'instruction.

Mais il faudrait peut-être également prévoir l'attribution de pouvoirs équivalents aux avocats, pour que ceux-ci puissent également procéder ou faire procéder à des actes d'enquête et d'investigations, dans l'intérêt ô combien sacré de la défense.

Vous n'en parlez pas dans votre billet (ou alors je l'ai lu trop vite... c'est possible).

115. Le mardi 6 janvier 2009 à 18:55 par STA

Les défenseurs du juge d'instruction devraient nous expliquer pourquoi les pays proches qui l'avaient repris de la tradition française l'ont tous abandonné - Mme Delmas-Marty dixit, dans Le Monde de ce soir.

Je risque une hypothèse (qui permettra à l'auteur de l'article de me répondre grossièrement, comme plus haut lors de mon premier commentaire au n°97) : et si la disparition du juge d'instruction était redoutée parce qu'il est devenu un signe identitaire dans certains secteurs de la magistrature ?

Anatole :

Signe identitaire? De quelle identité? Certains secteurs ! Certains ? Que vouliez-vous dire ? Je maintiens ma référence fumigénique. Si vous relisez tranquillement le billet, vous observerez que je n'y défend pas le juge d'instruction pour le juge d'instruction ou je ne sais quel symbole identitaire du petit juge affrontant vaillamment l'hydre corrompue des puissants. Je défends la présence dans notre système juridique d'un organe d'enquête et de poursuite indépendant du pouvoir. Peu m'importe qu'on l'appelle juge ou procureur. Je veux seulement qu'il soit là, comme un pouvoir libre capable d'équilibrer d'autres pouvoirs.

116. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:00 par Gilbert

@ Anatole (réponse à Cassandre n° 94)

Vous êtes bien présomptueux d'affirmer que l'existence de vos blogs respectifs (M° Eolas et Anatole) démontre notre degré de liberté. Croyez vous être si gênants que ça ? Anatole et Eolas, combien de divisions ?

Eolas, qui conteste qu'il existe une justice de classe (alors que ça crève les yeux) fait la même erreur en confondant démocratie et élections. Les ouvriers, employés, chômeurs et précaires représentent plus de 35 % de la population et sont représentés à hauteur de 0,5 % à l'Assemblée nationale. Alors où est la démocratie ?

117. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:03 par Socio Pat

Quelques petits points à débattre, mes chers blogueurs eolassiens :

1. à propos des 5% : il s'agit de délits : les JI instruisent 100% des crimes!!! Ce n'est pas un détail.

2. il est amusant de constater que notre néo-Napo supprime l"un des fleurons de l'héritage du système napoléonien de justice pénale.

3. En s'appuyant sur la cata Outreau/Burgaud, le projet de suppression des JI est très astucieux car nul n'y verra à mal dans le grand public. Pourtant, elle reste un hypothèse basse (ou une étape) dans la "réforme" du système pénal vers un modèle accusatoire.

4. Le vrai enjeu en la matière, c'est la sortie du parquet de la magistrature et des palais de justice pour que les deviennent des braves fonctionnaires aux ordres, ce qui parachèvera le processus. Or nos amis avocats et magistrats du siège (ou du moins leur hiérarchie) ont ardemment milité en ce sens depuis quelques années. Les avocats auront en effet l'ensemble des pouvoirs de défense, pouvant demander des actes et fournir des pièces mais qui paiera, comme l'ont noté plusieurs blogueurs? Et les juges ne subiront pas le pression du parquet dans leur palais. Mais leur saisine sera réduite aux dossiers pour lesquels les pouvoirs publics voudront bien les saisir, sur lesquels ils pourront certes rendre des décisions en toute indépendance.

118. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:14 par Taton

"Selon que vous serez puissants ou misérables...".

119. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:23 par Jérémy

C'est fou, je ne suis encore qu'étudiant en droit, et j'ai déjà peur l'impression que nos bienheureux dirigeants seront toujours capables de me surprendre . . .

120. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:23 par devoir de mémoire,sic...

[Hors sujet]

121. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:27 par devoir de mémoire,sic...

[H.S.]

122. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:35 par devoir de mémoire,sic...

H.S.

123. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:42 par La Biscotte

Quelques exemples de la dépendance actuelle du Parquet vis-à-vis de l'exécutif :

Dans mon tribunal, lors d'une audience correctionnelle, le substitut a l'obligation de requérir l'application de la peine-plancher dès qu'elle est encourue (vous savez, ce truc qui peut vous envoyer en prison pour 1 an minimum parce que c'est la 2ème fois que vous piquez un CD chez Carrefour). Et si le substitut n'est pas trop d'accord pour requérir cette peine qui paraît disproportionnée aux faits, bah il prend le risque de se faire très mal voir par son chef, le Procureur (le même qui a pas trop envie de se faire convoquer par Rachida parce qu'il y a pas assez de peine-plancher de prononcé). Pour info, les substituts sont évalués régulièrement par leur Procureur, les évaluations négatives n'aidant pas spécialement à obtenir une mutation ou un avancement..

Et si, malgré les réquisitions en ce sens du Parquet, le Tribunal a osé ne pas appliquer la peine-plancher, Rachida a imposé à tous les procureurs de faire systématiquement appel !!

Depuis l'arrivée de Sarkozy, le pouvoir a vraiment repris en main le Parquet, les procureurs devenant de vrais préfets (pour info, c'est le président qui décide de nommer les procureurs, donc on nomme les copains pour être sûr de pas avoir de gêneurs qui enquêteraient là où il faudrait pas).

Evidemment que les substituts, y compris dans mon tribunal, rechignent à se laisser diriger ainsi. Mais la résistance face à des pressions hiérarchiques incessantes finit par lasser.

Je n'ose imaginer le résultat avec un parquet aux commandes des affaires jusque-là traitées par les juges d'instruction !!

124. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:44 par devoir de mémoire,sic...

H.S. (NB : textes supprimés par Eolas

Anatole :

Merci de ne pas digresser davantage.

125. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:45 par Anticonstitutionnellement

J'ai un vague souvenir d'un de mes tous premiers cours de droit constitutionnel en 1ère année. Le professeur expliquait devant nos yeux de profanes ébahis, qu'en période de concordance, la 5ème, de part sa constitution, son organisation institutionnelle, et le fonctionnement de ses partis s'apparentait à un régime totalitaire, autocrate. Je n'emploie peut-être pas les bons mots. Néanmoins il me semble que si cette configuration convenait à un De Gaulle, elle est aujourd'hui obsolète. Surtout quand un chef de l'exécutif annonce des réformes (ex : suppression de la pub) sans même envisager qu'il y a un parlement où le peuple est sensé être représenté. Peut-être faudrait-il commencer à mettre un peu d'ordre dans tout cela.

126. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:46 par jik L

très bien , bonne réforme , j'approuve . la suite , la suite !!

127. Le mardi 6 janvier 2009 à 19:52 par yellowrose

Le Troll Detector est-il en panne?

Anatole :

La terrible machine est prête à engloutir les fâcheux. Le machiniste était juste parti dîner.

128. Le mardi 6 janvier 2009 à 20:09 par silver.pen

Je suis avocat depuis 40 ans. Au regard des droits de l'homme nous revenons de loin (écoutes téléphoniques illégales, etc en Métopole; et bien d'autres choses horribles dans l'Empire colonial dans les années 50). La CEDH a fait évoluer notre droit dans cette chère "patrie des droits de l'homme". Je ne doute pas que la France restera liée par ses engagements internationaux et ce, même s'il est mis fin aux diverses garanties en droit interne par quelques tours de passe-passe vus supra: le droit européen sur lequel se fonde indissociablement l'économie libérale actuelle finira par prendre le dessus, par inflitrer les textes et les sapper si les DH sont baffoués.

L'indépendance est avant tout un état d'esprit.

Je n'ai pas eu l'honneur d'être dans l'intimité des PR mais enfin il me semble quand même que de façon générale, lorsque l'on entre dans la magistrature - et le salon de Me EOLAS en témoigne par le nombre d'interventions en ce sens - c'est pour une large majorité d'entre eux par vocation et non pour la recherche illusoire des honneurs ou d'un vain profit. il y a des allers-retours dans les carrières de magistrats assis et parquet. Et puis, honneur de l'orateur, "la plume est serve, la parole est libre". Je ne doute pas qu'il n'y a pas parfois "des tempêtes sous un crâne" lorsque par exemple, tel appel téléphonique venant du GS pose de façon pressante un pb mais qui n'est pas soumis à des pressions, qui n'a pas cet espace de liberté qui le rend responsable devant "le tribunal de sa conscience". Je fais confiance aux hommes et à leur créativité.

Après l'affaire d'Outreau des droits nouveaux issus de la loi du 5 mars 2007 sont nés offrant, par exemple, aux parties la possibilité de formuler des demandes ou requêtes selon l'article 175 alinéa 4 avec pour "recours" les procédures de l'article 81 dernier alinéa du CPP. Ceci suppose des investissements intellectuels et matériels importants de tous les acteurs ( JI, Président de la chambre de l'instruction, Membres de la chambre, PR, etc.) De même la procédure d' observations de l'article 175 alinéa 5.

M. GUERY a pu d'ailleurs voir dans ces droits "une instruction sans fin" qui entraîne la fin de l'instruction ...

La qualité de l'instruction tient bien sûr au JI mais aussi aujourd'hui aux autres acteurs.

Il est évident que dans cette situation, l'investissement qui est demandé à l'avocat ou qu'il s'impose est un délicat arbitrage entre sa conscience et un "noeud d'obligations" dans lequelles il se trouve (fiscales, sociales, déontologiques, économiques, financières et stratégiques) au regard des attentes plus ou moins imaginaires du client et de ses besoins réels.

Et là aussi, l'indépendance est bien un état d'esprit

129. Le mardi 6 janvier 2009 à 20:12 par Aikoa

Inquiétant cette volonté de mettre les gens, les systèmes sous-tutelle.

D'autant plus qu'elle est rendu possible par notre particularité politique: l'hyper-présidentialisation.

Régime qui ne peut que marcher avec des hommes politiques intègres, donc à la condition sina qua non que le peuple soit très impliqué politiquement. Pas étonnant qu'on se dirige vers une monocratie. Ce terme n'est même plus caricatural pour décrire la situation.

Ce genre de nouvelle n'est même plus surprenant. On en viendrait presque à croire qu'il en a toujours été ainsi et que la seule alternative à ces abus de pouvoir est la passivité.

130. Le mardi 6 janvier 2009 à 20:22 par tinotino

Force est de constater que ces derniers temps reflètent un interventionnisme du pouvoir exécutif en place,notamment en matière de justice. On se sert de faits divers qui ont marqué l'opinion publique pour mieux faire passer la pilule à une partie des gens qui n'examineront les faits que de prime abord. On ne peut pas leur reprocher, là se trouve le talent d'un bon démagogue.

Parler de supprimer le juge d'instruction alors que la réforme sur la collégialité ne s'est pas encore exercée, c'est comme faire passer les lois sur les peines planchers dans une tendance visant plus d'incarcération quand on demande de développer les peines alternatives pour vider les prisons surpeuplées. On parle de juge d'instruction schyzophrènes parce qu'ils instruisent à charge et à décharge mais à force, peut-être allons-nous tous le devenir,ne sachant plus vers quel Saint nous tourner ni quelle direction prendre.

131. Le mardi 6 janvier 2009 à 20:23 par Philonous

@116: Je ne crois pas qu'Anatole ait dit que son blog ou celui d'Eolas, spécifiquement, montrent à eux seuls l'existence de la démocratie en notre beau pays. Il souligne simplement que dans une démocratie, la liberté d'expression constitue un élément cardinal pour garantir la liberté politique. Il convient donc d'utiliser au mieux les espaces publics de discussion afin d'informer et de s'informer, de faire un choix politique en connaissance de cause (pour autant que cela soit possible). Nos deux blogueurs ne sont pas à eux seuls si gênants, mais contribuent comme ils peuvent, de manière certes limitée, à un mouvement qui lui peut devenir gênant. Même métaphoriquement, le recours à des "divisions" me paraît hors de propos: on ne justifie pas ce qui est juste par la force, mais si celle-ci aide à obtenir le pouvoir.

Quant à la démocratie, elle est souvent ramenée à l'élection, ce qui pose, en effet, le problème de la représentativité. Plus la démographie est importante (ce n'est qu'un facteur parmi d'autres), plus l'écart entre les représentés et les représentants sera grand. Donc la démocratie parfaite n'existe guère. C'est pourquoi il existe des mouvements politiques distincts qui essaient de proposer des solutions pour réduire les écarts que toute société démocratique présente nécessairement. Le simple fait qu'on puisse essayer de faire cela, qu'on puisse s'exprimer assez librement, qu'on puisse participer à la vie politique, est déjà un indice assez fort de démocratie. Et c'est aussi au citoyen de montrer aux représentants qu'ils se fourvoient en jouant avec certaines limites de notre démocratie (par exemple en rendant le pouvoir plus autocratique et moins sujet aux contre-pouvoirs...). Cela dit, pour Montesquieu, la tripartition et l'équilibre des pouvoirs est essentielle en République, dont la démocratie n'est qu'une expression possible.

Bien entendu, cela n'empêche pas que je tienne à la démocratie et que je trouve la décision de Sarkozy (si elle est entérinée) très dangereuse. J'espère qu'une telle idée ne sera pas acceptée aussi simplement, qu'elle sera combattue avec tous les moyens possibles.

132. Le mardi 6 janvier 2009 à 20:25 par xtph

je sais bien que le débat pour ou contre Sarkozy n'a pas besoin de support pour prospérer et que c'est la seule distinction qui surnagera de ce débat au final. mais avant de prendre position sur ce projet ne devrait on pas attendre que le président de la République fait une déclaration complète. après tout, il avait aussi l'idée de créer un poste de procureur général de la Nation.

133. Le mardi 6 janvier 2009 à 20:29 par Kemmei

Sans cet éclairage, il n'était pas particulièrement évident de comprendre en quoi cette disparition serait riche d'implications nauséabondes, sauf à supposer qu'elle serait placé dans un contexte de réforme plus globale destinée à améliorer les performances (enfin... la qualité, plutôt) et l'indépendance du 3ème pouvoir (ahah). Merci beaucoup.

Peut-être est-il encore un peu tôt pour s'affoler, puisque certaines des propositions les plus absurdes de l'agité de l'Élysée sont parfois arrêtés avant d'exploser.

A noter que le ton des réponses aux commentaires indique indéniablement un lien spirituel fort avec Eolas.

134. Le mardi 6 janvier 2009 à 20:31 par François Obada

{{Aujourd’hui, 6 janvier 2009, le journal Le Monde annonce la décision du président Sarkozy de supprimer le juge d’instruction. Sans rendre le parquet indépendant. C’est sérieux, c'est grave.}}

Il est difficile de juger d'une réforme (ou d'un projet de réforme) sans en connaître la teneur exacte. Je comprend bien les arguments en défaveur de la suppression du juge d'instruction, sans rendre le parquet indépendant de l'exécutif. Mais critiquer une réforme qui n'a pas été annoncée ni détaillée, n'est-ce pas en préjuger ?

Anatole :

Joli blog que le vôtre et joli bateau. Mais étrange marin celui qui recommande d'attendre d'être dans la tempête pour affaler le génois et prendre un ris ! Je préfère anticiper et avoir réagi pour rien, plutôt que de me laisser surprendre. Mais nous en reparlerons demain quand le président aura parlé.

135. Le mardi 6 janvier 2009 à 20:35 par spe

bonsoir,

allez,essayons de positiver,

1. le rôle du juge ,indépendant, équitable, soucieux des droits des uns et des autres, pourrait être renforcé, si la disparition du JI amenait vers un système "à l'américaine" qui voit les actes de l'accusation,voire la procédure annulée pour vices divers.

2. la place de l'avocat pourrait enfin être précisée, du coté du client qui le paye et point barre, et surtout contre l'accusation .Et rêvons un peu, sa présence deviendrait obligatoire dés le début de la procédure, ce qui serait un progrès.Même si c'est pour négocier la peine au final. Car les erreurs judiciaires, il y en a ,bien sur, mais globalement, soyons honnêtes, la plupart des condamnés ne sont pas , heu, comment dire, innocents .

3.et du coté des procureurs ,pourquoi les imaginer soumis ou serviles ,a priori,. N'y a t il pas quelque bonne surprise à espérer, avec une vraie conduite des enquêtes, d'autant que leur activité actuelle doit leur laisser quelques frustrations. et pas seulement professionnelles, le plaisir de passer à la télé, hum, comme machin et truc ....

136. Le mardi 6 janvier 2009 à 20:59 par showshoes

Un seul mot d'ordre à cette nouvelle aberration de Nicolas Sarkozy. Tous dans la rue le 29 janvier. la presse y sera, les profs y seront, pourquoi pas les magistrats ?

137. Le mardi 6 janvier 2009 à 21:06 par Terence

@ Anatole

Il est complètement cintré le Nico !

ps : vous aurez l'amabilité de ne pas dénoncer ce message auprès des autorités, le bagne pouvant être rétabli dans les heures qui viennent (que dis-je les heures ...) pour la dissidence républicaine et démocratique.

pps : je file ...Lonfres, Baden Baden, n'importe où, et avec le premier juge d'instruction venu ... Chaloupes à la mer Messieurs

ppps : vends robe, occasion, 1 an, TBE.

138. Le mardi 6 janvier 2009 à 21:08 par Alex

L'indépendance N'EST PAS avant tout une question d'état d'esprit. Même le plus indépendant des procureurs peut être muté du jour au lendemain par le ministre de la Justice sans avoir son mot à dire. Je veux une justice indépendante du pouvoir politique, qu'elle soit accusatoire ou inquisitoire, et le projet Sarkozy ne répond pas à cet impératif. Est-il même constitutionnel?

139. Le mardi 6 janvier 2009 à 21:08 par tschok

Bonsoir Anatole,

Cette histoire de juge pendu, c'est encore un cou tordu!

Beau billet, belle et claire synthèse.

Personnellement, je vois dans cette obsession de la suppression du juge d'instruction une sorte de revanche de la technocratie.

Vous disiez que nous sommes dans une démocratie au motif que vous pouvez vous exprimez librement sur ce blog. Cette liberté, qui est fondamentale j'en suis d'accord, ne suffit pas à faire d'un régime politique une démocratie.

Dans une très large mesure et pour des questions souvent essentielles, nous sommes gouvernés par des gens qui prennent des décisions pour nous et pour notre bien et le bien de la Nation, mais sans nous demander notre avis. Ils le font souvent bien, parfois mal, rarement très mal: ce sont les technocrates.

Les gouvernements passent, ils restent.

Souvent critiqués, ils n'ont jamais été égalés dans leur expertise car l'excellence de leur formation et la structure même du système préservent naturellement leur suprématie sur tous les autres types d'expertise que pourrait développer la société civile pour contre balancer leur pouvoir.

La société civile a bien tenté mais en vain de leur opposer une contre expertise dans divers domaines (le nucléaire par exemple, ou les statistiques économiques ou encore la fiscalité), jamais elle n'a sérieusement pu inquiéter la technocratie.

Mais les technocrates ont une peur viscérale qui est leur unique point faible: la perte de la maîtrise des situations qu'ils doivent gérer.

Or, dans les années 90, les choses se sont gâtées pour eux lorsqu'à l'occasion des affaires de santé publique comme les scandales du sang contaminé, de l'amiante, des hormones de croissance, etc, il a été donné à chacun d'entre nous de mesurer quel était le coût humain attaché à leurs mauvaises décisions et de comprendre ainsi qu'ils ne maîtrisaient donc pas un certain nombre de risques.

Puis les scandales politico financiers ont montré qu'ils n'avaient pas la maîtrise de l'intégrité du fonctionnement de l'administration, gouvernée par une autorité politique parfois corrompue et qui se jouait de toutes leurs procédures.

Enfin, la mondialisation économique a démontré qu'ils n'avaient plus la maîtrise des phénomènes économiques affectant l'économie française.

Dès lors il est apparu que cette technocratie qui prétendait décider à notre place ce qui est bon pour nous pouvait se tromper, que ça coûtait très cher à tous points de vue et qu'elle n'était donc plus indispensable. On a commencé à parler de démocratie alternative ou participative (thème repris par une ancienne technocrate devenue femme politique).

Dans cette prise de conscience, les affaires de santé publique et politico financières ont joué un rôle majeur.

Or, qui les ont portées? Les juges d'instruction.

Ca, la technocratie ne l'a pas oublié. L'objectif est de supprimer le juge d'instruction. La technocratie va le faire de façon méthodique et patiente. Ca prendra le temps que ça prendra, mais elle aura sa peau.

Parce qu'il n'est pas prévu que le citoyen décide par lui-même ce qui est bon pour lui et que cette histoire de justice indépendante dans une société de plus en plus complexe, c'est évidemment quelque chose qui peut faire perdre la maîtrise d'une situation: c'est perturbant pour un technocrate. Donc, il faut réduire le phénomène perturbant.

Dans le programme de réduction du phénomène perturbant qu'est la justice, vous avez non seulement la suppression du juge d'instruction, mais aussi toutes ces réformes qui ont progressivement limité la liberté d'appréciation du juge et qui l'enferment dans des petites cases qui font de lui un gestionnaire, un homme ou une femme qui leur ressemble finalement.

Un jour, vous aussi vous deviendrez des technocrates. D'ailleurs, beaucoup d'entre vous le sont déjà. Quand vous le serez tous, vous vous demanderez comment, à une époque lointaine, le juge d'instruction a pu exister.

Ce jour là, la technocratie aura vengé l'affront historique que ce juge lui avait fait subir dans les années 90 et elle aura gagné. Mais en attendant, on peut encore dire non et je ne vous cacherais pas que lui promettre quelques complications me transporte de joie.

140. Le mardi 6 janvier 2009 à 21:12 par Terence

Errata

Lonfres, pas sûr que les trains y arrivent, je vous l'accorde, en revanche Londres ...

141. Le mardi 6 janvier 2009 à 21:20 par Nichevo

Le juge d'instruction est mort? La corporation des avocats l'a bien cherché ! Qu'imaginiez vous? Un monde sans juge , sans detention provisoire, sans garde à vue qui serait le meilleur des mondes? Le juge était devenu l'homme à abattre depuis les derniers scandales politico-financiers. Il était le garant d'une certaine idée de l'indépendance de la Justice. Il en fait les frais aujourd'hui. Argumenter en prenant pour exemple l'affaire d'Outreau relève de la manipulation la plus élémentaire. Vous voulez tuer votre chien? Dites qu'il a la rage. Allons nous par la même redonner confiance aux Français en leur justice? Les avocats vont ils sauver le monde? Vont ils devenir Procureurs? Vous le saurez dans quelques mois... D'ici là le code de procèdure pénale aura subi une énième modification... J'ai un peu la haine mais j'ai moi aussi , une certaine idée de la justice.

142. Le mardi 6 janvier 2009 à 21:26 par Donjipez

Cyniquement je dirais : voilà une mesure qu'elle est bonne. Jusqu'à présent impossible de faire valoir que les juges étaient partie au regard de pressions de carrière, nominations... car il en était toujours pour démontrer une volonté d'aller là où on ne voulait pas. Je ne savais pas que Mani puliti avait été menée par un parquet et surtout que ce parquet bénéficiait d'une indépendance et de moyens qui avait rendu le nettoyage (insuffisant) possible.

Pour la France, voyons ce que ça va donner. Tout voleur de pomme condamné deviendra un prisonnier politique. Il pourra récuser la légitimité de la Justice en toute bonne foi. Le parquet qui l'aura poursuivi et aura instruit le dossier contre lui sera sous le soupçon d'avoir, dans une autre affaire, obéi à quelque ordre d'enterrer le dossier d'un puissant. Non pas d'ailleurs que les procureurs soient tous des soutiens inconditionnels des forces au pouvoir (en général ils sont quand même pas rigolos et ont moins d'humour que leurs confrères du siège) mais s'ils sont hiérachiquement rattaché, il leur sera difficile d'ordonner des poursuites contre les ordres reçus.

Grâce à Sarko, nous faisons ainsi un pas de plus dans un délitement qui n'est pas que négatif. La marche vers "l'insurrection qui vient" - pour citer l'ouvrage à la mode - s'accélère par l'action même de ceux qui veulent construire un système autoritaire.

143. Le mardi 6 janvier 2009 à 21:40 par Lulu

Cher Anatole, vous me coiffez fort à mon goût.

Cher STA, ne faites par le reproche à Anatole de sa brève réponse, puisque vous assénez vos arguments de manière péremptoire.

Pas l'ombre d'une remise en cause ou d'une interrogation sur (i) ce qui peut justifier les critiques contre le juge d'instruction et (ii) au sujet des réformes de la procédure pénale qui ne changent rien (ex: 30 ans de réformes de la détention provisoire... pour rien!).

STA, vous oubliez que les multiples réformes de la procédure pénale que vous évoquez ont tenu compte de ces critiques, en renforçant considérablement les pouvoirs des parties. Grosso modo, lors d’une procédure d’instruction, les parties peuvent tout demander, de la contre-expertise à la mise en examen. Certes le juge d’instruction peut refuser mais ses décisions sont susceptibles d’appel.

Un mis en examen ou une partie civile ne peut être entendu si son avocat n’a pas été régulièrement convoqué (au moins cinq jours ouvrables avant l’interrogatoire).

Depuis le 1er juillet 2007, le juge d’instruction doit même notifier les commissions d’expertise. Et j’en passe.

Soit dit en passant, il y a un côté comique aux reproches récurrents à l’encontre des juges d’instruction (“instruction à charge”, “non-respect de la présomption d’innocence”) sachant que les procédures d’instruction sont infiniment plus respectueuses des droits des personnes mises en cause que les enquêtes préliminaires ou de flagrance, qui représentent le gros des affaires pénales.

Les réformes successives de la détention provisoire ne vous satisfont pas? Encore faudrait-il préciser votre pensée. Je suppose que vous faites partie de ceux qui reprochent aux JLD de suivre dans la majorité des cas les demandes de mandat de dépôt qui leur sont soumis, sans tenir compte un seul instant du fait que les magistrats du ministère public et de l’instruction jouent un rôle de filtre en proposant ou décidant un contrôle judiciaire à chaque fois que cela est suffisant et en ne saisissant le JLD que si cela est indispensable. Et oui, SPA, vous savez, nous ne sommes pas des obsédés de la détention provisoire et nous respectons la lettre et l’esprit de l’article 144 du CPP. Si on peut faire sans détention provisoire, on fait sans détention provisoire.

La commission parlementaire dite d’Outreau avait souligné, je crois, que le problème ne résidait pas nécessairement tant de la décision de placement en détention provisoire que de la durée du mandat de dépôt: un an, voire deux ou plus, pour un accusé comparaissant détenu devant la Cour d’Assises. Sempiternel problème du manque de moyens de la justice, les juges ne demandant pas mieux que de clôturer au plus vite un dossier. Et schizophrénie du législateur qui martèle la nécessité du délai raisonnable de l’instruction mais qui parallèlement a complexifié et rallongé à l’envie les délais de règlement des dossiers d’instruction. Allez lire la dernière mouture de l’article 175 du CPP, cela vaut le détour.

Il vaudrait mieux que s'engage une vraie réflexion sur ce que doit être l'indépendance des Parquets, leitmotiv dangereux s'il conduit à l'autonomie corporatiste. Les défenseurs du juge d'instruction devraient nous expliquer pourquoi les pays proches qui l'avaient repris de la tradition française l'ont tous abandonné - Mme Delmas-Marty dixit, dans Le Monde de ce soir.

Vous faites une lecture pour le moins sélective des propos de Mme DELMAS MARTY laquelle souligne que la suppression du juge d’instruction doit absolument s’accompagner d’une réforme du statut du parquet dont l’indépendance doit être garantie.

Vous qui vous gargarisez des exemples étrangers, n’oubliez jamais que les grandes démocraties, si elles n’ont pas de juges d’instruction, respectent les grands principes jetés par Montesquieu et en particulier, celui d'un pouvoir judiciaire indépendant.

Le pouvoir judiciaire en partie ou en totalité dans les mains du pouvoir exécutif: il n’y a pas comme un problème dans l’énoncé? Rappelez-vous que la commission parlementaire Outreau elle-même, dont les membres n’ont pas été tendres avec M. BURGAUD, n’a pas préconisé la suppression du juge d’instruction. Cela devrait vous faire réfléchir.

Je risque une hypothèse : et si la disparition du juge d'instruction était redoutée parce qu'il est devenu un signe identitaire dans certains secteurs de la magistrature ?

Là, il faudra que vous m’expliquiez ce que vous entendez par signe identitaire, mon esprit borné de juge d’instruction ne me permettant pas de saisir toute la subtilité de votre pensée.

144. Le mardi 6 janvier 2009 à 21:56 par Marcus Tullius Cicero

Quelques réflexions personnelles sur ce qui a déjà été excellemment écrit.

1.

La suppression du JI est un débat ancien en France. Au moins la chose a été discutée. Je ne sais si c'est bien ou mal, l'expérience le dira. Il me semble en tout cas que le système accusatoire n'est nullement aussi protecteur et équitable que ses promoteurs le prétendent et surtout, surtout, tous les pays démocratiques quels que soient les systèmes (Allemagne, Italie, USA, GB, Belgique...) ont connu leur "Outreau".

2.

Ce qui est certain, c'est que la France ne peut mettre en œuvre un système procédural où le Parquet remplacerait totalement le JI, qu’à la nécessaire et démocratique condition que les magistrats du Parquet soient indépendants du pouvoir (cf. arrêt CEDH Winer /Medvedev) et contrôle totalement et exclusivement les services d'enquête en matière de police judiciaire (aujourd'hui les commissaires sont pris entre le Procureur et le Préfet et ne savent plus ou donner de la tête).

3.

Ce qui est certain c'est que pour rogner les pouvoirs d'investigations des juges ou des procureurs, il n'est nul besoin de lois, de décrets, de modifications textuelles de quelque nature que ce soit. Il suffit en effet de noyer les acteurs précités sous les procédures (rappel dans mon parquet : il y a environ 25.000 procédures par an pour 7 parquetiers ! En 1968 il y avait 600.000 plaintes pénales pour 6.000 magistrats, en 2007 il y a 2.300.000 plaintes pour 8.000 magistrats. Augmentation des plaintes + 900% en 40 ans, augmentation du nombre de magistrats dans le même laps de temps + 30% !), de les inonder de circulaires contradictoires entre elles, de rogner le budget des enquêtes (ce qu'on appelle les frais de justice), d'inciter les justiciables à porter plainte tous azimuts (par Internet par exemple sans que l’on sache quoi faire de leurs plainte), pour être sûr de paralyser le système et susciter le mécontentement de la population (quels que soient les efforts de productivité réalisés par les parquetiers et les JI). C'est ce qui a été menée avec talent par l'exécutif en assez peu de temps.

4.

Enfin et plus largement, à cette heure il me revient en mémoire cette phrase de MONTESQUIEU (oui c'est ce type qui avait écrit quelques trucs assez intéressant sur le vin de Bordeaux et aussi accessoirement "L'Esprit des lois" sous Louis le quinzième) :

{{"''La liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et, pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen. Lorsque, dans la même personne, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement. Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur. Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers''".}} ''

Après la réforme de la Constitution et l’un de ses nombreux corollaires la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, après la réforme de l’audiovisuel - ce n’est pas tant le problème de la suppression de la publicité qui est inquiétant, c’est celui de la nomination du directeur des chaines publiques par le pouvoir qui est problématique -, la main mise sur le Parlement, la prise en main de la presse (groupe Dassault propriétaire de plusieurs hebdomadaires et journaux, Bouygues propriétaire de TF1, la disparation de toute opposition politique (BAYROU inaudible, PS éclaté, y compris le mutisme des extrêmes) , il me parait - sur fond de crise économique -, qu’il y a un risque étonnamment prégnant de monocratie.

145. Le mardi 6 janvier 2009 à 21:58 par François Obada

@Anatole

Je comprends néanmoins votre réaction, et ce d'autant plus que je suis très réservé quant aux effets de procédure accusatoire en matière pénale (pour l'effectivité des droits de la défense).

Merci du compliment et à demain donc ;-)

146. Le mardi 6 janvier 2009 à 22:07 par otxoa

A tous les lecteurs d'Eolas, je souhaite les informer que certains avocats parisiens ne sont pas d'accord avec la décision annoncée du Président de la République de vouloir voir supprimer le juge d'instruction et qu'ils ont décidé de manifester demain à 14h30 sur les marches du Palais de Justice de Paris , des magistrats instructeurs informés du soutien de ces avocats et de leur décision ont décidé de se joindre à cette manifestation.

147. Le mardi 6 janvier 2009 à 22:09 par Anatole le Coiffeur

Salut à toi Marcus Tullius et merci de ton commentaire, que je plussoie !

148. Le mardi 6 janvier 2009 à 22:10 par Lulu

@ Otxoa;

Voilà qui fait chaud au coeur. Emmitouflez-vous bien, le fond de l'air sera frais.

149. Le mardi 6 janvier 2009 à 22:11 par Fleuryval

Les temps sont propices à Molière et à Daumier. C'est comme la crise: une opportunité.

150. Le mardi 6 janvier 2009 à 22:26 par ...cratie ?

Au bout de combien de grandes et moins grandes régressions démocratiques n'est-on plus réellement en démocratie ?

151. Le mardi 6 janvier 2009 à 22:30 par Alex

@150: C'est étrange, je me posais exactement la même question il y a quelques minutes. N. Sarkozy c'est certes pas un dictateur, mais il est en train de mettre en place (contrôle de la télé publique, justice) tous les outils qui permettraient le cas échéant à l'un de ses successeurs de basculer vers un régime autoritaire.

152. Le mardi 6 janvier 2009 à 22:51 par STA

@Lulu Votre commentaire est évidemment plus intéressant que les insultes de cet Anatole. Allez-vous le croire, je suis d'accord avec plusieurs de vos remarques. 1. Anecdote : J'ai demandé à mes élèves d'Assas si le juge d'instruction était un membre du parquet ou bien un membre du siège. La plupart ont répondu : du Parquet. Comme c'est étonnant ! 2. Sur la détention provisoire, malgré les réformes et elles n'ont pas été mineures effectivement, rien ne change. Votre propre expérience est ce qu'elle est, certes, et tant mieux - mais le fait général est que le nombre de personnes en détention provisoire ne baisse pas et que les conditions qui la font décider, de fait, n'ont pas changé. Il y a là un effet de système. C'est un fait qui nous distingue des pays comparables. Pourquoi ? 3. L'indépendance des parquet est une vraie question. Il faut que ceux qui la réclame (dont je suis) nous expliquent par la même occasion comment le Parquet continuera, comme il le doit, d'appliquer la politique pénale décidée par le gouvernement et approuvée par le Parlement, ce qui est un impératif démocratique et en même temps sera autonome. A mon sens, cela doit passer, en premier lieu, par une procédure de désignation aux fonctions les plus éminentes du Parquet qui fera intervenir, en crible, un "comité technique" (et pas un comité de magistrats si l'on veut éviter le corporatisme) puis le Parlement dans des conditions qui garantissent la transparence de la nomination. L'indépendance pure (dans les nominations et dans l'exercice de la fonction) est non démocratique et surtout, elle ne veut rien dire. 4. Quant à la notion de signe identitaire, c'est comme la référence à l'expérience italienne dans l'article de M. Anatole : le fait, la situation ou l'histoire (vraie ou fausse) qui ont permis a un moment à un groupe social donné de se donner une culture politique propre, de se faire reconnaitre sur la scène publique et de rompre avec la culture traditionnelle de la magistrature. Je vous rappelle que Soulez-Larivière dans son livre des années 80 sur la magistrature commençait par l'histoire des sections spéciales sous Vichy, mythe négatif par excellence, et qu'une nouvelle génération a envoyé tout ceci aux oubliettes par le nouveau rôle qu'elle a joué comme juges d'instruction, l'exemple italien en tête - et tant mieux.

153. Le mardi 6 janvier 2009 à 23:05 par ...cratie ?

@ Alex: quelques précisions - entre la démocratie et la dictature on a une palette de régimes assez désagréables (plouto, auto, oligo...cratie)

- en 2012 les élections - paravent démocratique- pourraient être verrouillées notamment au travers du contrôle des grands médias (j'ai un pressentiment sur le retour au devant de la scène du vote électronique prochainement...) permettant une réelection tranquille de NS,

- je suis sidéré de constater que des mesures que personne n'aurait admises il y'a une dizaine d'années ne posent plus aucun problème; cela est lié à un contexte plus global de restriction des libertés publiques en Occident (suite notamment au 9/11) mais tout semble s'accélerer dans notre (ex)beau pays.

Je suis pessimiste.

cdt,

154. Le mardi 6 janvier 2009 à 23:13 par RG

Non, il se borne à retirer du système actuel ce qui menace ses amis..... C’est un progrès pour l'autocratie.

A ce sujet Maria Letizia Bonaparte aurait dit: pourvou qué ça doure....

155. Le mardi 6 janvier 2009 à 23:16 par DMonodBroca

Les juges d'instruction remplissent mal leur fonction : on supprime la fonction.

Si nous continuons à avoir des présidents de la République remplissant aussi mal leur fonction, peut-ête devrions-nous envisager de supprimer la fonction...

156. Le mardi 6 janvier 2009 à 23:21 par Exkadis

@ 153 RG :

Et ça n'avait heureusement pas dourrrrrré ...

157. Le mardi 6 janvier 2009 à 23:36 par Gilbert

@Philonous (message n° 131)

@116: Je ne crois pas qu'Anatole ait dit que son blog ou celui d'Eolas, spécifiquement, montrent à eux seuls l'existence de la démocratie en notre beau pays. Il souligne simplement que dans une démocratie, la liberté d'expression constitue un élément cardinal pour garantir la liberté politique.

Un petit peu quand même. Vous, vous songez à élargir, c'est pas souvent le cas notamment d'Éolas qui réagit à l'aune de sa propre liberté. Comme s'il ne voyait pas les attaques contre le pluralisme de la presse.

En ce qui concerne la démocratie, les chiffres que je donne, de source parlementaire, sont édifiants et suffisent à prouver qu'elle est théorique. Vous évoquez les partis. Mais le problème, c'est que ce sont les partis eux-mêmes qui ont verrouillé le bazard pour se faire réélire entre notables. Même au parti dit socialiste, dont on pourrait attendre mieux vu ce qu'il prétend représenter, on ne présente pas davantage de candidats issus des classes populaires. Ce n'est pas faire dans l'antiparlementarisme que de le noter.

Je crois qu'il est temps de se révolter massivement. Il ne suffit plus de dire, à chaque attaque : "voyons voir si ça va passer comme une lettre à la poste". À chaque fois, il est trop tard quand l'opposition réagit.

158. Le mardi 6 janvier 2009 à 23:38 par Bardamu

@ MM. Lamourette et Turnaround : merci de vos précisions, mea culpa : je fais partie de cette minorité ici qui n'a pas fait son droit...

Je repose donc ma question avec davantage de précision : la politique pénale a-t-elle un intérêt ? Entendez : puisque le Neuilléen de l'Elysée fait voter les lois qu'il veut, n'est-ce pas suffisant comme ça ? Je vois bien ce que ça signifie avec les peines planchers , mais c'est le seul exemple qui a cours ici. Le procureur n'est-il pas assez grand pour orienter sans œillères ses instructions ? La conséquence d'une réponse positive à cette question entraîne ma première : qu'est-ce qui empêche donc que les procureurs ne fussent indépendants ? Est-il raisonnable que leur chef soit un ministre, peu ou prou compétent ? D'où : pourquoi ne pas exiger pour les procureurs l'indépendance ? Entendez bien : je ne doute pas qu'il y a une réponse, je voudrais savoir si elle est bien valable.

Merci, et désolé de poser des questions dans un blog où le quidam fier et sûr de son coup n'hésite pas à assener ses petites vérités à la communauté.

Bien à vous,

Bardamu.

Anatole :

La politique pénale est l'art de choisir quoi réprimer et comment le faire.

Il y a d'abord un tri à faire entre ce qu'on réprimera et ce qu'on négligera, sachant que les tribunaux sont incapables de juger la totalité des infractions constatées. On laisse tomber les viols de petites filles ou les infractions à la réglementation de la pêche à la ligne? Les infractions à la sécurité du travail ou les vols d'autoradio? Le trafic de stupéfiants ou les incivilités scolaires? Il y a des arbitrages difficiles.

Il faut aussi choisir comment on traite: procédure de qualité mais coûteuse et lente (instruction), procédure expéditive (comparution immédiate), jugement avec audience, ou sans (ordonnance pénale), ou avec audience mais sans débat public (plaider coupable), alternatives aux poursuites (délégué du procureur, médiation).

Il faut aussi choisir qui décide: Le président, le ministre, le procureur général, le procureur de la Républiques, le maire ou le préfet (par le biais des réunion de sécurité publique et autres structures transversales), ou même la police et la gendarmerie, qui opèrent leur propres choix en privilégiant par exemple le contrôle routier sur le travail dissimulé.

Tout cela à adapter, bien sûr aux particularités locales: Trente pneus crevés dans le centre de Millau (12), c'est une affaire grave. A Marseille (13), c'est la vie. Dans un cas, comparution immédiate et première page de la presse locale. Dans le second, la police n'a pas les moyens de traiter car elle est débordée d'affaires plus graves.

Usine à gaz ?

Au total, avec autant de paramètres et avec la difficulté sinon l'impossibilité de mesurer sérieusement les effets des actions choisies, on peut se demander ce que signifie une politique pénale. Beaucoup de parquetier reconnaissent en privé ne pas comprendre ce qu'est la politique pénale, sinon deux mots obligatoire dans tout discours d'audience solennelle du tribunal.

A mon sens, le choix des infractions à poursuivre est globalement fait par la police et la gendarmerie en fonction des objectifs que leur fixent leurs ministères autrefois respectifs et aujourd'hui commun. C'est l'Intérieur qui décide.

Le mode de poursuite est en revanche laissé à l'appréciation des procureurs, plus ou moins encadrés par le ministère, et parfois très très strictement, comme c'est le cas pour les peines plancher.

Pour finalement vous répondre, les exigences réelles de politique pénale ne justifient pas une hiérarchisation stricte des parquets. On pourrait concevoir des procureurs indépendants dans la décision de poursuivre ou de classer les affaires particulières, mais engagés dans des contrats d'objectifs généraux portant sur le traitement global de tel ou tel type de contentieux.

Mais ça n'est pas à l'ordre du jour politique, sauf erreur ou omission.

159. Le mardi 6 janvier 2009 à 23:50 par Bardamu

@ DMonodBroca : bravo, supprimons le Président de la République. Dites moi d'abord comment (il a pas mal de pouvoirs dans ce pays vous savez). Ensuite, qu'est-ce que vous mettez à sa place ?

Ou bien vous prônez une politique gestionnaire assumée (car si la politique est affaire de compétence, alors les énarques doivent faire l'affaire : à Rome il y avait deux consuls, issus de l'élite d'une classe ; la technocratie a une longue histoire, elle se justifie après tout) ou bien il convient de choisir un roi/empereur mais je crains que ça ne soit pas dans l'air du temps (qui veut fonder un parti monarchiste avec moi en France ?).

Plus sérieusement, autant un ministre peut être jugé selon sa compétence : il se définit proprement par son service (ministre = serviteur, encore le sens dans ministre du culte), autant un politique n'est pas choisi selon sa compétence (je concède que le président actuel pêche malgré lui à cet égard en disant qu'il est là pour "réformer", ce qui est faux mais payant au 20 heures).

Point de compétence en politique donc, ou bien pas de politique du tout (et si, il y a encore des "grands hommes" !).

160. Le mercredi 7 janvier 2009 à 00:09 par Bardamu

Pas la peine de me répondre les gars, l'ami Cicéron l'a amplement fait dans son billet de 22h (que j'avais pas lu). Ce dernier verse implicitement néanmoins dans le mythe de la séparation des pouvoirs et le risque tyrannique. Je ne commenterai pas ce dernier point : M. Sarkozy n'est pas un despote, juste un politicien habile qui aime le pouvoir - et puis une décapitation de roi raviverai la nation, la dernière fois ça commence à faire longtemps. Hélas je n'ai pas mon petit Althusser sur Montesquieu (1959 Puf) sur moi (à offrir comme étrenne absolument !), mais de mémoire ce qu'il faut en retenir : le pouvoir ne doit pas être tant séparé qu'exercé selon les trois modalités du législatif, exécutif et judiciaire. Il y a un seul pouvoir qui s'incarne par des exercices différents qui doivent être équitablement répartis. Le pouvoir n'a donc pas à être séparé mais plutôt dilué avec art : il forme un système qui fonctionne bien lorsqu'il est homogène.

161. Le mercredi 7 janvier 2009 à 00:16 par Philonous

@Bardamu: Sinon, on peut lire directement Montesquieu (dont l'ami Cicéron cite le passage archi-canonique) et se souvenir que, selon cet auguste philosophe, toute personne détenant un pouvoir est portée à en abuser (ce qui n'en fait pas nécessairement un despote), c'est pourquoi les trois instances de pouvoir sus-citées (exécutif, législatif, judiciaire) doivent être exercées par des personnes séparées afin que chacun de ces pouvoirs puisse constituer un frein pour les deux autres. En somme, il faut que le compromis gouverne.

Anatole :

Je suis d'accord avec votre analyse. Ce qui est important, c'est la séparation des pouvoirs, et surtout leur équilibre, chacun devant résister à l'autre suffisamment pour le dissuader de l'excès.

Une justice privée d'un organe indépendant d'enquête et de poursuite (le juge d'instruction actuel ou demain un procureur indépendant) n'est plus en mesure de jouer ce rôle.

Pour parler clair, c'est le retour à l'impunité des notables et des grands.

162. Le mercredi 7 janvier 2009 à 00:24 par ranide

On met en avant pour défendre le juge d'instruction les affaires politico-financières : je ne suis pas sûr que l'argument soit très efficace ; il n'est pas rare que des homme politiques, condamnés pour des faits de corruption, sont finalement assez souvent réélus après leur temps d'inégibilité ; d'autres ont vu leur carrière politique freinée pour cause de mise en examen, alors qu'à l'issue de leur parcours judiciaire ils ont été relaxés. Le bilan est finalement très maigre. On dit également que la disparition du juge d'instruction serait voulue par les politiques par esprit de revanche : là non plus, je n'en suis pas sûr ; le juge d'instruction est agonisant, et les nouveaux pouvoirs du Parquet en matière d'enquête préliminaire suffisent à faire merveille.

Le juge d'instruction est moribond depuis qu'il subit la concurrence du procureur dans ce qu'il est convenu d'appler "la recherche de la vérité". Et c'est cette concurrence qui tue le juge d'instruction, plus que des affaires très médiatisées comme Outreau ou de Filippis, qui servent à le décrédibiliser et surtout à biaiser le débat.

Un procureur soumis à la hiérarchie et un juge d'instruction indépendant, ce n'est pas pareil :

1) L'air du temps est à la pénalisation des actions et des comportements et le droit pénal porte à rechercher avant tout des responsabilités individuelles. Les parquets s'efforcent, parce que c'est la politique pénale actuelle, de traiter les dossiers "en temps réel" : il faut juger vite, si possible sur les éléments tels qu'ils ont été recueillis par les policiers et les gendarmes à l'expiration de la garde-à-vue. Cette manière de conduire les procédures n'est pas neutre car elle conduit à rechercher les responsabilités individuelles en dehors de tout contexte et surtout elle évite de rechercher la responsabilité éventuelle du système ou de l'organisation. Le juge d'instruction, parce qu'il est statutairement indépendant, est moins soumis à l'impatience du Garde des Sceaux et du Président de la république et recherche l'ensemble des responsabilités encourues : ça va moins vite, c'est plus couteux mais c'est plus satisfaisant : ça permet de ne pas écraser les individus sous des responsabilités qui ne sont pas les leurs et accessoirement ça peut mettre en lumière les imperfections d'une organisation ou d'un système et permettre leur correction (il suffit de penser aux décès survenus dans les hôpitaux ces derniers jours). Si le procureur est chargé de conduire toutes les enquêtes et n'est pas statutairement indépendant, il continuera à privilégier le temps réel et donc la recherche préférentielle des responsabilités individuelles, conformément aux directives de politique pénale qui lui seront adressées.

2) Les libertés individuelles, la "sûreté" sont certainement menacées si elles ne reposent que sur la force d'âme des magistrats pris isolément, qu'ils soient du siège ou du parquet. L'indépendance, ça n'est pas que dans la tête ; c'est aussi une question de statut. Le corporatisme, ce n'est pas le mal absolu et d'ailleurs l'indépendance des avocats ou des médecins sont aussi organisées en corps (les magistrats mais aussi les avocats et les médecins…) : ce n'est pas pour rien ; l'indépendance est garantie aussi par le corps pas seulement par les individus.

3) Il est question de renforcer les droits de la défense, ce qui semble vouloir signifier que l'avocat interviendrait dès le début de l'enquête, au moins dès le début de la garde-à-vue, aurait connaissance du dossier et assisterait aux auditions de leur client. Eolas écrivait hier qu'il était certain que les barreaux sauraient s'adapter. Franchement, je le trouve bien optimiste. Il n'y a effectivement pas trop de souci à se faire pour ceux qui pourront payer. Pour les autres (et dans un barreau de province comme le mien, ces autres-là sont très majoritaires) cela me parait bien plus problématique, compte tenu de l'indigence des rétributions offertes au titre des commissions d'office. Actuellement déjà la défense n'est pas organisée de manière satisfaisante - c'est aussi l'une des leçons qu'on aurait pu tirer d'Outreau car les premiers avocats, commis d'office, des accusés n'ont pas non plus été à la hauteur (et hélas, je ne suis pas sûr que j'aurais fais mieux). C'est vrai que cela tient pour une large part au système et à la procédure elle-même (rôle de simple figurant en garde-à-vue puisque pas de dossier ; rôle de faire-valoir lors des comparutions immédiates puisque les prévenus sont jugés tout de suite après la garde-à-vue sur les seuls éléments de fait (à charge) fournis par les enquêteurs et sans aucun élément objectif sur la personnalité…) mais pas seulement ; cela tient aussi à la multiplication des interventions au titre de la commission d'office (un effet de la pénalisation des comportements et de la paupérisation), à l'accélération des procédures (le fameux "traitement en temps réel") qui font que la disponibilité devrait être de tous les instants mais qu'elle est incompatible avec la gestion normale d'un cabinet. A cet égard, le juge d'instruction qui instruit à charge et à décharge permet de pallier un peu les insuffisances de la défense. Il n'en sera plus de même dans une procédure accusatoire. Alors bien sûr je me réjouirai du renforcement des droits de la défense au début de l'enquête, si cela advenait, mais dans les faits, je ne suis pas certain que la procédure serait plus équilibrée. Et le nouveau "juge de l'instruction" dont le rôle sera sans doute assez proche de l'actuel JLD (sauf que sans doute il interviendra lui aussi plus en amont dès le stade de la garde-à-vue pour se mettre au standard européen) ne suffira pas à assurer un réel rééquilibrage.

163. Le mercredi 7 janvier 2009 à 00:40 par Clems

J'ai bien noté que le juge d'instruction est un bel outil pour les victimes et les faibles. Mais dans la pratique qui le sait ?

Z désargenté porte plainte auprès de la police. Après x mois où ils ne font rien la plainte est classée sans suite faute d'avoir trouvé le responsable. Le plaignant reçoit un courrier sommaire sans détail sur ce qui a été réalisé lui indiquant qu'il peut faire réouvrir l'enquête, se constituer partie civile et obtenir si besoin un avocat. Bien souvent si il s'agissait d'un petit litige résolu autrement (par les assurances) le plaignant décide de laisser courir. On a autre chose à faire que de jouer aux justiciers.

Je ne crois pas avoir déjà entendu quelqu'un autour de moi dire qu'il avait fait saisir directement le doyen des juges d'instructions. SAUF dans le cas où le plaignant était fortuné et bien conseillé. Cependant, vu la plainte et vu le résultat, je vous assure que c'était ridicule, abusif et joué d'avance.

Bref dans votre hypothèse, votre faible n'est pas si faible car il a au moins déjà un avocat pour l'accompagner dans cette procédure que personne ne connaît. A bien y regarder, il est surtout un outil pour qui sait s'en servir.

Maintenant vis à vis du pouvoir. Est ce que cela changerait beaucoup les choses ? Je ne crois pas que le peuple s'inquiète de savoir si la justice sera plus ou moins corrompue par le pouvoir dans le cadre de ses propres affaires et intérêts. Il faut supposer que notre justice n'a jamais brillé par son indépendance.

164. Le mercredi 7 janvier 2009 à 00:46 par Soutien à Daniel Massé

Donner à l'avocat général les pouvoirs du juge d'instruction ne laisse rien présager de mieux. Ce qu'il faut c'est que ces postes soient véritablement controlés pour qu'enfin les juges deviennent responsables de leur scupuleuse, loyale et impartiale application des lois.

http://www.presume-coupable.com

165. Le mercredi 7 janvier 2009 à 00:49 par Paralegal

Une première réflexion à brûle pourpoint : à lire le titre de votre billet "le juge enfin pendu...", comme ceux des articles de presse évoquant "la suppression'', et même "la mort", je ne peux m'empêcher de penser aux menaces, parfois de mort, aux pressions et intimidations diverses, que des magistrats-instructeurs chargés d'affaires "politico-financières" ont dit avoir subies.

A la seule idée de magistrats indépendants qui ont été menacés parce qu'ils faisaient leur travail, mon intuition me dit que cette réforme annoncée ne va pas dans le bon sens.

166. Le mercredi 7 janvier 2009 à 01:18 par Bob

Quelle belle unanimité des "professionnels de la profession"...et pourtant, combien, parmi les juges d'instruction, instruisent réellement "à charge et à décharge" (ce qui suppose d'ailleurs une capacité de dédoublement assez peu commune) ?

167. Le mercredi 7 janvier 2009 à 01:19 par GPS

J'arrive après la bataille, et j'ai nettement la flemme d'éplucher tous les commentaires.

Ce qui me frappe le plus, cependant, c'est l'absence complète, dans le billet initial et dans ceux des commentaires que j'ai survolés, de la notion qu'une bonne justice ne dépend pas seulement de l'organisation de la magistrature et de l'éventuelle indépendance de tel ou tel, mais aussi, et peut-être avant tout, du respect et de l'extension des droits de la défense.

Si respectables qu'ils soient, les juges d'instruction n'en ont pas toujours semblé le meilleur garant.

Les magistrats du parquet non plus ? C'est possible. Et alors ?

168. Le mercredi 7 janvier 2009 à 02:40 par malpa

@ Anatole sous 161 et allii

Ne peut-on pas dire que ce qui a changé depuis Montesquieu, c'est l'émergence du pouvoir d'information (les médias), quatrième pouvoir sans lequel le régime démocratique ne peut se réaliser. Or, ce quatrième pouvoir n'est pas appréhendé comme tel par le régime qui est le nôtre, et donc pas du tout indépendant des trois autres.

A tout le moins, le pouvoir exécutif l'utilise pour faire levier sur le judiciaire, sans toucher à la séparation formelle des trois pouvoirs. En effet, l'indépendance des magistrats peut rester intacte statutairement (inamovibilité et autres que vous avez détaillées plus haut), mais regardez ce qui se passe depuis quelques mois (années ?) : le "media driving" sur quelques évènements ou faits divers choisis avec soin permet de faire exister une "justice de l'opinion publique" qui double et contredit la justice du droit et ne s'y soumet pas, même quand la chose est jugée. Les magistrats peuvent-ils rester longtemps indépendants quand leur nom et leur statut se trouvent à leur corps défendant liés à telles ou telles affaires qui auront été présentées dans l'opinion publique comme des dysfonctionnements.

169. Le mercredi 7 janvier 2009 à 06:14 par silver.pen

165 @Paralegal

A tout prendre une réforme qui permet au juge de travailler dans un cadre précis, c'est mieux que le non-dit et des "menaces de mort"...

170. Le mercredi 7 janvier 2009 à 08:19 par Véronique

Ce qui me heurte dans le billet c'est l'idée que les 95% des dossiers qui sont aujourd'hui traités sans l'intervention d'un juge d'instruction ne seraient en réalité - si je suis la logique d'Anatole - que des dossiers traités que par des magistrats -fonctionnaires , ni plus, ni moins, aux méthodes expéditives et n'agissant et ne décidant que sous la coupe de l'éxécutif.

Pourtant, j'aurais bien juré que Gascogne, Mia et Parquetier qui écrivent ici sont des magistrats indépendants !

Anatole:

Par le caractère, je n'en doute pas. Par le statut, assurément non.

Et puis, à propos de l'indépendance du Parquet, j'aime trop cette phrase:

Cité dans Le système pénal de Jean-Paul Jean (Répères - La Découverte -) et dans Paroles d'un Procureur d’Erick Maurel (Témoins - Gallimard):

"... Henri Chéron, garde des Sceaux *, dans une circulaire du 24 novembre 1930, s'étonne de ce que les procureurs s'abritent derrière la Chancellerie et n'exercent jamais de poursuites dans les affaires importantes sans son aval :

"Que le ministère de la Justice soit consulté sur des questions de droit, sur l'application des lois nouvelles, sur des mesures d'administration générale, et tenu très exactement au courant des faits importants qui se produisent dan un ressort, rien de plus normal. Mais j'entends, en matière de poursuites pénales, quelles que soient les personnes en cause, que les chefs de parquet décident selon la seule inspiration de leur conscience, dans le cadre des prescriptions de la loi. Dans ma pensée, cette mesure est destinée, en développant le sentiment de responsabilité chez les représentants du ministère public, à élever leur conscience professionnelle et à fortifier l'indépendance de la magistrature" ...".

* de novembre 1930 à janvier 1931 et de février à octobre 1934

Anatole:

"Parolé, parolé parolé... Toujourrrs les mêmé moooots ..."

171. Le mercredi 7 janvier 2009 à 09:09 par Regis Hulot

"Aujourd’hui, 6 janvier 2009, le journal Le Monde annonce la décision du président Sarkozy de supprimer le juge d’instruction".

Je suis un imbécile ! Je croyais que c'était au Gouvernement et au Parlement d'organiser l'administration de la Justice, dans le respect des principes républicains hérités du Siècle des Lumières, de la Révolution française, et de la Constitution de la Vème République !

Faites de beaux rêves.

172. Le mercredi 7 janvier 2009 à 10:05 par La Biscotte

A Bob : instruire à charge et à décharge, ça veut rien dire. Comme l'a déjà énoncé une collègue au début de ce post, le JI recherche la vérité, et entreprend donc des investigations qui, une fois faites, s'avéront être à charge ou à décharge.

Exemple : - ordonner une analyse génétique => elle dira si c'est l'ADN du suspect qui est sur l'arme ou pas. - entendre un témoin => bah on verra bien s'il va dans le sens de la victime ou du mis en examen

- faire des écoutes téléphoniques => c'est pas le JI qui décide si ce qui va se dire sera à charge ou à décharge

- organiser une reconstitution => le JI la fait pour savoir si le déroulement des faits tels que décrits par le mis en examen ou la victime est crédible

Bref, les JI n'enquêtent pas à charge et à décharge, ils enquêtent, point barre, et c'est le résultat de l'ensemble qui sera à charge (donc renvoi devant la juridiction de jugement) ou à décharge (donc non-lieu).

Un JI qui n'instruirait qu'à charge, ce serait quoi ? Ce serait par ex. refuser en connaissance de cause de faire entendre un témoin qui confirme les dires du mis en examen. Ca me paraît hautement improbable, surtt que le JI sait très bien que la défense ne manquera pas de demander l'audition, devant la cour d'appel au besoin.

La critique selon laquelle le rôle du JI, à la fois Maigret et Siméon, le rendrait schizophrène me fait bien rire. La seule chose qui pourrait me rendre schizo, c'est les voltes-faces permanentes du gouvernement.

Pour rappel, la collégialité de l'instruction, voulue par tous dans un bel élan de cohésion parlementaire suite à l'affaire d'Outreau, n'a même pas 1 an pour les crimes, et n'est pas encore rentrée en vigueur pour les délits !

Les pôles de l'instruction viennent tout juste d'être créés

Tous les cabinets des JI ont été dotés l'année dernière de coûteux appareils d'enregistrement vidéo.

Un nouveau logiciel d'instruction, cassiopée, vient d'être installé.

Et toutes ces (bonnes) réformes seraient réduites à néant par la volonté du petit despote actuellement à l'Elysée ? J'ose espérer que la réalité ne dépassera pas la fiction..

173. Le mercredi 7 janvier 2009 à 10:10 par Mia

@ Véronique 170 :

Merci du compliment, mais je ne peux que rejoindre la remarque d'Anatole : comme Gascogne, Parquetier et quelques centaines de collègues, je suis soumise hiérarchiquement au Garde des Sceaux, qui peut (via mon Procureur général et mon Procureur de la République) me donner des instructions variées, me demande des comptes sur mes décisions (et ne s'en prive d'ailleurs pas), et maîtrise ma notation administrative, donc ma carrière. Le GDS peut me déplacer, quasi discrétionnairement, puisque je ne suis pas inamovible, au contraire des juges. Tout cela n'empêche nullement les parquetiers de faire correctement leur travail au quotidien, mais en irait-il de même si nous étions seuls à gérer les affaires dites sensibles, sans pouvoir nous maintenir à distance normale du pouvoir politique ? J'en doute.

174. Le mercredi 7 janvier 2009 à 10:12 par Lulu

Cher Anatole,

Allons chanter cet après-midi sur les marches du TGI de Paris. Je ferai Dalida et vous Alain Delon. Chiche?

Anatole:

Lulu, ne m'en voulez pas, ma lointaine province me retient, sans compter ma faible compatibilité morphologique avec le rôle que vous me proposez. Mais vous serez très belle en Dalida. Surtout avec votre nouvelle coiffure. Vous nous raconterez ?

175. Le mercredi 7 janvier 2009 à 10:14 par Mia

@ Lulu 174 :

Mettez ce projet à exécution, chers collègues, et je saute sans hésitation dans le prochain train pour Paris !

176. Le mercredi 7 janvier 2009 à 10:24 par Volcano

Donc cher Anatole, si j'ai bien compris vos explications, le JI n'a à répondre de ses actes que devant le CSM ?

Anatole:

C'est précisément à quoi nous assistons avec Monsieur Burgaud, qui, dans les suites de l'affaire d'Outreau, comparaîtra devant la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature du 2 au 6 février 2009.

:

La comparaison entre le traitement du juge d'instruction et celui du procureur est claire: le juge ne sera (éventuellement) sanctionné que sur décision du CSM, selon une procédure dont vous constatez la lenteur, et donc l'incommodité pour le pouvoir politique.:

Le procureur Lesigne, a été proprement prié de demander lui-même une mutation placard, et l'a accepté, alors que le rapport du CSM ne retenait aucune contre lui aucune faute disciplinaire, se ce n'est celle qui avait été amnistiée par la loi.:

Voyez-vous même: Sanctionner un procureur, c'est facile. Mais un juge, c'est difficile.:

On peut trouver ça gênant dans une affaire comme celle d'Outreau.:

Mais dans une affaire comme celle de l'Angolagate, c'est plutôt rassurant.:

Voila pourquoi l'indépendance doit rester, soit chez le juge d'instruction actuel, soit chez un futur procureur indépendant.

177. Le mercredi 7 janvier 2009 à 10:25 par Shad

Je crois que certains n'ont pas compris le sens exact de ce billet: il ne s'agit pas de dire que le juge d'instruction ne saurait par principe être supprimé, mais que le droit fonctionnant en système, c'est l'ensemble du système qu'il faut revoir pour restaurer un nouvel équilibre. Une telle refonte nécessiterait de revenir sur certains tabous (dépendance hiérarchique du parquet...) et de donner des moyens juridiques et matériels conséquents pour la défense, notamment, que ce gouvernement n'est certainement pas prêt à consentir.

178. Le mercredi 7 janvier 2009 à 10:36 par La Biscotte

A Volcano : devant le CSM, le JI répondra de ses fautes disciplinaires comme par exemple, avoir pris de la drogue, volé des scellés, fraudé le Fisc etc, (en plus de la sanction pénale classique) ou alors de fautes juridictionnelles graves (faire disparaître un dossier, ralentir volontairement un dossier..).

Pour tout ce qui est de ses décisions juridictionnelles classiques (mettre en examen, faire une expertise, interroger, renvoyer un dossier devant les Assises ou faire un non-lieu etc etc.. , c'est la Chambre de l'Instruction (Cour d'appel) qui le surveille.

Le JI est en fait l'un des magistrats les plus contrôlés. Les avocats comme le Parquet ont accès au dossier et peuvent faire appel des décisions qui ne les satisfont pas (comme un refus de d'accomplir tel acte d'enquête..). Tous les 6 mois, le JI envoie à la chambre de l'instruction un état complet de ses dossiers. Le Parquet fait très régulièrement des rapports au Parquet Général (cour d'appel) sur l'avancement des dossiers d'instruction.

Bref, pas si tout puissant que ça le JI, et très surveillé..

179. Le mercredi 7 janvier 2009 à 10:53 par STA

Les lecteurs qui comme moi seraient perplexes devant la pauvreté des arguments utilisés pour défendre le juge d'instruction et le peu d'ouverture à ce que veut la société française (dont Sarkozy en bon démagogue va se prétendre l'interprète) dont ils témoignent et qu'on retrouve encore dans une tribune-pétition de Libération ce matin, liront avec profit le blog judiciaire de Ph. Bilger d'aujourd'hui sur cette question. Enfin quelqu'un qui pense et qui n'est pas dans l'autisme !

Anatole: :

Et vous, que proposez vous, Monsieur le Fumigène Persistant?

Anatole Turnaround vous paraît stupide et grossier, et ses arguments indigents. Vous persistez à croire que je défends le juge d’instruction quand je ne défends que l’indépendance de la justice pénale. Ah, oui, vous voulez une Vraie Réflexion, un débat, des arguments subtiles à décortiquer dans un amphi d’Assas ? Et des commissions, et des colloques, et combien de moyens encore, destinés à masquer la vérité?

On annonce la suppression d’une justice pénale indépendante du pouvoir exécutif. L’heure n’est plus aux vastes réflexions, mais à l’action

Tenez, je vous aide quand même, voici le lien vers le site de Philippe Bilger Je reviens dès que je l’ai lu.

180. Le mercredi 7 janvier 2009 à 10:55 par Shad

Ah oui et s'agissant de l'identité du petit juge pourfendeur des puissants (tellement rare en pratique alors que les médias ont pu faire croire le contraire en rabâchant quelques cas marginaux), peut-être faut-il aussi rappeler que c'est inhérent au droit d'être mue par une aspiration à l'effectivité.

Les sociologues parlent à propos de ce phénomène de "cause lawyering": sauf qu'à l'étranger se sont les avocats qui l'endossent cette identité, surtout lorsqu'ils sont mandatés par des associations regroupant des centaines de citoyens (vous savez la fameuse "class action" promise par Chirac et dont le medef ne veut pas...): en France on préfère que ce soit l'Etat qui assume ce rôle (on imagine qu'il sera moins dur avec lui-même; confère le nouveau défenseur des droits fondamentaux créé par la dernière réforme constitutionnelle. Et quand une telle émanation se montre efficace -le juge d'instruction - on s'indigne...).

181. Le mercredi 7 janvier 2009 à 11:18 par Shad

A mon avis, l'essentiel est dit par l'éminent professeur Mireille Demas-Marty sur le site du Monde (désolé je ne sais pas créer de lien...).

Anatole: :

Le voici

182. Le mercredi 7 janvier 2009 à 11:47 par STA

@ anatole :

''L’heure n’est plus aux vastes réflexions, mais à l’action" dites-vous. C'est la magistrature tendance brasero !!! (ça vous apprendra à m'appeler "fumigène" ! fumigène, fumigène, est-ce que j'ai une tête de fumigène, etc.)

Anatole:

Bon, je l'ai lu, votre Bilger.

Il se réjouit de l’arrivée en France de la procédure pénale accusatoire et de la fin de la procédure pénale accusatoire. Il en sait plus que moi sur l'avenir. Les éléments dont je dispose ne me permettent pas de considérer que c’est ce qui sera (peut-être) annoncé par le président de la République cet après-midi à la Cour de cassation. La suppression du juge d’instruction peut se faire soit en conservant une procédure inquisitoire, soit en instaurant une procédure accusatoire. Les garanties de bon fonctionnement ne sont pas les mêmes dans le deux cas, notamment en ce qui concerne le procureurs et les avocats

Mon billet n’avait d’autre but que de sonner l’alarme. C’est chose faite. Maintenant, attendons et voyons. Ce n’est qu'une question d’heures.

Causons! Peut-être me ferez vous la faveur de me dire ce qui vous fait voir en moi, aujourd'hui, un appareil de chauffage de plein air?

183. Le mercredi 7 janvier 2009 à 12:03 par Bardamu

Cher Anatole, merci de votre réponse précise et nuancée

(Il s’agit de quelques mots sur la mystérieuse notion de politique pénale. Ndrl)

- à quand un blog 100% anatolien !? le père Eolas subirait alors une concurrence redoutable...

Anatole: Arrache ton masque, Tullius Détritus, on t'a reconnu !

@ Philonous : s'il vous faut lire Montesquieu (hormis les passages célèbres comme celui cité par Cicéron et le début la loi, c'est un peu mou du genou conceptuellement, ce qui n'est pas le cas d'Althusser au moins même si parfois daté), pour découvrir que le pouvoir corrompt ("toute personne détenant un pouvoir est portée à en abuser "), je vous trouve bien naïf ! Que les choses soient claires : je n'ai rien contre la séparation du pouvoir, mais je suis pas sûr que ça soit chez Montesquieu ni ailleurs en droit.

J'ai retrouvé mes notes prises sur Althusser (comme ça vous n'avez besoin de lire ni l'un ni l'autre...), c'est à la fin de l'ouvrage sur le point qui nous occupe (pp. 103-5) : plutôt que la séparation, c'est la liaison des pouvoirs qui intéresse notre homme (les trois puissances que sont le roi, la noblesse et le peuple, les derniers formant les deux chambres). L'équilibre des pouvoirs formule employée avec justesse par quelqu'un supra consiste dans le partage des pouvoirs entre puissance et la modération des prétentions d'une puissance par le pouvoir des autres. La formule "séparation des pouvoirs" est donc trompeuse à mon sens : il n'y a pas trois sortes de pouvoirs qu'il s'agirait de séparer (pourquoi les séparer s'ils diffèrent par nature ?), mais un seul qu'il faut bien plutôt réguler afin que sa nature (convergente) soit combattue. Le pouvoir peut être bon s'il est utilisé en tant que détourné de sa propension initiale - le mieux étant qu'il y ait différentes instances qui exerçant le pouvoir, chacune s'employant à diminuer les autres de sorte qu'un peu magiquement, le pouvoir combatte le pouvoir et que tournant à vide (sans effet pervers) sa productivité naturelle devient utile à la société.

PS : en effet (@ Malpa), "les médias sont-ils un pouvoir ?" est un bon sujet de dissertation (car si oui qu'est-ce alors qu'un pouvoir et est-ce toujours "du" pouvoir en général ?)

184. Le mercredi 7 janvier 2009 à 12:14 par Bardamu

Moi aussi je lance mon cri d'alarme : on ne peut plus utiliser sur ce blog les crochets (ça donne un truc bizarre dans mon précédent message) qui signalent l'insertion d'un commentaire au sein-même d'une citation. Aux armes !

185. Le mercredi 7 janvier 2009 à 13:13 par Stepposs

Depuis que je travaille pour la Grande Dame (bon je sais ça ne fait que depuis 2004) et même auparavant sur les bancs de Fac, je vois rituellement ce débat revenir sur le devant de la scène souvent à grands coups de scandales judiciaires, avec les mêmes arguments de part et d'autre présentés par Anatole T. Mais jusqu'à ce jour cette "réforme" (terme bien mal choisi puisque sous-entendant une amélioration et non un recul) n'est jamais intervenue... Et j'espère encore une fois que notre Roi Président reculera face à la résistance du monde judiciaire !

186. Le mercredi 7 janvier 2009 à 13:40 par malpa

@ Bardamu 183

Puisque vous parlez dissert, j'aurais plutôt proposé, si Montesquieu est dans la salle, de nous donner un bref aperçu de la tête que pourrait avoir une Constitution garantissant, outre la séparation des trois pouvoirs que nous connaissons, les Medias (terminologie et définition à voir) comme indépendants des trois autres.

Les journalistes devraient-ils être organisés comme une magistrature ? Les journaux, la télé, radio, seraient-ils nationalisés et payés par les impôts ? Dit comme ça, l'image qui me vient ne ressemble pas trop à une démocratie, mais il y a peut-être d'autres modèles ?

Ou alors, les libertés de la presse et de parole sont incompatibles avec une indépendance statutaire des medias ?

J'ai quand même le sentiment que certaines distorsions de la démocratie par rapport au modèle de Montesquieu viennent de l'importance prise par les médias que les pères fondateurs (y compris ceux de 1958) de la démocratie moderne ne pouvaient pas anticiper.

Quelle résistance peut opposer la justice aux armes des médias dans de puissantes mains pour protéger son indépendance ? Quelques blogs (suivez mon regard) semblent prendre la forme de petits contre-pouvoirs, ce qui est encourageant. C'est donc la liberté de l'internet qu'il faut défendre en priorité ?

187. Le mercredi 7 janvier 2009 à 13:44 par malpa

le mot "contre-pouvoir" en 183 pour parler de certains blogs n'était sans doute pas très heureux.

Contre-média ?

188. Le mercredi 7 janvier 2009 à 14:13 par Lulu

@ STA

Les lecteurs qui comme moi seraient perplexes devant la pauvreté des arguments utilisés pour défendre le juge d'instruction

STA, ne faites pas de votre cas particulier un cas général. Ce n'est pas parce que vous, vous assénez des arguments pauvres et péremptoires (les juges d'instruction c'est pas bien) que les autres en font autant. Anatole écrit et développe bien et fort patiemment, d'ailleurs. Et puis, j'ai posté rien que pour vous (n°143).

189. Le mercredi 7 janvier 2009 à 15:09 par STA

@Lulu Lisez Bilger

190. Le mercredi 7 janvier 2009 à 15:17 par Philonous

@Bardumu: Vous écrivez:" s'il vous faut lire Montesquieu (hormis les passages célèbres comme celui cité par Cicéron et le début la loi, c'est un peu mou du genou conceptuellement, ce qui n'est pas le cas d'Althusser au moins même si parfois daté), pour découvrir que le pouvoir corrompt ("toute personne détenant un pouvoir est portée à en abuser "), je vous trouve bien naïf !"

Je ne sais pas ce qui a pu vous faire penser que j'avais attendu de lire Montesquieu pour découvrir que le pouvoir corrompt (d'ailleurs il y a une différence entre l'abus de pouvoir et la corruption de la personnalité, mais ça, c'est un autre problème...). Heureusement, votre tournure hypothétique me permet de penser que vous ne m'attribuez pas vraiment cette prétendue naïveté, basée sur une phrase sortie de son contexte (on vous a déjà dit que c'était mal?). Cela aurait pu passer pour un attaque gratuite et malhonnête, visant à rabaisser arbitrairement l'interlocuteur. Mais je suis certain que ce n'est pas votre manière de faire, surtout quand il s'agit d'entretenir une discussion raisonnable. ;)

A propos de critique gratuite, celle que vous adressez à Montesquieu en est un bel exemple. Je comprends certes que vous ne souhaitiez pas prendre le temps de justifier une telle affirmation, mais dans la mesure où vous le comparez tout de suite avec Althusser (dont la supériorité conceptuelle ne me semble guère évidente, vous m'en voyez désolé... Sans doute est-ce un signe de mon incurable faiblesse intellectuelle...) pour affirmer tout aussi arbitrairement sa plus grande profondeur de pensée, je ne peux qu'avoir envie à ce stade de prendre du recul par rapport à vos conclusions sur ce point, de suspendre mon jugement.

"Que les choses soient claires : je n'ai rien contre la séparation du pouvoir, mais je suis pas sûr que ça soit chez Montesquieu ni ailleurs en droit."

Il me semble que c'est le premier à l'avoir formulé aussi clairement, et avoir réellement cherché à le justifier. C'est en tout cas lui qui fait référence en la matière. En outre, je n'ai parlé de Montesquieu que parce que vous aviez parlé d'un livre d'Althusser sur Montesquieu...

"J'ai retrouvé mes notes prises sur Althusser (comme ça vous n'avez besoin de lire ni l'un ni l'autre...),"

Rassurez-vous, j'ai lu les deux (même si je n'ai pas lu l'ouvrage d'Althusser sur Montesquieu, un de ses premiers d'ailleurs, auquel vous faites référence).

"c'est à la fin de l'ouvrage sur le point qui nous occupe (pp. 103-5) : plutôt que la séparation, c'est la liaison des pouvoirs qui intéresse notre homme (les trois puissances que sont le roi, la noblesse et le peuple, les derniers formant les deux chambres). L'équilibre des pouvoirs formule employée avec justesse par quelqu'un supra consiste dans le partage des pouvoirs entre puissance et la modération des prétentions d'une puissance par le pouvoir des autres. La formule "séparation des pouvoirs" est donc trompeuse à mon sens : il n'y a pas trois sortes de pouvoirs qu'il s'agirait de séparer (pourquoi les séparer s'ils diffèrent par nature ?), mais un seul qu'il faut bien plutôt réguler afin que sa nature (convergente) soit combattue."

La séparation des pouvoirs chez Montesquieu est justement destinée à produire un équilibre des pouvoirs. Et la formule n'est pas particulièrement trompeuse: ces pouvoirs diffèrent "par nature", si vous voulez, dans la mesure où ils correspondent chacun à une activité distincte, à un pouvoir distinct. Mais deux ou trois d'entre eux peuvent être exercés par la même personne, ce qui conduit à une remise en cause de l'égalité et de la liberté politique (cf. texte cité par Cicéron). Pourquoi séparer les pouvoirs, demandez-vous? (Oserais-je dire que je vous trouve bien naïf de poser la question?) Et bien parce qu'il ne faut pas qu'ils soient aux mains d'une même personne ou d'une même instance. Quand vous dites que "le partage des pouvoirs entre puissance et la modération des prétentions d'une puissance par le pouvoir des autres", vous paraphrasez en fait plus ou moins la thèse de Montesquieu.

"Le pouvoir peut être bon s'il est utilisé en tant que détourné de sa propension initiale - le mieux étant qu'il y ait différentes instances qui exerçant le pouvoir, chacune s'employant à diminuer les autres de sorte qu'un peu magiquement, le pouvoir combatte le pouvoir et que tournant à vide (sans effet pervers) sa productivité naturelle devient utile à la société."

Là encore, rien de nouveau depuis Montesquieu... Vous auriez pu le lire directement, vous voyez.

@STA: Tout comme Lulu, je ne vois pas en quoi les arguments d'Anatole sont pauvres. Et j'ai été plutôt déçu du peu d'importance que Ph. Bilger consacre à la question de l'indépendance de la justice, notamment dans le cas d'affaires sensibles. Le juge d'instruction n'est sans doute pas toujours ce qu'on pourrait rêver de mieux, mais je ne vois pas en quoi le supprimer va substantiellement améliorer la façon dont la justice est rendue dans notre pays.

191. Le mercredi 7 janvier 2009 à 15:27 par noisette

@STA Lisez Lulu ...

192. Le mercredi 7 janvier 2009 à 16:01 par Apprenti-juriste

A la suite d'un reportage de l'édition spéciale (le programme du midi de Canal+), j'ai une interrogation. On y voyait des avocats défendre cette réforme. Quel intérêt ont les avocats (mis à part les avocats des personnalités politiques ayant quelque chose à se reprocher) à ce changement ? Y aurait-il une animosité de la barre vis-à-vis du siège qui ferait que les premiers se réjouissent de la mise à mal des seconds ?

193. Le mercredi 7 janvier 2009 à 16:07 par student

Bon et bien c'est officiel maintenant nicolas veut supprimer les juges d'instructions...

194. Le mercredi 7 janvier 2009 à 16:11 par moqueur

Maintenant, l'indépendance du juge d'instruction me fait doucement rigoler. Le Canard Enchaîné parle toutes les semaines (ou presque), de ces affaires politiques qui sont confiées à tel ou tel juge d'instruction parce qu'"on" sait qu'avec lui, il n'y a rien à craindre et que l'affaire restera bien sagement dans la pile des dossiers à traiter jusqu'au moment où la pression médiatique sera retombée et qu'il pourra tranquillement le refermer.

195. Le mercredi 7 janvier 2009 à 16:17 par Anatole Turnaround

IL LE FAIT.

"Le juge d'instruction en la forme actuelle ne peut être l'arbitre. Comment lui demander de prendre des mesures coercitives, des mesures touchant à l'intimité de la vie privée alors qu'il est avant tout guidé par la nécessité de son enquête?", a déclaré le chef de l'Etat lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation.

"Il est donc temps que le juge de l'instruction cède la place à un juge de l'instruction, qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus".

196. Le mercredi 7 janvier 2009 à 16:23 par Plop

@moqueur Ca me fait penser à cet argument en vogue à propos de la nomination du PDG de France Télévision par le Président de la République, comme quoi c'était une hypocrisie car ça fonctionnait déjà plus ou moins de cette façon avant.

Je vois toujours pas en quoi aggraver un disfonctionnement déjà présent peut être considéré comme un progrès, même au nom de la "transparence" dans ce cas précis.

Sinon Anatole avait vraisemblalement raison de s'inquiéter car on a la confirmation que rien ne prévoit que les procureurs deviennent indépendants après le discours de Nico.

197. Le mercredi 7 janvier 2009 à 16:38 par PEB

On se dirige vers une instruction accusatoire si j'en crois les propos du Président de la République: "Il est donc temps que le juge d'instruction cède la place à un juge de l'instruction qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus."

Historiquement, l'ancêtre du magistrat-instructeur est l'inquisiteur. Sur son ordre, l'Église mettait au secret le suspect pour le questionner jusqu'à la fin de l'enquête. En fonction du résultat de cette dernière, le malheureux était relaxé pour comparaître publiquement devant le juge laïc. C'était ce dernier qui condamnait l'hérétique relaps au tourment du bûcher.

Comme quelqu'un l'avait rappelé tantôt, l'inculpé n'avait point d'avocat jusqu'au début de la IIIème République. Le secret était gardé avec le parquet jusqu'au procès public. A partir du moment où on a autorisé l'inculpé à être accompagné d'un conseil ayant accès au dossier, l'institution commença à changer de nature. Rien n'interdit à un avocat d'être le porte-parole de son client. Aussi le fameux secret de l'instruction commença-t-il à être vidé de sa substance. Le pompon le plus récent fut l'enregistrement vidéo des interrogatoires. Pour démonter le travail du magistrat, il ne reste plus qu'à en montrer des morceaux choisis à la Cour.

De plus, cette institution semble inefficace car elle est ressentie comme source de délais excessifs. Seul 5% des affaires, dont les plus sensibles ou les plus complexes, sont traités de cette manière. Les affaires politico-financières sont souvent tombés dans le marais d'enquêtes interminables aux horizons nébuleux. On dirait qu'en la matière, les magistrat ont du mal à y mettre un point final.

La question de l'autonomie du parquet doit évidemment être posée ainsi que son articulation par rapport à la partie civile. Les droits de la défense devront être garantis et étendus. Le regard du juge de l'instruction se posera impartialement sur le respect des règles du jeu. Si l'instruction sera plus courte, les procès seront sans doute plus longs car plus contradictoires. Les grandes affaires pourraient en être plus fractionnées.

De bien beaux débats en perspective au Parlement, dans les salles des pas-perdus, sur les parvis et sur la place publique en perspective.

198. Le mercredi 7 janvier 2009 à 16:42 par Candide au Pays du Droit

Et maintenant ...??? Que fait-on ?

199. Le mercredi 7 janvier 2009 à 16:52 par Dadouche

Pourtant, il les aime les juges d'instruction ! Il en a même retenu certain...
Qu'est ce que ça serait avec un Procureur qu'il peut faire déplacer à son gré ?

200. Le mercredi 7 janvier 2009 à 16:59 par Philonous

@199: Ne vous inquiétez pas, Dadouche, au rythme où vont les choses, on risque de vite le savoir.

201. Le mercredi 7 janvier 2009 à 17:02 par STA

Anatole, sa chouette fétiche perchée sur l'épaule, tire
un levier qui ouvre une trappe sous les pieds du troll qu idisparaît
dans un grand

202. Le mercredi 7 janvier 2009 à 17:02 par Mika

Merci pour l'info, qui me fait un parfait complément de ce que j'ai pu lire à cette adresse : http://lesalineasdudroit.com/2009/01/le-juge-dinstruction-menace/

203. Le mercredi 7 janvier 2009 à 17:28 par Shad

@ STA:

J'essaie de vous comprendre, mais je n'y arrive pas: en quoi affirmer que l'indépendance du parquet est un contre-poids envisageable (parmi d'autres) à la suppression du juge d'instruction serait prôner une autonomie corporatiste (effectivement dommageable; confère la situation en Italie) ?

204. Le mercredi 7 janvier 2009 à 17:29 par Bardamu

@ Philonous. D'abord contrairement à ce que vous insinuez, il n'y a pas d'attaque gratuite de ma part et vous êtes fort malhonnête sur ce coup : vous faites comme si le fait d'avoir pointé une naïveté était une basse attaque pour m'abaisser en général - mieux : vous vous appuyez sur la modalisation de mon propos pour souligner que bien entendu (soulignez) je n'y pensais nullement. Ensuite, je n'ai aucunement (où ?) dit qu'Althusser (je vous l'offre bien volontiers, il n'est pas cher, bref et très bon) était "supérieur" à Montesquieu, mais que conceptuellement le premier était plus dur : ça veut dire qu'A est plus dense - il va tout de suite à l'essentiel - que M, dont le propos est très souvent historique dans l'Esprit des lois. Puisque vous avez lu les deux, vous devriez le reconnaître plutôt que m'accuser de partialité (ce n'est en outre pas une "critique" que de dire que B est supérieur à C mais un jugement). Par ailleurs, "vous" dans mon message n'était pas adressé à votre seule personne, j'en suis désolé, il ne faut vous sentir viser systématiquement. Terminons sur la forme : je goûte en effet peu le ton que vous adoptez à mon égard, ce n'est pas constructif, vous vous limitez à me descendre. Je ne vous en tiens pas rigueur (mais ça me coûte de l'écrire !), gageons que votre émotion sera plus contrôlée à l'avenir (et restons-en là). J'ai d'abord cité Althusser, ensuite ma glose ('à mon sens'). Que ça ressemble à Montesquieu est normal.

Ce que je conteste : qu'il y ait une quelconque séparation des pouvoirs - car s'ils diffèrent chercher à les séparer est inutile. C'est son exercice (du pouvoir) qui ne doit pas être unique - c'est sa tendance : à la limite ma malhonnêteté est ici car je reprends votre naïveté par là mais vous ne l'avez pas vu, là où je vous trouvais naïf c'était d'invoquer l'augustité de Montesquieu pour rappeler que le pouvoir tend à être concentré une fois qu'on y goûte. Dès lors je ne "critique" pas tant Montesquieu que je prétends poursuivre son propos : le pouvoir est par nature un, mais c'est une mauvaise nature qui donne des régimes mauvais (tyrannie). Partant, le pouvoir doit être diversifié, i.e. que plusieurs doivent l'exercer en même temps et se concurrencer afin qu'il ne soit pas ramener à l'unité. Le pouvoir doit donc être organisé de sorte qu'il combatte sa nature profonde, c'est le rôle de la multiplicité des acteurs (les 3 fameux). On ne sépare en effet que des entités distinctes : en quoi les "trois pouvoirs" tiendraient-ils séparément ? Non, il n'y a qu'un pouvoir qui s'exerce à différents niveaux : c'est en séparant son exercice en distinguant les acteurs à l'oeuvre dans chaque niveau que les effets de la nature une du pouvoir seront évités. Le pouvoir doit donc être équilibré : parler de séparation, c'est commettre une réification inutile ; il vaut mieux parler de conflictualité du pouvoir (c'est lorsque le pouvoir n'est plus disputé qu'il y a danger). ça peut sembler du verbiage mais pas du tout, la séparation est un mythe et manque l'important - d'où ma remarque.

205. Le mercredi 7 janvier 2009 à 17:36 par Bardamu

Deux choses : je vois que ma proposition d'indépendance du parquet reçoit des échos ici ou là (je ne revendique nulle paternité, mais j'en suis heureux). cela a le mérite d'être une contre-proposition à la volonté effrénée de réforme à l'oeuvre en ce moment.

Ensuite je me demande quel ministre va pouvoir soutenir la réforme voulue par notre heureux élu : Dati doit bientôt partir (normalement...), qui va être assez fou pour assumer des réformes encore plus dangereuses que les précédentes ? Politiquement, ça me semble très compromis : on ne peut pas réformer une administration en se mettant celle-ci durablement et intégralement à dos. Il doit y avoir nécessité à la mise en oeuvre de cette réforme, mais ça m'échappe tellement que je la trouve absurde...

206. Le mercredi 7 janvier 2009 à 18:01 par Anatole Turnaround

ET MAINTENANT LE DISCOURS !

Voici l'intégralité du discours présidentiel prononcé aujourd'hui pour annoncer la suppression du juge d'instruction:

DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

A L’AUDIENCE SOLENNELLE DE DÉBUT D’ANNÉE

DE LA COUR DE CASSATION

Mercredi 7 janvier 2009

Monsieur le Premier Président,

Monsieur le Procureur Général,

Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,

Madame le Garde des Sceaux,

Mesdames, Messieurs;

C'est la première fois que je prends la parole dans cette salle de la 1ère chambre de la Cour de Cassation, toute chargée d'histoire et de symboles.

Au moment de m'exprimer, j'en mesure, à l'aune de ce cadre prestigieux, toute la solennité.

Pour autant, parce que je suis par mon propre parcours, un membre à part entière de la famille judiciaire, j'entends que mon propos soit, au-delà des termes convenus, un moment de vrai dialogue entre deux des trois pouvoirs nécessaires à l'équilibre de notre démocratie : le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Oui, le mot est lâché. J'ai dit pouvoir judiciaire. Je n'ignore pas bien sûr que les pères fondateurs de notre Vème République ont veillé à retenir dans notre Constitution que le vocable "autorité judiciaire".

Je sais aussi notre goût pour les guerres civiles sémantiques dans un pays où le pouvoir du verbe reste puissant dans les esprits. C'est pourquoi je n'ai pas souhaité en déclencher une en réformant la Constitution sur ce point. Vous conviendrez qu'il y avait d'autres sujets plus nécessaires à la respiration de notre démocratie. Mais c'eût été, en outre, un débat vain. Qui aujourd'hui peut nier qu'il existe dans notre pays un réel pouvoir judiciaire ? Ou plus exactement, qui pourrait affirmer sans ridicule que notre pays n'est pas un état de droit ? Or, sans justice indépendante et forte, pas d'état de droit. Sans pouvoir de régulation distinct des pouvoirs prescripteurs de droit et administrateurs, pourrait-on tenter de traduire dans une vision contemporaine, pas d'état de droit.

Evidemment, ce pourvoir régulateur est bien plus large que la seule justice judiciaire et Montesquieu en conviendrait s'il vivait aujourd'hui. Mais le pilier en reste judiciaire parce que les responsabilités les plus grandes, celles qui visent à la liberté et à la dignité des personnes lui sont confiées.

Pour autant, s'il faut écarter cette querelle de mots, il ne faut pas fuir les réalités.

Oui les relations entre le politique et le judiciaire sont dans notre pays marqués d'une tradition au pire de rivalité, au mieux de méfiance mutuelle.

Il faut y voir la trace de cette querelle séculaire entre le pouvoir monarchique et les Parlements que, curieusement, la République a reprise à son compte.

Il est vrai que les libertés dont se réclamaient les magistrats d'alors relevaient en réalité d'une défense de caste à laquelle les révolutionnaires, souvent eux-mêmes avocats restés à la porte des cours souveraines, ne pouvaient et ne devaient s'identifier.

Mais il n'est pas plus question aujourd'hui d'arrêt de règlement que de lit de justice. Et si l'un ou l'autre s'indigne de quelques déclarations générales, force est de constater qu'elles trouvent leur origine dans un syndrome syndical né de l'après 68 ou dans un phénomène de glorification, bien temporaire, de telle ou telle figure élevée au rang de chevalier blanc. Mais de revendication globale d'un pouvoir autre que celui reconnu par la Loi, je n'en vois pas trace dans la magistrature française.

Et c'est heureux ! Car le corps judiciaire ne pourrait contester l'architecture de l'Etat dont il est l'un des murs porteurs sans ruiner l'édifice tout entier.

L'indépendance nécessaire des magistrats du siège qui s'exerce dans leurs pouvoirs juridictionnels, l'autonomie tempérée par la règle hiérarchique qui est l'honneur des magistrats du parquet sont autant de garanties d'égalité et d'impartialité dans l'exercice de la justice de notre pays. Ils ne les placent pas pour autant hors de l'Etat. La Justice n'est pas une planète en orbite indéfinie autour d'un monde qui lui serait étranger.

C'est bien ce qu'a voulu signifier notre Constitution en confiant au Chef de l'Etat la garantie de l'indépendance de la magistrature comme c'est à lui qu'il appartient de nommer les magistrats.

C'est pourquoi j'ai tenu à m'exprimer aujourd'hui pour vous dire comment je conçois ce rôle éminent et pour tracer devant vous le chemin de la justice rénovée que je veux pour notre pays.

  • *

D'abord, je veux dire ma confiance dans la justice de notre pays. Qu'on m'entende bien. Il ne s'agit pas là de la figure de style obligée de celui qui, ayant affaire à elle, adopte cette posture prudente et vaguement hypocrite. J'ai réellement confiance dans la justice. Au risque d'être mal compris, je dirai que j'ai confiance en elle car je n'en ai pas peur. A chaque fois que j'ai eu à constater un dysfonctionnement, je l'ai dénoncé non pas pour stigmatiser l'institution judiciaire mais pour qu'elle trouve en elle-même les moyens de le résoudre. Qui niera que j'ai été le plus souvent entendu ?

Nul ne pourra contester non plus que lorsque dans ma vie privée ou publique j'ai été l'objet d'accusations fallacieuses ou d'instrumentalisations intéressées, c'est à la justice que j'ai demandé protection et réparation. Comme tous les Français, je veux quand il est mis en cause, que mon bon droit soit reconnu. Et je comprends les Français qui souhaitent, quand cela leur arrive, que cela soit fait dans des conditions de délai et de sécurité juridiques les meilleures.

Pour y aboutir, j'ai voulu que les conditions de travail offertes aux magistrats et aux fonctionnaires de justice soient améliorées.

En 2009, le budget de la justice progresse de 2,6% pour atteindre un montant de près de 7 milliards d'Euros. Cette augmentation, particulièrement significative dans un contexte budgétaire très difficile, permet de poursuivre et d'intensifier l'effort de modernisation du patrimoine immobilier de la justice.

La réforme de la carte judiciaire que Madame le Garde des Sceaux a menée avec détermination permettra de dégager de nouveaux moyens comme de construire une organisation judiciaire adaptée aux exigences du XXIème siècle.

J'ai souhaité enfin que le ministère de la Justice bénéficie du plan de relance. Ce sont plus de 80 millions d'Euros qui vont permettre de mettre en œuvre, dès 2009, des opérations de rénovation de locaux pénitentiaires et judiciaires.

Je suis conscient des efforts qui restent à accomplir. Mais quelles que soient les critiques, souvent légitimes, sur l'état de nos prisons ou de certaines juridictions, toute personne de bonne foi mesurera le chemin parcouru ces dernières années.

Est-ce à dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ?

Je me garderai bien d'une telle affirmation. D'abord parce que je mesure la crise morale qui traverse l'institution. Le traumatisme qui a parcouru la Nation toute entière lors de l'affaire d'Outreau a atteint au premier chef le corps judiciaire.

Nul n'a été besoin de mise en cause individuelle ou collective, par ailleurs inévitable dans un contexte social de recherches exacerbées de responsabilités, pour que la magistrature s'interroge sur ses pratiques, son éthique.

Mais la réflexion sur la justice ne saurait être le seul apanage des juges. Cette réflexion ne peut en effet se nourrir seulement d'introspection, elle doit au contraire s'ouvrir sur la société toute entière.

C'est d'abord le sens de la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Je suis persuadé qu’un CSM composé en majorité de non magistrats retrouvera aux yeux de nos concitoyens toute sa légitimité et donnera enfin à cet organe constitutionnel la place essentielle qu’il doit jouer dans l’équilibre de nos institutions.

C’est ce même esprit qui m’a conduit à ouvrir le Conseil Supérieur de la Magistrature aux justiciables en leur permettant de le saisir directement.

La justice, et c’est là toute sa légitimité, est rendue au nom du peuple français. Le peuple français est donc en droit d’exiger le sens et le respect des responsabilités de ceux qui exercent ces pouvoirs en son nom.

Pour maintenir sa cohérence à ce Conseil, comme pour marquer ma confiance à l'institution, j’ai souhaité lui donner une présidence forte. Sa formation plénière est présidée par le Premier Président de la Cour de Cassation, tout comme la formation compétente à l’égard des magistrats du siège. S’agissant de la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet, elle sera présidée par le Procureur Général près la cour de Cassation.

Ces deux hauts magistrats sont ceux qui ont la plus grande expérience, la plus grande légitimité et la meilleure connaissance du corps. Ils ont tous deux une vision exigeante et ambitieuse de la justice, et je ne doute pas un instant qu’ils s’attacheront à donner à leur présidence la force qui fera de ce CSM rénové la clé de voûte de notre système judiciaire.

Il n’était pas conforme à l’idée que je me fais de l’équilibre de nos institutions de demander au Président de la République de présider le CSM.

Au demeurant, lorsque j’ai pris mes fonctions et qu’est arrivé le premier CSM Elysée, il m’a été expliqué que mon rôle de président se limitait à ouvrir la séance, à écouter les propositions du CSM, sans intervenir ni émettre le moindre avis, puis à lever la séance.

Je n’ai pas besoin de vous expliquer longuement que ce rôle ne correspondait pas exactement à l’idée que je me fais de l'exercice d'une présidence.

C'est pourquoi, je me réjouis que le Parlement ait compris les enjeux de cette réforme en bâtissant un dispositif à la fois équilibré et ouvert. Mais cette ouverture du CSM doit être le signal d'une ouverture plus large du corps judiciaire.

Bien sûr, les voies de recrutement des magistrats sont d'ores et déjà parmi les plus diverses qu'on rencontre dans l'Etat. Mais il faut que cela conduise à une vraie diversité.

La réforme de l'Ecole Nationale de la Magistrature comme les classes préparatoires ad hoc mises en place sont autant de gages de nominations futures plus conformes à la réalité sociologique de notre pays. J'y veillerai.

Une magistrature plus ouverte, plus responsable et donc plus considérée qui ne s'accordera sur ces objectifs ?

Mais à quelles fins ?

Je ne crains pas de le dire : pour rendre aux Français la justice qu'ils sont en droit d'attendre dans une société moderne.

Rendre la justice, c'est d'abord assurer la paix sociale.

Cela passe bien sûr par la résolution des conflits civils.

Je sais tous les efforts qui sont consentis pour que les juridictions, au premier rang desquelles la Cour de Cassation, bénéficient des techniques les plus modernes pour traiter ces procédures. Leur dématérialisation est un gage de fluidité des futurs contentieux. Elle permettra aux juges de se consacrer plus encore à la qualité de leurs décisions. C'est pourquoi aussi dans les domaines qui l'autorisent faut-il privilégier les solutions gracieuses car l'office du juge est d'intervenir lorsque le litige appelle à dénouer les enjeux juridiques d'une situation.

Mais, aussi importantes que soient ces procédures et j'ai garde d'y inclure les contentieux administratifs, commerciaux et prud'homaux qui sont si sensibles pour beaucoup de nos compatriotes, c'est en matière pénale que l'institution judiciaire exerce ses responsabilités les plus lourdes.

Je ne crains pas de le dire, la justice prend toute sa part dans la lutte contre l'insécurité. Pour la doter des armes nécessaires face à la délinquance d'aujourd'hui, plusieurs réformes ont été conduites par le Gouvernement ; je pense aux sanctions applicables à la récidive, à la rétention de sûreté. D'autres restent à conduire comme l'adaptation de l'ordonnance de 1945 aux réalités de la délinquance des mineurs et la modernisation de notre droit pénitentiaire.

Mais cet arsenal nécessaire à la protection des Français doit être utilisé dans des conditions qui garantissent les libertés individuelles.

Or, chacun s'accordera à constater que notre procédure pénale n'est pas suffisamment respectueuse des droits des personnes. Entendons nous bien, si je ne méconnais pas les quelques excès contre lesquels je me suis élevé quand c'était nécessaire, ce n'est pas l'action des juges qui est en cause mais l'inadaptation et la lourdeur des textes qu'on leur demande d'appliquer. N'est-il pas d'ailleurs de règle générale qu'il n'est de bons juges qu'avec de bonnes lois ?

Or, le nombre de modifications du code de procédure pénale, près de 20 réformes depuis 20 ans, marque que l'on n’a manifestement pas encore trouvé l’équilibre nécessaire.

C’est la raison pour laquelle avec le Premier Ministre nous avons confié une mission très ambitieuse à la commission présidée par Philippe Léger, ancien avocat général à la Cour de justice des communautés européennes. Son expérience professionnelle comme la diversité des compétences représentées par les membres de la commission sont le gage de qualité des propositions visant à la refonte des codes pénal et de procédure pénale que nos compatriotes attendent. Je suis attentivement ses travaux et je sais que les orientations prises en matière de procédure pénale sont celles d'une réforme en profondeur. Je souhaite aujourd'hui vous dire quelles sont, à mon sens, les lignes directrices de cette réforme qui devra être engagée dès cette année.

Je pense en effet qu'il est possible d’aboutir à un consensus sur une nouvelle procédure pénale, plus soucieuse des libertés, plus adaptée aux évolutions de la police technique et scientifique. A l’heure de l’ADN, la procédure pénale ne peut plus avoir pour socle le culte de l’aveu.

La confusion entre les pouvoirs d’enquête et les pouvoirs juridictionnels du juge d’instruction n’est plus acceptable. Un juge en charge de l’enquête ne peut raisonnablement veiller, en même temps, à la garantie des droits de la personne mise en examen.

Nous ne pouvons faire comme si la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme n’existait pas. Nous ne pouvons faire comme si notre société n’évoluait pas : l’exigence de contradictoire est très forte et, je le regrette, pas suffisamment respectée.

Je veux être clair : le respect des libertés individuelles doit aussi être garanti dans le secret du cabinet des juges d’instruction. Puisqu’il ne l’est pas suffisamment aujourd’hui, je m’engage très fermement à ce qu’il le soit demain.

Le juge d’instruction, en la forme actuelle ne peut être l’arbitre. Comment lui demander de prendre des mesures coercitives, des mesures touchant à l’intimité de la vie privée alors qu'il est avant tout guidé par les nécessités de son enquête ?

Il est donc temps que le juge d’instruction cède la place à un juge de l’instruction, qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus.

Il en est de même pour la mise en examen. Le législateur avait espéré que la substitution de ce terme à celui d’inculpation suffirait à effacer la stigmatisation de ce moment. Il n’en est rien. La mise en examen, signifiée dans le cabinet du juge d’instruction, s’apparente en réalité pour l’opinion publique à une reconnaissance de culpabilité.

Là aussi, je pense qu’il faut accorder davantage de place au principe du contradictoire. Une audience publique sur les charges s'impose.

Elle s'impose d’autant plus que le secret de l’instruction est une fable à laquelle plus personne ne croit. Alors là aussi les choses sont simples : si le secret de l’instruction n’existe plus, si plus personne ne le respecte, alors il est inutile de maintenir dans le code cette fiction. Je crois en revanche utile de créer un réel secret de l'enquête avec comme seule limite de renforcer la communication du parquet afin, le cas échéant, de démentir les informations fausses qui, souvent à dessein, sont diffusées dans le seul but de nuire à tel ou tel.

Enfin, la question de la détention provisoire est une question difficile. On a cru pouvoir la résoudre en multipliant les contraintes procédurales au point de faire de ces délais superposés un champ de mines propres aux erreurs et aux nullités. Telle ne me semble pas la solution et il faudra sans doute rendre plus simples les règles en la matière. En revanche, la décision en elle-même est suffisamment grave pour qu'elle implique, comme l'audience de charge que j'appelais de mes vœux, une audience collégiale publique. Je ne méconnais pas les difficultés pratiques de cette réforme qui en ont déjà fait échouer plusieurs. Ne serait-ce pas l'occasion de donner l'élan souhaitable à l'innovation des juges de proximité qui feraient d'excellents assesseurs ?

Au total, je pense qu'il est possible d'aborder toutes ces questions avec le souci d'un dispositif équilibré et pleinement contradictoire. C'est la prise en compte d'un réel débat contradictoire dès l'origine du procès qui nous donnera les voies et moyens d'un véritable habeas corpus à la française.

Je vous demande de vous engager à mes côtés pour que ce progrès nécessaire à une démocratie exemplaire puisse être bâti et offrir enfin à notre procédure pénale la stabilité dont elle a été privée toutes ces années.

Qu'il me soit permis de dire un mot des avocats. Parce qu'ils sont auxiliaires de justice et qu'ils ont une déontologie forte, il ne faut pas craindre leur présence dès les premiers moments de la procédure. Elle est bien sûr une garantie pour leurs clients mais elle l'est aussi pour les enquêteurs qui ont tout à gagner d'un processus consacré par le principe contradictoire.

C'est en 1774 que Miromesnil a supprimé la question préparatoire qui faisait de la torture un moyen d'enquête mais notre procédure reste encore marquée par ce souvenir de la contrainte.

Qu'on n'oublie pas, même si ce rappel prête souvent à sourire, que la garde à vue comme la mise en examen sont juridiquement conçues comme des garanties données aux justiciables. On mesure ainsi le chemin qui reste à parcourir pour construire la procédure pénale digne de notre siècle.

De même faut-il faire le point d'une pénalisation excessive de notre droit. Est-il besoin pour qu'une loi soit prise au sérieux de l'assortir de nouvelles incriminations pénales ?

Un premier projet de loi a été préparé qui aura pour finalité de réserver le droit pénal aux circonstances portant une atteinte directe aux personnes ou à la société ainsi qu'à empêcher les doubles poursuites administratives et pénales. Seront contenues dans ce texte les dispositions nécessaires pour faire de la diffamation un droit de la réparation civile.

Mais il y a encore bien des chantiers à ouvrir pour moderniser notre droit pénal et je considérerai le moment venu les propositions de la commission Léger sur ce point soit pour les agréger au précédent projet si le calendrier parlementaire n'a pas permis son examen soit pour en faire un projet complémentaire.

  • *

La justice est un sujet inépuisable et il y aurait encore tant à dire. Vous le sentez bien, c'est un sujet qui me passionne. Mais ne vous trompez pas, il passionne aussi nos compatriotes.

Bien sûr, ils expriment d'abord une insatisfaction à l'égard de la justice. Mais cette dernière, qui pour les anciens était une vertu, n'a-t-elle pas par nature la destinée cruelle de faire naître la frustration ? Faut-il pour cela ne rien faire ? Vous savez que jamais je ne fais le choix de la passivité.

Depuis les temps antiques ou dans les théâtres grecs, retentissaient les cris d'Antigone réclamant en vain son droit à Créon, la responsabilité de l'Etat est de répondre à la soif légitime de justice. Je forme le vœu que l'année 2009 nous voit travailler ensemble à la satisfaction toujours meilleure de ce besoin social premier.

207. Le mercredi 7 janvier 2009 à 18:05 par Audrey

@ Anatole, pour la modération 201

Merci. Je retrouve dans STA la pédanterie de certains de mes anciens petits camarades d'Assas. Argh... " J'ai demandé à mes élèves d'Assas si le juge d'instruction était un membre du parquet ou bien un membre du siège. La plupart ont répondu : du Parquet. Comme c'est étonnant ! ". En voilà un argument qu'il est bon.

@ Anatole toujours et Lulu et les autres....

Quid maintenant? Que prévoyez vous de faire maintenant? En quoi pouvons nous vous aider? Le mieux ne serait-il pas d'organiser une vraie manifestation, hors des grilles des Palais? De distribuer des tracts, de trouver des moyens d'informer les gens? Vous restez enfermé dans vos Palais, dans vos bureaux. Lors de la manif du 23, les gens qui passaient devant le palais se demandaient bien ce que nous faisions là. Ce n'est pas un reproche, je sais que votre devoir de réserve vous empêche une mobilissation plus ample. Mais alors, allons nous nous laisser faire? Je suis jeune et j'ai très peur de l'avenir que nos gouvernants nous réserve. Que faire?

208. Le mercredi 7 janvier 2009 à 18:07 par STA

@ Shad L'indépendance des Parquets est effectivement essentielle si le juge d'instruction est supprimé, mais elle ne peut pas venir de l'"autonomie corporatiste" qui aujourd'hui est la revendication implicite et qui est le fait d'être nommé, évalué, révisé, contrôlé, par les siens et jamais hors de ce cercle. Quand un corps de fonctionnaires veut l'indépendance par rapport à l'exécutif, l'idéal est une désignation politique, publique de haut niveau, ce qui donne légitimité et indépendance (dont les procédures de nomination devant les comités du Sénat américain sont l'exemple le plus connu), ce qui est loin de la tradition française mais gagnerait à être discuté.

@Anatole : pourquoi avez-vous censuré mon commentaire précédent ?

209. Le mercredi 7 janvier 2009 à 18:21 par Anatole

Le débat se poursuit sur le nouveau billet Lulu, qui vient, elle aussi, de publier le discours du président. Allons-y !

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