Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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La défense décodée

Extraordinaire article, et je pèse mes mots, de Pascale Robert-Diard dans le Monde 2 de cette semaine. Un vrai travail de journaliste, de chroniqueur judiciaire, de témoin, et je crois une première.

Pascale Robert-Diard a suivi un confrère, et quel confrère, Grégoire Lafarge, durant tout un procès d'assises, et même avant, lors des rendez-vous préparatoires entre l'avocat et le client. Vous y verrez comment un avocat pénaliste « prépare » un client, et vous verrez que ce n'est pas lui apprendre par cœur un gros mensonge, mais lui permettre de se défendre au mieux et tenter de lui donner le courage de dire la vérité.

Puis vous suivrez l'audience, assis sur le banc de la défense, à côté de l'avocat, là où on voit tous les regards, à portée d'oreille des conseils chuchotés en plein interrogatoire. Vous verrez quelle partie d'échec à quatre joueurs se joue entre la défense d'un côté, le parquet te la partie civile de l'autre, et le président au milieu, supposément au-dessus, qui fait semblant de n'avoir pas d'opinion alors qu'on la voit comme le soleil à midi.

Du vécu, il y a tant de moments que je reconnais pour les avoir vécu moi-même. Elle décrit formidablement bien la relation si particulière, si forte et pourtant éphémère, qui unit un avocat et son client devant la cour d'assises.

Je retiendrai, parmi d'autres, cette phrase, qui correspond à la fin de la plaidoirie de l'avocat de la défense.

Quand Me Lafarge rejoint son banc, le regard des jurés reste aimanté à sa robe. Il est vidé.

Jamais je n'ai ressenti un épuisement aussi complet, absolu, qu'à la fin d'une audience d'assises. Pas tant physique (on arrive encore à tenir debout, à sourire, à serrer des mains, à dire des amabilités au président, à l'avocat général et au confrère, et on sort en marchant sur ses deux pieds. Mais moralement, psychiquement. Un procès d'assises, c'est des mois d'attente, des heures de préparation, une concentration continue, une heure de plaidoirie pour tout donner, et quand la plaidoirie est terminée, la machine est lancée, il n'y a plus qu'à attendre, et toutes les digues qui canalisaient votre énergie cèdent enfin. Après un procès d'assises, on ne dort pas, on tombe dans le coma. Un sommeil lourd et sans rêve. Aucun des autres intervenants du procès n'est autant engagé que l'avocat de la défense, car l'accusé, on le porte à bout de bras. La beauté du métier, mais aussi son côté destructeur si on n'y prend pas garde.

Bref, un formidable point de vue de l'intérieur de la profession d'avocat, servi avec le style parfaitement adéquat. Bref, la presse comme je l'aime. C'est long, mais ça se lit tout seul. Méfiez-vous, d'ailleurs : il est impossible de s'arrêter quand on a commencé.

Puisqu'on s'est déjà rencontré, permettez-moi un brin de familiarité : bravo Pascale. Vous devriez ouvrir un blog.

Allez, je vous laisse aller vous régaler.

C'est ici.

Commentaires

1. Le vendredi 19 septembre 2008 à 17:00 par boratkehul

et quand la cour d'assises siège dans une sorte de bâtiment ancien, historique comme à Dijon à l'ancien parlement de bourgogne, est-ce que ça ajoute au vidage ? Je ne connais pas la cour d'assises de paris, mais vous pourriez peut-être nous en dire plus.

Merci pour la référence, ça me changera de l'équipe magazine...

bon we...

2. Le vendredi 19 septembre 2008 à 17:15 par g--

J'ai lu cet article avec grand intérêt, il est passionnant.
Une question me vient : arrive-t-il à un client condamné de vous confier une autre version que celle de sa défense une fois le verdict tombé ("je les ai bien eu", ou "finalement ils m'ont percé à jour") ?

3. Le vendredi 19 septembre 2008 à 17:21 par aliocha

Mince alors, on ne se disputera plus ? ça y est, vous l'aimez la presse ? Champagne et chapeau à Pascale Robert-Diard ! C'est du bien beau journalisme en effet.

4. Le vendredi 19 septembre 2008 à 17:24 par Mazainet

Le blog existe bien :
prdchroniques.blog.lemond...

5. Le vendredi 19 septembre 2008 à 17:24 par Indi

J'allais le dire remarquable article. La journaliste à tout compris et a su le restituer.

Inévitablement ça ne peut que renvoyer à des moments vécu

Ah quand l'Avocat dévisage les jurés à la rentrée du délibéré et que ceux ci ne soutiennent pas le regard de l'Avocat en gardant les yeux baissés.

Il a compris

Il y a cet infime moment ou lui il sait et son client non. c'est insoutenable.

C'est comme qui dirais tout simplement le coup de massue après le grand vide de la plaidoirie.



Eolas:
Vous imaginez ce que c'était, du temps de la peine de mort ?

6. Le vendredi 19 septembre 2008 à 17:59 par mourkos

très bel article, sobre, presque du Camus...

7. Le vendredi 19 septembre 2008 à 17:59 par mourkos

très bel article, sobre, presque du Camus...

8. Le vendredi 19 septembre 2008 à 18:00 par indi

Fort heureusement je n'ai pas connu ces moments là. La lecture de notre Confrère BADINTER se suffit à elle même.

Un autre moment inoubliable :

"Maitre vous avez la parole pour la défense"

Comment décrire ces infimes secondes où il faut se lever et où on se demande ce qu'on fait ici.

Bon j'en connais qui préfèrent rester debout et arpenter la salle d'audience pendant la suspension. Chacun fait comme il peut

9. Le vendredi 19 septembre 2008 à 18:06 par Fantômette

Eolas, croyez-le ou non, mais c'est en partie grâce à Grégoire Lafarge que je peux vous appeler mon cher confrère. Etudiante, j'ai eu la chance de le rencontrer. Il a eu la générosité de me recevoir, de prendre le temps de me parler et de répondre à des questions certainement fort naïves. Je lui avais adressé un mot de remerciement, auquel il avait répondu. Il m'y encourageait à poursuivre dans la voie que je parcours depuis. J'ai toujours ce mot dans mon tiroir bien sûr.

10. Le vendredi 19 septembre 2008 à 18:08 par Bébèrt

Fin de la lecture, j'ai été pris de tremblements à la dernière page. Il faut avoir le coeur bien accroché pour plaider aux assises.

11. Le vendredi 19 septembre 2008 à 18:19 par sea34101

L'article est très intéressant en effet et a sa lecture, il y a manifestement beaucoup de choses que j'ignore (je retiens le "quand on doute, on condamne quand même").

Ce que j'ai le moins compris est le comportement de l'avocat lors de l'entretien. Je ne comprends pas comment il choisit sa ligne de défense. Aussi, je me permets de poser une question de justice fiction, l'article donne évidemment peu d'indications, cependant dans votre note "comment faites vous pour défendre les coupables?" vous parlez du remord et des possibilités de réinsertion, a la lecture de l'article, une ligne de défense basée sur un aveu et des remords aurait-elle été envisageable?

12. Le vendredi 19 septembre 2008 à 18:26 par Timis

Un petit passage qui m' a fait sourire malgré la gravité de faits, mais qui démontre bien toute la complexité du métier d'avocat sur le choix de la méthode de défense à adopter...

" V. L. marche dans le bureau, tire sur sa blonde. "J'aime pas ça. J'aime pas ça. D'en parler, vraiment, ça me fait suer."



Sinon

13. Le vendredi 19 septembre 2008 à 18:28 par Julien

Je n'ai pas encore lu l'article, mais je tiens à vous féliciter pour le vôtre, qui est à la fois très bien écrit et qui déclenche en nous une formidable envie de lire ce fameux article du Monde... Bravo.

14. Le vendredi 19 septembre 2008 à 19:35 par Jérémie

Un texte poignant et saisissant.

Surtout, ,n'hésitez pas à continuer à nous partager vos humeurs, quelqu'elles soient!

Merci maître.

15. Le vendredi 19 septembre 2008 à 20:27 par jumbo karibu

Merci pour avoir intercepté cet article.

Selon vous Maître, est ce que l'on doit avoir des prédispositions, un caractère particulier, ou un je ne sais quoi en plus pour pouvoir prétendre à cette profession, à cet art, dans ce type de procès?

Me destinant à la profession d'avocat, et le passant dans quelques jours.., je me suis par plaisir, mais aussi, au fond de moi, par défaut (manque d'assurance) concentré sur le droit public et le juriste que je suis actuellement dans des domaines, on dira, moins excitants comme les marchés publics, se prend parfois à rêver de ce genre de défis...

Merci en tout cas de nous faire partager vos humeurs.

Eolas:
Je ne saurais dire. J'ai tendance à penser qu'on a ça dans le sang. Si la matière vous a barbé à la fac, c'est mauvais signe. Mais de grâce, si vous le prenez comme un défi personnel, ne touchez pas au pénal. C'est avec la vie d'un homme que vous risquez de jouer. Il n'a pas envie de sacrifier sa liberté pour que vous puissiez satisfaire un désir lancinant. Si vous allez exercer à Paris, le concours de la conférence vous permet un accès facilité au pénal, car lors de vos premières assises, vous serez assisté d'un ancien.

16. Le vendredi 19 septembre 2008 à 20:32 par Qui©he

Merci

17. Le vendredi 19 septembre 2008 à 20:38 par Augustissime

C’est effectivement un bon article. Il laisse toutefois perplexe sur la stratégie de la défense, voire sur sa méthode.

D’une part l’accusé semble peu préparé : quelques conseils généraux, un rapide « coaching »… on espère que ce n’est qu’un aperçu du temps passé par l’avocat avec son client.

D’autre part il semble inconcevable que l’accusé arrive au procès sans un discours totalement cohérent et clair. Il plaide le suicide, ce qui ne tient pas, tandis que son avocat essaye vaguement de défendre l’accident, ce qui ne tient pas très bien non plus. L’accusé n’est pas capable d’expliquer les faits devant son avocat… il ne fera bien sûr pas mieux devant la cour, ce qui rend son innocence infiniment douteuse. L’avocat ne devrait pas lâcher son client tant qu’il ne sait pas répondre à toutes les questions, sur tous les tons et dans tous les sens.

On pourrait donc imaginer que l’avocat passe le temps nécessaire avec son client pour préciser sa « version », en peser les chances de succès, la confronter aux faits, aux témoignages, anticiper les objections. On pourrait imaginer qu’il bâtit avec lui une stratégie parfaitement rôdée, qui maximise les probabilités de succès et minimise les risques.

Sans nier la conviction et l’implication de Me Lafarge, son travail ne répond pas à cette image. Je me faisais une meilleure idée du métier d’avocat.

L’article reflète un exercice de défense plus littéraire que scientifique

Eolas:
N'essayez pas de me faire croire que vous vous êtes fait un jour une bonne idée de quelque chose.

18. Le vendredi 19 septembre 2008 à 21:14 par tafkap

Assez d'accord avec Augustissime. Même si maitre Lafarge met tout ce qu'il a lors du procès, la défense donne l'impression d'être préparé dans l'urgence. Avec les approximations de V.L. lors des interrogatoires directs, c'est du velours pour le juge....

Eolas:
Merci de votre avis d'expert en divination pénale. Car moi qui suis un peu versé dans la chose, je n'ai pas trouvé dans cet article quoi que ce soit pour apprécier la qualité du travail de mon confrère, qui n'est pas le sujet de l'article.

19. Le vendredi 19 septembre 2008 à 21:39 par noisette

Bonjour,

@ Augustissime:

je comprends tout à fait que l'on puisse avoir votre impression à la lecture de l'article, je l'ai presque partagé parfois, mais il faut se dire que ce récit tente de condenser (ce n'est pas une critique) plusieurs heures de dialogues en quelques échanges seulement.

Par ailleurs, le journaliste a sans nul doute réservé une certaine intimité aux deux hommes, si ils ne se la sont pas réservé eux-même par ailleurs.

Enfin, il semble que l'accusé se soit mis dans une sorte de position de déni des faits (sans préjuger de ce qui s'est passé, simplement: il ne souvient de rien), vis à vis même de son avocat, qui n'aura pu, là encore semble-t-il, obtenir la moindre assurance sur ce qui s'était passé.

A l'impossible, nul n'est tenu. Et l'avocat sans le concours de son client le défend forcément moins bien. D'expérience, je peux vous garantir qu'un esprit pris par la peur, ou par une usuelle étroitesse, a bien du mal à le réaliser ... à temps.

Au final, le déroulement du procès est assez limpide, on voit bien comme les choses se sont passées, alors que l'entretien entre l'accusé et son avocat garde une grande part de mystère.


Au final aussi, et c'est surtout ça que je relève de ce récit, j'ai la désagréable sensation que le verdict s'accommode d'absence totale de certitudes, et d'irrégularités flagrantes (empruntes sur l'arme). Là encore, je ne me fie qu'au récit, c'est peut-être trompeur, et forcément réducteur.

Eolas:
Bravo pour votre analyse.

20. Le vendredi 19 septembre 2008 à 21:53 par Oph

Quelles que soient les questions que l'on se pose sur toute la partie non dite, et que d'autres ont posées plus haut, cet article est très intéressant et happe fort efficacement le lecteur.
Merci pour ce conseil de lecture, Maître.

21. Le vendredi 19 septembre 2008 à 22:02 par Joel

Noisette a raison : c'est bizarre ce verdict. L'accuse
est reconnu coupable de meurtre. "Un meurtre c'est trente ans" disait l'avocat. Alors pourquoi douze ans ? Des circonstances attenuantes ? Mais lesquelles ? L'alcool, peut-etre ?
Le jugement n'en parle pas, et si j'ai bien retenu mes lecons Eolas, c'est une notion qui n'existe plus. On a vraiment l'impression en fait que la cour fait un calcul "d'esperance da gain", du genre: "Bon, une chance sur deux que ce soit lui qui ait tire, 30 ans fois 1/2, ca fait 15 ans. Allez, retirons-en trois car il a des meurtres plus horribles, on est pas des monstres : 12 ans". Et c'est une impression desagreable.

On se dit que les peines minimales auraient un avantage : dans le doute elles pousseraient le jury a acquitter. Alors que la, on a l'impression que le jury se sert de tout l'evenatil des peines a disposition, de 0 a trente ans, pour evaluer une probabilite de culpabilite (alors que cela devrait etre binaire, coupable ou non).

A part ca, moi j'ai etais toujours cru que Pascale R.-D. = Aliocha. Le message 3 me dit l'inverse, mais je me mefie quand meme, elles sont capables de tout, ces journalistes.

Eolas:
Non, Aliocha n'est pas PRD. Elles ont chacun leur blog, et PRD n'a jamais été avocat.

Quand mon confrère dit "un meurtre, c'est trente ans", il mentionne la peine maximale encourue, par opposition à 5 ans pour un homicide involontaire. Quant à annoncer la peine qui va être effectivement prononcée, c'est impossible aux assises. Tout dépend du déroulement des débats, et une phrase peut être fatale.

22. Le vendredi 19 septembre 2008 à 22:20 par Etudiant

Excellent cet article.

"Ça se fait pas de se suicider chez les autres. Et il a foutu mon salon en l'air. Il y en avait pour cinq plaques."

J'en pleure :')

23. Le vendredi 19 septembre 2008 à 22:50 par DM

Lorsque j'habitais aux États-Unis, des jeunes d'une ville voisine (pauvre) avaient tué quelqu'un d'un quartier plutôt bourgeois en le rouant de coups, afin de le voler. On m'avait dit qu'ils risquaient effectivement la peine capitale, bien plus qu'une personne impliquée dans un meurtre "privé". En effet, le juge, les membres du jury pouvaient très facilement s'imaginer à la place de la victime, et nettement moins à la place de l'agresseur.

Ici, je pense que peu de membres du jury ont pu se mettre à la place d'une personne frustre, capable d'inviter un quasi inconnu à une soirée et de se soûler pareillement, et peut-être propriétaire d'une arme. Le français moyen ne fait rien de tout cela.

En même temps, ils ne devaient pas non plus s'imaginer à la place de la victime...

@Eolas: Avez-vous déjà constaté par vous-même ce genre de phénomène, à savoir une sentence semblant dépendre de la proximité sociale du juge ou du jury avec la victime ou l'accusé?

Eolas:
Je n'ai pas une expérience des assises assez foisonnante pour faire des statistiques pertinentes. Robert Badinter a raconté dans un de ses livres comment il avait écarté une infirmière du jury qui a jugé Bontems, car la victime était infirmière. Avant d'apprendre que cette infirmière était aussi présidente du comité départemental pour l'abolition de la peine de mort. La lecture d'une situation en termes de classes aboutit toujours à des tragiques erreurs. Marx l'a démontré à son corps défendant.

24. Le vendredi 19 septembre 2008 à 22:58 par Cyberkek

J'ai été retenu sur les listes électorales pour être juré, peut-être ne l'aurais-je jamais été, peut-être aurais-je été révoqué, mais ma situation professionnelle faisait à ce moment là que je ne pouvais répondre positivement à la convocation. Je voyais cela comme un acte citoyen dont je regrette encore de ne l'avoir accompli...
Je sors juste de la lecture de l'article, j'ai le souffle court, je sens un poids sur mes épaules, je mesure la gravité du rôle de juré, la difficulté du justiciable moyen à convaincre quand il fait face et s'appuie sur des personnes bien mieux loties que lui dans la maîtrise de la langue, la force de l'avocat comme une béquille pour le médiocre orateur qu'est le prévenu, l'étroitesse de vue du juge qui sait pourtant bien qu'il évolue dans une sphère à mille lieues de de ce dernier, la faiblesse des jurés devant ce qui se joue pour eux, et je suis mal à l'aise pour tout dire. Merci donc à cette remarquable journaliste qui m'a transporté avec elle durant cette session d'assises.
Mais je reste troublé par la fatalité, que dis-je, l'improbable possibilité que ces gens qui ne maîtrisent guère les codes sociaux en vigueur dans les tribunaux puissent en sortir libres ou indemnes. Ayant travaillé avec des juges pour enfants (mais jamais aux assises), je constate qu'il est possible dans ce cas précis de faire quelque peu abstraction des carences et lacunes des gamins. Je n'entrevois guère l'espoir qu'il en soit de même pour des adultes, d'autant plus peut-être quand les faits reprochés sont si graves. Dure leçon...

25. Le vendredi 19 septembre 2008 à 23:04 par Poilauxpattes

C'est bien plus qu'un "extraordinaire article", c'est un chef d'œuvre. C'est vrai qu'il est impossible de s'arrêter quand on a commencé.
Dès les premiers mots on est pris dans cette terrible et ensorcelante aventure du procès d'assises.

C'est à la fois passionnant et effrayant selon le personnage auquel on s'identifie.
On imagine combien le fil de la vie peut vous happer en un instant dans le tourbillon d'une situation dramatique qui dérape dans le sordide.
On imagine combien l'avocat de la défense doit faire preuve d'humilité et composer avec les éléments du dossier, certains probables mais douteux, d'autres douteux mais probables.
Combien la personnalité de son client peut être un paramètre insaisissable : une image d'innocent mais un tempérament de coupable, ou inversement.
On imagine combien le président, l'avocat général, les jurés sont en quête d'une vérité qui reste virtuelle et qui existe pourtant.

Ce monde est à la fois captivant et terrifiant.

Allez hop... après le blog d'Aliocha, je marque maintenant celui de Pascale Robert-Diard.
Vous en avez encore beaucoup d'autres à nous faire découvrir ?

26. Le vendredi 19 septembre 2008 à 23:06 par salah

Que Dieu pardonne à Pascale Robert-Diard ! ‎
Je m’étais accordé 10 minutes pas plus pour faire un tour rapide du blog Eolas. En lisant le ‎billet de Gascogne et les commentaires ,j’ai ouvert le lien à cet article indiqué par Fred. ‎
‎1 heure 30 cela m’a pris à le lire et à relire certains passages savoureux. Impossible de m’en ‎détacher .C’est à s’en méfier c’est de l’écriture magnétique elle ne vous lâche pas .

27. Le vendredi 19 septembre 2008 à 23:24 par Remy

La défense décodée en contrepèterie ca fait La défonce décédée

28. Le samedi 20 septembre 2008 à 01:42 par PEB

Excellent article.

L'attitude de l'avocat n'est pas pure empathie. Son rôle est de mettre en forme la thèse de son client. Un commentateur a très justement noté qu'en ce qui concerne l'accusé, la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a. L'esprit embrouillé, le manque de tact, le regret trop tardif, tout cela ne plaidait pas en sa faveur. Et l'avocat, aussi brillant soit-il, doit faire avec ça.

Le pénal, surtout lorsque le Peuple est convoqué pour juger en souverain, est sans doute aussi une histoire de séduction. Le travail sur l'accusé peut dépasser les seuls forces de sa défense. Dur à encaisser.

L'excellent Me Vergès jubilait intérieurement pourtant durant le procès Barbie. Devant la horde des conseils de la partie civile, il se la jouait seul contre tous, tel la figure de proue du Titanic devant l'iceberg: I am the king of the World! (sortez les violons). Au fond, il était le seul avocat que tous écoutaient vraiment. Mais, l'espèce était un procès à grand spectacle à caractère historique et politique. Le commun doit plutôt ressembler à une drôle de galère. Reste ensuite le SAV: veiller aux condtitions d'exécution (de la peine seulement, cela va sans dire).

29. Le samedi 20 septembre 2008 à 03:46 par Stephane

On réagit comment en tant qu'avocat de la défense à ce genre de phrase ?

"– Eh bien, voilà ! Il faut le dire : vous avez menti parce que vous aviez peur.
– Et ça, c'est vrai, en plus.
– Pourquoi en plus ? Le reste, ça ne l'est pas ?
– Euh…"

Eolas:
Il ne s'agit pas d'un aveu spontané, relisez bien la scène. C'est une formule toute faite, le “en plus” qui sert d'emphase, mais qui, pour quelqu'un qui ne connaît pas le style habituel de l'accusé, peut passer pour un aveu. Bref, une tournure de phrase désastreuse qu'il faut bannir.

30. Le samedi 20 septembre 2008 à 04:23 par Humstel

@Eolas: merci pour le renvoi, l'article était passionnant en effet.

@Augustissime : "il semble inconcevable que l’accusé arrive au procès sans un discours totalement cohérent et clair"
Je plains le pauvre accusé qui se présente face à un jury avec un discours parfaitement appris, répété, formaté et finalement ne laissant apparaître aucune émotion qui ne serait simulée - "ça serait bien bien que vous pleuriez un peu, là". Qu'il est difficile d'être cohérent et clair tout en restant naturel.
L'audience n'a rien d'un grand oral de l'ENA. Et V. n'a peut-être pas l'élasticité intellectuelle pour assimiler et ressortir du tac-au-tac et avec naturel la version idéale de la défense parfaite.
L'article montre bien comment l'avocat travail le langage inconscient de V. en le réfrénant dans ses attitudes-réflexes, les saillies qui pourraient lui nuire. En ce sens, son travail est mille fois plus efficace qu'un quelconque apprentissage par coeur d'une "version" (sic).
Pour conclure, je ne vous souhaite pas d'avoir à vous défendre d'une accusation de meurtre. A moins qu'Eolas ne le fasse pour vous ?

Autre chose, sur l'article.
Etonnant à la fin de l'article ma sympathie a été vers l'avocat "vidé" et qui a échoué. Le coupable, puisqu'il en a été décidé ainsi, va pourtant passer un certain nombre d'années (l'article dit 12, les fera-t-il toutes ?) en prison.

31. Le samedi 20 septembre 2008 à 04:30 par Humstel

@Remy (27) "La défense décodée en contrepèterie ca fait La défonce décédée"
Je ne pense pas car la phonétique d'un des "c" n'est pas respectée.
Ce n'est pas non plus un anagramme car le "e" qui s'échange avec l'"o" a un accent dans un cas et n'en a pas dans l'autre.

32. Le samedi 20 septembre 2008 à 07:31 par Mathaf Hacker

Très bel article pris "in vivo", j'y vois la difficulté de défendre un client malgré lui, de gommer ses aspérités et ses maladresses. Dans d'autres domaines, comme la gestion de crise, la concentration est tellement intense que l'on échappe pas à l'effet de "décompensation". Une fois arrivé à conclusion, cela demande un effort pour renouer avec un monde normal et banal, au milieu de gens qui ignorent tout des évènements vécus.

Eolas:
Décompensation. Je crois que vous avez trouvé le mot juste.

33. Le samedi 20 septembre 2008 à 08:10 par Serge

@Humstel (#31) :
« Ce n'est pas non plus un anagramme car le "e" qui s'échange avec l'"o" a un accent dans un cas et n'en a pas dans l'autre. »

Ah si. On ne tient pas compte des accents dans ce genre d'exercice ; un exemple célèbre : Révolution française/Un veto corse la finira.

On dit « une » anagramme, au fait.

Retour à l'article. Fascinant de voir un avocat se battre avec la matière première fournie pour bâtir une défense.
Vous avez vu « l'Affaire Von Bulow » ?

Eolas:
Bien sûr. Un chef d'œuvre, à voir en VO pour Jeremy Irons. La tirade de Dershowitz sur "everybody get a defense" est à montrer dans toutes les facs de droit.

34. Le samedi 20 septembre 2008 à 08:47 par Muscardin

Enorme.

35. Le samedi 20 septembre 2008 à 09:15 par Jean

Article fascinant, passionnant, captivant... émouvant aussi, qui redonne visage humain à un prévenu que les média auraient unanimement décrit comme un monstre.

Article qui fait peur aussi : 2 heures auront suffi à des jurés par nature inexpérimentés, pour trancher et le déclarer coupable, sans réelle preuve en vérité, aux termes d'une affaire qui aura nécessité des mois de préparation. Un verdict qui résulte probablement davantage de la présence d'une famille endeuillée, de la maladresse d'un prévenu, de photos choquantes, et au final de la conviction intime des jurés, plutôt que de l'examen des faits et de l'exploitation de la preuve ou des éléments du dossier.

Et le pire, c'est qu'on (et "on" inclut la famille du défunt) ne saura sans doute jamais si c'était un coup de feu parti accidentellement, ou au contraire tiré intentionnellement. La vérité des faits restera un mystère, et la seule que nous verrons c'est un homme en prison pour des faits dont il n'était peut-être pas responsable, ou pas autant.

L'on notera enfin que "l'argent lui était monté à la tête". L'on a déjà du mal à comprendre clairement ce que cela signifie en langue française, mais alors encore plus dans un contexte judiciaire ! Sauf à en comprendre que depuis 1789 l'on se plaît en France à couper les têtes qui dépassent ("il gagne de l'argent, forcément c'est louche et forcément ça le rend mauvais"), et qu'on arrive finalement à ériger la réussite au rang du crime.

Eolas:
Le sujet de l'article n'est pas l'affaire SB ni même le procès ; c'est la défense pénale. En étant hors sujet, vous vous condamnez à ne pas pouvoir comprendre.

36. Le samedi 20 septembre 2008 à 09:16 par PEG

Quelque chose sur lequel n'insiste pas assez la journaliste, qui à mon avis s'abîme un peu trop dans la narration, c'est cette tendance, surtout depuis quelques années, des jurys d'assises à donner des "demies-peines." La qualification de coups mortels de la première cour d'assises, c'est une absurdité complète, et l'avocat a raison de le signaler. Mais il faut aller plus loin: depuis un bon nombre d'années les cours d'assises, lorsqu'il y a un doute, au lieu d'acquitter, condamnent à demi: 7 ans, 10 ans pour un meurtre... C'est ça qui est scandaleux. Ces demies mesures, ce refus de trancher entre coupable et non coupable. "Il est peut être innocent, peut être coupable, on sait pas, donc on va le foutre au placard la moitié de la peine." C'est peut être comme ça à Cuba, mais dans une démocratie le doute profite à l'accusé. Et c'est absurde: soit il est coupable et il doit subir toute la peine, soit on n'a pas réussi à le prouver et il doit être relâché. Comme le dit Me Lafarge, c'est loin d'être la justice idéale. Le boulot du journaliste, c'est de mettre les choses dans leur contexte, et elle aurait dû le faire sur ce point.

Sinon je suis d'accord avec vous, malgré une-deux lourdeurs de style, excellent article. Vraiment formidable. Comme quoi une fois tous les dix ans, le Monde produit quelque chose de bien. (Moi, méchant? Naaaan...)

Eolas:
Houla. Je me rends compte que vous n'avez pas retenu grand'chose de mes leçons. Quand la loi dit que le meurtre est puni de trente ans, elle ne dit pas que tout meurtrier devra être condamné à trente ans. Elle dit que tout meurtrier doit être condamné, et qu'au maximum cette condamnation sera de trente ans. Face au pire des tueurs. Qui n'éprouve aucun remord pour son geste, révélant un mépris pour la vie et une facilité du passage à l'acte. Il y a des meutriers qui reconnaissent le geste, qui est au demeurant établi. On est au-delà du doute, dans le domaine de la certitude. Et pourtant, il ne se prend pas trente ans. Car déjà, il reconnaît son geste, premier pas vers l'amendement. Les circonstances peuvent expliquer le geste, circonstances exceptionnelles dont on n'a pas à craindre qu'elles se renouvellent. Ici, ce qui joue contre VL, c'est son incapacité à reconnaître ce qui s'est réellement passé. Ce qui joue en sa faveur, c'est l'attitude provocatrice de SB, qui jouait de sa supériorité intellectuelle et qui était aveuglé par son mépris pour VL. Pour le reste, ni vous ni moi n'étions dans le prétoire.

37. Le samedi 20 septembre 2008 à 09:28 par boratkehul

Augustissime, vous m'impressionnez.

Où avez-vous vu que la défense et le droit en général étaient scientifiques ?

En procédure pénale, plus qu'ailleurs, il faut convaincre le juge en apportant la preuve de sa prétention. en clair, l'administration de la preuve sert à élaborer un scénario rendant probable le déroulement des faits.

Le juge apprécie les preuves selon son intime conviction, en clair selon sa sensibilité, il importe à la défense - comme à l'accusation - d'organiser les preuves de sorte à servir ses intérêts.

En étudiant de nombreux dossiers, j'ai le sentiment que la procédure pénale française se rapproche de son homologue américaine. Maître EOLAS qui est américanophile devrait confirmer.

bon we

Eolas:
Je vous confirme qu'elles n'ont rien à voir.

38. Le samedi 20 septembre 2008 à 09:41 par Jean

Très bon et très intéressant article...

La défense pénale fascine toujours!

De là à dire "presque du Camus"... il y a un pas que je n'oserai pas franchir.....

PS: y a une Jean qui n'est pas moi plus haut...

39. Le samedi 20 septembre 2008 à 10:07 par Augustissime

@boratkehul
"Où avez-vous vu que la défense et le droit en général étaient scientifiques ?"
Ben ici, il y a plein de magistrats savants et d'avocats brillants (pardon pour les pléonasmes) qui expliquent régulièrement que le droit est une science.

Alors moi, naïvement, je m'imaginais que les avocats possédaient a minima quelques bases de données statistiques : coups mortels c'est tant, homicide c'est tant, la thèse de l'accident contre l'évidence ça donne quoi en moyenne, la contrition ça a tel effet sur la peine, ... Et je m'imaginais que les stratégies de défense s'appuyaient, en plus des connaissances juridiques, sur ces données objectives et quelques compétences psychologiques.

Je suis un peu déçu. En France, le droit semble être une science encore un peu molle.

Eolas:
Je vous renvoie aux nombreux développements de ce blog sur le fait qu'on peut être une science sans être une science exacte, ou “dure” pour reprendre vos anglicismes. Votre naïveté n'excuse pas l'inattention.

40. Le samedi 20 septembre 2008 à 10:41 par boratkehul

augustissme: ce n'est pas une science dure. Le droit est une science humaine, contrairement à la biologie & Cie.

Je vous rappelle que les coups mortels et homicide sont définis par le code pénal: il y a une peine maximum. La peine est définie par le juge.

C'est ce qui s'appelle l'individualisation de la peine...

Eolas:
Augustissime est quant à lui une peine collective.

41. Le samedi 20 septembre 2008 à 11:33 par Augustissime

@boratkehul
"Je vous rappelle que les coups mortels et homicide sont définis par le code pénal: il y a une peine maximum. La peine est définie par le juge."

Comme vous êtes savant ! Où diable avez-vous appris tout ça ?

Eolas:
J'ai l'impression qu'une nouvelle cure de Troll Detector™ vous apprendrait à nouveau les bonnes manières ; toujours ce problème de mémoire à long terme.

42. Le samedi 20 septembre 2008 à 11:59 par Veux d'elle

"Extraordinaire" le mots est tout à fait pertinent. Excellent article de PRD, chroniqueuse de génie qui restitue les ambiances sans pareil et nous tend d'émotion au fil du récit. Elle nous rend humain les acteurs d'une justice encore trop perçue comme une mécanique froide et fait revivre un moment tragique de la vie de nos sociétés.

Et entre le récit ou le documentaire télé, franchement, la frontière devient de plus en plus ténue et c'est tant mieux. Tout le monde est gagnant à connaître le fonctionnement de l'institution essentielle de la Justice. Les hommes extraordinaires qui les composent aussi.
Merci PRD

43. Le samedi 20 septembre 2008 à 12:19 par brasileiro

pfou!!! comme un coup au plexus.

44. Le samedi 20 septembre 2008 à 12:20 par Duralex Sex Led

L'article est très bien. Il met bien en évidence le rôle de l'avocat dans la préparation de l'accusé.

Les phrases:
"Parce que, pour que cette cour juge qu'elle n'a pas les moyens de vous condamner, sur la base de ce dossier, il faut qu'elle soit composée de gens remarquables."
"La justice idéale, c'est : quand on a un doute, on acquitte. Mais la justice réelle, c'est rarement la justice idéale, V. On condamne même quand on doute. Vous comprenez ?"
sont terribles à entendre pour un inculte comme moi qui croit que le justice c'est pareil que la Justice.
Moi le "Vous comprenez ?", je ne le comprends pas.

Ca arrive souvent qu'une personne soit condamnée avec aussi peu d'évidence ?

Eolas:
De preuves. Evidence, c'est de l'anglais. Manque de preuves ? Mais le manque n'est pas si patent. Vous avez un cadavre le visage emporté par un coup de fusil de chasse à bout portant, un seul être vivant dans le salon après le drame, le fusil lui appartenant, et on est chez lui. Un expert en balistique démolit la thèse du suicide au point de faire vaciller un excellent avocat. Le jury sait que c'est le doigt de VL qui a pressé la queue de détente. Il attend une explication plausible pour être convaincu que ce n'est pas VL qui a tiré en visant la tête de SB. L'explication ne vient pas. Il n'en reste qu'une. C'est tout.

45. Le samedi 20 septembre 2008 à 12:30 par Aime

La lecture s'achève, on ferme les yeux et on se laisse aller à un long moment de réflexion. C'est fascinant le pouvoir que peut avoir un bon papier.

Flashback. J'ai l'impression de me retrouver devant cette cours d'assise où nous avait emmené un prof de Français en classe de première (madame avait tiré quelques balles de révolver sur son mari quand celui-ci s'est mis en tête de lui infliger une raclée de plus, une de trop).

Expérience dont on sort avec un regard différent sur la justice, sur la notion même de bien et de mal et avec une idée terriblement précise du poids qui pèse sur ces jurés si mal préparés.

A défaut d'être un jour juré, on devrait tous vivre au moins une fois un procès en spectateur pour ensuite relativiser les décisions et les mécanismes de cette justice qu'on a sinon tendance à trop vite condamner.

Un grand bravo à PRD ... et un autre au maître de ces lieux qui selon moi n'est pas pour rien dans le fait que depuis peu on considère (enfin !) la défense d'un oeil neuf.

46. Le samedi 20 septembre 2008 à 14:08 par henriparisien

@Duralex Sex Led

Le dossier ne nous est pas présenté dans son intégralité et est vu du coté de la défense. Maintenant, en conclure par « Ca arrive souvent qu'une personne soit condamnée avec aussi peu d'évidence ? » me paraît un peu fort.

Les évidences sont quand même du coté de l’accusation : On a une personne, qui invite une autre personne chez elle, boit beaucoup d’alcool, a une dispute en présence de tiers, et au final un mort en présence du seul accusé, tué par une arme qui lui appartient.

47. Le samedi 20 septembre 2008 à 14:27 par siro

Un bon article.
J'ai entendu quelque part que la première des circonstances atténuantes est la peur, celle-ci étant aisément comprise par tous.
Il me semble tout de même qu'avec un accusé un peu épais comme celui présenté, l'avocat aurait pu être un tantinet plus vigilant, ceci après le témoignage de l'expert assurant une impossibilité de suicide (la détente de l'arme étant trop éloignée), a partir de ce moment il aurait sans doute fallu insister pour faire reconnaitre a son client qu'il a sûrement ou peut-être touché l'arme devant l'audience; et ainsi continuer sur le doute et la confusion.
Sinon, effectivement excellente préparation, et même un peu épais comme j'ai pu qualifier l'accusé, le coup du <<vous n'aviez jamais touché l'arme avant les faits>> a été déjoué. je dois reconnaitre que pour ma part j'ai été bluffé.

48. Le samedi 20 septembre 2008 à 14:31 par Saule Coates

Finalement, vous faites peut-être un beau métier.

49. Le samedi 20 septembre 2008 à 14:39 par juju

Epargnez-nous vos soufrances lors des procès et dites-nous votre salaire net par mois.
Je suis sur que vous êtes vraiment a plaindre.

Eolas:
Aigri, ou seulement jaloux ?

50. Le samedi 20 septembre 2008 à 15:02 par boratkehul

c'est simple : vous lisez le code pénal: on vous donne la peine maximum pour tel ou telle infraction, faut lire le code pénal. après c'est à la discrétion des juges...

51. Le samedi 20 septembre 2008 à 15:23 par Graou

Première fois que je prends la plume (le clavier?) pour laisser un commentaire sur ce blog que je parcours cependant si régulièrement mais je dois avouer qu'un propos précédent me laisse pantois.

@juju #50: quel est le rapport avec le salaire? Je n'ai pas trouvé de demande de la part d'Eolas en ce sens: il se contente de nous faire partager (comme régulièrement) un article de presse et pour une fois l'approuve sans réserve. La responsabilité professionnelle peut être une question d'argent, la responsabilité morale, l'investissement intellectuel, le lien (éphémère mais si puissant comme le souligne l'hôte de ces lieux) avec le client ne sont pas de ce domaine. Eh dehors du cliché habituel sur richesse scandaleuse des avocats, ce propos ne fait que vous desservir.

Je ne saurais que trop vous conseiller de suivre un procès en son intégralité, de vous imprégner de l'ambiance si lourde d'une Cour d'Assises, d'avoir la respiration qui se coupe parfois devant le récit des témoins ou des victimes, d'avoir les yeux qui ne peuvent assumer certaines images. Une fois que cette ambiance installée, tentez de la mettre de coté, pour ne voir que l'aspect technique de l'affaire qui se déroule sous vos yeux et la meilleure manière de la présenter pour tenter de sauver votre client, quitte à devoir vous adapter au dernier moment avec ce que cela suppose d'aléas et de stress. La difficulté de l'exercice devrait vous convaincre que les honoraires ne sont pas à ce moment précis la question essentielle.

Eolas:
Panneau : Don't Feed The Troll

52. Le samedi 20 septembre 2008 à 15:35 par GreG

Oui c'est un superbe article qui met bien en relief la relation entre l'avocat et son client, lesquels ne font plus qu'un et se retrouvent pour ainsi dire seuls contre tous.
On a surtout de l'avocat l'image d'un technicien, d'un stratège et d'un orateur, mais ici on le découvre également psychologue, pédagogue et complètement dévoué au devenir de son client.
Aussi j'imagine que lorsque l'on parle d'un crime et que l'enjeu est aussi lourd qu'une peine d'assises, la pression doit être énorme.

@ juju # 48 : Puisque vous considérez l'argent comme un antalgique on peut en déduire qu'ils peuvent bien gagner leur vie, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas de tous, et puis surtout je crois savoir qu'ils perçoivent des honoraires ou éventuellement des pourcentages, mais pas salaires mensuels, si ?

Eolas:
Non, en effet. 10% des avocats n'arrivent pas à se faire un SMIC par mois.

53. Le samedi 20 septembre 2008 à 15:39 par Nemo

Superbe article. Merci Eolas de vous en être fait l'écho en ces lieux.
Cela nous change du manichéisme ambiant auquel la presse nous habitue, insultant l'intellect de ses lecteurs.
Nous devrions être reconnaissants de l'humanité de la Justice que nos chers gouvernants par populisme lâche voudraient à tout prix automatiser.
Bravo à Pascale Robert-Diard.

54. Le samedi 20 septembre 2008 à 15:46 par Lulu

"Article qui fait peur aussi : 2 heures auront suffi à des jurés par nature inexpérimentés, pour trancher et le déclarer coupable, sans réelle preuve en vérité, aux termes d'une affaire qui aura nécessité des mois de préparation. Un verdict qui résulte probablement davantage de la présence d'une famille endeuillée, de la maladresse d'un prévenu, de photos choquantes, et au final de la conviction intime des jurés, plutôt que de l'examen des faits et de l'exploitation de la preuve ou des éléments du dossier".


Cher Jean, que savez-vous de la manière dont la Cour et les jurés ont travaillé?

Je vais peut-être vous vexer, mais je vous trouve bien prétentieux.

Car vous-même, après une demi-heure de lecture de cet article, fort bien écrit certes, vous estimez avoir une vision plus juste de cette affaire que ces jurés qui ont:

assisté à l'ensemble de l'audience (plusieurs jours), assisté à la lecture de l'ordonnance de mise en accusation, entendu tous les témoins, vu les albums photographiques de la scène de crime (et oui c'est important, parce qu'un décès c'est cela aussi), entendu les enquêteurs, entendu les experts, entendu l'avocat général et l'avocat de la défense...

Bref, ce sont les jurés qui ont connaissance de tout le dossier, et pas nous, qui savons seulement ce que Mme Robert-Diard en a raconté.

Ces jurés se sont réunis, ont entendu ce que chaque juré avait à exprimer, ont débattu... Et ont pris leur décision en connaissance de cause.

Soit dit en passant, 2 heures pour un délibéré d'assises, c'est relativement court. En règle générale, le minimum est d'1h15 ou d'1h30 car il faut prendre du temps pour expliquer aux jurés les règles du vote. Ce qui permet de supposer que dans cette affaire, les jurés n'ont pas ressenti le besoin de discuter très longtemps du principe de la culpabilité.

En tant que magistrat, je siège régulièrement aux Assises (j'y serai d'ailleurs dans deux jours). Croyez-vous que mes collègues ou moi-même, et les jurés condamnons quelqu'un uniquement sur quelques impressions d'audience sans disposer de preuves suffisantes?

Donc pas de jugement péremptoire sur le travail de cette cour et de ces jurés....

Je suis d'accord avec Eolas et avec tous les posts écrits ici sur la qualité de l'article de Pascale Robert-Diard, dont j'apprécie le style. Il n'empêche qu'il ne s'agit que d'un point de vue sur l'affaire (et Mme Robert-Diard s'est clairement placée du point de vue de la défense). Et pas de la Vérité sur cette affaire.

Eolas:
Absolument, et son auteur ne dit pas autre chose. Le tire, c'est « la défense décodée » ; pas « une erreur judiciaire à la cour d'assises de … ». Vous noterez d'ailleurs qu'à la fin, l'accusé ne s'écrie pas “ mais je suis innocent ! ”

55. Le samedi 20 septembre 2008 à 15:51 par Duralex Sex Led

@henriparisien
J'imagine qu'il y a plus d'arguments que ça (siro en 47 par exemple). Mais de la manière dont c'est présenté, on croirait le type innocent. Les phrases "Parce que, pour que cette cour juge qu'elle ..." sont terribles à entendre.

@juju: Ton humour 25ème degré est trop drôle.

56. Le samedi 20 septembre 2008 à 16:19 par CEDHnow

ben c'est clair qu'on envoie quelqu'un en prison pour 12ans 2h de reflexion c'est pas trop long surtout devant l'absence de preuve..enfin on a l'intime conviction en France et on ne motive pas les arrets de la cour d'assise cela evite d'avoir a expliquer les condamnations aussi lourde..

sinon j'espere qu'il ira a la cour europeene des droits de l'homme suite au propos du juge lors de l'audience pour violation du droit a un proces equitable..

En tout cas présomption de culpabilité + intime conviction, c'est presque impossible de s'en sortir.

Eolas:
Ça me paraît peu probable : il faudrait d'abord qu'il se soit fait donné acte des propos du juge, puis qu'il se pourvoie en cassation en soulevant la violation de la CEDH avant de pouvoir aller à Strasbourg.

57. Le samedi 20 septembre 2008 à 17:27 par Ti

Excellent article, lu ce matin.
Fascinant pour un assesseur d'assises, voir ce qui se passe de l'autre côté, même si on en pressent beaucoup.

je confirme : on ne dort pas bien avant, pendant et après un procès d'assises.
La tension est très forte, trop forte trop longtemps...

On aimerait même tomber dans le coma.

Et se taise le monde, au moins un moment

58. Le samedi 20 septembre 2008 à 18:49 par Shahine

@CEDHnow
2h, mais bien sûr, la cour et les jurés ne réfléchissent que pendant le délibéré, pendant les 4 jours, aux pauses, lors du repas, ils ne réfléchissent pas, le soir, chez eux, ils n’y pensent pas et ils dorment comme un loire. Par contre certain, en 15 minutes à la lecture de ce bel article nous déclare qu’il n’y a pas de preuve.

59. Le samedi 20 septembre 2008 à 19:55 par Augustissime

@boratkehul
"c'est simple : vous lisez le code pénal:"

Vous êtes décidément brillant et cultivé.

Savez-vous quel est l'auteur de ce "code pénal", pour que je puisse le trouver en librairie ?

60. Le samedi 20 septembre 2008 à 21:23 par Siskotte

@Augustissime : une ptite tisane et hop au lit !! xD

61. Le samedi 20 septembre 2008 à 21:57 par Shadoko

Tiens, l'avocat général est le même, cela signifie donc que l'audience d'appel a lieu devant la même cour que la première audiance ?

Eolas:
Non : cela signifie que la deuxième siège dans le ressort de la même cour d'appel (exemple : 1e audience : Créteil ; 2e audience, Paris).

62. Le samedi 20 septembre 2008 à 21:57 par Anaca

ah, quel article !!!
je voulais réagir (une fois n'est pas coutume !)
n'étant pas abonnée au site du monde2... c'est ici (parce que grâce à l'éloge de maître Eolas, je me suis précipitée sur le lien...) que je dirai mon admiration, et pour le travail de Pascale Robert Diard (merci merci pour cet article !) et pour le travail des Avocats, qui se retrouvent avec lourd fardeau...

et les autres, me direz-vous ? oui, les jurés, les magistrats, tous les intervenants à un procès d'assises ne doivent pas forcément se sentir "légers" dans ces moments là, mais l'article avait cinq protagonistes principaux : "Ils sont donc cinq : un mort, un accusé, un dossier, un avocat et le code pénal".
de ce point de vue là, le texte était très fort, m'a émue.

63. Le samedi 20 septembre 2008 à 22:04 par Louis BAPTISTE

J'ai lu cet article moi aussi. Super intéressant, et très bien écrit. Certains journalistes pourraient s'en inspirer...

64. Le samedi 20 septembre 2008 à 23:48 par Marcel

A la différence, Lulu, que Jean ne prétend pas **savoir** ce qui s'est réellement passé dans cette affaire. Il prétend juste que cette affaire laisse des questions en suspens, qu'il y a un gros doute. Et un gros doute, c'est censé bénéficier à l'accusé. Si l'homme a été condamné, alors, c'est qu'il n'y a plus de place aux doutes. C'est que les jurés savent. Ils ont décidé, en 2 heures, qu'ils savaient, hors de tout doute raisonnable. Dans une affaire sans témoin et sans preuve matérielle (pas d'empreinte), ça paraît fort de café. Certes, on a le point de vue de la défense, mais il ne me semble pas que l'accusation aie prétendue qu'il y avait des témoins oculaires, ni des empreintes de l'accusé sur le fusil.

Alors, à la question Croyez-vous que mes collègues ou moi-même, et les jurés condamnons quelqu'un uniquement sur quelques impressions d'audience sans disposer de preuves suffisantes? La cour répond oui, oui, mille fois oui. Et tous les jours. C'est juste évident qu'il y a des condamnations sans "preuve indiscutable" : une preuve indiscutable, c'est une preuve matérielle ou un témoin oculaire à peu près neutre. Dans cette affaire, il y a ni l'un, ni l'autre.

A la question : Croyez-vous que les collègues de Lulu oui lui-même, et les jurés, condamnent parfois à des "demi-peines" de 5 ou 10 ans, mi-figue mi-raison, pour "coups mortels", pour trancher la poire en deux, parce que personne ne sait exactement ce qui s'est passé, alors que la bonne façon de faire dans un tel cas, c'est d'acquitter, la cour a répondu oui, oui, mille fois oui, et ce dossier en est un exemple, mais des exemples, il y en a plein. Outreau (désolé d'y revenir) en était un d'ailleurs, où en première instance des gens reconnus coupables de faits monstrueux ont pris des peines tout à fait légères, voire symboliques : par magnanimité pure, vraiment ?

Evidemment qu'il arrive que des gens soient condamnés sur "intime conviction" et non sur "preuve indiscutable" comme vous le prétendez. Cette affaire en est une, faute de témoins et faute de preuve matérielle.

Eolas:
Désolé, cher Marcel, mais vous êtes totalement passé à côté de l'article. Cet article ne raconte pas une affaire : il ne nous donne aucun élément du dossier hormis ceux abordés lors de l'entretien, ni aucun élément du procès hormis ceux où la défense joue un rôle actif, soit qu'elle marque des points, soit qu'elle en encaisse. Il parle d'un procès vu du point de vue de la défense. Il vise à faire comprendre ce que vit, ce que ressent un avocat de la défense. Ce n'est pas un “soyez le juge”, la cour a-t-elle bien jugé, envoyez coupable ou non coupable par SMS au numéro surtaxé suivant.

Et puisque vous avez envie de refaire le procès malgré tout, dites-moi : VL crie-t-il à son innocence quand il se prend les 12 ans, ou remercie-t-il son avocat ? Je vous donne un indice. Un innocent condamné lourdement ne remercie pas son avocat.

Quant à votre affirmation “en cas de doute, on condamne à moitié”, je dis non. En cas de doute sur la culpabilité, c'est la relaxe, l'acquittement. On peut obtenir des décisions en demi teinte quand on fait naître une doute sur la procédure (ce qui est impossible aux assises, la procédure étant purgée). De bonnes conclusions en nullité peuvent aboutir à un jugement rejetant l'exception mais prononçant une peine extrêmement clémente pour décourager l'appel. Et si des magistrats qui me lisent mettent cette affirmation en doute, un hasard procédural m'en a fourni une preuve irréfutable, que je leur présenterai volontiers à une adresse e-mail en justice.fr.

65. Le samedi 20 septembre 2008 à 23:53 par Marcel

Shahine : à la différence, comme je le disais à Lulu, que CEDHnow n'a jamais prétendu tout savoir de cette affaire, mais qu'il y avait visiblement des zones d'ombre. Il me semble infiniment plus facile (et donc rapide) d'arriver à la conclusion qu'il y a des zones d'ombres, que de pouvoir prétendre sans malhonnêteté intellectuelle qu'il n'y a aucune zone d'ombre, que tout est clair et limpide, et qu'il y a des preuves "indiscutables". C'est très très différent. Quand 15 témoins ont vu l'individu tirer au fusil, alors certes, 2 heures doivent suffire à déclarer la culpabilité. Quand les empreintes digitales et l'ADN arrivent à la même conclusion concernant l'auteur du coup, alors certes, il est assez simple d'en tirer des conclusions.
Quand il n'y a ni preuve matérielle, ni témoins oculaire - ce qu'à ma connaissance le parquet n'a jamais nié - il me semble effectivement que 15 minutes suffisent à dire "il y a des doutes", tandis que 2h me paraissent courts pour dire "on a tout expliqué, tout est clair, il n'y a aucun doute possible".

66. Le dimanche 21 septembre 2008 à 00:09 par kosmo

Trés bon article.

Ce que j'admire en fait dans votre métier, et que l'on ressent ici, c'est la phrase de l'avocat " choississez, moi, je m'adapte.".. Cette force et cette capacité à basculer son argumentaire à la volée est admirable, techniquement parlant.

ensuite, ca doit etre trés dur de savoir se détacher, surtout en cas de défaite...

Bref, beau métier, pas donné à tout le monde ! Merci encore de nous le faire partager.

Eolas:
On n'arrive pas à se détacher. La défaite, on la prend dans la figure. Il faut savoir encaisser, et rebondir. Ne pas dire « même pas mal » mais « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. »

67. Le dimanche 21 septembre 2008 à 00:42 par Augustissime

@Marcel
Vous en connaissez beaucoup, vous, des faits qui font l'objet de preuves indiscutables ? Il y a bien des gens pour affirmer que personne n'est jamais allé sur la Lune, malgré quelques centaines de millions de témoignages directs et indirects.

En France seule est requise l'intime conviction des jurés en matière criminelle, au Canada on fait appel à la notion de "doute raisonnable" :
"Hors de tout doute raisonnable
Le degré de preuve nécessaire pour rendre un verdict de culpabilité contre une personne dans une affaire pénale ou criminelle. Il s’agit du plus haut degré de preuve requis en droit. La preuve hors de tout doute raisonnable comporte un caractère très convaincant. Concrètement, elle implique qu'il n'y a plus de doute raisonnable dans l'esprit du juge ou du jury au sujet de la culpabilité de l'accusé. Elle ne correspond toutefois pas à une certitude absolue."

Pas de certitude absolue, ça veut dire qu'on condamne des innocents de temps à autre. Mais c'est aussi le cas dans tous les autres systèmes judiciaires.

Eolas:
Vous faites hélas une erreur d'interprétation courante, mais venant de votre part, le contraire eût été étonnant. Pas de certitude absolue, ça veut dire qu'on acquitte des coupables de temps en temps. En fait relativement fréquemment ; tous les jours probablement. Un innocent condamné, c'est sur la base d'une certitude absolue. Et absolument fausse. Un peu comme celles dont vous êtes pétri, soit dit en passant.

68. Le dimanche 21 septembre 2008 à 01:09 par ramses

Le point de bascule du procès, on l'a bien compris, c'est quand l'accusé prétend qu'il n'a jamais touché l'arme... Comme la thèse du suicide n'est pas avérée par les expertises balistiques, tout se fige à cet instant...

Humour noir de Rémy que je partage entièrement : "La défense décodée en contrepèterie ca fait La défonce décédée".

Ma conviction est que le condamné ne voulait pas tuer... Mais voila, l'autre est mort, bêtement, parce que ce fusil n'aurait pas dû se trouver entre leurs mains, à ce moment là, dans l'état d'imprégnation alcoolique où ils étaient tous les deux...

Je suis toujours impressionné par l'enclenchement méthodique des tragédies.

Un mort pour rien, 12 ans de prison... Mes pensées vont à Me Lafarge et aux familles.

Et je me dis aussi très humblement que ce genre de choses pourrait arriver à n'importe qui.

Eolas:
Absolument : c'est une grande leçon des assises. Plus qu'en correctionnelle, on peut y rencontrer monsieur ou madame Tout-Le-Monde, qui ont vécu une vie sinon honnête du moins sans histoire jusqu'à ce qu'un jour, dans un moment de crise, parfois latente depuis longtemps, survient l'explosion et la transgression suprême. Parfois sidérante dans sa violence. En correctionnelle, les monsieur tout-le-monde, c'est aux audiences d'ivresse routière, parfois de violence conjugale, ou délits familiaux (non représentation, abandon de famille). Sinon, c'est la cohorte des marginaux.

69. Le dimanche 21 septembre 2008 à 10:00 par verel

N'étant ni avocat ni même juriste, j'ai plutôt lu cet article en me mettant du coté des jurés

Il apparait très vite dans cete affaire qu'il n'y a que trois solutions possibles :
la victime s'est tuée elle même, accidentellement ou volontairement
Il y a eu une bagarre entre la victime et l'accusé et le coup est parti
l'accusé a tiré sur la victime

L'accusé a présenté au départ la première version et s'y tient ensuite. Or elle n'est manifestement pas compatible avec les faits
D'où la suggestion de l'avocat de s'en tenir à la seconde version, l'attitude de l'accusé donnant le sentiment que c'est la troisième version qui est la vraie, sentiment qui n'est pas forcément pertinent : c'est sur ce seul point qu'il y a un doute, entre la deuxième et la troisième version

Et je trouve quye l'article du Monde donne furieusement le sentiment que c'est la troisième version qui est juste
D'autant plus que l'accusé est présenté comme un égocentrique forcené

et pourtant reste un léger doute
Doute qui aurait été évidemment beaucoup plus fort si l'accusé s'en était tenu à la deuxième version (la bagarre)

L'avocat me parait faire au mieux son travail : il explique à l'accusé qu'il y aurait une version plus favorable pour lui, mais il le laisse choisir
Et après il fait de son mieux avec le cadre dans lequel l'a enfermé l'attitude de l'accusé

70. Le dimanche 21 septembre 2008 à 10:36 par Atreyuh

"Alors moi, naïvement, je m'imaginais que les avocats possédaient a minima quelques bases de données statistiques : coups mortels c'est tant, homicide c'est tant, la thèse de l'accident contre l'évidence ça donne quoi en moyenne, la contrition ça a tel effet sur la peine, ... Et je m'imaginais que les stratégies de défense s'appuyaient, en plus des connaissances juridiques, sur ces données objectives et quelques compétences psychologiques.

1. Cessez d'imaginer vous n'êtes point doué en la matière.

2.Si vous faisiez l'effort de discuter avec des avocats vous sauriez que les données statistiques dont vous parlez sont connues et sues des avocats, dans leurs domaines de spécialité.
Maintenant ce que vous ne semblez pas avoir compris c'est que l'avocat est lié par le choix de son client. Me Lafarge demande ainsi à son client s'il souhaite adopter une autre défense pénale, qu'il saura s'adapter. Mais V. L. s'en tient à sa thèse peu crédible d'un suicide, et n'est guère convaincant. QUe faire? L'avocat n'a pas le choix, et il sait très bien que son client risque gros. Seulement, qui paie commande comme on dit, donc c'est à V. L. d'être défendu de la manière qu'il souhaite. Aussi dangereuse et peu crédible soit-elle.

"Je suis un peu déçu. En France, le droit semble être une science encore un peu molle."

C'est votre connaissance pointue du droit comparé qui vous fait dire cela ? ;)

Vous m'aviez manqué...

71. Le dimanche 21 septembre 2008 à 11:38 par Véronique

.@ Atreyuh

" Maintenant ce que vous ne semblez pas avoir compris c'est que l'avocat est lié par le choix de son client. Me Lafarge demande ainsi à son client s'il souhaite adopter une autre défense pénale, qu'il saura s'adapter. Mais V. L. s'en tient à sa thèse peu crédible d'un suicide, et n'est guère convaincant. Que faire? "

Vous développez dans votre post à l'attention d'Augustissime l'élément qui m'a plus le plus intéressée dans l'article de PRD.

Peut-on envisager que lors de son entretien en privé avec VL, Maître Lafargue lui dise les yeux dans les yeux qu'il a la conviction que le coup de feu mortel a été l'aboutissement fatal d'une bagarre qui dégénère sous l'effet de l'alcool ingéré et de la violence accumulée ?

" Me Lafarge demande ainsi à son client s'il souhaite adopter une autre défense pénale, qu'il saura s'adapter. " écrivez-vous à raison.

Mais n'est-il pas souhaitable que l'avocat dans la proximité et la solidarité qui le lient à son client aille plus loin dans l'affirmation de sa conviction. Sachant que cette position devant le tribunal peut présenter plus de bénéfices d'un point de vue de la défense et de l'intérêt de son client.

Peut-être que VL avait grandement besoin que son avocat lui dise très clairement et très fermement les choses. Peut-être, qu'au fond, ce qu'il espérait de son avocat, c'est que ce dernier lui dise sa conviction profonde et sa vérité d'une façon entière

72. Le dimanche 21 septembre 2008 à 12:19 par codul

@ Marcel

Il est rare de voir un magistrat tenir les propos que vous tenez. Ils sont plus souvent tenus par les avocats de la défense.

Je vous en félicite.

Je trouve courageux de votre part de "reconnaître" ce qui peut paraître comme une évidence mais qui pourtant fait l'objet d'une grande résistance de la part des praticiens, en dépit de toute logique intellectuelle.

En cas de doutes graves et sérieux, on acquitte.

En cas de doutes légers, on condamne à demi-peine.

En cas d'absence totale de toute, on condamne lourdement.

C'est le deuxième point qui fait débat puisqu'il est contraire au principe selon lequel le doute profite à l'accusé. Mais entre la théorie et la pratique....il y a la justice qui doit être rendue.

Je retiendrai cette phrase : "il me semble effectivement que 15 minutes suffisent à dire "il y a des doutes", tandis que 2h me paraissent courts pour dire "on a tout expliqué, tout est clair, il n'y a aucun doute possible".

73. Le dimanche 21 septembre 2008 à 13:05 par Augustissime

@Véronique
« Peut-on envisager que lors de son entretien en privé avec VL, Maître Lafargue lui dise les yeux dans les yeux qu'il a la conviction que le coup de feu mortel a été l'aboutissement fatal d'une bagarre qui dégénère sous l'effet de l'alcool ingéré et de la violence accumulée ? »

On s’en fiche de la conviction de l’avocat, ce n’est pas lui qui juge. En revanche, au lieu de suggérer mollement à son client qu’il y a peut-être une autre voie, il ferait peut-être mieux de poser clairement les choses :
« La thèse du suicide vous offre très peu de chances. Je vois très mal un tribunal vous relaxer alors que la victime est morte lors d’une bagarre avec vous, avec votre arme à vous. Regardez tel ou tel précédent : vous pouvez facilement en prendre pour une dizaine d’année.
Dans tous les cas, je vous le dis franchement : il est exclu d’aller à l’audience sans avoir une explication qui tienne de bout en bout. Vous étiez dans la pièce, si quelqu’un peut décrire ce qui s’est passé, c’est vous.
Si vous plaidez un accident, vous ne serez pas relaxé, mais on peut essayer d’éviter que ce soit considéré comme un meurtre. Regardez, dans les affaires de ce type, où une bagarre dégénère, ça donne 4 à 8 ans. Je ne sais pas quelle est la vérité, mais je sais quelles sont vos chances suivant ce que vous allez expliquer au tribunal. »

Je peux comprendre qu’un avocat laisse son client aller au carton avec une version à laquelle il tient, si cette dernière est cohérente et même si elle ne maximise pas ses chances (par exemple, le prévenu peut vouloir absolument exposer la vérité, il y a des gens comme ça qui ne savent pas mentir).

En revanche je ne comprends pas que l’avocat laisse son client partir sans une explication un peu robuste et qu’il le laisse face au tribunal comme un faisan fraîchement lâché à l’ouverture de la chasse.

74. Le dimanche 21 septembre 2008 à 13:58 par Dadouche

L'article de Pascale Robert-Diard est passionnant et remarquable.
Je trouve qu'il montre notamment le respect que l'avocat a pour son client, qu'il prend comme il est, car il sait bien qu'en quatre jours d'audience, même en n'ayant pas jeûné, aucun accusé normalement constitué ne peut complètement tenir un rôle.
Je trouve particulièrement intéressante la façon dont il se sert des mots de V., sans lui faire apprendre des phrases toutes faites, qui seraient certainement mieux formulées mais qui ne pourront que sonner faux.

Un point me semble également important à rappeler : Maître Lafarge n'a pas suivi cette affaire depuis le début. Il compose non seulement avec ce qu'est et ce que dit son client mais également avec un dossier sur lequel il n'a eu aucune prise, et notamment les déclarations de l'intéressé durant l'instruction.

Un dossier criminel se construit lentement, par strates, et l'audience d'assises, si elle en est la partie décisive et la plus éclatante, est l'aboutissement d'un long processus dont elle dépend.

Enfin je souhaite rappeler que l'article de Pascale Robert-Diard n'est pas un compte rendu d'audience, même s'il en donne des éléments, et que la conviction des jurés et de la cour s'est fondée sur quatre jours de débats. Formuler des hypothèses sur l'état d'esprit des jurés et les motivations de la peine finalement prononcée me paraît pour le moins hasardeux.

Je me permets enfin, pour nos lecteurs récents qui, après la défense, voudraient s'intéresser au délibéré, de mettre le lien vers le "billet-fiction" que j'avais ici consacré au sujet : www.maitre-eolas.fr/2007/...

75. Le dimanche 21 septembre 2008 à 14:17 par Véronique

@ Augustissime

" Voilà, V., j'ai un problème de conscience : est-ce que je ne dois pas proposer au président cette lecture de l'homicide involontaire ? La justice idéale, c'est : quand on a un doute, on acquitte. Mais la justice réelle, c'est rarement la justice idéale, V. On condamne même quand on doute. Vous comprenez ? (Maître Lafague)

"(...) J'aime pas ça. J'aime pas ça. D'en parler, vraiment, ça me fait suer. (VL)

– Le président ne va pas vous lâcher comme ça." (GL)

Grégoire Lafarge reprend les questions. "V., vous me dites que vous n'avez pas tenu cette arme et que vous n'avez pas tiré. Alors, je veux l'entendre, une fois, deux fois, trois fois, que ce soir-là, vous n'avez pas tué S. B.
– Monsieur le président, je n'ai pas tué S. B.
– Bon. On va s'arrêter là." " "

(extrait de l'article de PRD) 

Je pense qu’un coaching en forme de jeu de rôles présente des limites. La réponse à la question formulée par l’avocat en tant que tel, et non plus dans le costume du président, pouvait, selon moi, suggérer une réponse différente de la part VL. De cette façon:

V., vous me dites que vous n'avez pas tenu cette arme et que vous n'avez pas tiré. Alors, [ MOI, VOTRE AVOCAT] je veux l'entendre, une fois, deux fois, trois fois, que ce soir-là, vous n'avez pas tué S. B.

"  Je ne sais pas quelle est la vérité, mais je sais quelles sont vos chances suivant ce que vous allez expliquer au tribunal. " (Augustissime)

Non. L’avocat ne sait pas à l’avance de façon certaine et définitive les conséquences de telle ou telle position adoptée par l’accusé.

Je pense qu’au stade du dialogue que j’ai mentionné, Maître Lafargue avait juste à sa disposition comme possibilité une brèche infime à tenter d’ouvrir. Celle qui consiste à dire à VL qu’il n’est pas le président du tribunal, mais son avocat, et que la responsabilité écrasante qu‘il a entre les mains est celle du futur de VL. Avant de remettre ce futur entre les mains des jurés. Commee il le dit dans sa plaidoirie.







76. Le dimanche 21 septembre 2008 à 14:18 par POC

"L'accusé, on le porte à bout de bras. La beauté du métier, mais aussi son côté destructeur si on n'y prend pas garde."

Votre billet suscite une question : comment fait-on (ou comment faites-vous) pour se protéger de ce côté destructeur du métier ?

Merci.

77. Le dimanche 21 septembre 2008 à 16:04 par spe

article intéressant qui laisse une impression mitigée:

en se focalisant sur le travail de l'avocat avec son client, la journaliste laisse de coté tout le reste, l'instruction,le premier procès ( pourquoi a t il pris dix ans,plus ou moins par rapport aux réquisitions , pourquoi fait il appel ?), le changement de défenseur.

sans juger des faits, ceux ci sont quand même assez simples et bien résumés dans la plaidoirie:deux coqs ivres et bourrés d'hormones mâles avec un fusil entre les deux; l'accident peut s'envisager, et peut être est ce le plus probable, mais il faudrait une certaine coopération de l accusé , voire des souvenirs pour pouvoir l'exposer.


je trouve , pour ce qui en est dit, que le président semble essayer de faire sortir cette " vérité ", mais le client est hermétique.

au final, à part le coté "télé réalité" de l'article , avec le voyeurisme inévitable (nous allons savoir ce qui se passe dans le secret de la rencontre avocat-client), ce bon article est la narration d'un naufrage annoncé : l'échec d'un avocat à aider un individu totalement récalcitrant et incapable de comprendre où est son intérêt,

ce sentiment d'inutilité doit contribuer pour une bonne partie à l'épuisement du défenseur .

quant à la peine, supérieure à celle du premier procès, elle reflète sans doute en partie l'agacement des jurés et des juges devant cette obstination.

78. Le dimanche 21 septembre 2008 à 17:17 par Gépi

Cher Maitre,
Vous avez certainement eu connaissance de la prise d'otages dans un palais de justice en pleine audience en 1985, quoi que vous n'étiez sans doute pas encore avocat à cette époque.
Le Cour d'Assises s'apprêtait à juger quatre individus. Rien d'extraordinaire dans un procès comme la justice en connaît plusieurs centaines par an. Le verdict ne doit pas dépasser quelques lignes dans les quotidiens nationaux. Dans ce palais de justice d'un autre temps, en plein centre ville, commence soudain, à la surprise de tous, une mauvaise pièce de théâtre surréaliste dans laquelle les rôles sont brutalement inversés. Le principal accusé se transforme en un président et un procureur, se mettant à humilier magistrats et jurés. La loi, les règles et les institutions républicaines sont bafouées. Une situation qui serait ubuesque si les vies humaines d'un grand nombre d'otages, parmi lesquels témoins, journalistes, jurés, président, asseurs, procureur, greffière, n'étaient menacées.
Le côté sensationnel de cette prise d'otages n'échappe pas aux médias. Dès la réception de la première dépêche de l'Agence France Presse sur les télescripteurs des rédactions, les grandes chaînes de télévision nationales et internationales envoient des équipes sur les lieux.
Que s'est-il donc passé ?

79. Le dimanche 21 septembre 2008 à 19:35 par Fantômette

@ POC

Je ne peux vous donner que mon opinion personnelle, naturellement, je pense que chaque avocat, pour ainsi dire, a sa propre façon de voir, et sa propre façon de faire.

Pour ma part, et pour le moment, je ne dirais pas qu'il faut "se protéger" de cet aspect là du métier, de cet aspect destructeur. Parce que détruire, c'est aussi construire en sens. Il y a des expériences qui vous "taillent", qui vous "élaguent", et qui sont bonnes à prendre, même si elles sont pénibles à vivre.

Il faut savoir préserver sa capacité à travailler un dossier, et pour cela il ne faut pas se laisser affecter par trop d'émotions, il faut pouvoir regarder un dossier "à froid", en ne pensant qu'au droit : procédures, délais, nullités, éléments constitutifs de l'infraction, etc.

Mais il faut aussi savoir prendre le risque de comprendre l'accusé. De le comprendre et, parfois, de le croire. A fond. Sinon, vous comprenez, vous prenez un autre risque, qui est de le priver d'une chance, même petite, même infime, de faire admettre qu'il avait raison.

80. Le dimanche 21 septembre 2008 à 20:34 par Raph

On refait une grande discussion sur "le droit est-il une science ?"
Ca faisait longtemps..

81. Le dimanche 21 septembre 2008 à 20:41 par Tache d'Huile

L'impression mitigée que ressent 'spe' à la lecture de l'article est probablerment dûe à ce que le contenu de l'article est forcément limité d'une part par le secret professionnel de l'Avocat et d'autre part par le secret du délibéré.

82. Le dimanche 21 septembre 2008 à 21:41 par Lulu


"Je trouve courageux de votre part de "reconnaître" ce qui peut paraître comme une évidence mais qui pourtant fait l'objet d'une grande résistance de la part des praticiens, en dépit de toute logique intellectuelle.

En cas de doutes graves et sérieux, on acquitte.

En cas de doutes légers, on condamne à demi-peine.

En cas d'absence totale de toute, on condamne lourdement.

C'est le deuxième point qui fait débat puisqu'il est contraire au principe selon lequel le doute profite à l'accusé. Mais entre la théorie et la pratique....il y a la justice qui doit être rendue.

Je retiendrai cette phrase : "il me semble effectivement que 15 minutes suffisent à dire "il y a des doutes", tandis que 2h me paraissent courts pour dire "on a tout expliqué, tout est clair, il n'y a aucun doute possible"."



Franchement, je sens l'agacement qui monte, qui monte...

Lorsque j'ai écrit qu'un délibéré de 2 heures était court, je ne voulais en aucun cas suggérer que dans cette affaire, la Cour et les jurés ont bâclé leur réflexion. J'ai connu plusieurs Présidents de Cours d'Assises et aucun ne passait à la phase des votes avant que les jurés aient eu le sentiment d'avoir fait le tour de l'affaire.

Un délibéré de 2 heures, cela signifie que les jurés et les magistrats n'ont pas éprouvé le besoin de discuter très longtemps du principe de la culpabilité. Parce que les choses étaient sans doute plus évidentes que ce que l'article de PRB ne le suggère.

Encore une fois, je trouve bien prétentieux tous ceux qui estiment avoir une vision plus juste de l'affaire que les jurés qui ont eu à connaître du dossier.

Que l'on ne me rétorque pas que les jurés ont été manipulés par les magistrats participant au délibéré et qui, évidemment, ne songeraient qu'à sauver un dossier au détriment des grands principes du droit. Oui les jurés nous écoutent mais ils ne sont pas manipulables. En témoignent les nombreux arrêts d'acquittement dans des affaires d'euthanasie, où la stricte logique juridique imposerait pourtant le prononcé d'une culpabilité, quitte à ce qu'elle soit assortie d'une sanction symbolique.

Je suis consternée par tous ceux qui évoquent "les demi-peines" comme le symbole d'une décision mi-chèvre, mi-chou et d'un acquittement que l'on oserait pas prononcer.

Bon sang de bois, je vous rappelle que la Cour et le jury peuvent librement choisir un quantum, dans la limite du maximum légal. Et une peine éloignée du maximum légal, cela ne signifie pas que la Cour et le jury ne sont pas convaincus de la culpabilité. La peine est décidée en fonction de la personnalité de l'auteur et des circonstances des faits et c'est tout ce contexte qui peut justifier une peine "indulgente".

Il y a quelques temps, un de mes mis en examen, accusé de meurtre (faits reconnus), a ainsi été reconnu coupable et condamné à 10 ans de réclusion. Je ne m'épancherai pas d'avantage sur ce dossier, mais cela démontre bien que la peine évoquée dans l'article de PRB n'est pas une anomalie.

Si j'examine les peines prononcées par la Cour d'Assises dont je dépends: dans les affaires de moeurs avec circonstances aggravantes (mineurs de moins de 15 ans par personne ayant autorité), les peines oscillent habituellement entre 13 et 15 ans voire 18 (soit pas très loin du maximum légal soit 20).

En revanche sur les affaires d'homicides volontaires; pas beaucoup de meurtres jugés cette année, surtout des coups mortels, lesquels ont souvent été sanctionnés par une peine de 7 ou 8 ans.

Soit deux fois moins que le maximum légal (15 ans et même 20 pour les coups mortels avec arme).

Bref, et quelles que soient les qualités de l'article de PRB, il m'apparaît difficile de discuter d'une décision dont nous n'avons pas tous les tenants et aboutissants (au contraire de la Cour et du jury).

83. Le dimanche 21 septembre 2008 à 22:26 par Apokrif

Vous auriez le même article sur la préparation, non plus de la défense, mais de la demande, pour l'OFPRA ou la CNDA ?

84. Le dimanche 21 septembre 2008 à 22:31 par Pascale Robert-Diard

Bonsoir à tous. D'abord un grand merci à Eolas pour la note qu'il a consacrée à cette enquête. Un autre, ensuite, à ses commentateurs pour la richesse de leur propos. A ceux qui n'ont pas lu la version papier, je voudrais signaler que celle-ci était accompagnée d'un entretien avec Me Grégoire Lafarge qui répondait, je crois, à beaucoup des questions qui sont posées ici. Celles du rapport de l'avocat à la vérité, celles des limites qu'il doit se fixer et du respect du libre arbitre de son client. Je vous en livre quelques extraits susceptibles d'enrichir le débat.
- "L'avocat a un dossier, il interroge son client, il écoute et confronte ses réponses au dossier. Il n'est ni un prêtre, ni un confesseur. Son rôle, c'est de lui dire: "Voilà ce qui est crédible et ce qui l'est moins, voilà les risques de votre position, voilà ce qu'elle m'autorise à plaider et ce qu'elle m'interdit de plaider. Réfléchissez et c'est vous qui choisissez car c'est votre destin qui est en jeu".
Le rôle de l'avocat s'arrête à l'intérêt judiciaire de son client. Parfois, le rôle de l'avocat sera conforme à la morale, parfois elle ne le sera pas, mais c'est son choix. Et la morale ne relève pas de l'avocat. (...)
Le rapport de l'accusé à la vérité est singulier (...) Il a le droit de ne pas dire la vérité ou d'économiser la vérité pour de multiples raisons dont certaines sont respectables. ça peut être l'orgueil, la volonté de protéger un tiers, ses enfants, ses parents, son avenir, la possibilité de sortir un jour de prison en disant aux siens qu'il a été condamné à tort (...) Et puis existe ce que l'on peut appeler un mensonge de survie, celui de l'acusé coupable qui ne peut pas faire face à sa culpabilité.
Face à cela, l'avocat doit lui faire savoir le risque qu'il prend de payer très cher le fait d'aller à l'encontre de ce que souhaitent entendre les juges et les victimes. On voit tous les jours dans les cours d'asssises que, pour un même crime, le "bon" coupable - celui qui avoue tout et qui s'effondre en larmes - est moins sévèrement condamné que celui qui nie. Mais l'avocat n'est pas là pour servir, par principe, de vecteur à la vérité que les juges ou les parties civiles veulent entendre. Il est là pour porter la parole de son client, quelles que soient ses contradictions, quelle que soit son apparente absurdité."
Sur le pouvoir de l'avocat, Me Lafarge ajoute:
"La limite [que l'avocat] doit se fixer, c'est que ce n'est pas lui qui choisit le destin de son client. Mais il va y avoir entre ces deux là une rencontre, un colloque singulier. Des silences aussi. Le plus souvent, l'accusé ne possède ni les mots, ni les codes. Et l'avocat peut considérer qu'il est de son devoir de donner à son client une chance qu'il ne peut pas ou ne sait pas s'offrir.
C'est une question infiniment délicate que celle de proposer aux juges une lecture complémentaire de celle de la parole de l'accusé. On fait un choix. On gagne parfois. Parfois, c'est trop tard. Et on perd. Jusqu'à la prochaine affaire. La revanche de l'avocat, c'est toujours
sa prochaine affaire".
Voilà, à vous lire.

85. Le dimanche 21 septembre 2008 à 23:16 par Joel

@Lulu(82) : "Franchement, je sens l'agacement qui monte, qui monte..."

C'est inquietant cet agacement si rapide, de la part de quelqu'un qui doit nous juger. Les remarques de Codel(72) auxquelles vous repondez me semble pourtant soulever de legitimes inquietudes de justiciables.
Il y a une difference enorme entre etre condamne a 8 ou 12 ans de prisons, et a 30 ans : je pense que tout le monde est d'accord
la-dessus. Un grand principe de l'Etat de Droit est qu'on ne peut etre
condamne pour une infraction qu'a des peines prevues auparavant par la loi pour chaque infraction. Si ce principe est respecte *formellement*
dans la pratique actuelle, puisque la loi dit "un meurtrier sera comdamne a trente ans *au plus*", il semble que dans le fond
il ne le soit plus : le principe veut, dans l'esprit, que la peine
recue pour un crime soit *previsible*. Si pour un meme meurtre
(tuer quelqu'un d'une balle de coup de fusil dans la cervelle, apres une dispute), on peut recevoir huit, douze ou trente ans, en fonction
"de la personnalité de l'auteur et des circonstances des faits",
il devient difficile de prevoir. On a l'impression que le jugement se fait
"a la tete du client".

Revenons donc a l'affaire relatee par Pascale Robert-Diard. Le verdict a
ete de douze ans. C'est beaucoup moins que la peine maximale
encourue de trente ans. Quelles "circonstances des faits" ou traits de
"personnalite de l'auteur" justifient cette relative clemence ? Je pose la question candidement, comme tous ceux je crois qui defendent des idees similaires en commentaires. Ce n'est pas premedite, mais ca ce n'est pas une circonstancte attenuante, c'est juste la definition d'un meurtre simple, par opposition a un assassinat. L'accuse a nie; mais
s'il est reconnu coupable, je ne vois pas en quoi ca pourrait etre
une circonstance attenuante (au contraire, semble dire votre
exemple). L'accuse avait bu: est-ce une circonstance attenuante?
Je ne sais pas. J'avais entendu dire qu'en Lituanie, c'etait plutot aggravant, mais pour moi, c'est effectivement une excuse partielle.
Est-il possible que ca ait jour pour le Jury ?
Y a-t-il d'autres circonstantces dont l'excellent article de Pascale Robert-Diard ne nous a pas parle ? je n'en sais rien, mais puisqu'elle est la,
elle pourra peut-etre nous le dire.

Meme sans connaitre l'affaire, vous pouvez peut-etre repondre, Lulu, a certaines de ces questions. Faute de savoir ce qui justifie cette peine,
nous (simples justiciables, peut-etre un jour juges pour meurtre par vous) sommes balances entre deux impressions desagreables et inquietantes : que la justice choisit le quantum
de la peine, au hasard, selon la tete du client, selon l'huemur du jury ; ou bien qu'elle le fasse ne fonction de la plausiblite de la culpabilite,
et donc qu'elle condamne sans certitude raisonnable.

Bref, rassurez-nous s'il vous plait.


86. Le lundi 22 septembre 2008 à 01:23 par Joel

@moi-meme

En fait, la reponse d'Eolas a 37 donne un debut de reponse a mes questions. Je ne l'avais pas vue.

La provocation de S.B. a du compter comme circonstance attenuante.
Mais quand meme, des meurtres sans provocation, ca doit etre rare.
Je me demande dans quels cas les jurys donnent des peines proches
de la peine maximale. Avez-vous des exemples ?


87. Le lundi 22 septembre 2008 à 05:33 par Marcel

@Lulu : que parfois, un individu soit condamné à 10 ans de prison - et pas 30 - parce qu'il a de solides circonstances atténuantes, personne n'en doute.
Que parfois, aussi, quand on ne sait pas trop, on donne une demi-peine, vous êtes bien la dernière personne à en douter. En admettant (après tout pourquoi pas) qu'en appel, ses 12 ans soient vraiment dûs à des circonstances atténuantes, à sa personnalité et aux faits. En première instance, cet homme a été condamné pour "coups mortels" : je suppose que c'est le raccourci pour "violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner" : comment peut-on considérer qu'un individu aurait volontairement fusillé un individu en pleine tête, mais n'aurait pas eu l'intention de donner la mort, juste de donner un "coup" ? C'est évidemment une aberration.

Autre exemple (on va finir par croire que je fais une fixette dessus, mais reconnaissons que l'affaire d'Outreau nous fournit un exemple médiatique et particulièrement frappant) : Alain Marécaux a été condamné en première instance à 18 mois avec sursis : sommes-nous vraiment censé croire que les jurés étaient convaincus de sa culpabilité, et qu'il a pris une peine de sursis simple pour plusieurs agressions sexuelles sur de jeunes enfants juste parce qu'il avait des "circonstances atténuantes" ?

Désolé Lulu, mais je n'y crois décidément pas. Non, votre agacement ne suffira pas à me retirer de l'esprit qu'Alain Marécaux a été condamné à une peine très légère parce que les jurés doutaient, voire doutaient très fortement, mais n'ont pas osé acquitter, alors ils ont préféré donner une peine "symbolique" parce qu'on n'allait pas non-plus accabler un "possible innocent".

Pourtant, un "possible innocent", c'est un non-coupable. C'est le principe de la présomption d'innocence et vous le savez comme moi : c'est à l'accusation que revient la charge de la preuve. S'ils n'ont pas sû convaincre, réellement, de la culpabilité de l'individu, s'ils n'ont pas sû apporter de preuve suffisante, alors son innocence présumée demeure.

Sincèrement, Lulu. 18 mois avec sursis, dans un procès d'assises, pour plusieurs agressions sexuelles supposément monstrueuses sur de jeunes enfants. Il avait tant de circonstances atténuantes que ça, Alain Marécaux ?

88. Le lundi 22 septembre 2008 à 08:26 par Juris

l'appel des 80 universitaires est sur calameo :

fr.calameo.com/books/0000...

89. Le lundi 22 septembre 2008 à 09:02 par Dadouche

@ Marcel

Je crois me souvenir que Mr Marécaux avait été condamné en première instance pour des agressions sexuelles commises sur son fils et acquitté pour les viols sur d'autres enfants. La peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis paraît dans ce contexte conforme à ce qui peut être prononcé assez habituellement par des tribunaux correctionnels, selon la gravité (nature de gestes d'agression, répétition...) des faits retenus sous cette qualification.

90. Le lundi 22 septembre 2008 à 11:16 par tafkap

@Eolas sous 19:
"Merci de votre avis d'expert en divination pénale"
Il vous en a fallu un temps pour me démasquer: vous qui êtes toujours en code vert, c'est pas ce qui vous manque pourtant! ;)

91. Le lundi 22 septembre 2008 à 11:17 par tafkap

oups, sous 18...

92. Le lundi 22 septembre 2008 à 11:45 par sub-marine

Mon cher Maître,
Je retrouve dans la description de votre vécu lors de procès d'assises beaucoup de ce que j'y ressens moi-même. Pourtant, notre position (y compris géographique dans cette enceinte judiciaire) y est très différente, puisque j'occupe le fauteuil du ministère public (fauteuil d'ailleurs souvent plus confortable que le banc des défenseurs).
La cour d'assises est un lieu où rien n'est figé, rien n'est joué, loin de la monotonie de certaines audiences correctionnelles où les délits routiers s'enchaînent des heures durant. C'est surtout le lieu de la parole : parole des parties civiles (qui ne sont des "victimes" qu'après condamnation de l'accusé...), des témoins, de l'accusé lui-même, des avocats, du ministère public... Des moments d'une intensité rare, d'une particulière violence aussi.
La place du ministère public n'est pas facile. Prendre la parole au nom de la société, proposer une solution à l'affaire qui est soumise à la cour, avec le respect qui est dû à chacun et le professionalisme que les jurés attendent d'un magistrat... Tout cela implique de mettre à distance ses propres émotions, ses propres valeurs, pour inviter les jurés à faire de même.

L'enjeu est bien sûr différent : quelle que soit la décision de la cour d'assises, je rentre chez moi après le procès, ce qui n'est pas le cas de l'accusé qui peut être condamné par fois très lourdement.
Pour autant, la peur de se tromper, de ne pas convaincre, tout cela nous laisse aussi très seul au moment où le président se tourne vers vous pour dire : "Monsieur l'avocat général, vous avez la parole pour vos réquisitions..."

Un grand vide, c'est effectivement tout ce que l'on ressent lorsque l'on se rassoit. Puis cette attente...

Attente lors de laquelle les acteurs de se procès se retrouvent parfois, dans "l'étrange fraternité de la cour d'assises" (l'expression est de P. Bilger), autour d'un verre, de cigarettes, selon les vices de chacun !

Le verdict rendu, le procès terminé, il faut retrouver le quotidien, les piles amoncelées pendant les quelques jours , parfois plus, où l'on s'est enfermé dans la bulle d'une seule affaire.
Et continuer.
Parfois avec la motivation de la satisfaction, parfois avec l'amertume de l'échec...

93. Le lundi 22 septembre 2008 à 11:51 par Hub

@sub-marine 92 : merci pour votre intéressant commentaire. J'ai une question : qu'entendez-vous par "échec" en l'occurrence ?

94. Le lundi 22 septembre 2008 à 12:05 par Nemo

@ Dadouche sous 89:

J'avoue comprendre le sentiment que peut ressentir le quidam du fait de pouvoir condamner alors qu'un doute subsiste sur la culpabilité.
De ce que je peux en comprendre bien que n'étant pas du monde judiciaire, c'est que les peines prononcées très en-deçà du quantum maximum fixé par la loi le sont généralement parce qu'il y a un doute, non pas tant sur la culpabilité mais sur les circonstances, les motivations, le profil de l'accusé,...
De ce que j'en lis, il est vrai que parfois les Cours d'Assises flirtent aisément avec le "condamner au cas où" comme dans l'affaire d'Outreau...
La Justice est dans une position fort inconfortable entre subir l'opprobre populaire choquée par des libérations inopportunes (dans ce climat populiste ultra répressif, c'est même fréquent) et la peur de mettre des innocents en prison.
Pensons un instant à ce juge pénal américain qui est bien seul à décider de la peine.

95. Le lundi 22 septembre 2008 à 12:08 par sub-marine

Pierre TRUCHE a expliqué devant ma prômotion, à l'ENM, que le parquetier ne gagne ni ne perd de procès, il convainc ou non.
Echouer, c'est simplement avoir une intime conviction, sur la culpabilité et sur la peine adéquate, et ne pas arriver à la faire partager à la majorité de 8 voix au moins nécessaire aux décisions défavorables à l'accusé (la défense retrouve ici l'avantage qu'elle perd dans la disposition de la salle d'audience : elle doit convaincre moins de personnes...).

J'ai eu des satisfactions devant la cour d'assises, mais aussi des sentiments d'échec, la cour acquittant une personne dont j'étais convaincu de la culpabiltié, ou condamnant à une peine trop faible, mais aussi en étant dépassé, la Cour infligeant une peine que j'estimais trop forte ...

96. Le lundi 22 septembre 2008 à 12:08 par CEDHnow

"Face à cela, l'avocat doit lui faire savoir le risque qu'il prend de payer très cher le fait d'aller à l'encontre de ce que souhaitent entendre les juges et les victimes. On voit tous les jours dans les cours d'asssises que, pour un même crime, le "bon" coupable - celui qui avoue tout et qui s'effondre en larmes - est moins sévèrement condamné que celui qui nie."

Merci pour cette précision qui est utile pour tous les citoyens qui peuvent etre prévenu ou accusé. Vous êtes donc présumé coupable sur l'intime conviction d'un agent de police ou un juge d'instruction qui a mene l'enquete. Quand vous arrivez au proces vous etes "présumé coupable" et comme il n'y a pas de preuve, on vous demande d'en creer une en faisant des aveu sinon on vous menace implictement d'une condamnation plus lourde. Cela rappelle furieusement l'inquisition non?

On rappelle que dans les democraties, les personnes ne sont pas mis en cause sans un minimum d'indices, pas renvoyé en proces sans un minimum de preuve et pas condamné si il n'y a doute sur leur culpabilité de la personne.

Dans les democraties, c'est au procureur de la République d'établir la culpabilité d'un prevenu ou d'un accusé, qui a le droit a ne rien declarer.

Sur les preuves, un rapide examen des mains de l'accusé aurait permis de voir si il avait utilisé l'arme, meme chose pour le décédé...si les preuves n'ont pas été trouvé, c'est la faute des enqueteurs et il n'ont qu'a s'en prendre à eux meme.

"il faudrait d'abord qu'il se soit fait donné acte des propos du juge, puis qu'il se pourvoie en cassation en soulevant la violation de la CEDH avant de pouvoir aller à Strasbourg."

C'est quant meme interessant de savoir que les paroles du juges ne sont pas enregistrés automatiquement en france mais qu'il fasse en donner acte au bon vouloir du..juge.



97. Le lundi 22 septembre 2008 à 12:46 par Fantômette

@ Pascale Robert-Diard

Merci pour le complément d'information (si j'ose dire).

J'aime beaucoup l'expression de "mensonge de survie", utilisée par Grégoire Lafarge.

J'ai assisté à quelques procès d'assises, d'abord comme étudiante, sur les bancs du public, et puis sur le banc de la défense ou de la partie civile (mais n'y ai jamais plaidé : je faisais "petite main"). Et j'ai souvent eu l'impression, qui me semble être mal comprise par certains commentateurs, qu'au final, ce que racontait l'accusé c'était avant tout ce qu'il se racontait - à lui-même.

Ce qu'aucun discours pré-fabriquée, aurait-il le mérite d'être plus crédible que ce "mensonge", ne peut remplacer.

On n'avoue pas ce que l'on ne s'avoue pas.

Autre chose qui m'a souvent frappée - et touchée, c'est l'extrême qualité de silence et d'écoute de l'accusé lorsque son avocat plaide. Comme si son avocat allait lui apprendre quelque chose. Quelque chose sur lui, ou sur les faits, quelque chose de très fondamental, de vital peut-être. Je me suis souvent demandée ce qu'il espérait ou désespérait tant d'entendre dire par son avocat, qu'il ne savait pas déjà.

98. Le lundi 22 septembre 2008 à 13:07 par Véronique

Pour ceux qui ont particulièrement apprécié l'écriture et le ton du texte de PRD, ce livre:

" Dans le ventre de la justice" Pascale Robert-Diard - Perrin 2006

Je l'ai lu à sa sortie. Je l'avais acheté pour la Bibliothèque où je travaille.

Je le propose régulièrement dans l'espace "Coup de coeur... de Véronique" de la Bibliothèque, qui réservé aux coups de coeur de qui veut bien les partager. Sur un petit carton nous disons, en trois ou quatre lignes, pourquoi nous avons aimé tel ou tel livre.

99. Le lundi 22 septembre 2008 à 13:22 par bardabu

@15 (Eolas) : Est-ce qu'on peut accomplir de grandes choses quand on n'a pas un désir ardent de le faire d'abord pour soi? Je ne le crois pas. Le moteur de chaque instant, on le puise d'abord dans la satisfaction de ses propres désirs et pulsions, même si une certaine sagesse, avec le recul, permet de les orienter vers les autres. Mais quand on n'a pas la personne à sauver en face de soi, que ce soit pour le médecin ou l'avocat, elle reste une entité désincarnée qui n'offre aucune empathie. Pour apprendre, penser à soi; pour exercer, penser aux autres.

100. Le lundi 22 septembre 2008 à 14:19 par Augustissime

@ Pascale Robert-Diard
Ces précisions sont très utiles pour mieux comprendre la logique de l’avocat lors de cette affaire.

Elles ne parviennent toutefois pas à effacer le malaise que provoque la lecture de votre article, quant à la démarche poursuivie par Grégoire Lafarge.

Si l’on en croit votre article, en maintenant la version du suicide, incohérente, l’accusé ne pouvait qu’irriter les jurés et donner l’impression d’être non seulement de mauvaise foi mais aussi exempt de remords.

Dans ce contexte, Grégoire Lafarge essaie de jouer sur les deux tableaux : d’accord son client affirme que l’accusé s’est suicidé, mais c’est peut-être un accident. Le suicide, et subsidiairement le coup mortel. Sauf que le président a tôt fait de conclure qu’il n’y a ni suicide (confer les expertises) ni accident (confer les déclarations de l’accusé). Perdu sur les deux tableaux.

Le meilleur service que son avocat pouvait lui rendre était donc bien de le faire changer d’avis et de le convaincre de plaider l’accident. Grégoire Lafarge a bien senti cet enjeu, mais force est de constater qu’il a échoué (a-t-il vraiment essayé ?) et la qualité de la plaidoirie ne pèse rien à côté de cet échec.

A la fin de votre article, on ne peut s’empêcher de se demander à quoi a finalement servi l’avocat. Et on regrette qu’il n’ait pas remplacé cette part d’intelligence et de présence d’esprit qui manquait à son client. Quand enfin on lit qu’il « est là pour porter la parole de son client, quelles que soient ses contradictions, quelle que soit son apparente absurdité » on est encore un peu plus mal à l’aise. Il y a là comme une résignation et comme un terrible manque d’ambition.

101. Le lundi 22 septembre 2008 à 14:35 par Humstel

Yop, merci Serge (33). Et je me depeche d'aller voir ledit film.

@Fantomette (97): puis-je risquer une hypothese plus simple ? L'accuse ecoute avec beaucoup d'attention la plaidoierie de son avocat car sa peau est en jeu ?

102. Le lundi 22 septembre 2008 à 15:06 par Lafarge.Grégoire

Tous ces commentaires passionnants montrent l'intérêt majeur de l'article de Pascale.
Pour répondre à 100, qu'il suffise de dire que si l'avocat peut montrer, suggérer, faire comprendre à son client l'incohérence de sa position, il ne peut être question de le contraindre, de le forcer.C'est le libre arbitre du client une fois conseillé que de choisir de maintenir ou non sa position et ce n'est pas à l'avocat de choisir le destin de son client à sa place.Ce n'est donc pas une question de succès ou d'échec, ce d'autant que l'avocat ne sait jamais dans ces hypothèses où se situe vraiment la vérité.
Et si la parole de l'accusé reste cependant contradictoire et incohérente, il revient pourtant, et sans doute plus encore à l'avocat, de la porter pour lui.
Bien à vous tous.
Grégoire Lafarge

103. Le lundi 22 septembre 2008 à 15:39 par Véronique

@ Augustissime

" Quand enfin on lit qu’il « est là pour porter la parole de son client, quelles que soient ses contradictions, quelle que soit son apparente absurdité » on est encore un peu plus mal à l’aise. Il y a là comme une résignation et comme un terrible manque d’ambition. "

Là, nous ne sommes même plus dans le thème: mémé à moustaches. C'est carrément Carmen Cru !

www.amazon.fr/Carmen-Cru-...

Maintenant, à propos de cette phrase de Maître Lafargue:

" C'est le libre arbitre du client une fois conseillé que de choisir de maintenir ou non sa position et ce n'est pas à l'avocat de choisir le destin de son client à sa place."

J'ai envie de dire que même si je suis d'accord avec la phrase de GL, je ne vois pas ce qui peut interdire à un avocat de dire à son client les yeux dans les yeux, dans le secret de la défense, sans aucune équivoque, qu'il pense profondément que celui-ci a tiré un coup de feu et qu'il a tué.

104. Le lundi 22 septembre 2008 à 16:39 par Augustissime

@Véronique
Eh bien vous voyez que nous sommes d'accord ! Avec une petite nuance : je ne pense pas qu'il soit nécessaire que l'avocat donne son avis à son client, l'objectif n'est pas de le faire avouer mais de lui faire prendre de la distance avec sa version des faits. "Oubliez ce qui s'est passé, mettez-vous à la place des jurés", en quelque sorte. Pour lui donner les moyens de reconstruire sa présentation des choses.

Ainsi ce que nous apprend le marketing, ce n'est pas à mentir, c'est à savoir présenter les produits de manière adéquate, en passant de leurs caractéristiques objectives à leurs vertus subjectives.

105. Le lundi 22 septembre 2008 à 16:40 par Nemo

@ Véronique n°103:
"J'ai envie de dire que même si je suis d'accord avec la phrase de GL, je ne vois pas ce qui peut interdire à un avocat de dire à son client les yeux dans les yeux, dans le secret de la défense, sans aucune équivoque, qu'il pense profondément que celui-ci a tiré un coup de feu et qu'il a tué."

Rien ne l'interdit il me semble...simplement, vous ne le verrez pas relaté dans un article de presse.
Cela signifierait que l'avocat aurait bafoué ce même secret en avouant au journaliste qu'il pense que son client était coupable...

106. Le lundi 22 septembre 2008 à 17:30 par Véronique

@ Augustissime

Mon propos n'est pas de dire que l'avocat doit faire avouer son client.

" C'est le libre arbitre du client une fois conseillé que de choisir de maintenir ou non sa position et ce n'est pas à l'avocat de choisir le destin de son client à sa place."

Je pense que ce qu'exprime là GL est essentiel.

Dans le cas de VL, je crois que la clé de cette soirée funeste n'est pas dans le meurtre (avez-vous tué ?), mais dans l'humiliation qui a été celle de VL. Je pense que cette humiliation est plus brûlante encore à dire pour VL que le geste meurtrier. Dire: j'ai tué, c'est s'exposer à devoir dire pourquoi j'ai tiré. Je crois que ce pourquoi constitue l'espace hermétique du silence de VL.

Dans cette optique, je comprends parfaitement la phrase de GL. Je pense VL a fait le choix d'une condamnation probable pour se protéger d’une vérité - l’humiliation - qu'il ne veut jamais devoir dire et expliquer.

J'ajoute que pour moi rien n'empêche l'avocat de lui dire qu'il pense que VL a tenu cette arme, qu'il a tiré et qu'il a tué. Car dans mon hypothèse, ce qu’exprime l’'avocat n'atteint pas le coeur du secret de VL. Il lui balise un chemin étape par étape - tenir l'arme, tirer et tuer - vers ce qu'il pense très fort être la vérité des faits et son contexte brûlant. Après cela, un passage est peut-être ouvert en direction du pourquoi.

Le marketing n'a AUCUNE place possible là-dedans.

@ Nemo

Mon propos n’était pas de dire qu'un article de presse doit relater ce face à face. Dans mon hypothèse à l'intention d'Augustissime, l'avocat est le dépositaire d'un ou de deux secrets en forme de poupée gigogne. TOUT l'oblige à taire ces vérités, si telle est la volonté de son client.

107. Le lundi 22 septembre 2008 à 18:44 par Dom

Comme je vous trouve sévère cher Maître avec les avis 17 et 18 et si doux avec le numéro 19...Un journaliste n'est il pas un grain de sel inutile dans un échange avocat/client? L'avocat qui offre son huis clos ne s'égare-t-il pas? L'article "la défense décodée" ne dit rien du travail de fond avocat/client qui a débouché sur le dernier rendez-vous dont on nous livre quelques échos...à moins qu'il n'y en ait pas eu beaucoup avant...On sent bien que l'avocat aurait aimé que son client admette la dispute, ce qui lui aurait permis d'éviter cette casse prévisible...chemin qui demande trop de temps? d'argent? "La défense décodée" est un billet plein de jolis mots, mais creux en fin de compte, sauf pour son auteur qui a du avoir l'impression d'entrer dans une "cabane"....

108. Le mardi 23 septembre 2008 à 08:55 par Vieux

Reste que,
s'il a bien été tué,
i l s' e s t f a i t t u e r,
ce qu'exprime la victime survivante de cet accident stupide lorsqu'il parle de suicide.

109. Le mardi 23 septembre 2008 à 11:45 par lambertine

"On a l'impression que le jugement se fait
"a la tete du client"."

N'est-ce pas un peu - beaucoup (?)- le cas, surtout en cour d'Assises ?

Quand je lis que Maître Lafargue considère comme un désavantage pour son client d'être "beau et bronzé", j'avoue que je me pose des questions (ou plutôt que je ne m'en pose pas, hélas).

Au maître des lieux : je suppose qu'en France, les décisions du jury d'Assises n'ont pas à être motivées.

110. Le mardi 23 septembre 2008 à 12:40 par Pierluigi MATTEI

oh, maître EOLAS me censure !

Eolas:
Par ricochet seulement. J'ai viré le commentaire auquel vous répondiez, qui était un importun. Votre réponse perdait sa raison d'être.

111. Le mardi 23 septembre 2008 à 14:37 par Pierluigi MATTEI

merci Maître! rien sur votre confrère ACHOUI en vue?

Eolas:
Qui, l'avocat à deux balles ?

112. Le mardi 23 septembre 2008 à 15:15 par aliocha

@eolas 111 : si vous saviez ce que je vous l'envie celle-là ! Cela étant, vous avez vu son blog ? J'ai particulièrement aimé la rubrique "photos" où l'on peut télécharger un grand nombre de portraits de lui (et de ses berlutti). Vous observerez qu'il invoque le soutien du bâtonnier, un défaut de mise à jour sans doute.....

113. Le mardi 23 septembre 2008 à 16:00 par Pierluigi MATTEI

en réalité il en a reçu 3 … de balles (rires) il est possible, d'ailleurs, pour revenir à votre appréciation, qu'il soit radié du Barreau prochainement, puisqu'il fait déjà l'objet d'une interdiction d'exercer par un jugement, dont il a, bien naturellement, interjeté appel. Je parle de Maître Karim ACHOUI effectivement ! il ne doit être pas aussi mauvais que cela, enfin je sais que vous, ce n'est pas du tout la même emmanchure … c'est parce que vous ne fréquentez pas le même tailleur avouez-le : sobriété versus bling-bling .

114. Le mercredi 24 septembre 2008 à 13:24 par Damien D

Très bel article, vraiment. La fin est à pleurer. Mieux qu'un roman policier.

La journaliste écrit très bien.

A la lecture de son article, on se rend compte quel point ce métier est difficile mais ô combien utile. Ne lâcher sur rien, faire attention à tout. Presque une leçon de vie...



115. Le mercredi 24 septembre 2008 à 21:39 par juju

"Epargnez-nous vos soufrances lors des procès et dites-nous votre salaire net par mois.
Je suis sur que vous êtes vraiment a plaindre.

Eolas:
Aigri, ou seulement jaloux ? "

Je gagne assez d'argent pour ne pas être jaloux de ceux qui en gagnent plus et je n'ai encore aucun grief contre les avocats pour être amer. C'est ce billet et vos "difficultés"...


116. Le lundi 29 septembre 2008 à 10:20 par jacqueline

un dossier en justice en janvier 2007 qui se retrouve aux assises en octobre 2008 un dossier ou aucune preuve déceler juste une parole contre la sienne , malheureusement un détenu qui se retrouve interpellé le lundi 8 janvier au matin , une plainte déposer le dimanche 7 janvier 2007 et la plainte correspond a des dits j'était sur un marché public le samedi 6 janvier 2007 un homme que je connait pas me prend par le bras et m'enmène de force chez lui ( 950 mètres du marché ) me rentre chez lui me viol et me jette sur le palier( il est 14h20 alors je part et rentre chez moi en prenant le bus et chez moi je met ma chemise de nuit et reste sur mon ordinateur dans la soirée j'appel ma mère et lui dit et donne le numéro de téléphone du gars qui me viol et ma mère l'appel ( il est 22h30 le samedi soir ) la mère dit au garçon pourquoi ta violé ma fille le gars répond j'ai rien fait a votre fille elle ment . ce soir la il avait reçu un appel masqués de cette fille a 20h20 qui lui dit pourquoi tu sort pas avec moi lui répond j'ai une copine et de la elle lui dit tu va voir ou tu va aller tu me connait pas et enchaine des appels a répétition et fait appeler sa mère . la justice trouve 11 appels masqués sur 3 lignes au nom de la mère , puis la justice dit ça prouve rien !!! quelqu'un que tu dit pas connaitre tu l'appel pas 11 fois . en plus la juge lui dit comment avez vous eu le numéro elle répond plusieurs versions sur plusieurs rendez vous chez la juge . après dit le connaitre dans les halls . la juge découvre que cette fille a déja déposer une plainte contre un autre avant celle la , ou elle dit sur le dépot de plainte un soir je vais chez ma soeur avec djamel pour manger et il était tard je demande a ma soeur si il peut dormir chez elle , elle accepte je dort avec lui dans la salle a manger et ce soir j'avait pris des cachets pour dormir et pendant la nuit djamel m'a violé et j'ai rien vue de suite je m'en apperçois car je me trouve enceinte et va déposer une plainte mais j'avorte alors je retire ma plainte ( cette déposition n'avait aucun nom de famille ) sois disant un copain de sa soeur . et bien la juge ne vérifie meme pas est-ce qu'elle avorte et ou ? ou est-ce une mythomane ? la juge cherche pas et la fille dit je veut pas parler de ce premier viol car j'ai peu souffert par contre celui çi ma fait souffrir , la juge dit rien malgré les failles de cette plaignante la justice a refuser les libertés provisoires et depuis 21 mois il est en prison et attend un procès d'assises en octobre 2008 . la justice est bien triste aucune enquète au marché auprès des commerçants et un marché remplie de monde , cette fille habitait la ville pendant 7 ans avec sa mère sa soeur et deux petits neveus et le copain de sa soeur chez un copain de sa mère qui hébergeait cette famille et en octobre 2006 cette famille quitte la ville (car famille héberger et non déclarer ) la fille dit dans sa déposition vivre chez son père alors qu'elle était toujours chez l'hébergeur avec sa mère et elle connaissait la ville d'içi et était très connue içi par les jeunes d'içi qui d'ailleur l'avait vue sur le marché et la voie venir dire bonjour au garçon sur le marché et marcher avec lui en traversant la rue librement ses garçons témoignent mais la justice va dire qu'il ont été influençer pour témoigner .enfin

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