Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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les mystères de l'OPP

Par Dadouche



J'ai déjà évoqué à plusieurs reprises (par exemple ici) l'OPP, l'Ordonnance de Placement Provisoire, qui peut être la hantise du juge des enfants ou du substitut des mineurs quand on lui demande de la prendre un vendredi soir à 18 heures.
Un récent article de Libération évoque une OPP prise par le parquet de Nanterre. Je n'entrerai pas dans le détail de cette situation, que je ne connais pas, et au sujet de laquelle l'article donne essentiellement le point de vue des parents. Mais c'est l'occasion de rappeler le fonctionnement de cette procédure, humainement jamais facile à mettre en oeuvre, qui entraîne le placement en quelques heures d'un mineur.

D'abord le principe : le juge des enfants ne prend aucune décision sans audience préalable, avec convocation de la famille.

C'est le premier alinéa de l'article 1184 du Code de Procédure Civile : Les mesures provisoires prévues au premier alinéa de l'article 375-5 du code civil, ainsi que les mesures d'information prévues à l'article 1183 du présent code, ne peuvent être prises, hors le cas d'urgence spécialement motivée, que s'il a été procédé à l'audition, prescrite par l'article 1182, du père, de la mère, du tuteur, de la personne ou du représentant du service à qui l'enfant a été confié et du mineur capable de discernement.
Les convocations pour cette audience doivent être adressées 8 jours au moins avant la date de celle-ci (article 1188 CPC)
La décision prise par le juge des enfants à l'issue de cette audience est alors en principe un jugement.

Si cette procédure permet d'agir relativement vite, il est cependant des cas où une intervention immédiate peut être nécessaire.
Rappelons qu'en tout état de cause le juge des enfants intervient lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises (article 375 du Code Civil)et que chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel (article 375-2).
Les situations où une Ordonnance de Placement Provisoire peut être nécessaire supposent donc quelque chose de plus que l'existence d'un danger.

Deux hypothèses :

- le juge des enfants est déjà saisi de la situation du mineur
Une mesure d'action éducative en milieu ouvert ou une mesure d'investigation est déjà en cours et des éléments apparaissent brusquement, qui rendent indispensables un placement le jour même. Exemples parmi de nombreux autres : le mineur est hospitalisé à la suite de violences subies au domicile, les parents ont mis à la porte leur ado dont ils ne supportent plus les provocations, ...
Les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 375-5 du Code Civil permettent alors au juge des enfants d'intervenir en urgence et de confier provisoirement, par ordonnance, le mineur à une structure habilitée. Il doit dans sa décision caractériser, outre les motifs qui rendent le placement nécessaire, l'urgence qui empêche de respecter la procédure habituelle de convocation préalable.
L'alinéa 2 de l'article 1184 du CPC dispose alors que : Lorsque le placement a été ordonné en urgence par le juge sans audition des parties, le juge les convoque à une date qui ne peut être fixée au-delà d'un délai de quinze jours à compter de la décision, faute de quoi le mineur est remis, sur leur demande, à ses père, mère ou tuteur, ou à la personne ou au service à qui il était confié.
A l'issue de cette audience, un jugement est rendu qui peut soit maintenir la décision de placement soit y mettre un terme.

- le juge des enfants n'est pas encore saisi de la situation
C'est le Procureur de la République qui est destinataire d'un signalement urgent, qui peut émaner de l'Aide Sociale à l'Enfance, d'un service hospitalier, de l'Education Nationale, des services de police. Il peut s'agir d'un mineur en fugue trouvé sur le ressort, d'un mineur victime de mauvais traitement, d'un mineur étranger isolé (sans doute la majorité des situations dans les plus grosses juridictions), d'un mineur dont les deux parents sont en garde à vue et pour lequel il n'y a pas de solution familiale... Les situations sont multiples.
Les dispositions de l'article 375-5 du Code Civil permettent alors au Procureur de confier le mineur provisoirement à une structure, à charge pour lui de saisir le juge des enfants dans un délai de 8 jours par requête.
L'alinéa 3 de l'article 1184 du CPC dispose alors que :Lorsque le juge est saisi, conformément aux dispositions du second alinéa de l'article 375-5 du code civil, par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, il convoque les parties et statue dans un délai qui ne peut excéder quinze jours à compter de sa saisine, faute de quoi le mineur est remis, sur leur demande, à ses père, mère ou tuteur, ou à la personne ou au service à qui il était confié.
C'est le cas décrit dans l'article de Libération : l'OPP a été prise par le Parquet le 26 juin, on peut raisonnablement penser que la requête a été faite le même jour, et l'audience est prévue le 10 juillet, dans le délai de 15 jours.

Ce délai de 15 jours prévu dans les deux hypothèses, qui paraît toujours trop long aux premiers intéressés, permet non seulement au juge d'organiser matériellement l'audience (libérer un créneau dans son emploi du temps, faire adresser les convocations en temps utile) mais également de rassembler davantage de renseignements que ceux qui ont conduit à la prise de décision en urgence.
Comment en effet éclairer la prise de décision finale si on ne dispose pas d'autres éléments que ceux que l'on avait lorsqu'on a pris la décision en urgence ? Les observations réalisées durant le placement peuvent être précieuses, des dispositions peuvent être prises par la famille durant ce délai (par exemple hospitalisation d'un parent, reprise d'un traitement, départ d'un conjoint violent).
Une OPP n'est pas nécessairement suivie d'un placement à plus long terme. Elle peut permettre de procéder à des investigations complémentaires, de calmer une situation de crise. Elle peut aussi, même si elle n'est pas utilisée dans ce but, être un électrochoc qui permet des changements dans une situation complexe.
Elle peut également avoir des conséquences désastreuses, en braquant durablement les parents qui se sentent stigmatisés.

Vous l'aurez compris : ce qui caractérise l'OPP c'est l'urgence, la nécessité d'agir sans délai.
Je ne connais aucun magistrat qui aime statuer par OPP : agir en urgence, c'est presque toujours le signe qu'on a pas su repérer une situation de crise qui couvait. Par ailleurs, une décision sans audience préalable est toujours insuffisamment éclairée et mal comprise par les premiers concernés.
La réflexion est permanente sur le sujet de l'urgence : faut-il intervenir ? faut-il faire jouer un soi-disant principe de précaution ? est il préférable que le Parquet prenne l'OPP ou qu'il saisisse le juge des enfants immédiatement et lui laisse le soin d'en apprécier l'opportunité ? comment agir dans l'urgence et non dans la précipitation ?
Les réponses sont différentes selon chaque situation. Elles peuvent dépendre par exemple de l'âge des mineurs concernés : un bébé est plus vulnérable qu'un enfant plus âgé, qui peut alerter sur sa situation. La protection de la sécurité physique immédiate peut plus fréquemment nécessiter d'agir sans délai que les hypothèses de carences éducatives, même graves. L'intention affichée des parents de s'éloigner au plus vite pour éviter une intervention des services de protection de l'enfance peut également justifier une intervention en urgence, de même que l'existence de précédents de violence au sein de la famille.

Je ne tenterai pas de faire croire que toutes les OPP apparaissent justifiées a posteriori. Mais il est facile de refaire le match une fois qu'il est terminé.

Par ailleurs, aux grands principes qui guident l'action des magistrats viennent se mêler des réalités matérielles et humaines. Quand un enfant qu'on n'a pas placé assez vite s'est retrouvé à l'hôpital, on a tendance ensuite à faire jouer un principe de précaution dans des situations tangentes. Quand on entend, après un dramatique fait-divers, que "le juge doit payer", on est tenté d'ouvrir le parapluie un peu plus vite. Quand on a déjà vingt-cinq audiences prévues dans la semaine, on est secrètement soulagé que le Parquet prenne l'OPP et rédige sa requête quelques jours plus tard pour laisser le temps de caser cette audience imprévue dans les délais légaux. Quand on voit arriver une requête avec demande d'OPP, que l'Aide Sociale à l'Enfance n'attend à l'autre bout du fax que ladite OPP pour organiser le placement, qu'on sait que passé une certaine heure la décision sera plus compliquée à mettre en oeuvre, qu'on sort d'une audience houleuse et qu'on se prépare à la suivante qui ne sera guère plus tranquille, on prend le temps de lire les éléments de façon approfondie voire de décrocher son téléphone pour obtenir une précision supplémentaire, mais pas forcément de rédiger deux pages pour caractériser la nécessité d'intervenir en urgence

Enfin, chacun a une conception de l'urgence, tout comme chacun a une conception du danger. Il y a des situations qui n'appellent pas de longs débats, d'autres qui sont bien plus complexes. Il faut savoir résister aux appels insistants du chef de service de l'Aide Sociale à l'Enfance, du service d'AEMO ou du substitut des mineurs : "Mais comment, untel n'est toujours pas placé ?" ou "On attend toujours votre OPP pour la situation Trucmuche". Il faut parfois savoir dire non. Mais quelle que soit la décision, on a toujours peur de se planter, et on suscite toujours des réactions. Et on se plante parfois, dans un sens ou dans l'autre.

Je n'ai pas trouvé de statistiques récentes sur le nombre de décisions prises en urgence, mais mon expérience personnelle me conduit à constater qu'elles ne concernent finalement qu'une part très réduite des décisions de placement, dans la juridiction de taille moyenne dans laquelle j'exerce, où les cabinets des juges des enfants sont chargés mais dans une mesure encore gérable, où le dialogue est constant avec le substitut des mineurs et les services éducatifs, et où le Conseil Général met quelques moyens dans la Protection de l'Enfance, dont il a la responsabilité (on peut toujours mieux faire, mais c'est pire ailleurs).[1]

Ce billet n'ayant pas vocation à commenter la situation qui a donné lieu à l'article de Libération ni à servir de défouloir à tous ceux qui "connaissent quelqu'un dont les enfants...", mais à expliquer la procédure appliquée en l'espèce, tout commentaire d'une décision judiciaire particulière sera considéré comme un troll, quel que soit l'intérêt des réflexions développées, et traité en conséquence.

Notes

[1] Pour ceux qui veulent pousser la réflexion sur cette notion d'urgence et les contradictions dans lesquelles peuvent se débattre les juges des enfants à ce sujet, j'ai trouvé cet article rédigé par un sociologue en 2006 pour une revue spécialisée, qui soulève des questions intéressantes. Je précise que les données de l'enquête effectuée par l'auteur remontent aux années 1996-2000, soit avant les lois de 2002 et 2007 qui ont pour la première renforcé notablement le contradictoire dans la procédure d'assistance éducative et pour la deuxième créé des dispositifs qui offriront à terme davantage de solutions intermédiaires que l'alternative AEMO/Placement.

Commentaires

1. Le mardi 8 juillet 2008 à 16:49 par Audrey

Parfait ce petit topo sur l'OPP! Et hop, une petite fiche en plus toute faite, pour les étudiants! C'est vraiment trop gentil de votre part!

Plus sérieusement, encore un billet sur la difficulté de bien juger d'une situation. Où l'on voit la difficulité de ce métier particulièrement lorsqu'il touche aux enfants...

Pour finir: petite expérience personnelle: j'ai été harcelée au téléphone en pleine nuit par une personne qui disait des choses très cochonnes qu'Eolas n'oserait pas dessiner. Le numéro s'affichant sur mon téléphone fixe, j'ai appelé et je suis tombée sur une maman... d'un petit garçon de 11 ans et demi, visiblement déjà dans une mauvaise passe. La maman débordée, élevant seule ses enfants, les laissant jusqu'à 3heures du matin (l'heure du coup de fil) devant la télé... Et moi qui étais partie pour menacer d'une plainte, je me suis retrouvée toute bête, à ne pas savoir quoi dire à cette maman que ma plainte risquait de mettre dans la panade. Elle m'a promis que ça n'arriverait plus, qu'elle était désolée... Et moi, j'ai laissé tomber. Rassurez moi et dites moi que ça s'apprend d'avoir le courage de dire à une maman: vous n'y arrivez plus, vos enfants sont en danger, nous devons réagir...

2. Le mardi 8 juillet 2008 à 16:53 par nap1128

Bonjour,

"Mais quelque soit la décision, on a toujours peur de se planter, et on suscite toujours des réactions"

J'ai toujours pensé que l'instauration d'un "juge unique" n'était pas la meilleure des choses. Ne pensez-vous pas qu'un collège serait préférable à une décision d'un seul juge ? (je sais bien que ce n'est pas la tendance actuellement d'un point de vue budgétaire... mais cela n'empêche pas de réfléchir...)

Ceci bien sûr n'empêcherait pas des décisions critiquables mais permettrait un débat avant décision... qui doit être difficile à mener lorsque l'on est seul... ;o)

m'enfin,
@+


Dadouche :
Je pense qu'en matière d'assistance éducative, il est difficile de procéder autrement qu'à juge unique, compte tenu du lien (de quelque nature qu'il soit) qui se crée nécessairement entre le juge et la famille, et de la teneur très particulière des audiences, où on dit forcément des choses qui fâchent, en pointant des difficultés que certains ne veulent ou ne peuvent voir, tout en tentant de susciter l'adhésion de la famille aux mesures envisagées. C'est déjà difficile malgré le (relatif) manque de formalisme des audiences d'AE, ce serait impossible s'ils étaient systématiquement confrontés à trois magistrats.
En revanche, il est indispensable que la collégialité soit assurée en appel et il pourrait être intéressant que dans certaines situations le juge des enfants puisse solliciter l'intervention d'une collégialité.
Quoiqu'il en soit, un vrai débat a déjà lieu en principe à l'audience.
Enfin, il serait souhaitable que les magistrats du parquet soient davantage mis en position de jouer leur rôle une fois la procédure d'assistance éducative ouverte. Le manque de moyens leur en laisse rarement la possibilité.

3. Le mardi 8 juillet 2008 à 17:02 par Tigrou_bis

Merci Dadouche pour ce billet, tant sur le plan technique que sur l'explication des tenants humains de la décision...

J'ai une question, peut-être hors sujet, mais en amont de l'OPP : que peut faire un parent qui n'arrive plus à gérer ses enfants (pré-ados, ados), comme dans le cas dont parle Audrey (#1) ? Que peut-il faire avant qu'un irréparable soit commis (par le parent à bout ou l'enfant déboussolé) et qu'une décision d'OPP ne soit prise ?

Merci.


Dadouche :
D'abord, saisine du juge des enfants n'est pas synonyme d'OPP, loin de là.
Ensuite, avant le juge des enfants, qui n'intervient en principe que quand les mesures non judiciaires n'ont pas suffi, il y a le Conseil Général, maître d'oeuvre de la Protection de l'Enfance dans chaque département, non seulement au travers du service de l'Aide Sociale à l'Enfance mais également par les services sociaux de secteur.
Le meilleur conseil : s'adresser à l'assistant social de secteur ou de l'établissement scolaire, qui peut orienter vers des mesures "administratives" (au sens de non judiciaires et acceptées par la famille). Ca peut aller d'une "aide éducative à domicile" à un suivi psychologique, une thérapie familiale en passant par la mise en place de loisirs pour un ado débordant d'énergie.
C'est en tout cas une bonne chose de savoir demander de l'aide en temps utile. Quand des parents débarquent à la permanence éducative du tribunal tenue par la Protection Judiciaire de la Jeunesse avec leur gamin sous le bras (quand ils l'ont averti de leur démarche) en disant : "Ca suffit je n'en peux plus prenez-le" (et ça arrive...), c'est souvent déjà un peu tard (mais pas nécessairement trop tard).
Le juge des enfants peut également être saisi par courrier par les parents ou le mineur lui même, mais on doit toujours en passer, puisqu'on a alors très peu d'éléments, par une phase d'évaluation qui peut être longue.

4. Le mardi 8 juillet 2008 à 17:13 par Thau

Y a un troll detector dadouchien ?
je l'ai jamais vu... je peux l'avoir siouplé ?


Dadouche :
Il sort rarement de sa tanière. Il ne faut pas le galvauder...

5. Le mardi 8 juillet 2008 à 17:18 par Deilema

Le commentaire n°1 d'Audrey me fait penser à ce cas qui m'avait choquée il y a quelques années.
Un été, des squatteurs avaient investi un appartement en rez de chaussée pas loin de chez moi.
Il y avait des zonards jour et nuit devant leur fenêtre, des chiens, des canettes de bière à profusion, probablement des substances moins légales... et souvent des enfants, parfois très jeunes.
Ma première réaction à la vue de ces gamins a été de me dire qu'ils étaient en danger, et qu'il y avait surement quelque chose à faire.
Mais quoi ???
Un courrier au Parquet? Au juge pour enfants du TGI?

Autre exemple, raconté par une de mes amies dentistes.
Un type arrive chez elle avec une gamine d'environ huit ans, et une carte vitale qui n'était pas celle de la gamine en question, au vu de la date de naissance indiquée par le numéro de sécurité sociale.
Voyant qu'il ne s'agissait probablement pas du bon enfant, mon amie refuse dans un premier temps de l'examiner, et demande des précisions.
Le type s'énerve, attrappe la machoire de la petite fille, lui ouvre la bouche et montre ses dents au dentiste, en lui demandant : "Elle a de bonnes dents? Pour la marier il faut qu'elle ait de bonnes dents !"...
Pareil, mon amie sent que l'enfant est en danger... mais ne sait pas bien quoi faire. Est ce que cela constitue des mauvais traitements qui doivent être signalés?

On a beau être juriste, il y a des cas dans lesquels on se sent assez désemparé.

6. Le mardi 8 juillet 2008 à 17:23 par Kiki

Si l'expression "trouvé sur le ressort" évoque des images amusantes, pourriez-vous l'expliquer ?
Merci !


Dadouche :
Le ressort d'une juridiction est son domaine de compétence, et ici sa compétence territoriale. Par exemple, le ressort du Procureur de la République de Nanterre est l'ensemble du département des Hauts de Seine. Un mineur trouvé en fugue à Neuilly sera donc sur le ressort du parquet de Nanterre, qui aura compétence pour prendre toute mesure urgente à son égard.

7. Le mardi 8 juillet 2008 à 17:25 par Joel

Billet interessant, mais ca ("tout commentaire d'une décision judiciaire particulière sera considéré comme un troll, quelque soit l'intérêt des réflexions développées, et traité en conséquence."), c'est pas tres
sympathique.


Dadouche :
C'est pas très sympa, mais au moins on est prévenu.

Eolas:
Et comme on dit chez les avocats pour expliquer le doublement de nos honoraires : « Un client prévenu en vaut deux ! »

8. Le mardi 8 juillet 2008 à 17:34 par lala

@ Joel :
Peut-être pas sympathique la mention, mais quand on voit à quel point les commentaires peuvent déraper ces temps-ci ... cela fait peur ! Ce doit être la chaleur de l'été qui frappe !!!

9. Le mardi 8 juillet 2008 à 17:57 par raven-hs

Merci Dadouche pour ce billet très didactique.

C'est la 1ère fois que j'entends un magistrat dire qu'il lui arrive de se tromper.

Dadouche :
Pourtant s'il y a bien une chose dont on prend conscience quand on met le début d'un orteil dans un palais de justice, en quelque matière que ce soit, c'est qu'on se plantera un jour où l'autre.


Plus sérieusement, si j'ai bien compris, pour le cas où le Procureur de la République décide lui-même de l'OPP il peut y avoir un délai maximum de 23 jours ( 8 jours pour saisir le juge des enfants plus un délai de 15 jours pour que le juge tienne son audience ).
Durant ce délai, des parents qui se sont vus retirer leur enfant, n'ont toujours pas eu l'occasion d'être entendu et donc n'ont pu apporter ne serait-ce qu'une amorce d'explication. Je trouve ce délai véritablement trop long.
Je ne sais pas si le juge des enfants délibère sur le siège ou non; si ce n'est pas le cas, le temps du délibéré retarde d'autant plus le retour à la maison.


Dadouche :
Dans l'immense majorité des cas la décision est rendue immédiatement (et quand on met en délibéré, c'est généralement pour quelques jours). En ce qui me concerne, je pense que j'ai du mettre en délibéré moins de dix fois depuis deux ans, et jamais sur une audience après OPP.


Alors les magistrats ne sont pas à blamer, ils appliquent la loi. Pourtant le législateur a, dans d'autres circonstances, prévu des procédures extrèmement rapides; les référés d'heure à heure par exemple. Je ne comprends pas pourquoi il existe des procédure permettant d'interdire dans la journée la vente d'un livre ( référé d'heure à heure )et que la contestation du placement d'un enfant puisse souffrir d'un examen d'au maximum 23 jours plus tard ( + délibéré ).

Dadouche :
Soyons clairs, dans l'immense majorité des cas la requête du Parquet est faite en même temps que l'OPP, et on essaye généralement d'audiencer le plus rapidement possible.
Par ailleurs, comme je l'ai indiqué, ce délai permet souvent d'apporter des éléments nouveaux (dans un sens comme dans l'autre)


En outre, vous parlez de la difficulté de juger. En effet, un dossier, froid par nature, ne peut laisser subsister que des doutes à un magistrat prenant une OPP.

Pourtant, une entrevue avec les parents, même infromelle, dès la prise de la mesure aurait le double avantage d'éclairer le dossier pour le magistrat et de donner le sentiment aux parents d'être entendu et donc de mieux comprendre un éventuel placement en attente de l'audience.

Dadouche :
Une audience, ce sont aussi des garanties, comme la possibilité d'être assisté d'un avocat, le droit de venir consulter le dossier, le temps de recueillir une attestation de son médecin pour montrer qu'on a commencé des soins etc....L'entrevue informelle c'est bien, mais on motive comment une décision prise sur la base d'éléments dont on ne peut faire état dans la décision ?
J'ai même le souvenir d'une situation où, pour arranger tout le monde, j'ai bousculé mon emploi du temps perso et ma date de départ en vacances pour tenir une audience rapidement et où on m'a reproché d'avoir tenu l'audience trop vite...


Alors bien sûr, la justice manque de moyen et les juges sont surchargés de travail. Mais en tout état de cause les juges des enfants pourraient d'eux même créer cette pratique judiciaire ( un peu comme avec la pratique du "petit dépot de nuit" créée par le tribunal correctionnel de Bobigny et légalisée par la suite ).

Dadouche :
Il appartient aussi aux services de l'ASE d'expliquer la décision et son caractère provisoire et d'accompagner la famille jusqu'à l'audience. Je sais que certains juges des enfants se déplacent pour notifier eux mêmes leurs OPP. Mais si on a le temps de faire cela, on a le temps d'organiser une audience et il n'était peut-être pas nécessaire de recourir à une OPP.


Enfin, je suis un peu surpris qu'une OPP puisse être décidée par un membre du parquet sans qu'un magistrat du siège ne se prononce.

Dadouche :
Imaginez juste un mineur trouvé en fugue à deux heures du matin et les services de police qui appellent le Parquet pour savoir quoi en faire. Vaut-il mieux une OPP du parquetier de permanence, qui peut se faire faxer les éléments, ou le reste de la nuit au commissariat ?
Cela dit, je suis de ceux qui pensent qu'il vaut toujours mieux que l'OPP soit prise par le juge des enfants, lorsque c'est matériellement possible. Mais d'autres rétorqueront que c'est une forme de préjugement et qu'il est préférable que le juge des enfants arrive devant la famille "les mains propres", sans être suspect de partialité s'agissant de statuer sur l'éventuel maintien d'une décision qu'il a lui même prise.


En effet l'OPP s'impose au mineur, c'est donc une mesure de contrainte pour lui ( il peut vouloir fuir ses parents mais peut aussi désirer rester avec eux, notamment quand l'OPP se révèlera injustifiée ). Les majeurs disposent d'une garantie judiciaire lorsqu'ils font l'objet de mesures coercitives ( exemple : détention provisoire avec le JLD ) alors que les mineurs ne disposent pas de cette protection : l'accès à un magistrat du siege. Bien sûr une prison n'est pas un foyer, il n'en demeure pas moins que dans les 2 cas la personne sera privée de liberté.

Dadouche :
Je vous remercie d'avoir remarqué qu'un foyer n'est pas une prison. Ce sont même de vrais moulins à vent si vous voulez tout savoir, du fait des règles de sécurité et du peu d'encadrement la nuit (mais c'est un autre débat)

Que les mineurs soient soumis à des règles dérogatoire au droit commun cela ne se conçoit qu'à la condition que ces règles soient moins sévères. Or dans le cas de l'OPP décidée par le parquet, le mineur est moins bien traité qu'un majeur.


Dadouche :
Le parallèle avec la détention provisoire me paraît tout à fait malvenu, s'agissant d'une mesure de protection du mineur lui même et non d'une atteinte à la liberté d'aller et venir prise du fait de fortes suspicions de commission d'une infraction grave et destinée à protéger l'enquête ou à prévenir la réitération.
Il n'y a pas de droit commun en la matière, les mineurs étant les seuls à faire l'objet d'une protection légale de cette nature, du seul fait de leur âge.
Par ailleurs, les magistrats du Parquet sont, comme leur nom l'indique, des magistrats, qui sont eux aussi garants des libertés individuelles. Si vous tenez absolument à faire un parallèle avec la matière pénale, ils peuvent ainsi prolonger une garde à vue ou y mettre fin.

En tout cas, merci d'avoir pris le temps de nous décortiquer cette procédure.



10. Le mardi 8 juillet 2008 à 17:58 par loz

"un soit disant principe de précaution ?"
A moins que ce soit un "soi-disant principe de précaution".
Enfin jusqu'à ce que maître Eolas ne vous fasse la leçon et que ça ne devienne un "prétendu principe de précaution"...

Ce qui n'entache en rien le fond de l'article...


Dadouche :
C'est corrigé. Je me coucherai moins ignorante.

11. Le mardi 8 juillet 2008 à 17:59 par villiv

Merci pour ce billet...

L'évocation du principe de précaution tend à confirmer ce que je pensais : ça doit être souvent terriblement difficile de faire un choix entre telle ou telle mesure et/ou telle ou telle décision...

ça doit être un peu comme ça pour (presque) toutes les décisions qui touchent directement à la famille ou aux personnes d'ailleurs (qu'est ce qu'on est bien dans nos contentieux "commerciaux" et/ou "contractuels" purs et durs)...

bon courage !!


euh, sinon, @lala #8,
vous dites "Ce doit être la chaleur de l'été qui frappe !!!"
c'est donc que vous n'êtes pas en France métropolitaine (26 de maximum je crois aujourd'hui, alors imaginez à 37 ou 38 ;-) )

12. Le mardi 8 juillet 2008 à 18:12 par eul'Pingouin

Dadouche, en robe de magistrat et coiffée comme la princesse Leïa tient un sabre laser à la main et regarde d'un air mauvais un Dark Vador vert qui tient un panneau 'Troll' ; Un texte 'Commentaire modéré par troll détector(tm)' surplombe l'image.

13. Le mardi 8 juillet 2008 à 19:08 par kara

Bonjour,

Pourquoi parlez-vous de "soi-disant principe de précaution" ? n'est-ce pas justement de cela dont il s'agit au cours de ces audiences?

@Deilema

Un père qui présente une fillette de huit ans à un dentiste pour effectuer ce qui ressemble à un examen dentaire "prénuptial" a effectivement de quoi inquiéter.

Je suis un peu surpris que votre ami dentiste se pose la question de savoir si cette enfant est en danger. J'espère qu'il n'est pas, au moment où nous parlons, encore en train d'y réfléchir...

14. Le mardi 8 juillet 2008 à 19:12 par Youkoulélé

Merci pour ce billet fort clair. Cela étant et sans "juger" de l'affaire relatée par Libération, il y avait dans le papier quelque chose de très choquant. Ce n'était pas à mes yeux en tout cas le délai entre le placement (provisoire) et l'audience devant le juge mais bien plus le fait que les parents n'avaient pu exercer - je cite de mémoire- le droit de visite qui leur avait été accordé (par qui ?).... l'ASE reconnaissant ne pas en avoir les moyens (je cite là encore de mémoire). Est-ce que vous pourriez nous apporter vos lumières, non pas sur le cas particulier, mais de manière générale ? J'avoue ne pas comprendre ....


Dadouche :
Quand on prend une OPP, c'est que par hypothèse il n'apparaît pas possible de laisser le mineur au domicile quelques jours de plus. Si le juge accorde un droit de visite, c'est donc ce qu'on appelle un droit de visite en lieu neutre (ie pas au domicile) et le plus souvent encadré (ie en présence d'un professionnel de l'ASE). Cela nécessite donc de mobiliser pour tout le temps de la visite du personnel du lieu d'accueil et de l'ASE, ce qui est matériellement très difficile à mettre en place si le droit de visite accordé est trop long ou trop fréquent, particulièrement en période de congés. C'est tout à fait regrettable (et c'est un euphémisme) mais c'est la réalité. C'est aussi la responsabilité du juge soit de s'assurer que sa décision est respectée, soit de ne pas promettre plus que ce que l'ASE peut offrir.
Je souhaite en profiter pour rendre hommage aux professionnels de l'ASE, qui souvent se décarcassent autant que possible dans l'intérêt des enfants, et sont souvent l'objet de critiques acerbes pas très justes, voire d'agressions de parents sur les nerfs.

15. Le mardi 8 juillet 2008 à 19:23 par lolo

Dadouche, en robe de magistrat et coiffée comme la princesse Leïa tient un sabre laser à la main et regarde d'un air mauvais un Dark Vador vert qui tient un panneau 'Troll' ; Un texte 'Commentaire modéré par troll détector(tm)' surplombe l'image.

16. Le mardi 8 juillet 2008 à 19:26 par deilema

@ kara : la question n'est pas tant de savoir si l'enfant est en danger, mais de quels moyens dispose la personne qui constate ce danger pour agir...


Dadouche :
Le 119, également connu sous le nom "Allô Enfance Maltraitée" peut être une solution, les informations données par les appelants (qui peuvent rester anonymes) étant retransmises aux conseils généraux concernés. Un interlocuteur plus proche serait le service social de secteur ou l'Aide Sociale à l'Enfance du département. Ce sont des professionnels, qui peuvent recouper des informations préoccupantes et faire de premières vérifications avant de sonner le tocsin si nécessaire sous la forme d'un signalement au Parquet.

17. Le mardi 8 juillet 2008 à 19:49 par Avokidécouvrel'AE

Merci pour ce billet. Il y a des points obscurs qui demeurent cependant.

Vous expliquez "Quand on voit arriver une requête avec demande d'OPP, que l'Aide Sociale à l'Enfance n'attend à l'autre bout du fax que ladite OPP..." mais vous ne précisez pas comment les parents seront informés de la réalité de cette OPP prise dans l'urgence, et donc de quelle manière ils pourraient la contester et exercer des voies de recours sur cette 1ère OPP. Car suffit-il de dire qu'il y a urgence, pour caractériser cette urgence ?

Dadouche :
Non, évidemment, il ne suffit pas de dire qu'il y a urgence pour caractériser l'urgence (même si encore une fois la pratique n'est jamais aussi parfaite que les principes et que précisément dans l'urgence, le temps manque aprfois pour caractériser l'urgence avec autant de rigueur qu'il le faudrait). Cela dit, dans bon nombre de cas, l'urgence résulte des motifs mêmes du placement (mineur sans solution d'hébergement le soir, violences graves avec risque de réitération, parents hors d'état de prendre en charge le mineur,risque majeur pour la sécurité du mineur...)
Sur l'information des parents, tout dépend du mode d'exécution de la décision, mais ils sont évidemment systématiquement avisés (si on sait où ils sont). Si l'intervention de la force publique est nécessaire (pas si souvent que ça d'ailleurs), les policiers/gendarmes notifient la décision aux parents. Sinon c'est généralement le service éducatif qui vient chercher le mineur qui annonce la décision aux parents. De nombreuses formalités sont nécessaires lors de l'admission d'un mineur à l'ASE, et conduisent à des contacts entre la famille et le service, qui les accompagne durant la mesure.
Les décisions des juges des enfants sont très fréquemment assorties de l'exécution provisoire et les OPP le sont systématiquement (ce qui est logique, puisqu'on est précisément dans une hypothèse d'urgence à mettre en oeuvre le placement). Elles sont aussitôt rédigées et faxées aux services concernés, et notifiées dans la foulée par courrier aux parents qui les reçoivent officiellement le lendemain ou le surlendemain (le lundi ou le mardi pour une OPP du vendredi soir). Les décisions mentionnent le droit d'appel et les formalités à observer.

De plus, le délai maximal de cette procédure d'urgence, avant que les parents ne puissent s'expliquer devant un juge, est de 23 jours. C'est très long. Or la décision judiciaire initiale, fut-elle prise dans l'urgence d'une OPP du Procureur, n'est exécutable - à ma connaissance - qu'à partir du moment où elle est notifiée aux parents. Si seuls les serivces de l'ASE sont informés, comment les parents peuvent-ils exercer des voies de recours - voire déposer un référé en urgence auprès du Premier Président de la Cour d'appel - sur la base d'une décision prise à leur insu et qui ne leur est pas notifiée ? Donc si cette décision initiale ne leur est jamais notifiée, que se passe-t-il ? Et si elle leur est notifiée, le délai de 8 jours pour que la notification leur parvienne est-il applicable et en cas de non respect quelle serait la sanction?

Autre question: le délai de huit jours pour la convocation des parents, doit-il être respecté. Je ne parle pas bien sur pour l'OPP du Procureur, mais de la deuxième audience qui doit avoir lieu dans les 15 jours, devant le Juge des enfants. Quelles sont les pratiques à votre connaissance ? Encore merci pour le temps que vous consacrez à éclairer cette matière.


Dadouche :
En principe la procédure d'AE peut être divisée en deux phases : une phase d'instruction à l'ouverture du dossier qui peut durer jusqu'à 6 mois renouvelable une fois, durant laquelle peuvent être ordonnées des mesures provisoires après une audition des parents et du mineur, sans délai de convocation, puis une phase de jugement sur le fond, avec une audience pour laquelle le délai de 8 jours de convocation doit impérativement être respecté.
En pratique, la différence est assez minime et en ce qui me concerne j'utilise de fait la procédure de fond puisque je respecte quasi systématiquement le délai de 8 jours, qui me paraît un minimum pour que chacun puisse s'organiser pour assister à l'audience, consulter le dossier, faire appel à un avocat etc... De fait, pour ce qui concerne précisément l'OPP, je fixe la date de l'audience au moment où je rédige la décision et la convocation part dans la foulée. Ca doit être une pratique assez courante. En général, j'essaye de tenir l'audience dans les 10 jours qui suivent, quand c'est possible.

18. Le mardi 8 juillet 2008 à 19:58 par Véronique

Dadouche, en robe de magistrat et coiffée comme la princesse Leïa tient un sabre laser à la main et regarde d'un air mauvais un Dark Vador vert qui tient un panneau 'Troll' ; Un texte 'Commentaire modéré par troll détector(tm)' surplombe l'image.

19. Le mardi 8 juillet 2008 à 20:20 par Véronique

Je maintiens.

" La réflexion est permanente sur le sujet de l'urgence : faut-il intervenir ? faut-il faire jouer un soi-disant principe de précaution ? est il préférable que le Parquet prenne l'OPP ou qu'il saisisse le juge des enfants immédiatement et lui laisse le soin d'en apprécier l'opportunité ? comment agir dans l'urgence et non dans la précipitation ? "

Mais enfin.

Ce dilemme ou ce conflit entre soi et soi , c'est ce qui fonde le principe de responsabilité professionnelle.

Quiconque est amené à exercer à un titre ou à un autre une responsabilité qui engage le quotidien intime ou familial d'autrui ne peut pas et ne doit pas, selon moi, échapper à ce questionnement.

Ce qui me semblerait très inquiétant, c'est l'absence de questionnement
...


Dadouche :
Convenons si vous le voulez bien une fois pour toutes que mes billets ne s'adressent pas à vous, nouvelle Pic de la Mirandole qui appréhendez déjà sans qu'on ait besoin de vous les signaler vulgairement par des billets patauds toutes les subtilités de la pratique et de l'organisation judiciaire.

20. Le mardi 8 juillet 2008 à 20:31 par Bruno

> Je n'ai pas trouvé de statistiques récentes (...) ne concernent
> finalement qu'une part très réduite des décisions de placement,
> dans la juridiction de taille moyenne dans laquelle j'exerce

Les chiffres qui ont été publiés ce jour, au sujet des violences conjugales, révèlent une très grande disparité d'une région à l'autre.

Dans l'article sur sejed cité en référence, on peut lire ceci, à partir d'une étude portant sur "trois juridictions françaises, dans les années 1996 à 2000 incluses":

Les résultats bruts de cette enquête montrent que l’urgence judiciaire s’est institutionnalisée et est devenue un dispositif d’adaptation du magistrat à la situation dans laquelle il travaille. Sur l’ensemble des dossiers dépouillés, 45% des premières mesures de placement concernant un mineur ont été prises par le juge des enfants selon la procédure de l’urgence. Ce chiffre extrêmement élevé inquiète les professionnels du secteur de la protection de l’enfance, puisque ces placements n’ont pas été préparés, cette absence d’anticipation étant synonyme à leurs yeux d’un échec éducatif des services.


Dadouche :
Bis repetita : Je précise que les données de l'enquête effectuée par l'auteur remontent aux années 1996-2000, soit avant les lois de 2002 et 2007 qui ont pour la première renforcé notablement le contradictoire dans la procédure d'assistance éducative et pour la deuxième créé des dispositifs qui offriront à terme davantage de solutions intermédiaires que l'alternative AEMO/Placement.

Je complète : la loi de 2002 a notamment prévu l'obligation de tenir une audience après une OPP (ce n'était pas le cas auparavant, je n'y croyais pas, j'ai revérifié les textes antérieurs). Ce qui pouvait être un mode (inopportun mais tentant pour les juridictions sinistrées) de régulation de la charge de travail d'un juge des enfants n'a donc plus cours, puisqu'une audience est désormais légalement indispensable à bref délai, même en cas d'urgence. D'où sans doute une baisse massive du nombre d'OPP, qui va de pair avec le développement de la culture du contradictoire dans la procédure d'assistance éducative (cf par exemple l'accès direct des faimlles au dossier, instauré par la même loi).

21. Le mardi 8 juillet 2008 à 21:03 par Billevesée

Véronique, comment faites-vous pour échapper aux vacances ? cela vous ferait, selon moi, du bien (et à nous aussi...). L'absence de repos annuel est un vrai questionnement.

22. Le mardi 8 juillet 2008 à 21:21 par salah

Dadouche, en robe de magistrat et coiffée comme la princesse Leïa tient un sabre laser à la main et regarde d'un air mauvais un Dark Vador vert qui tient un panneau 'Troll' ; Un texte 'Commentaire modéré par troll détector(tm)' surplombe l'image.

23. Le mardi 8 juillet 2008 à 21:31 par Nichevo

Admirable ce billet sur les OPP, sauf que vous oubliez un acteur qui bien souvent remue ciel et terre pour que cette mesure soit décidée; je veux parler de l'Officier de Police Judiciaire, premier intervenant et premier à gérer l'ingérable.
Je confirme que l'action publique reste à la charge du procureur mais on doit signaler que l'avis de l' OPJ est déterminant lorsqu'il expose la situation; il ne s'agit pas de soustraire arbitrairement un enfant de la responsabilité de ses parents mais , dans l'urgence, de trouver la meilleure solution pour le mineur. J'ai déjà vu des mineurs de dix ans , demander à être placé tant la situation à la maison était intenable.
Pour en terminer, les situations d'urgence concernant les mineurs requièrent des moyens humains et matériels; il manque encore beaucoup de structures pour prendre en charge ces mineurs.
Pas de structure. Pas de décision...
Je me félicite que ce débat soit évoqué ici mais je mets en garde contre toute auto congratulation.
Tout ne fonctionne pas aussi bien que dans certains discours théoriques.
Je rebondirais bien sur la situation de cette assistante sociale qui a dénoncé un ILE mais je manque d'éléments précis et probants...
Eolas sait que je tique un peu sur cette histoire...

Eolas:
Je sais, je sais. Quand je racontais Air Chiotte, personne ne voulait me croire. Et pourtant, mon client n'en démord toujours pas.

24. Le mardi 8 juillet 2008 à 21:35 par Thau

Pour un troll detector qu'il ne faut pas galvauder, je trouve que souvent, son sabre laser il dégaine.


Dadouche :
Comme quoi, les peines planchers...

25. Le mardi 8 juillet 2008 à 21:49 par salah

plus que modéré ,il a été sublimé tout mon commentaire .


Dadouche :
Si vous souhaitez reformuler votre commentaire, qui soulevait une question intéressante, sans déduction hasardeuse sur une situation que vous ne connaissez que par un article de presse, c'est avec joie que Troll-Detector baissera la garde de son sabre-laser pour engager la discussion sur le fond

26. Le mardi 8 juillet 2008 à 21:50 par questionnée

Quand Véronique Pic de la Mirandole passe le piolet au vulgum pecus, permettez qu'il s'en saisisse ; merci d'avoir laissé respirer -partiellement ?- le troll detector.

27. Le mardi 8 juillet 2008 à 22:10 par Véronique

@ Billevesée

Vous serez gentil de m'accorder qu'écrire un billet dans un blog avec une partie commentaires prévue à cet effet, c'est implicitement et explicitement accepter des réactions qui ne sont pas tenues d'être obligatoirement en accord avec l'auteur.

Un billet est écrit.

Un, deux, ou trois aspects développés accrochent l'esprit du lecteur. A moins, effectivement, de disposer d'un temps disponible conséquent, le commentaire ne se concentrera que sur l'aspect que le lecteur, à tort ou à raison, a retenu. Bref, ce qui lui a le plus parlé.

Vous observerez également que la grande partie de mes interventions dans ce blog sont d’abord des réponses à des commentaires ou à des réponses qui m'avaient été adressés.

Si j’ai toujours répondu avec plaisir et intérêt, j'ai également répondu à mes interlocuteurs par souci de correction. Respectant ainsi une obligation simple que je me suis fixée: répondre à qui s'adresse à moi.

Pour finir.

A mon sens, la meilleure façon et la plus évidente d'éviter des réactions en relation avec une actualité qu'on pense hors sujet ou hors propos, c'est encore de ne pas mettre un article en lien ou ne pas y faire allusion.

Après tout, mille et un sujets peuvent être évoqués sans qu’il soit besoin, ni obligatoire de les illustrer.


Eolas:
Je pense que nul ne songe à vous reprocher de commenter. Comme vous le dites très justement, cet espace est fait pour cela. Peut être pense-t-on que votre avis gagnerait à ne s'exprimer qu'une fois ou deux par billet, afin d'éviter un effet de brouhaha et l'impression, fausse sans doute mais dérangeante probablement, que vous pensez que votre opinion passionne nécessairement tous les lecteurs. La modération dans le volume ne nuit pas à la clarté dans l'expression, au contraire.

28. Le mardi 8 juillet 2008 à 22:12 par elektra

Dadouche, en robe de magistrat et coiffée comme la princesse Leïa tient un sabre laser à la main et regarde d'un air mauvais un Dark Vador vert qui tient un panneau 'Troll' ; Un texte 'Commentaire modéré par troll détector(tm)' surplombe l'image.

29. Le mardi 8 juillet 2008 à 22:48 par Bruno

@Dadouche qui me répondait en 20
> qui offriront à terme davantage de solutions intermédiaires
> que l'alternative AEMO/Placement.

Oui, je l'avais bien relevé, il s'agirait par exemple de l'accueil à la journée (crèche, garderie, ...), d'alternatives au placement réclamées depuis longtemps:

Article 375-3 - Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier: 4° A un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs a la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge;

> D'où sans doute une baisse massive du nombre d'OPP, qui va
> de pair avec le développement de la culture du contradictoire

L'OPP reste explicitement prévue selon les textes de 2007. En certaines situations, le contradictoire n'interviendra toujours que plus tard:

Dadouche :
Bien sûr que l'OPP reste explicitement prévue. Il y a toujours des cas d'urgence qui nécessitent une décision dans les heures qui suivent et ne permettent pas d'organiser une audience préalable. Le nombre de situations où cela est véritablement nécessaire doit être marginal, mais il y en aura toujours


Art. L. 226-4. - I. Le président du conseil général avise (...) sans délai le procureur de la République lorsqu'un mineur est présumé être en situation de danger au sens de l'article 375 du code civil mais qu'il est impossible d'évaluer cette situation.

Au vu ce qui est décrit dans l'article de Libé, cela pourrait expliquer l'OPP récente. Nous en saurons peut être plus d'ici quelques temps.

Dadouche :
Ca n'a rien à voir avec les OPP. Ces dispositions du Code de l'Action Sociale et des Familles, qui résultent de la réforme de 2007, consacrent simplement le principe de subsidiarité selon lequel le Conseil Général doit être l'intervenant de première intention en matière de protection de l'enfance. Selon ce principe (et l'article que vous citez partiellement et qui en est la déclinaison dans le CASF), le président du Conseil Général ne saisit le Procureur de la situation d'un mineur que si 1 ) il est établi que le mineur est en danger ET que les mesures mises en oeuvre par le CG sont insuffisantes ou refusées par la famille OU 2) des éléments laissent présumer que le mineur est en danger mais la situation est impossible à évaluer. Bref, le CG saisit le Parquet quand il ne peut rien faire à son niveau. Ca pose les règles du signalement au Procureur, mais ça n'implique pas que celui-ci saisit automatiquement un juge des enfants et encore moins qu'on est dans une situation d'urgence au sens de nécessitant une OPP


S'agissant des statistiques des OPP et de leur évolution, je pense que nous ne disposerons que de peu d'informations:

Cadre statistique pour mesurer l’activité des tribunaux pour enfants en 1999
n° 76 (1er octobre - 31 décembre 1999)
DAGE 99-09 E1/23-12-99
NOR : JUSG9960064C
Cadre statistique - mineurs

Ne pas comptabiliser les décisions de placement d’urgence prises par le parquet.

30. Le mardi 8 juillet 2008 à 23:04 par yves

Je ne peux pas penser à ces placements sans me rappeler ce tonton qui venait exiger une place en foyer pour sa nièce adolesente qui lui avait été confié et qu'il ne comptait pas amener en vacances.

Les mineurs, c'est comme les chiens, ça s'abandonne pour partir en vacances.

31. Le mercredi 9 juillet 2008 à 00:28 par bardilon

Merci Dadouche pour le billet

Je suis remonté à l'article de libé qui vous a incité a rédiger

ce passage m'interpelle plus que tout le reste :
........
Jointe par téléphone, l’ASE des Hauts-de-Seine explique qu’elle n’a «pas les moyens» de respecter le droit de visite de deux heures par jour.
........
Si je comprend bien :
Un juge doit prendre la decision très difficile de soustraire des enfants aux parents, il prend néanmoins la peine de s'assurer et d'imposer que le lien ne soit pas rompu (contact avec Maman et Papa 2 heures par jour) et l'organisme auquel il confie les enfants se tape comme de l'an quarante des décisions prises par le juge ?

si je résume par : "Le juge il écrit ce qu'il veut, nous on s'en tape, on fait comme on veut , les gamins ne verront pas leurs parents, on n'a pas le temps ma bonne dame !"
j'ai bon ?


Dadouche :
Non, pas nécessairement : la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a.
Comme je l'ai indiqué plus haut, un tel droit de visite peut amener à mobiliser un personnel dont l'ASE ne dispose pas.

32. Le mercredi 9 juillet 2008 à 00:54 par Suppress

Nouvelle loi Dati : les enfants sont interdits en France

Ministère du Budget : Suppression des personnels de l'Education Nationale
Ministère de la Justice : Suppression des juges pour enfants

CQFD

33. Le mercredi 9 juillet 2008 à 01:19 par Avokienapprendchakjour

Je vous remercie de vos commentaires en 17. Il y aurait donc possibilité de ne pas respecter le délai de convocation de 8 jours dans le cadre des ordonnances:
"...durant laquelle peuvent être ordonnées des mesures provisoires après une audition des parents et du mineur, sans délai de convocation, puis une phase de jugement sur le fond, avec une audience pour laquelle le délai de 8 jours de convocation doit impérativement être respecté."


Dadouche :
A mon sens oui, en début de procédure (et pas "dans le cadre des ordonnances"), si on prend des mesures provisoires. C'est en tout cas l'analyse qu'on en avait à l'ENM, mais les textes sont peu clairs et tout le monde ne fait pas cette différence, fondée sur le fait que les articles du CPC relatifs à l'ouverture de la procédure et aux mesures provisoires évoquent "l'audition" (article 1182) alors que les articles relatifs au jugement sur le fond évoquent "l'audience" (article 1189), de même que l'article qui fixe le délai de convocation à 8 jours (1188). Une autre différence conduit à considérer que le régime n'est pas tout à fait identique : dans la phase provisoire le juge entend les parents et le mineur capable de discernement (1182), dans la phase de jugement il convoque le mineur "le cas échéant" et peut le dispenser de comparaître pour tout ou partie de l'audience (1189).
Encore une fois, les textes sont peu clairs, il y a très peu de jurisprudence de la Cour de cassation (et guère plus des cours d'appel) sur la procédure d'AE, et en pratique beaucoup utilisent dès le départ la procédure de fond.


Mais je viens de parcourir un autre site très intéressant d'un Juge des enfants, lequel cite une décision (Cour d'apple de Versailles, 21-12-2001) qui prononce la nullité d'une OPP justement pour non respect du délai de convocation (à l'époque de 15 jours semble-t-il).
www.huyette.com/vers21120...
"...APPEL formé par Monsieur D.. le 7 novembre 1998 à l'encontre d'une ordonnance en date du 27 octobre 1998 du juge des enfants de Nanterre....Considérant qu'en violation des dispositions de l'article 1182 du nouveau code de procédure civile M. D.. n'a pas été informé de l'ouverture de la procédure d'assistance éducative; que la convocation qui lui a été adressée en date du 21 octobre 1998 pour le 27 suivant n'a pas respecté le délai prévu par les dispositions de l'article 1188 du nouveau code de procédure civile; qu'aucune pièce de la procédure ne permet de vérifier que le père, mère et mineure n'ont été informés de leur droit d'être assistés d'un avocat en application des dispositions de l'article 1186 du nouveau code de procédure civile..."

Qu'en pensez vous ? Ce délai de 8 jours ne serait-il plus applicable aujourd'hui ?


Dadouche :
La décision que vous citez a prononcé la nullité à mon sens d'abord du fait de l'absence de greffier à l'audience et à cause de plusieurs irrégularités comme le non envoi d'un avis d'ouverture d'information. En tout cas, la décision annulée ne pouvait être une OPP, puisqu'il y avait eu précisément une audience. On a aucune information sur le type de décision, je serais tentée de penser qu'il s'agit d'une ordonnance d'IOE ou d'enquête sociale, qui ne peut faire l'objet d'un appel (mesure d'instruction) et ne pouvait donc être attaquée que par la voie de la nullité.


Autre question, lorsque l'OPP initiale provient du Procureur: est-elle motivée ou s'agit-il de mentions types reprises sur un imprimé ? Les textes parlent d'une "urgence spécialement motivée". Que faut-il comprendre par cette expression ? Qu'il faut un niveau de motivation très fourni, et que se passe-t-il si ce n'est pas le cas ? Enfin, avez vous vu des cas où cette OPP n'a jamais notifiée aux parents, et considérez vous alors la procédure comme totalement viciée de ce fait, ou rendez-vous quand même une OPP confirmative suite l'audience en votre cabinet ?



Dadouche :
L'article 375-5, qui donne ce pouvoir au PR, ne mentionne pas d'exigence particulière de motivation. L'urgence "spécialement motivée" ne figure qu'à l'article 1184 du CPC, qui ne s'applique qu'au JE (puisqu'il prévoit le principe de l'audition préalable de la famille). Le visa de l'urgence peut suffire à mon sens. Dans la pratique, cela varie selon les parquetiers.
Je ne rend pas d'OPP confirmative, puisque j'agis toujours en procédure de fond. Quand je décide de poursuivre le placement, je rend un jugement instaurant une mesure de placement à compter de l'audience.

Je me répète, mais la procédure d'AE est à la fois simple et complexe. Simple par son économie générale : audience avant décision et en cas d'urgence audience rapide après décision. Complexe parce qu'elle est soumise aux principes généraux de la procédure civile, conçus pour trancher un litige précis entre un demandeur et un défendeur, et non pour une procédure à "exécution successive" comme l'assistance éducative, où la seule demande est la requête initiale, où le juge n'est pas lié par les prétentions des parties et où il faut à la fois prendre du temps et être en capacité d'agir dans l'instant si nécessaire. La loi a prévu des aménagements pour adapter la procédure à certaines réalités (exemple : envoi des convocations et notifications à la fois en recommandé et en lettre simple compte tenu de la propension à ne pas aller chercher les recommandés) mais cela reste imparfait et sujet à beaucoup d'interprétations entre les tenants du tout CPC, qui s'accrochent à la lettre des dispositions générales du CPC pour tout ce qui n'est pas spécifiquement prévu par les dispositions relatives à l'AE, et les tenants du particularisme de la procédure d'AE, pour un formalisme allégé en considération de l'intérêt de l'enfant. Entre les deux il y a de la marge, mais il y a un lourd héritage d' "informalisme" en matière d'AE. On imagine peu d'autres matières où les chefs de juridictions encouragent les juges à violer la loi en ayant pas de greffier à l'audience...Enfin, il y a très peu de jurisprudence, ce qui n'aide pas.

34. Le mercredi 9 juillet 2008 à 08:24 par Véronique

" Comme je l'ai indiqué plus haut, un tel droit de visite peut amener à mobiliser un personnel dont l'ASE ne dispose pas. " 'Dadouche à bardillon)

D'un point de vue TRES GENERAL.

Alors, il serait peut-être judicieux d'informer des parents qu'un droit de visite ne pourra être garanti que sous réserve que l'ASE puisse mobiliser un personnel adéquat.

Il me semble que de cette façon la situation est plus claire et plus intelligible pour des parents.

N'est-ce pas un déficit d'informations comme celui-ci qui contribue à provoquer de l'incompréhension et à entretenir de l'amertume chez des parents.


Dadouche :
Certainement.

35. Le mercredi 9 juillet 2008 à 09:08 par Caroline

@ Véronique, non vous n'arrêtez jamais mais vraiment jamais. Vous êtes connectée 24/24 sur ce blog?

36. Le mercredi 9 juillet 2008 à 10:06 par eul'Pingouin

Me suis fait censuré par Dadouche, ouuuin!!! Pourtant, j'avais mis des tags autour de la partie trollesque. Maintenant, je ne me souviens plus de ce que j'avais écrit dans la partie non-trollesque.

Quelque-chose du genre :
Combien d'emplâtres notre société devra-t-elle encore appliquer sur la jambe de bois du modèle éducatif en foyer restreint? Il y a moins de 50 ans, dans un modèloe de société un peu humain, il aurait été rare qu'un jeune couple se retrouve ainsi sans personne pour les aider (parents, amis, voisins, cousins).

Nous vivons une époque décadente et particulièrement inhumaine. La civilisation est clairement loin derrière nous...

P.S.: La décision d'OPP que j'avais eu l'audace de commenter n'est pas une décision de justice, puisqu'il n'y a pas eu de débat contradictoire... Pastaper.

37. Le mercredi 9 juillet 2008 à 10:10 par Orange

Hors sujet, mais cela fait longtemps que cette question me trotte dans la tête.

Avant la présidentielle vous accusiez les gens de gauche de "diaboliser" Sarkozy. Aujourd'hui ne pensez vous pas qu'on avait en réalité sous-estimé la catastrophe que l'élection de cet homme représente, entre autre du point de vue de la liberté d'information, et surtout du point de vue des droits de l'homme et des droits de l'enfant ?


Dadouche :
Heu... Vous devez me confondre avec quelqu'un d'autre...

Eolas:
Je pense en effet que cette question m'est destinée. Non, en un an, je n'ai pas changé d'avis. Je ne me faisais guère d'illusion sur le discours de changement annoncé, qui est une antienne à chaque présidentielle, essentiellement à cause de la méthode annoncée : la volonté. «Ci veux-je, ci soit. » Quant à la croissance dentotractée, la réalité, qui est toujours la plus forte, lui a fait un sort. S'agissant de la liberté d'information, il n'est que jeter un coup d'œil (rapide, sinon on perd son temps) aux blogs anti-sarkos et autoproclamés « vigilants », dont à ce jour aucun auteur n'a été assassiné ou jeté en prison (ni racheté par Lagardère, à leur grand dam, cette fois) malgré un an d'activisme forcené, ou à chaque Une de Marianne, pour voir que la liberté de la presse (qui recouvre la liberté d'en faire des tonnes pour trois fois rien) ne me semble pas particulièrement menacée.
Pour les droits de l'homme, cela fait longtemps (comprendre plus d'un an) qu'ils sont fort mal protégés en France, car cette protection est essentiellement internationale (essayez d'invoquer l'inconstitutionnalité d'une loi devant un juge, vous verrez). Or nos hommes politiques éclairés ont longtemps considéré qu'il valait mieux une violation des droits de l'homme bien de chez nous qu'une protection venue de l'étranger. De ce point de vue, rien n'a changé. Ni en pire ni en mieux. Mais les meilleurs mécanismes sont les plus discrets, et de ce point de vue, les juges font leur boulot. Pour le domaine qui me concerne, le droit pénal, la loi sur les peines plancher est un exemple parlant. Son application est loin d'être systématique, et surtout à des cas où la peine envisagée entre dans les prévisions de la loi.
Quant aux droits de l'enfant, quand on voit que l'enfant du président, à à peine 21 ans et fraîchement élu, est propulsé à la tête du groupe UMP au Conseil Général des Hauts-de-Seine, qu'on a recours aux tests ADN pour retrouver son scooter et qu'i la droit à quatre heures d'audience dont 45 minutes de plaidoirie pour un simple délit de fuite, je trouve que les droits de l'enfant du président ont sérieusement progressé.
Ha, vous parliez des droits des autres enfants ? Ma foi, il faut bien commencer par l'un d'entre eux. Mais plus sérieusement, je ne trouve pas que les droits de l'enfant aient régressé. Ils font l'objet des soins attentifs du législateur.
Du strict point de vue démocratique, l'élection du précédent président m'avait paru infiniment plus problématique.

38. Le mercredi 9 juillet 2008 à 11:02 par Véronique

@ Caroline

Mais non.

Ma réaction n'est pas intempestive.

Je peux totalement comprendre une décision de placement dans l'urgence.

Mais je pense que des parents sont à même d'entendre des vérités et des contraintes d'ordre fonctionnel.

Et il me semble que la réalité des choses est plus facilement supportable à entendrer qu'un silence ou une rétention d'informations - qui sont ce qu'elles sont -, qui maintient grandes ouvertes les portes de l'incompréhension et de la colère.

39. Le mercredi 9 juillet 2008 à 11:27 par Mussipont

@Eolas "Mais plus sérieusement, je ne trouve pas que les droits de l'enfant aient régressé. Ils font l'objet des soins attentifs du législateur."

Attendons de voir de quelle manière les "grands enfants" seront traités par la (x-ième) réforme de l'ordonnance de 45 en cours de préparation...

40. Le mercredi 9 juillet 2008 à 11:34 par Thau

@Eolas sous 37
Je pensais qu'Orange se ferait troll détecté, mais puisque vous avez pris la peine de lui répondre.
Que dire de l'évolution du droit des étrangers ? vous attendiez vous à cette xénophobie d'état ?
Et de cette névrose (cette haine dirait Authueil), introduite dans le champ politique, dont Sarkozy est l'objet et dont il est à mon sens, le premier responsable ?

En m'excusant auprès de Dadouche pour la poursuite du hors sujet.
Cela dit je me ferais laserosabré par ses magnifiques chignons avec plaisir.


Dadouche :
Eh ben voilà, c'est gagné, le taulier pointe son nez et c'est le bordel !
Tout ça parce qu'il y connaît rien en assistance éducative...

41. Le mercredi 9 juillet 2008 à 11:37 par Bruno

@Mussipont en 39

Attendons de voir ce que sera l'assistance éducative lorsqu'elle sera entièrement transférée aux départements, après la refonte de l'ordonnance de 45. En principe, le juge pour enfant n'interviendra plus du tout.


Dadouche :
J'ai comme l'intuition que vous mélangez un peu tout là. L'ordonnance de 45, c'est pour le pénal, pas l'assistance éducative.
Cela dit, il est vrai que le risque de la séparation des fonctions civiles et pénales des JE, outre la catastrophe que ce serait pour la prise en charge des mineurs, c'est la tentation de supprimer carrément les fonctions civiles. On n'y est pas encore, mais c'est sans doute dans les cartons.

42. Le mercredi 9 juillet 2008 à 11:42 par aliocha

@eolas 37 : Je nuancerais quelque peu votre propos sur la liberté de la presse, mais vous vous y attendiez je crois ;)
S'il est exact que dans les grandes démocraties on s'abstient d'embastiller les journalistes, voire de les assassiner lorsqu'ils déplaisent (Dieu nous en préserve et Nicolas aussi), il est des manières plus détournées de les faire taire ou pire de leur faire dire ce qu'on veut. Dans cet esprit, nous assistons clairement à une prise de contrôle rampante des medias. Tel De Gaulle avec l'ORTF, la présidence de la République s'invite ouvertement dans le choix du président de France 2. Par ailleurs, ses amitiés fortunées et influentes lui offrent sur un plateau la tribune de leurs organes de presse. Paris Match en est l'illustration le plus flagrante. C'est une tentation naturelle chez les puissants, qu'ils soient politiques ou industriels, de vouloir influer sur la presse. NS ose le faire et après tout si personne ne s'y oppose, il ne fait que jouer ses cartes. Le problème, c'est que je n'aperçois pas de contre-pouvoir en l'état. Marianne a beau s'égosiller sur le sujet, le public s'en moque. Quant aux journalistes, ils n'ont jamais su se fédérer pour peser dans le débat public et s'opposer en bloc au pouvoir politique. Ajoutons à cela qu'ils sont empêtrés dans leurs difficultés financières, leurs interrogations existentielles face au net et la crise de confiance de l'opinion. En conclusion, on ne tue pas les journalistes mais on les achète, c'est moins dangereux pour eux mais tout aussi périlleux pour la démocratie.

43. Le mercredi 9 juillet 2008 à 11:47 par Kiki

Je suis désolé de polluer ce sujet, mais Eolas, pourriez-vous élaborer sur la dernière phrase de votre dernier commentaire : "Du strict point de vue démocratique, l'élection du précédent président m'avait paru infiniment plus problématique" ?
Si vous souhaitez le faire par mail pour éviter de pourrir davantage ce fil...

Quant à votre Troll Detector, Dadouche, il ne fait que menacer le Troll, il ne le fait pas vraiment fuir ni ne le combat.
Mais visiblement, le simple regard du votre suffit !

44. Le mercredi 9 juillet 2008 à 11:53 par Mussipont

@aliocha : Bonjour!

Quelques remarques n'allant pas tout à fait dans votre sens, une fois n'est pas coutume :

-sur la présidence de France Télévisions : croyez vous un seul instant que le CSA ait nommé une seule fois un Président sans avoir l'aval élyséen? NS aurait pu se passer de cette polémique qui n'est vraiment qu'une tempête dans un tout petit verre d'eau.

- NS a certes une grosse "influence "sur certains médias mais il ne peut tout même pas "acheter" tout les médias ni contrôler tout le net! Et il n'y a pas que Marianne a se montrer critique envers NS, il me semble que Le Monde, le Nouvel Obs, Libé, pour ne citer qu'eux, ne font pas trop dans le panégyrique sarkozien, non? Je ne crois pas que la liberté de la presse soit en danger, c'est plutôt la presse elle même qui l'est!

45. Le mercredi 9 juillet 2008 à 12:06 par Avokiapprendencoreettoujours

"...mais la procédure d'AE est à la fois simple et complexe.".
Effectivement, à la lecture de vos commentaires en 33 je m'aperçois qu'il est difficile d'interpréter les textes.

Je me pose alors la question de l'"aide" apportée à un Juge des enfants qui prend ses fonctions. Les JDE se contentent-ils de la lecture du Code civil et du code de Procédure civile, ou disposent-ils d'une formation et de cours spécifiques pour cette matière ?
Quels sont les ouvrages qui vous semblent les plus pertinents pour bien comprendre la législation applicable en AE, textes qui comme vous le dites sont apparemment simples mais cachent une redoutable complexité.

Dadouche :
Les chargés de formations de l'ENM rédigent des fascicules très bien faits (mais réservés à l'ENM), il y a des stages, une liste de discussion des juges des enfants. Sinon pour "les autres" les suppléments juridiques des Actualités Sociales Hebdomadaires sur la Protection de l'Enfance et le Traitement judiciaire de la délinquance des mineurs sont de bonnes approches. Le guide de l'aide sociale à l'enfance de Pierre Verdier chez Dunod est peut être aussi intéressant (je l'ai juste feuilleté). Et je suis sûre qu'il existe des formations pour les avocats.


Et où trouver un exposé complet sur la notion de "danger" en AE, car cette notion me semble assez mal définie et donc d'interprétation plus ou moins large selon les pratiques. Or puisque c'est le danger qui motive l'AE, je trouve dommage de ne pas avoir de précisions sur la définition du danger, et aussi l'aspect "psychologique" du danger qui me semble ouvrir encore plus la voie à l'interprétation subjective (non, non, ce n'est absolument pas une suggestion pour un prochain billet, pas du tout ;-) )


Dadouche :
Je ne me risquerai sûrement pas à un billet exhaustif sur la notion de danger. Parfois je me dis que c'est comme la pornographie : je le reconnais quand je le vois ! Plus sérieusement, oui c'est une notion vague, surtout depuis qu'on a ajouté la compromission des conditions d'éducation et de développement (notion que je préfère d'ailleurs utiliser car elle est moins stigmatisante pour les familles).
On essaye de l'objectiver autant que possible, mais chacun est marqué par ses propres représentations. D'où l'importance parfois d'une approche pluridisciplinaire. Il y a toujours des cas évidents, mais de nombreux autres sont aux frontières, qui sont parfois floues. Mais c'est aussi le relatif flou de cette notion (un peu moins que le trouble à l'ordre public quand même) qui permet d'intervenir dans des situations très variées, sans être prisonnier d'une liste de dangers énumérés, car il peut se nicher dans des endroits inattendus.

46. Le mercredi 9 juillet 2008 à 12:09 par aliocha

@mussipont : Je ne pense pas que ce soit une tempête dans un verre d'eau mais un symbole. De Gaulle n'imaginait pas que l'ORTF puisse servir à autre chose qu'à relayer le pouvoir, ce qui a amené l'ORTF à pratiquer parfois ouvertement la désinformation sur ordre du Président. Le CSA était certes un progrès de forme par rapport au passé peu glorieux de l'ORTF mais c'en était un. Nous aurions pu imaginer que l'on continue à progresser, fut-ce à pas de souris au lieu de reculer, non ?
Pour le reste, il est vrai que la presse tire à boulets rouge sur Sarkozy mais gare au leurre. Les titres que vous évoquez ne sont pas dans une santé florissante, c'est le moins qu'on puisse dire. L'Obs est sans doute celui qui s'en tire le mieux, les ventes de Marianne remontent m'a-t-on dit, quant aux deux autres, chacun sait ce qu'il en est. La question est : combien de temps conserverons-nous le pluralisme actuel ?
@dadouche : pardon pour cette dérive, c'est promis, je me tais désormais car nous sommes vraiment trop loin du thème de votre billet.


Dadouche :
Moi qui m'étais réjouie de voir votre nom dans la liste des commentaires sous un de mes billets, car j'apprécie beaucoup les vôtres. Hélas, trois fois hélas, vous n'en avez que pour Eolas et la liberté de la presse, pas pour les OPP...quelle désillusion ;-)))
Plus sérieusement, je serais très intéressée de savoir si vous et vos confrères êtes souvent contactés par des justiciables (ou leurs avocats) pour médiatiser leur drame judiciaire personnel, ce qui je suppose a été le cas pour cet article de Libération.

47. Le mercredi 9 juillet 2008 à 12:18 par Véronique

@ Eolas

" La modération dans le volume ne nuit pas à la clarté dans l'expression, au contraire "

Alors, merci de considérer que vos lecteurs peuvent aussi ne pas réagir à mes commentaires, et peuvent également ne pas se sentir obligés de vouloir absolument m'enseigner les vocabulaires et les dogmes juridiques.

Ils prennent ainsi le risque que je me sente sottement obligée à mon tour de leur répondre. Avec soin et par correction.


48. Le mercredi 9 juillet 2008 à 13:32 par Christine

HS, mais du nouveau dans le feuilleton de la naturalisation rétroactive...
tempsreel.nouvelobs.com/a...

49. Le mercredi 9 juillet 2008 à 13:59 par No comment

Dadouche, en robe de magistrat et coiffée comme la princesse Leïa tient un sabre laser à la main et regarde d'un air mauvais un Dark Vador vert qui tient un panneau 'Troll' ; Un texte 'Commentaire modéré par troll détector(tm)' surplombe l'image.

50. Le mercredi 9 juillet 2008 à 14:06 par tam

Petite coquille dans le paragraphe 4 :

"l'urgence qui ne permet pas de respecter la procédure habituelle de convocation préalable.".

Je pense que c'est plutôt "l'urgence qui permet de ne pas respecter la procédure habituelle", non ?


Dadouche :
Non. L'urgence n'est pas un prétexte pour se dispenser de la procédure de droit commun, mais la raison pour laquelle on est obligé de passer par une procédure dérogatoire. Il me semblait que cette formulation rendait plus fidèlement la nuance. J'aurais sans doute dû écrire "l'urgence qui empêche de respecter la procédure habituelle". D'ailleurs je m'en vais corriger de ce pas.

51. Le mercredi 9 juillet 2008 à 14:15 par Orange

Merci Eolas de votre réponse.

J'espère que vous dites vrai sur le droit des enfants. Je crainds vraiment pour les enfants ans papiers renvoyés dans des pays pauvres et pour les mineurs isolés sans papiers.

Ne comptez-vous pas trop sur Internet pour la liberté d'Informer? Il faut énormément de temps pour bien s'y informer (en diversifiant les sources) et très peu de gens ont ce temps et ce "savoir s'informer" là.

Cordialement

52. Le mercredi 9 juillet 2008 à 15:10 par tschok

Dadouche,

Vous reconnaissez la pornographie quand vous la voyez?!

Extraordinaire!

Elle est conçue pour.

Mais il y a un autre aspect de la pornographie, beaucoup plus spectaculaire (et moins ordre public): la pornographie qu'on ne voit pas.

Par exemple: avez vous compté le nombre de femmes nues qui s'affichent au fronton des palais de justice?

Moi non plus: j'ai renoncé, elles sont si nombreuses.

Dire que je reconnais la pornographie quand je la vois, c'est la même chose que de dire que je reconnais un escroc rien qu'à sa tête pour ensuite constater que mon compte bancaire est vide et que c'est moi-même qui ai signé l'ordre de virement.

53. Le mercredi 9 juillet 2008 à 15:42 par bardilon

Dadouche/37 :
Non, pas nécessairement : la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a.
Comme je l'ai indiqué plus haut, un tel droit de visite peut amener à mobiliser un personnel dont l'ASE ne dispose pas.

Je suis désolé, je n'avais pas vu votre réponse "plus haut"
mais tout cela me laisse un gout plus qu'âmer qu'un juge botte aussi facilement en touche sur des sujets aussi sensible que retirer sa progéniture à ses parents et ne pas se préoccuper de ce qu'il a décidé pour calmer et temporiser les choses.

- Je comprend que cela soit quelquefois nécessaire et même impératif de soustraire un môme.
- je comprend que des parents peuvent aussi comprendre après explications que cela soit fait à titre provisoire pour dénouer/vérifier certaines "choses".
- Je ne comprend pas que dans des cas aussi naturels qu'épidermiques qu'une relation parent/enfant votre seule réponse soit : (J'assume la taquinerie)
"bin mon pov mosieur si y'a personne , y'a personne" ;-)

Je n'aime pas la comparaison, mais pour moi ce n'est pas différent que d'envoyer des gens en prison alors que chacun sait pertinemment que les conditions "d'accueil" sont quasi inhumaines et hors normes "légales".

Le "juge" se lave à mon sens de citoyen un peu trop vite les mains du suivi et de ce qu'implique ses décisions!

J'imagine un des parents brandissant cette decision lui permettant de venir embrasser son enfant et à qui on le refuse ! Il ne faut pas s'étonner non plus dans ces conditions si quelquefois des "des gestes violents" partent !

Mais merci Dadouche pour ce billet dérangeant, ce n'est pas vous bien sur qui etes visée dans ma vive réaction, mais comme c'est vous qui avez voulu rediger, c'est vous qui là subissez ! ;-)

Je sais bien que vous faites avec ce que vous avez ! mais cette seule et récurrente "excuse" me désole profondément !
cordialement









54. Le mercredi 9 juillet 2008 à 15:58 par aliocha

@dadouche : Je serais bien en peine de livrer une opinion quelconque sur les OPP chère Dadouche, je m'en tiens à vous lire et à apprendre ce que vous nous expliquez avec beaucoup de pédagogie. S'il est vrai que je ferraille avec Eolas, c'est que les sujets qu'il traite sont plus proches de ceux que j'aborde au quotidien, quand il n'attaque pas directement ma profession, ce qui, vous l'aurez constaté, me fait bondir. Mais je m'en serais voulue ici de polluer votre billet avec des commentaires HS sur la presse.
Pour répondre à votre question, j'interviens essentiellement sur des sujets financiers et mes justiciables à moi sont des délinquants en col blanc qui paient des armées d'avocats. Ils n'éprouvent donc pas le besoin de saisir la presse ou alors cela s'intègre dans une stratégie globale et ce sont les avocats qui s'expriment. Mais c'est rare, le monde économique n'aime guère la presse dans les situations de crise et a tendance à tout faire pour la tenir à distance. Il arrive néanmoins qu'on nous appelle directement pour dénoncer un scandale financier et là on se retrouve très vite plongé en plein roman policier. Il arrive aussi que les avocats nous contactent pour commenter une décision de sanction de l'Autorité des marchés financiers ou de la justice et nous dire ce qu'elle a, à leur avis, de fondé ou au contraire de profondément injuste, selon bien entendu qu'ils ont gagné ou perdu. Mais là encore, ils savent que c'est un jeu dangereux et ils le pratiquent avec parcimonie. Je pense que sur des sujets de société, avocats et justiciables n'ont rien à perdre à saisir la presse et doivent donc le faire plus facilement. Reste ensuite à contacter un journaliste, ce qui n'est pas facile, à le convaincre, ce qui l'est encore moins car les gens qui hurlent à l'injustice sont légion et ils n'ont pas tous raison, loin s'en faut. Mais ça, vous le savez sans doute mieux que moi. Je pense que les vraies sources sont les associations et les syndicats qui, eux, ont l'habitude d'être en contact avec les journalistes et qui peuvent relayer utilement les cas sérieux. Ainsi sans doute que quelques avocats médiatiques ou qui ont simplement, par le fait du hasard, un copain journaliste.

55. Le mercredi 9 juillet 2008 à 16:18 par Caroline

@ Aliocha: vous tenez un blog quelque part sur la toile?

56. Le mercredi 9 juillet 2008 à 16:24 par aliocha

@caroline : Non, mais il est vrai que l'idée est tentante ; en plus cela m'éviterait de faire dériver systématiquement ou presque les billets d'Eolas et de ses invités. Mais j'écris déjà un à deux articles par jour et donc je m'interroge : est-il judicieux de passer à trois ?....qui sait, peut-être à la rentrée ;)

57. Le mercredi 9 juillet 2008 à 17:07 par MlleV

Ce blog est énorme !
Je m'empresse de le transférer à quelques ami(e) avocats pour leur plus grand bonheur ! Vous aurez certainement quelques addicts de plus !
J'en profite pour une petite question juridique : ai je le droit d'être dans vos liens ? ;-)

Mlle V, créatrice de
www.lescontemplatives.com

58. Le mercredi 9 juillet 2008 à 17:40 par Audrey

Allez, vive la pub. Je ne sais pas si vous avez vu mais Eolas ne vend rien.

59. Le mercredi 9 juillet 2008 à 17:46 par tam

"Non. L'urgence n'est pas un prétexte pour se dispenser de la procédure de droit commun, mais la raison pour laquelle on est obligé de passer par une procédure dérogatoire. Il me semblait que cette formulation rendait plus fidèlement la nuance. J'aurais sans doute dû écrire "l'urgence qui empêche de respecter la procédure habituelle". D'ailleurs je m'en vais corriger de ce pas."

Merci pour la précision (de fait, j'ai saisi la volonté de faire une nuance juste après avoir écrit mon message).

60. Le mercredi 9 juillet 2008 à 18:55 par Jean-Luc Rongé

Très bien l'idée d'envisager l'OPP et les pouvoirs du parquet. On pourrait en dire plus lorsqu'on constate qu'il arrive que le ministère public ne saisisse pas le juge des enfants malgré le recueil de celui-ci en urgence par l'ASE. Il arrive aussi que le juge soit saisi fort tard - au terme du délai de trois semaines... Je l'ai raconté à l'égard d'un enfant palestinien qui avait été placé par OPP alors que ses parents étaient détenus pour ne pas avoir suffisamment collaboré à leur refoulement à la frontière.

Dans un commentaire de jurisprudence, j'ai appelé l'OPP "le trou noir de l'assistance éducative", certains le qualifiant de mesure "juridictionnelle", d'autres non, étant donné qu'elle n'a pas fait l'objet d'un débat contradictoire et qu'elle n'est pas notifiée aux parties. Voyez le Journal du droit des jeunes n° 269 de novembre 2007. Je peux vous parvenir une copie PDF des deux articles si vous le souhaitez.

61. Le mercredi 9 juillet 2008 à 20:28 par Bruno

@Dadouche, qui répondait en 45
>> Les JDE se contentent-ils de la lecture du Code civil et du code
>> de Procédure civile, ou disposent-ils d'une formation et de
>> cours spécifiques pour cette matière ?

> Les chargés de formations de l'ENM rédigent des fascicules
> très bien faits (mais réservés à l'ENM)

Dommage que ces fascicules soient confidentiels, qu'ils ne complètent pas les rayonnages existants, en librairie ou sur les portails officiels. En ne parlant pas la même langue, en ne lisant et ne percevant pas la même chose, ça ne peut qu'en ajouter à l'incompréhension voire à des tensions alors que, dans l'idéal, les personnes concernées par une mesure d'assistance éducative devraient y adhérer.

Après toutes vos explications, ajoutez à cela OPP et son exécution, investigation(s), débat(s), jugement(s) suivant(s), ajustements en fonction des moyens voire des interprétations des services missionnés, "l'expérience" a de quoi être très difficile pour une famille.

62. Le jeudi 10 juillet 2008 à 09:03 par Georges

Visiblement dans cette procédure le seul qui n'est pas consulté, à qui il n'est apparemment pas prévu qu'on demande sont avis, c'est le mineur concerné. Bonjour le droit les enfants. Après on ira lui raconter les "ton corps t'appartient, etc..."


Dadouche :
Quand une OPP est prise, le mineur n'est en effet pas lui non plus consulté lors d'une audience. Dans la réalité, un nombre non négligeable d'OPP sont prises à la demande du mineur ou à la suite de révélations qu'il a faites.
Dans tous les autres cas :
- le mineur peut lui même saisir le juge des enfants de sa situation
- le mineur capable de discernement est entendu à l'audience (même si on peut le dispenser de comparaître sur une partie de l'audience pour lui éviter certains déballages)
- le mineur peut être assisté de son propre avocat
- le mineur peut faire appel des décisions qui le concernent
- le mineur peut consulter son dossier, accompagné d'un de ses parents ou d'un avocat

63. Le jeudi 10 juillet 2008 à 10:34 par Thau

@dadouche
"Eh ben voilà, c'est gagné, le taulier pointe son nez et c'est le bordel ! Tout ça parce qu'il y connaît rien en assistance éducative..."

Tout comme aliocha, je serais bien en peine de livrer la moindre opinion sur les OPP. Je me contente de vous lire, vous et celles et ceux qui en ont une, d'opinion. Mes HS n'ont d'autres buts que d'être confronté au Troll Detector le plus sexy de la blogosphère... en vain.

64. Le jeudi 10 juillet 2008 à 11:08 par aliocha

@Thau & Dadouche : C'est fou en effet cette capacité du "Taulier" à donner immédiatement un petit air polémique aux discussions les plus sages. Du coup, les rebelles se déchainent, les billets dérivent, Troll detector est secoué de spasmes et c'est le bins généralisé. Je me demande ce que ça donne dans les salles d'audience et combien de temps en moyenne il faut attendre pour voir se déclencher un pugilat quand Eolas entre en scène ;) A moins bien sûr que le blog ne soit son défouloir...

65. Le jeudi 10 juillet 2008 à 11:51 par Georges

@ Dadouche 62

Oui il a le droit en théorie d'organiser sa défense, comme tout accusé, sauf que lui n'est coupable de rien. Pourtant on lui a retiré arbitrairement le premier de ses droits : la liberté... Et sur des critères aussi peu objectifs que la suspicion d'un danger pour sa santé, sa sécurité, sa moralité tel que "...les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises".

Pardonnez moi si je fais à mi-mots ce que je vous reproche de faire, juger les autres qui ne pensent pas ou ne vivent pas comme vous, mais étant un ex-enfant placé contre son gré, vous comprendrez mieux mon amertume.


Dadouche :
Je comprends votre sensibilité sur le sujet, et je ne tenterai pas d'opposer des considérations plus générales à votre expérience personnelle, qui est manifestement douloureuse.
Je regrette cependant que le langage courant associe la présence d'un avocat ou les droits de la défense, à la nécessité de se défendre d'une accusation ou à l'idée de culpabilité. L'assistance d'un avocat est utile dans de nombreuses procédures. Il connaît les arcanes du droit (enfin il essaie en assistance éducative), il sait ce qui est possible ou pas, il est le porte-parole de ceux qui ont n'osent exprimer certaines choses ou le font avec maladresse, il est un garde-fou quand l'institution judiciaire manque parfois de vigilance (ça lui arrive), il peut être un voix dissonante, il est parfois un médiateur, il est enfin un soutien parfois indispensable à ceux qui se sentent stigmatisés ou incompris.
Et je regrette souvent que si peu d'avocats s'intéressent à l'assistance des mineurs, notamment en assistance éducative. Quand ils connaissent la matière, c'est une indéniable valeur-ajoutée au processus judiciaire.

66. Le jeudi 10 juillet 2008 à 12:05 par aliocha

@dadouche : Je n'avais pas eu le temps de lire le papier de Libération à l'origine de votre billet. Je viens de le faire. Je comprends mieux votre souci de clarifier la situation et vous expliquez bien toute la difficulté de l'exercice pour un juge.
Comme vous, j'ignore tout de l'affaire.



Dadouche, en robe de magistrat et coiffée comme la princesse Leïa tient un sabre laser à la main et regarde d'un air mauvais un Dark Vador vert qui tient un panneau 'Troll' ; Un texte 'Commentaire modéré par troll détector(tm)' surplombe l'image.

Dadouche :
C'est pourquoi, fidèle à ma ligne sur ce billet, je trolle-détecte vos suppositions.


Ce qui m'amène à vous poser une question : quelle crédibilité l'autorité judiciaire accorde-t-elle dans ce genre de situation à l'autorité médicale et aux services administratifs ? N'y-a-t'il pas un risque que ces autorités se fassent un peu trop confiance mutuellement ? Que pèse la parole de simples citoyens qui affirment qu'ils sont des parents attentionnés face aux médecins agacés qu'une jeune mère n'ait pas été suivie médicalement ? Que pèse leur parole face à l'aide sociale à l'enfance qui trouve qu'un appartement est sale et qui tombe au moment où la mère dort et où le mari est absent ?



Dadouche :
Les services médicaux et de protection de l'enfance sont des partenaires habituels du juge des enfants (et pas au sens de "partners in crime"...). La confiance que l'on accorde à leurs constats est à l'aune de l'expérience qu'on en a au jour le jour. On repère vite qui s'affole pour un rien, qui ouvre le parapluie, qui ne demande la transmission aux autorités judiciaires qu'en dernier recours.
Si des erreurs ou des évaluations erronées sont toujours possibles, ce sont malgré tout des professionnels, qui ont des techniques de travail et oeuvrent le plus souvent en équipe. Ce n'est en principe pas une personne mais un service qui signale une situation. Et qui n'a pas d'intérêt particulier à le faire pour rien.
L'essentiel, dans un signalement, c'est d'abord les faits rapportés, avant l'anayse qui en est faite. Il peut s'agir de faits "bruts", objectifs (on constate des traces de coups, le suivi de grossesse n'a pas été fait, il y a eu tant d'absences scolaires sur le dernier trimestre), ou de faits évidemment soumis à une certaines subjectivité (Mr se montre agressif, l'enfant est décrit comme mutique en classe, les voisins se plaignent régulièrement de tapages et bruits de disputes violentes). Plus un écrit est étayé par des faits détaillés le plus objectivement possible, plus il "pèse".
On ne se fonde pas sur un agacement, sur une différence, mais on s'interroge le plus objectivement possible pour savoir si les faits rapportés caractérisent un danger pour le mineur, qui s'apprécie évidemment à l'aune par exemple de son âge ou d'inquiétudes antérieures. C'est un faisceau d'éléments qui peut conduire à considérer qu'il y a un danger. Le fait qu'une grossesse n'ait pas été suivie médicalement est objectivement un peu inquiétant, par rapport au suivi médical à venir pour le nourrisson ou à la façon dont la grossesse a été investie, mais ne peut être en soi considéré comme un élément de danger s'il n'y a pas d'autres éléments d'inquétude.
On s'aperçoit souvent aux audiences que ce n'est pas tant les constats faits par les travailleurs sociaux mais leur analyse qui sont contestées par les familles. La présence des travailleurs sociaux à l'audience est d'ailleurs souvent intéressante parce qu'elle permet aussi un échange sur les représentations de chacun sur ce qu'est un "parent attentionné". L'audience est aussi pour ceux qui ont refusé de parler aux travailleurs sociaux, ce qui contribue généralement à renforcer les inquiétudes, l'occasion d'expliquer certains éléments, de faire part de faits ignorés (et pour cause) par les services, et du coup de dégonfler singulièrement certaines situations.
Le travail sur les écrits professionnels est une composante importante de la formation des travailleurs sociaux, et une source de réflexion permanente (oui, je sais, encore heureux), particulièrement depuis la loi de 2002 qui permet aux familles de les consulter. Cela a beaucoup inquiété les travailleurs sociaux dans un premier temps, qui craignaient de ne plus pouvoir faire part de certains éléments par peur de braquer la famille ou parfois par crainte de représailles. Mais je crois qu'ils se sont appropriés cette possibilité de contrôle supplémentaire et la valeur de leurs écrits en a été renforcée.
Bien sûr, rien ne garantira jamais à 100% que la machine ne s'emballe jamais. Ce serait hypocrite de prétendre le contraire. Mais le renforcement des droits des familles et du contradictoire dans la procédure, l'évolution des techniques du travail socio-éducatif, les investigations pluri-disciplinaires sont de réels garde-fous.

67. Le jeudi 10 juillet 2008 à 12:28 par Georges

@ aliocha 66

Regardez l'affaire Outreau et la crédibilité accordée par les juges à des charlatans-psys sur la simple impression qu'ils confirmaient leur intime conviction de détenir la vérité. Regrettable accident comme vous dites qui a coûté la vie à l'un des accusés et porté d'irrémédiables préjudices aux autres.

68. Le jeudi 10 juillet 2008 à 12:42 par aliocha

@georges : heureusement que vous répondez à mon commentaire, comme il a disparu, je me demandais si le surmenage ne m'avait pas définitivement fait sombrer dans un monde parallèle ! Problème technique sans doute. Ma question à Dadouche est une vraie question. Pour les journalistes dont je suis, la crédibilité de la source de l'information est importante,donc je me demande comment font les juges dans ces cas-là. Il n'y a aucune trace de malveillance dans cette interrogation. Par ailleurs, ne dérivons pas sur Outreau, cette affaire a mis en jeu des processus infiniment complexes qui ont poussé les juges certes, mais aussi les medias et l'opinion publique à déraper ensemble pour provoquer une tragédie. Comme le fait remarquer Dadouche dans son billet, c'est facile après coup d'identifier les erreurs.


Dadouche :
Pas de problème technique, juste le temps de répondre...

69. Le jeudi 10 juillet 2008 à 12:50 par Georges

@ Dadouche 65

Mais la Justice (terme abusif qu'il serait opportun de remplacer par Pouvoir...) est un labyrinthe impénétrable au commun des adultes, comment voulez-vous qu'un enfant sache que les décisions qui lui sont imposées sont discutables et qu'il a le droit de s'y opposer et de les changer ? Quelle autorité va le soutenir contre une décision judiciaire ? Au contraire tout est fait pour l'inciter à accepter l'injustice. Sans réparation possible.



Dadouche :
Vous avez raison : un travail considérable est à mener pour que ces droits reconnus aux mineurs soient véritablement mis en oeuvre. La loi a ouvert des possibilités, les pratiques doient s'adapter. Cela demande parfois du temps, et une énergie considérable pour faire bouger les habitudes. Pendant longtemps, on entendait "juge des mineurs, juge mineur", et on le perçoit encore.
Par exemple, certains barreaux n'ont pas en leur sein de commission dédiée à l'assistance des mineurs. Les avocats sont assez peu formés aux spécificités de cette matière, souvent considérée comme peu importante parce que "il suffit d'un peu de bon sens" (le revoilà celui-là).
Les récentes instructions pour tenter de contenir les dépenses d'aide juridictionnelle conduisent certains BAJ à refuser d'accorder de droit l'aide juridictionnelle aux mineurs, et à prendre en compte les revenus de leurs parents. L'information du mineur de ses droits n'est pas encore systématique. Les mentalités doivent évoluer aussi du côté des travailleurs sociaux qui voient parfois l'avocat comme prêt à soutenir n'importe quoi pour faire plaisir aux parents au détriment de l'intérêt de l'enfant.
Je ne "fréquente" le champ du travail social et de la protection de l'enfance que depuis deux ans, mais je vois déjà des évolutions réelles, et les derniers textes vont en permettre de nouvelles. Et une part passionnante de la fonction de juge des enfants consiste, outre les situations individuelles dont on est chargé, à insuffler des choses, mener un travail de partenariat dans son département. Mais c'est plus difficile quand on a déjà un cabinet surchargé et un greffe exsangue.

70. Le jeudi 10 juillet 2008 à 13:01 par David Alexandre

C'est bien calme en ce moment du point de vue du rythme des billets. Une stratégie pour calmer l'engoument déclenché par de précédents billets forts populaires ? Heureusement la qualité est toujours là, merci à Dadouche.

@ aliocha : j'imagine qu'il n'est pas envisageable que vous nous disiez dans quel canard l'on peut vous lire ?

71. Le jeudi 10 juillet 2008 à 13:32 par Mussipont

@David Alexandre : La vie du Rail et Paris-Turf.

72. Le jeudi 10 juillet 2008 à 13:40 par NoID

Il serait intéressant de savoir sur quoi vous vous fondez pour affirmer que l'article de Libération donne essentiellement le point de vue des parents.
C'est bien mal connaître le travail d'investigation des journalistes de Libération en général et de la journaliste en cause en particulier.

Eolas:
Juste une hypothèse : de la lecture de l'article ?

73. Le jeudi 10 juillet 2008 à 15:02 par NoID

Pour mémoire : "Dans ce dossier, de nombreux acteurs administratifs contactés par Libération admettent que la séparation «n’aurait jamais dû avoir lieu». Et évoquent «un regrettable enchaînement ». "

Eolas:
Comptons donc les mots entre guillemets, qui sont des citations, donc la parole donnée à une personne concernée.

Les parents : 82 mots. Leur avocat : 3 mots. Leur psychiatre : 12 mots.
“de nombreux acteurs administratifs contactés par Libération” mais extérieurs à l'affaire : 9 mots, favorables aux parents. Citations favorables : 106 mots. L'ASE qui a pris la décision : 5 mots. Équilibré, sans nul doute.

74. Le jeudi 10 juillet 2008 à 15:13 par ramses

@ aliocha 66

C'est vous, le petit bonhomme vert avec une pancarte ?

Sans indiscrétion, vous venez de quelle planète ?

75. Le jeudi 10 juillet 2008 à 15:18 par aliocha

@dadouche 66 : Fichtre ! On me censure ! Même Eolas n'avait jamais osé. Et là je m'insurge et je proteste avec véhémence. Quand on parle d'un article, il ne me parait pas absurde de s'appuyer dessus dès lors que l'on précise qu'on ne connait pas l'affaire et que l'on met en évidence ce qui relève des faits de ce qui n'est qu'hypothèses sur ce qui s'est passé. Sinon, merci pour votre réponse qui m'éclaire autant qu'elle me rassure. Mais je maintiens mes protestations.
@NoID : je dois dire que pour une fois Eolas a raison sur un sujet de presse. L'article retrace essentiellement l'avis des parents, c'est indéniable. Mais je ne vois ni chez Dadouche ni chez Eolas la moindre attaque. Ils ont bien lu comme nous que les autres personnes interrogées avaient en majorité refusé de répondre. Enfin, me semble-t-il....


Dadouche :
Justement je ne parlais pas de l'article, mais de la procédure utilisée dans la situation relatée par l'article. J'ai voulu essayer de totalement détacher le billet et les commentaires de cette situation parce que mon expérience des situations de ce genre me conduit à ne même pas envisager de me faire une opinion (et surtout d'en faire part) sur une situation comme celle-ci sans avoir l'intégralité des éléments du dossier judiciaire entre les mains. Je n'ai pas voulu non plus que ces éléments soient discutés en commentaire, parce que personne ici n'a les moyens de se faire une opinion éclairée sur ce qui s'est réellement passé. Je ne sais pas si cette décision a été appropriée, injuste, prise précipitamment, ou que sais-je encore. Et je refuse qu'on spécule là dessus ici sur la base de suppositions fondées sur quelques éléments de fait de l'article.
En revanche, compte tenu des erreurs ou approximations juridiques contenues dans l'article (et je ne mets en cause ni la bonne foi ni la compétence journalistique de l'auteur), et des interrogations que cette procédure et le ton général de l'article peuvent susciter (les policiers peuvent débarquer chez vous sans raison pour prendre vos mouflets), il m'a paru utile, pour ceux qui souhaitaient des éléments pour mettre en perspective le contenu de l'article, d'expliquer en quoi consiste cette procédure, pourquoi on ne peut pas écrire par exemple que c'est l'ASE qui a placé les enfants ou pourquoi la date de l'audience est tout à fait dans les normes quelles que soient les urgences et les vacances. Je crois que je ne le ferai plus, ce n'est sans doute pas tenable.

76. Le jeudi 10 juillet 2008 à 15:35 par ramses

A la lecture de tous ces commentaires, sur un sujet dont je n'avais aucune connaissance (merci Dadouche), il me vient une réflexion sur le système éducatif.

Traditionnellement, cette question d'éducation était du ressort des parents et des instituteurs. Or, plus on avance, plus on se rend compte que les parents sont déresponsabilisés par rapport à l'autorité judiciaire, qui a tendance à prendre le relais.

Dadouche :
L'autorité judiciaire ne prend pas le relais. Les parents sont évidemment en première ligne dans l'éducation de leurs enfants. L'autorité administrative (le Conseil Général, chargé de la Protection de l'Enfance, et non de l'éducation des enfants) et, éventuellement, l'autorité judiciaire, n'interviennent que dans des situations de danger pour l'enfant.


Je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour l'enfant, qui perd les repères de la cellule familiale. Dire à l'enfant qu'il a des droits, pourquoi pas, mais les faire valoir par l'entremise d'un avocat et d'un Juge me paraît aller dans le sens d'une reddition du système éducatif traditionnel.

Dadouche :
Il y a un évident malentendu. Il ne s'agit pas, dans les explications que j'ai données, de dispositifs destinés à faire valoir les droits des enfants face à leurs parents mais dans le cadre d'une procédure judiciaire d'assistance éducative ouverte à leur bénéfice parce qu'on les estime en danger.


Comme le souligne le billet, tous les enfants concernés par ces mesures ne sont heureusement pas en danger de mort... Or, il me semble que ces OPP ont une tendance inflationniste. Est-ce vraiment une bonne chose pour l'enfant ?


Dadouche :
Il n'y a pas de statistique en la matière. Dans mon expérience personnelle, elles sont au contraire en baisse.

77. Le jeudi 10 juillet 2008 à 15:36 par NoID

"mais extérieurs à l'affaire", selon qui ? Pardonnez-moi mais je ne vois pas cette précision dans l'article.

78. Le jeudi 10 juillet 2008 à 15:42 par aliocha

@Noid : eh bien il ne me semble déjà plus, Eolas passe à l'attaque. Je fais amende honorable, vous aviez raison d'être inquiet.

@eolas : êtes-vous capable de comprendre la différence entre écrire ce qu'on appelle un "jus de crâne" dans notre jargon, c'est-à-dire sortir de son esprit ce qu'on sait, comme vous le faites sur ce blog, après avoir éventuellement effectué quelques recherches, et aller sur le terrain, rencontrer les gens, passer des coups de fil dans tous les sens, espérer que les gens répondent et puis à une heure donnée, poser le crayon et rendre au rédacteur en chef l'article sur la base des informations qu'on a obtenues. Croyez-vous que l'on puisse dire "ah ben non, j'ai pas compté les mots prononcés par chaque partie, il y en a un qui n'a pas répondu donc il n'y aura pas d'article dans le journal demain" ? Non Mon Cher Maître, on ne peut pas faire cela. Alors, ceux qui ne répondent pas, on le dit, parce que en soi, c'est une information et c'est tant pis pour eux s'ils n'ont pas répondu. Cela renseigne le lecteur qui en tire les conclusions qu'il souhaite. Notre devoir est d'interroger tous ceux qui savent et de vérifier. Si quelqu'un refuse de répondre, ce n'est pas notre problème et ce n'est pas une faute professionnelle. Parce que si ça l'était, je vous assure qu'il n'y aurait plus de presse depuis longtemps.

@david alexandre : non, désolée, je tiens à mon espace de liberté ;)

79. Le jeudi 10 juillet 2008 à 16:00 par Avokili

Je reviens sur vos commentaires fort intéressants en 33, sur le point de savoir si le délai de 8 jours imposé par l'art.1188 du CPC devait être observé pour les convocations dans le cadre des audiences dans la phase provisoire.
Selon votre analyse et celle de l'ENM "...C'est en tout cas l'analyse qu'on en avait à l'ENM, mais les textes sont peu clairs..." ce délai de 8 jours ne s'appliquerait pas en phase provisoire.

Ce point m'interpelle car si ce délai minimal de 8 jours n'est pas respecté, cela signifie que les parents risquent fort d'être convoqués à l'audience sans avoir eu suffisament de temps pour préparer leur dossier, le consulter au greffe, et surtout pour contacter un avocat.

Dadouche :
C'est bien pour cela qu'en ce qui me concerne je m'efforce de le respecter. Cependant, l'argument textuel de l'ENM me semble pertinent : c'est pour la convocation à l'audience et non à la première audition que le CPC prévoit un délai de 8 jours.

J'ai consulté les ouvrages que vous citiez en référence. Je n'ai rien trouvé dans celui de M.Verdier et de Mme Noé. Par contre, la question était très précisément abordée et de façon détaillée par le livre de M. Huyette, lui même Juge des enfants.
Selon lui, le non respect de ce délai de convocation (par LRAR) de 8 jours entraine indiscutablement la nullité de la procédure (cf son guide de la protection de l'enfance, 3è édition, en p.66). Un peu plus loin, lorsqu'il aborde la question des procédures exceptionnelles et des mesures d'urgence, il réaffirme que ce délai de 8 jours doit être respecté à peine de nullité (p.174 de son livre). Il précise cependant que ce principe essentiel supporte une atténuation, si les personnes intéressées acceptent expressément de renoncer à ce délai. M. Huyette précise alors que le Juge des enfants aurait l'obligation, dans ce contexte, de "leur faire connaitre leur droit de refuser d'être entendus à cause du délai non respecté, mais tout autant leur droit de s'exprimer" (p.175).
M. Huyette est très affirmatif sur le fait qu'il y a là une cause de nullité de la procédure, et son analyse me semble assez sure car il est ancien JDE et est aujourd'hui conseiller délégué à la protection de l'enfance en Cour d'appel. Mais pour autant ce n'est pas ce qui est pratiqué par les JDE, ni enseigné à l'ENM.

Dadouche :
L'analyse d'autres juges des enfants chevronnés ne me paraît pas moins légitime.

Nous sommes donc en présence de deux analyses opposées, toutes deux effectuées par des magistrats, avec comme enjeu sous jacent une grave nullité de procédure. Les arguments développés par M. Huyette, que j'ai repris, vous semblent-ils pertinents et de nature à modifier la pratique que vous connaissez ?

Par ailleurs, M. Huyette revient longuement sur la procédure d'urgence initiée par le Procureur. Les informations qu'il donne sont assez étonnantes car selon ses propres constatations: (p.192)
"... dans de très nombreux cas, alors que le Procureur de la République prend sa décision tel jour, telle heure, le mineur concerné est conduit dans un service éducatif sur le champ mais la décision du parquet n'est envoyée au service concerné et aux parents que plusieurs jours après, et dans certains tribunaux, qui semblent largement majoritaires, elle n'est pas adressé aux parents, elle ne leur est pas du tout officiellement notifiée...".
Dans votre pratique personnelle, avez vous été amenée à statuer suite à une OPP du Procureur qui n'ait pas été notifiée ? Qu'avez vous fait alors ? Ne s'agit-il pas là encore d'un grave motif de nullité de la procédure puisque on met en application une mesure qui n'a aucune existence légale pour les intéressés qui n'en ont pas été destinataires, et qui ne peuvent pas, de ce fait, exercer des voies de recours ?
M. Huyette pose la question en ces termes: "...En l'absence de notification officielle aux parents de l'ordonnance du Procureur de la République, quelles sont les règles juridiques applicables si les parents refusent de laisser partir leur enfant..." ?

Beaucoup de questions pour lesquelles votre éclairage serait très intéressant.

Dadouche :
Mon éclairage n'a pas de valeur particulière, je ne représente que moi même.
La notification de toute décision est à mon sens juridiquement (et évidemment humainement) plus correcte. En tout cas la non notification est source de risques de confusion ultérieure. Par exemple, il est évident qu'une décision non notifiée ne pourrait servir de fondement à des poursuites pénales pour non représentation d'enfant contre des parents qui refuseraient de laisser leur enfant partir avec le service éducatif. De même peuvent se poser par exemple des difficultés en terme de détermination de l'identité du civilement responsable du mineur si celui-ci commet un acte entraînant sa responsabilité civile durant ce laps de temps.
En revanche, il me semble qu'il ne peut appartenir au JE de se prononcer sur l'éventuelle nullité d'une décision qui (en tout cas d'après l'interprétation de M. Huyette), peut être frappée d'appel, puisque si je me souviens bien la nullité d'une décision ne peut être demandée que par l'exercice des voies de recours prévues par la loi. En tout état de cause, le jour de l'audience, le JE est saisi de la situation non par l'OPP mais par la requête du Parquet. Le fait que le mineur soit ou non confié à un service à cette date est à mon sens sans effet sur la validité d'une éventuelle décision de placement qu'il prend à l'audience.
Je n'ai par ailleurs pas constaté dans ma pratique que les services éducatifs acceptent d'accueillir un mineur sans avoir reçu au moins par fax la décision qui le leur confie (sauf hypothèse de placement nocturne d'un mineur trouvé livré à lui même, le fax étant alors au pire adressé le lendemain matin). Enfin, même si, j'en conviens, cela ne vaut juridiquement pas notification, les parents nécessairement sont au moins avisés verbalement de la décision.
Enfin, la nature des OPP du Parquet n'est pas claire, et il n'est pas si communément admis que cela qu'elles soient soumises aux mêmes règles que les ordonnances du JE, ni même qu'une voie de recours soit possible. En tout état de cause, un droit d'appel des OPP du Parquet, s'il existe, est de fait vidé de toute substance par les délais dans lesquels le JE doit ensuite statuer, puisque la jurisprudence classique des cours d'appel est de considérer que l'appel est sans objet si la décision a été modifiée au jour de l'examen de l'appel (ce qui est nécessairement le cas puique la décision du JE, quelle qu'elle soit, se sera d'ici là substituée à celle du parquet)
Pour finir, je ne peux que vous recommander de vous faire votre propre opinion, en fonction des textes et des (rares) décision de la Cour de cassation, en les confrontant à l'économie générale de procédure d'AE.

80. Le jeudi 10 juillet 2008 à 16:07 par Eolas

@ NoId : Mettez-y un peu du vôtre, parce que là, j'ai l'impression de réfléchir à votre place, et je demande en principe des honoraires pour ça. Deuxième paragraphe : “ Dans ce dossier, de nombreux acteurs administratifs contactés par Libération admettent que la séparation «n’aurait jamais dû avoir lieu». Et évoquent «un regrettable enchaînement ”. Sixième paragraphe : “Jointe par téléphone, l’ASE des Hauts-de-Seine explique qu’elle n’a «pas les moyens» de respecter le droit de visite de deux heures par jour. Et justifie le placement en expliquant avoir détecté un «danger imminent» pour les enfants.” L'ASE des Hauts-de-Seine ne dit pas la même chose que les “nombreux acteurs administratifs” joints par Libération. J'en déduis que l'ASE 92 n'est pas ces nombreux acteurs administratifs. C'est audacieux, j'assume. Reste donc comme partie au dossier le parquet des mineurs et le juge des enfants. S'ils avaient répondu, ils auraient été cité ès qualité, ou à tout le moins comme “source judiciaire proche du dossier”. D'où mon syllogisme : Libé indique quand ses témoins font partie du dossier. Libé ne dit pas que ses nombreux acteurs administratifs sont proches du dossier. Donc ses nombreux acteurs administratifs ne sont pas proches du dossier. À qui dois-je envoyer ma facture ?

@ Aliocha : Je le comprends fort bien. Et pour ma part, je peux trouver cet article pas très équilibré, quand bien même il aurait été écrit par un journaliste. En l'espèce, l'ASE a répondu. Mais dans les Hauts de Seine, ils respectent le secret professionnel. Quitte à prêter le flanc à un article qui ne rend compte du point de vue que d'une partie. Je n'ai pas le temps hélas de me livrer à une analyse détaillée des biais de cet article. C'est un fait pour moi. Je n'attaque pas pour autant la corporation des journalistes, ni le journal, ni la rédactrice de cet article. Elle a été touchée par ce qui est arrivé à ce couple et a visiblement estimé lors de son enquête que ce qui leur est arrivé n'était pas bien. Je ne reprocherai jamais à un journaliste d'avoir une opinion et de l'exprimer. Moi même je ne me gêne pas ; mais j'essaye de faire en sorte que chacu ntrouve dans mes articles du grain à moudre pour se faire leur opinion et contester la mienne en commentaire. Vu que ça arrive à peu près à chaque fois, je pense que je me débrouille pas trop mal. Mais il est vrai que je n'ai aucune contrainte de temps (pas de bouclage) ni d'espace (autant de feuillets que je veux — l'unité de mesure est toujours le feuillet ?) Simplement, je constate que cet article demande une lecture critique pour ceux qui veulent savoir ce qui est arrivé, qui n'est pas indispensable à ceux qui se contenteront de s'indigner sur le thème de la justice inhumaine. Et je guetterai sans trop y croire l'article qui annoncera que les enfants sont retournés à leur foyer dans le cadre d'un probable suivi au domicile. Nous avons une mère dépressive qui a cessé son traitement et n'a pas fait suivre sa grossesse, avec un risque de baby blue sur un terrain fragile ; un père qui part faire des courses laissant ses enfants sous la garde d'une mère assomée par les médicaments et n'a pas fait suivre la grossesse de son épouse, ma foi, c'est un dossier qui mérite un certain suivi. Cette remarque aurait pu être insérée par exemple à la place de l'information pas essentielle à la compréhension du lecteur que Basile a un visage pointu et plein de vie et un carnet de santé. Mais vous me connaissez, je vois le mal partout.

@ Dadouche : J'y connais certainement beaucoup moins que vous, mais dire que je n'y connais rien à l'assistance éducative, je proteste. N'ayant assisté à aucune autre audience que celles de mes quelques dossiers, je serais bien en peine d'en raconter une sans violer le secret professionnel ; quant à expliquer de quoi il retourne, ce serait chasser sur vos terres, et vous avez un sabre laser.


Dadouche :
Vous avez raison, j'ai été un peu caricaturale. J'aurais dû écrire : Maître Eolas s'y connaît en procédure d'assistance éducative un peu mieux que moi en droit des étrangers...

81. Le jeudi 10 juillet 2008 à 16:44 par aliocha

@eolas : Admettons que vous n'attaquiez ni le journal, ni la journaliste et que vous ayez compté les mots pour lui rendre hommage. Je passe sur le mot corporation qui ne me concerne en rien. J'accorde trop de prix à l'honnêteté intellectuelle pour m'autoriser le moindre corporatisme. Mais je n'apprécie pas que vous expliquiez la justice en traquant des fautes et des insuffisances dans la presse, lesquelles relèvent souvent, désolée de vous le dire, soit d'une méconnaissance du métier, soit d'une vision erronée ou rêvée. Dadouche a éclairé techniquement l'article de Libé et s'est gardée de toute critique. Pourquoi faut-il toujours que vous, vous entonniez le refrain du "il manque ça et ça dans l'article" ? Une des premières choses qu'on apprend dans le journalisme, c'est à déterminer l'angle du sujet. Un événement important fera ainsi l'objet d'une présentation des faits dans un article, d'une interview de spécialiste dans un autre et souvent d'un éditorial en plus. Un sujet, trois angles. Souffrez que la presse généraliste ne passe pas son temps à voir des sujets juridiques partout ou à aborder toute l'actualité sous un angle juridique. Parce que ça, il y a la presse pro et, c'est relativement nouveau, un excellent blog tenu par un certain Eolas.
Pour répondre à votre question, oui l'unité de mesure est toujours le feuillet qui comprend 1500 signes espaces compris. Ce qui ne signifie pas que nous vendons du vent (les espaces) mais simplement que l'on raisonne en terme d'encombrement et que les espaces prennent de la place, comme les signes ;)
@mussipont : Voulez-vous cesser d'être désagréable avec moi ?
@ramses : en vrai, je ressemble plutôt à Dadouche qu'au Troll, d'ailleurs, j'ai contesté son intervention.

82. Le jeudi 10 juillet 2008 à 17:17 par Eolas

@ Aliocha. Je suis peut-être prompt à la critique vis à vis de la presse (j'ignorais qu'elle jouissait en la matière d'une quelconque immunité), mais égale à votre propension à prendre la mouche quand on critique un article de presse (Aparté : CORPORATION, substantif féminin. Usuel.Ensemble des personnes, éventuellement liées par une association, qui exercent la même profession. Aucun sens péjoratif même si le mot corporatisme en découle, mot que je n'ai pas employé ; merci de critiquer ce que je dis, il y a suffisamment pour vous occuper, mais de ne pas vous vexer pour ce que je n'ai pas dit, sinon on n'est pas sorti).

JE, Eolas, après avoir lu l'article lié par Dadouche, auteur exclusif de ce billet, estime qu'il est déséquilibré, préférant susciter l'indignation que tenter d'expliquer, ce que fait Dadouche dans son billet sus-cité. J'exprime en cela une opinion, sous forme d'un commentaire sous le billet, dont la couleur rouge ne vise qu'à m'identifier comme le dominus bloguis, eu égard à la place inhabituelle de mes propos en commentaires. Je ne le reproche pas à faute à la journaliste, mais regrette que la presse ne suive pas mon goût pour des articles plus chiants factuels. Vous me répliquez que la presse quotidienne généraliste n'est pas la presse professionnelle. Je ne puis que vous céder le point. Maintenant, je ne suis pas abonné à Libé ni n'achète le journal en kiosque. Libé ne me doit donc rien, sauf à espérer mon lectorat. Entre un lectorat exigeant et un lectorat nombreux, je comprends le choix de Libé, encore que les résultats ne me paraissent pas à la hauteur. Et je me demande, à voix haute, si la crise chronique que connait la presse quotidienne française, par rapport à la presse d'autres pays qui se porte plutôt bien (je pense à la presse espagnole, par exemple, encore que l'histoire récente joue un rôle dans cet engouement, mais pas seulement : la pagination des quotidiens est sans commune mesure : un numéro d'El Pais, c'est trois à quatre fois Le Monde ou le Figaro.) ne tient pas à ce genre de facilités qui lasse à la longue la majorité silencieuse qui a cessé d'acheter cette presse (alors que je lisais un quotidien régulièrement depuis l'âge de onze ans, oui, madame, et presque tous les jours pendant dix ans). Bref, cet article n'est pas en soi fautif puisque conforme à l'angle du journal, comme vous dites, angle qui a à mon sens une facheuse manie d'être obtus (alors que chez moi, bien entendu, c'est un angle droit). C'est le choix de ce genre d'angle que je regrette. Et les lézardes qui apparaissent dans l'édifice me donnent peut-être raison. Peut-être autant que les remembrements hasardeux affectant le fonds, pour parler entre juristes.

83. Le jeudi 10 juillet 2008 à 17:55 par aliocha

@eolas : En effet, nous prenons la mouche avec la même fougue dès lors qu'on touche à notre métier. Vous pouvez donc sans doute me comprendre autant que je vous comprends. La différence, c'est que moi je n'attaque pas le vôtre. J'ai parfois le sentiment que vous lisez la presse comme s'ils'agissait d'une assignation sans fin contre la justice dont chaque paragraphe doit être analysé, soupesé et, pour finir, réduit en cendre. C'est la raison pour laquelle il me parait nécessaire de rappeler de temps en temps qu'un article de presse n'a rien à voir avec un rapport d'expertise ou un traité de droit. Que vous critiquiez les erreurs factuelles, les imbécillités, les approximations d'accord. Mais que chaque article touchant de près ou de loin au droit ou à la justice vous paraisse insuffisant ou délibéremment mal intentionné, non. Vous savez aussi bien que moi que l'humain occupe dans la justice une place immense et que dans certaines matières telles que celle qui nous occupe l'humain dépasse même la justice. Ce n'est pas moi qui le dis mais un magistrat que je viens d'interviewer et qui me parlait de son expérience de de juge des enfants. Que la journaliste ait mis en exergue l'aspect humain ne me choque donc pas. Je n'y ai pas vu une charge contre la justice mais un exemple de dysfonctionnement possible, je dis bien possible (hein dadouche ?) de l'ensemble des services de l'Etat.
Vous revendiquez un droit de suite ? Sur ce point je vous donne raison. Voilà une critique fondée et que je partage.
Quant aux lézardes qui affectent la presse française, j'en ai maintes fois parlé. Les journalistes en sont sans doute responsables en partie. Quoique. Si vous saviez le nombre de mes confrères passionnés par leur métier qui souffrent en ce moment de ne pas avoir les moyens de le faire correctement parce que les rédactions n'ont plus d'argent, parce que le secteur est sinistré. Il ne se passe pas un jour sans que je reçoive un mail m'informant que tel journal licencie, que tel groupe de presse ferme un titre, qu'un troisième bascule du papier au web et se sépare des trois-quart de ses équipes. Face aux difficultés économiques, on voit débarquer dans les rédactions des HEC qui ne connaissent rien à la presse, se foutent de la qualité des journalistes et des articles, prennent les lecteurs pour des imbéciles et le journal pour un produit comparable à une nouvelle marque de savonnette qui peine à décoller dans les ventes. Ils appliquent leurs méthodes inadaptées de petits commerciaux prétentieux, n'arrivent à rien et finissent pas s'en aller vendre autre chose ailleurs. Qu'y pouvons-nous ? C'est un cercle vicieux dont je n'aperçois pas la fin.
Oserais-je dire enfin que si la presse va mal la justice ne va guère mieux ? Mais voyez-vous, je n'en déduirais pas pour autant, contrairement à vous, que c'est du uniquement au fait que ceux qui la servent font mal leur travail.

84. Le jeudi 10 juillet 2008 à 18:05 par Eolas

À ceci près que la justice ne voit pas ses moyens dépendre de sa séduction à l'égard de ses usagers. Un journaliste adore avoir un lecteur de plus (pas que pour des raisons financières). Un juge est ravi d'avoir un justiciable de moins.

85. Le jeudi 10 juillet 2008 à 20:57 par aliocha

@eolas : "Un juge est ravi d'avoir un justiciable de moins". C'est donc pour cela que la justice prend parfois des allures repoussantes ? Je n'y avais jamais pensé ;)
Pour le reste, notre rôle consiste notamment à révéler les dysfonctionnements, y compris ceux de la justice. Et si nous le faisons, nous vendons, où est le mal ? Dès lors que nous avons obtenu l'assurance raisonnable qu'il y avait un problème, vérifié les faits et tenté de présenter le point de vue de toutes les parties prenantes, que peut-on nous reprocher ? De déranger le bel ordonnancement des pouvoirs étatiques ? Eh oui, ça fait partie de notre travail, désolée. De ne pas avoir équilibré le nombre de mots prononcés par chacun ? N'oubliez pas qu'il s'agit d'un récit destiné à délivrer une information et non pas d'un acte de procédure dans un procès. Ne nous demandez pas de faire en quelques heures et en quelques lignes, ce que la justice met des années et des kilos de papier à faire. Ou vous serez souvent déçu et pas forcément pour de bonnes raisons.

86. Le jeudi 10 juillet 2008 à 22:05 par elektra

Vous me trôllates, soit. Je ne replacerai donc pas mon propos, juste une question.
Ressentez vous, parfois, la difficulté de l'épreuve qu'est pour certaines personnes de grande simplicité le fait d'être injectés subitement dans un monde codifié à l'extrême [ tant médical, que social et judiciaire dans le cas présent] ? Quelque chose de l'ordre de la transgression psychique ?

87. Le vendredi 11 juillet 2008 à 09:29 par Aouassi Nadia

Je cite un extrait de vos écrit qui me fond bondir et réagir."Je ne connais pas un magistrat qui aime statuer par OPP:Agir en urgence c'est presque toujours le signe qu'on à pas su repérer une situation de crise qui couvait". Premiére question que je souhaite vous posez: "connaissez vous tous les magistrats de notre Pays?"Nous sommes des miliers de femmes à élevés seules des enfants et pour beaucoup nous éprouvons des difficultées immenses avec nos ados qui manquent d'autorité que les péres sont cencés représentés.Malgré nos appels aux secours,les services sociaux et la justice sont sourds à notre désespoir et en plus nous sommes traités avec un mépris et une violence incroyable.Dommage que nous n'avons toujours pas de caméras dans les bureaux des juges!Ils nous traitent comme des moins que rien et nous humillis devant nos enfants.Vous manquez d'objectivié dans votre témoignage,parlez aussi des graves carences de nos Institutions qui poussent aussi de nombreux ados dans la chemin de la délinquance.Je nie pas la part de reponsabilités que nous avons en tant que parents,mais certaines choses peut être obtenus uniquement par le pouvoir des services sociaux et la justice des mineurs qui restent totalement passifs devant des situations graves.Les médias nous citent chaque années un nombre trés important d'enfants maltraités,aujourd'hui je comprend ce phénoméne qui est dut à une inertie insoutenable.Nos difficultées à faire face seules , à la durter de notre société,accentue le malaise chez nos enfants,qui subissent la violence que nous vivont quotidiennement.Si je n'avais pas cette foi profonde,les services sociaux et la justice m'aurais tuer!

88. Le vendredi 11 juillet 2008 à 13:13 par NoID

Au risque de vous décevoir Eolas, avocat des juges et pas des mères dépressives semble-t-il à bien vous lire, reportez-vous à la page 16 de Libération d'aujourd'hui. Vous parliez de facture ?

89. Le vendredi 11 juillet 2008 à 14:05 par aliocha

@NoID : Eolas n'achète pas Libé, il nous l'a confié hier, meiux vaut donc lui donner le lien, c'est de cela que vous parliez ? www.liberation.fr/actuali...
Les enfants ont donc retrouvé leurs parents, ces-derniers ont accepté une mesure d'assistance éducative. Tout est bien qui finit bien....qui sait si la presse n'a pas fait oeuvre utile dans ce dossier ;)

90. Le vendredi 11 juillet 2008 à 14:45 par Bruno

@aliocha en 89
> qui sait si la presse n'a pas fait oeuvre utile dans ce dossier

Allez savoir. Il y a peu, un professionnel du secteur de la protection de l'enfance affirmait que "la qualité de l'action de l'administration s'obtient souvent par l'existence de pressions, de contre pouvoir, de contrôle qui oblige l'administration à respecter les textes, à produire de l'évaluation de son action, à respecter les intérêts et les droits des individus pris en charge."

91. Le vendredi 11 juillet 2008 à 16:02 par aliocha

@bruno : Voulez-vous dire qu'en dénonçant les abus et autres difficultés des services de l'Etat la presse joue un rôle dans le bon fonctionnement des institutions ? Je suis d'accord avec vous mais je crains que ce discours soit très inconoclaste ici. Eolas a tendance à penser au contraire que la presse s'emploie à tuer la justice.


Dadouche :
La presse est un contre-pouvoir essentiel, et joue évidemment ce rôle également face au pouvoir judiciaire (bien que la Constitution ne reconnaisse à celui-ci que la qualité d'autorité).
Cela dit, la frontière est parfois très fine entre contre-pouvoir et déstabilisation (voire pression indue dans des situations individuelles).
Je ne parle pas des articles de faits divers qui flinguent des enquêtes, bien que j'aie eu mon content de crises d'apoplexie en ouvrant la presse locale quand j'étais juge d'instruction, suivies de coups de fil furibards aux services d'enquête. Je suis plus préoccupée par les chemins de traverse (peut être parfois de copinage) pris par certaines "infos" pour être mis sous le feu des projecteurs médiatiques.
Il me semble que "l'acte d'informer" (pour faire le parallèle avec l'acte de juger si cher à l'ENM) peut consister non pas à délivrer des faits bruts, mais à les mettre en perspective, particulièrement dans la presse généraliste. Pour reprendre l'exemple de cet article, s'il s'agissait de dénoncer un abus d'un service, pourquoi par exemple ne pas indiquer quelles sont les règles en la matière et en quoi elles n'auraient pas été respectées ? J'ai conscience des contraintes de temps et de format qui s'imposent aux journalistes, particulièrement dans la presse quotidienne, mais je regrette d'avoir parfois l'impression de lire (et de voir ou d'entendre) du remplissage à visée émotionnelle, voire de la communication sans plus-value journalistique.
Bien qu'ils ne soient pas toujours franchement flatteurs pour l'institution à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, il me semble que les articles qui vont au delà de la situation individuelle qu'ils évoquent sont plus utiles pour dénoncer(puisqu'il faut toujours qu'il y ait quelque chose à dénoncer) certains modes de fonctionnement, comme par exemple dans une certaine mesure un récent article du même journal (et du même auteur) sur le délit d'outrage
Je ne pense pas que "la presse" s'emploie à tuer la justice. Je crains en revanche qu' elle y contribue largement, peut être parce qu'elle lutte pour sa propre survie, alors que l'efficacité de la Justice est intimement liée à la confiance qu'elle inspire, particulièrement à une période où les autres pouvoirs trouvent si commode de s'essuyer les pieds sur le pouvoir judiciaire pour redorer leur propre blason. Les réactions des lecteurs que l'on peut lire sur les sites des quotidiens et magazines sont à cet égard assez terrifiants.

92. Le vendredi 11 juillet 2008 à 16:54 par Bruno

@ Dadouche en 41
> J'ai comme l'intuition que vous mélangez un peu tout
> là. L'ordonnance de 45, c'est pour le pénal, pas
> l'assistance éducative.

Il est aussi possible que certains discours tels que relayés par la presse m'induisent en erreur. Attendons de découvrir la suite.

PARIS (AFP) - Hélène Franco a craint également une "séparation définitive" entre la prise en charge pénale des mineurs délinquants, qui resterait du ressort de la justice, et l'assistance éducative apportés à tous les "mineurs en danger", qui serait confiée aux conseils généraux, "avec les inégalités départementales que cela entraînerait".

93. Le vendredi 11 juillet 2008 à 17:41 par parano

Si l'assistance éducative apportés à tous les "mineurs en danger" est confiée aux conseils généraux, qu'est-ce qui est prévu pour limiter les dérives des services sociaux?

Par rapport à l'organisation actuelle, quels recours y a-t-il contre une éducatrice de l'aemo judiciaire qui présente un rapport bidon et qui notamment ne fait pas état d'actes de maltraitance qui lui ont été signalé?

94. Le vendredi 11 juillet 2008 à 19:47 par Esurnir

@aliocha : L'administration n'est pas la justice, le juge ne juge qu'avec les piece qu'on lui donne.

95. Le vendredi 11 juillet 2008 à 22:22 par Aouassi Nadia

@Esurnir.Parfois les juges ne prennent même pas la peine de regarder attentivement les dossiers ,ils les parcourent à peine! La plupart sont des citoyens trés modestes ,voir pauvres et sont juger à la tête du client! Les victimes des services sociaux et de la justice n'ont aucun recours face à la toute puissance de ses machines à broyer les plus faibles.

96. Le samedi 12 juillet 2008 à 10:47 par aliocha

@dadouche : Croyez bien que je suis consciente du pouvoir de nuisance de la presse. C'est chez moi une préoccupation de chaque instant, sans doute due à ma formation de juriste. Je n'écris pas une phrase sans me demander si elle est exacte, si elle ne risque pas d'être mal interprétée, si elle reflète le plus précisément possible la réalité, même dans les articles les plus anodins. C'est un exercice épuisant pour lequel je n'ai jamais de garantie de réussite car les lecteurs ont souvent tendance à lire ce qu'ils veulent lire et non ce qui est écrit, à voir des sous-entendus où il n'y en a pas etc.
Ce pouvoir est d'autant plus paradoxal qu'il est à la fois immense et minuscule. Immense lorsqu'il frappe injustement un homme ou une institution. Ridicule car il peine à se défendre contre les intimidations et les manipulations du pouvoir et contre les stratégies de plus en plus sophistiquées des professionnels de la communication. Il y a en effet de bons et de mauvais journalistes, de bons et de mauvais papiers, de bons et de mauvais sujet. Je crains malheureusement que ce soit cela la presse et rien de plus (ni de moins). Un exercice imparfait mais nécessaire, puissant et dérisoire.
Cela ne signifie aucunement que je m'autorise le médiocrité, bien au contraire, je m'épuise à être toujours plus exacte, juste, précise etc. Et comme j'aime mon métier, j'ai une haute ambition de ce qu'il doit être. Cela étant, par essence, il me semble parfois condamné à ne jamais être tout à fait au niveau de ce qu'on espérerait (voir le très beau texte de Zola cité par Véronique dans un ancien billet).
Quant à dire que la presse tape sur la justice pour se sauver elle-même du naufrage, je ne le pense pas. En tout cas, ce n'est pas délibéré. Disons qu'instinctivement un journaliste traque les dysfonctionnements, c'est son métier et qu'il se trouve que la justice exerce un pouvoir de fascination qui concentre sur elle toutes les attentions, y compris celles de la presse. Au final, ce regard que nous portons sur les institutions, fut-il imparfait, constitue un contre-pouvoir nécessaire. Il incite les puissants à la vigilance, révèle les fautes, force les évolutions. Souvent dans la douleur, mais c'est la nature même de l'exercice.

97. Le samedi 12 juillet 2008 à 13:58 par Djaysee

Bon d'accord, je ne suis pas dans le topic et je mélange un peu tout...

Il y a des temps dans la semaine où les signalements ont du mal à passer, notamment le vendredi en fin d'après-midi, tout praticien qui s'y est confronté sait qu'il faut vraiment que la situation soit critique pour obtenir une OPP et c'est bien normal. Tout procureur et tout responsable d'ASE un tant soit peu chevronné sait prévenir les ouvertures de parapluie et si on a attendu un peu pour appeler la cellule de veille ou le parquet, il faut s'attendre à se faire copieusement apostropher, ce qui est absolument normal... Mais rend tout de même un peu dure à avaler la presque présomption d'avoir mal travaillé quand on prend la peine de transmettre une information préoccupante ou une suspicion que l'on estime fondée sur des faits suffisamment inquiétants et dont on vient juste de prendre connaissance.

Je ne pense, au niveau opérationnel, que du bien à la loi de 2007, en tout cas en termes de lisibilité pour qui devrait avoir à transmettre une situation préoccupante (même si les départements traitent de plus en plus souvent de manière administrative et qu'à la place d'un travailleur social chevronné on a souvent au bout du fil un technicien parfaitement au clair avec les procédures mais pas toujours très "préoccupé")...

J'eusse cependant été fort aise qu'on eût le souci de rapprocher les lois sur la protection de l'enfance et celles concernant les majeurs vulnérables, parce que dans ces situations c'est encore plus compliqué et que, à danger comparable, ce qui provoquera une OPP pour un mineur, sera traité bien moins rapidement pour un majeur, même si on se présente en proposant une solution d'hébergement provisoire.

[Ah oui, retour à la protection de l'enfance, on peut aussi entendre des propos à faire dresser des cheveux sur la tête, dans le style "Elle a 17 ans et demi ? Mais qu'est-ce que vous voulez que je fasse, en novembre elle est majeure !" (S'il vous plait, laissez-moi faire mon travail, même pour six mois, et ne fermez pas les portes trop vite !)]

Sinon, dans mon guide perso à moi, à chaque fois que je me pose la question de signaler, je sais qu'il faut que je le fasse et si je n'ai qu'un conseil à donner aux intervenants c'est de toujours considérer les questions de protection de l'enfance comme une urgence, justifiant d'arrêter immédiatement ce que l'on est en train de faire pour traiter, même s'il faut rester plus tard au boulot, même un vendredi soir.

Il y aurait enfin beaucoup à dire sur la relation de confiance qui s'établit ou pas entre les intervenants de proximité avec des juges qui changent tous les deux ans et avec qui il faut sans cesse se "régler", ou sur la triste situation statutaire qui conduit les magistrats en début de carrière à choisir des postes de JE (juridiction d'exception donc très délicate à exercer) On a du boulot devant nous !

Voilà c'est tout pour aujourd'hui, merci à Mme Dadouche pour ce billet, au fait... ;-)

98. Le samedi 12 juillet 2008 à 15:41 par Avoetledoubledegrédejuridiction

Dadouche en 79:

au sujet du caractère impératif ou non, du délai de 8 jours prévu par l'art. 1188 du CPC pour convoquer les parents: "...Cependant, l'argument textuel de l'ENM me semble pertinent : c'est pour la convocation à l'audience et non à la première audition que le CPC prévoit un délai de 8 jours."
--> cette interprétation va dans le sens de la limitation des droits des parents, ce qui me choque. Et puis, à suivre cette analyse, si c'est une simple "convocation" les parents n'auraient pas le droit d'accès au dossier ? Cela m'interpelle sur le rôle du Juge des enfants. Doit il chercher l'adhésion des familles aux mesures qu'il décide, ce qui suppose me semble-t-il qu'il adopte des interprétations les plus favorables possibles des droits et garanties procédurales accordée aux parents et à l'enfant. Ou bien le Juge des enfants peut-il triturer l'interprétation des textes pour restreindre les droits des parents ? (en contradiction d'ailleurs avec l'interprétation et la pratique d'autres Juges des enfants comme M. Huyette).

Très clairement, aujourd'hui un dossier jugé par M. Huyette respecterait le délai de convocation de 8 jours, qui permet aux parents de disposer d'un minimum de temps pour consulter le dossier et surtout se faire assister d'un avocat, alors qu'un dossier jugé par un Juge des enfants de peu d'expérience et qui n'a pour base de réflexion que les cours de l'ENM, ne respecterait pas ce délai de 8 jours, pourtant déjà très bref. Or lorsque l'application de la règle de droit diffère selon la juridiction et le juge, il y a de quoi s'inquiéter. Et comme vous l'avez dit, le contrôle de la Cour d'appel ou de la Cour de cassation est presque inexistant, ce qui ne peut qu'encourager la multiplication de pratiques "simplificatrices" pour les Juges, mais "réductrices" des droits des familles.


"...il est évident qu'une décision non notifiée ne pourrait servir de fondement à des poursuites pénales pour non représentation d'enfant contre des parents qui refuseraient de laisser leur enfant partir avec le service éducatif"
--> à l'inverse, des parents à qui on enlève leur enfant sur la base d'une décision juridiquement non exécutoire car non notifiée, ne pourraient-ils pas déposer une plainte pour soustraction d'enfant mineur et pour voie de fait, auprès des services qui agissent et placent des enfants dans ces conditions d'une légalité qui me semble très douteuse ?


"...Enfin, même si, j'en conviens, cela ne vaut juridiquement pas notification, les parents nécessairement sont au moins avisés verbalement de la décision."
--> Cela ne leur est cependant d'aucune utilité puisqu'ils ne peuvent exercer leur droit fondamental à interjeter appel tant que la décision n'est pas notifiée. En agissant ainsi on leur interdit - de fait - de contester la décision. Ces pratiques sont clairement inacceptables dans un Etat de droit.


Au sujet des OPP du Parquet "... il n'est pas si communément admis que cela qu'elles soient soumises aux mêmes règles que les ordonnances du JE, ni même qu'une voie de recours soit possible. En tout état de cause, un droit d'appel des OPP du Parquet, s'il existe, est de fait vidé de toute substance par les délais..."
--> Là encore, impossibilité de mettre en œuvre le principe fondamental du double degré de juridiction. Cela commence à faire beaucoup d'entorses - de violations ? - aux principes fondamentaux. Or, plus l'institution judiciaire intervient dans un domaine portant gravement atteinte aux droits les plus fondamentaux, plus l'exigence de prudence, de rigueur et de respect du droit doit être élevée.


Dadouche :
Il ne sera sans doute pas inutile pour nourrir votre intense réflexion d'apprendre que les magistrats fondent leurs propres réflexions et leurs pratiques professionnelles sur beaucoup de choses, et pas uniquement les mémentos de l'ENM, qui sont cependant bien utiles une première approche ou pour retrouver trace d'une disposition dont on arrive plus à se rappeler dans quel texte le législateur a bien pu la fourrer cette fois. Je pense en tout cas que le nombre d'entre eux qui comptent sur un blog, fût-il de grande qualité, pour faire leur formation doit être assez proche du néant.
La pratique judiciaire conduit à avoir une vision d'ensemble des textes qui régissent une matière, à en saisir les implications pratiques, même si une piqûre de rappel de la théorie est toujours la bienvenue.
La procédure d'assistance éducative, si elle est d'abord une procédure judiciaire (et c'est ce qui lui donne sa légitimité) trouve avant tout sa raison d'être dans son objectif : la protection des mineurs en danger. Les règles de procédure sont donc un compromis entre les moyens nécessaires à la réalisation de cet objectif et la protection des droits des personnes concernées. Parfois l'un prend le pas sur l'autre, mais les droits des familles ont été (et c'est heureux) considérablement accrus au fil des réformes. Les hypothèses d'interventions en urgence sont, dans toutes les procédures, celles qui permettent le moins de garantir les droits de ceux à l'encontre desquels les décisions sont prises. Plus on va vite, moins on a les moyens d'imposer le contradictoire.
Je ne peux en tout cas que vous encourager à vous porter volontaire pour un maximum de désignations d'office pour assister des familles en assistance éducative. D'abord vous en apprendrez encore un peu plus chaque jour, et puis vous pourrez enfin faire respecter leurs droits bafoués par les juges des enfants qui foulent aux pieds les principes fondamentaux (je me permets cependant de vous préciser que les plus rigidement légalistes sont généralement les plus jeunes, qui ont justement été davantage "élévés" dans l'idée que la procédure d'AE est avant tout une procédure judiciaire). Je pense cependant que vous croiserez une quantité infinitésimale de situations où, concrètement, une famille serait convoquée moins de 8 jours à l'avance (et ce n'est pas vous qui trouviez que trois semaines c'était très long ?).
Je vous encourage plus particulièrement à protester chaque fois qu'un greffier n'est pas présent à l'audience. Ca donnera plus de poids aux revendications des juges des enfants qui voudraient déjà bien pouvoir au moins avoir les moyens de respecter cette règle de droit.
Vous m'excuserez d'interrompre là cette conversation, mais j'ai des trucs à lire en tongs sur la plage.

99. Le dimanche 13 juillet 2008 à 01:00 par bruno

@Aliochat, en 91
> Voulez-vous dire qu'en dénonçant les abus et autres difficultés
> des services de l'Etat

Présenté d'emblée ainsi, sous ce fil, cela me semble très réducteur s'agissant du dispositif de la protection de l'enfance. Dadouche réagit d'ailleurs assez vivement en 91:

> la frontière est parfois très fine entre contre-pouvoir et déstabilisation
> l'efficacité de la Justice est intimement liée à la confiance qu'elle inspire

Les acteurs, décideurs et intervenants sont multiples; il n'y a pas que le juge qui peut toujours être trompé ou qui peut tout simplement douter, être inquiet eu égard aux éléments qui lui sont présentés à l'occasion d'une audience.

C'est d'autant plus exact depuis l'ère de la décentralisation, de nombreuses missions - sinon l'essentiel - ne sont plus assurées par l'Etat, échappent à son contrôle. On cite le plus souvent l'ASE et lorsqu'on parle de ce dispositif, je pense que nombreux sont ceux qui se représentent un monolithe, précédemment la Dass, l'ex Assistance publique. Or depuis des décénies, de nombreuses ONG oeuvrent dans ce secteur; il y en a d'envergure nationale et il y en aurait près d'une centaine dans certains départements. S'ajoutent à cela les experts que le juge peut désigner, etc. Puis bien en amont, il y a le signalement (Education Nationale, services sociaux, PMI, police, médecins, voisins ou proches, ...).

Dadouche en 98:
> Je vous encourage plus particulièrement à protester chaque
> fois qu'un greffier n'est pas présent à l'audience.

Ce serait une protestation à adresser au législateur, il n'allouerait pas toujours des moyens suffisants à l'institution judiciaire. Il semble avoir choisi d'y répondre par la réforme de la carte judiciaire.

Dadouche :
Non : le gouvernement a choisi d'y répondre par une "réforme" de la carte judiciaire. Le législateur n'y est pour rien en l'occurence.


L'Etat reste reponsable mais une kyrielle de contraintes, de praticiens et d'idéologies s'expriment sur le terrain.

Dadouche en 98:
> La procédure d'assistance éducative, si elle est d'abord une procédure
> judiciaire (et c'est ce qui lui donne sa légitimité) trouve avant tout sa
> raison d'être dans son objectif : la protection des mineurs en
> danger.

Au dela de la procédure, il y a bien cet objectif, cette mission, la protection des mineurs. Selon l'article de Libé, les enfants de "Aude et Jamel" ont été placés en raison d'un "danger imminent". Cette confusion entre risque et danger a été renforcée au cours de ces trois dernières années:

www.lefigaro.fr/france/20...

Ce qu'on ne rappelle peut être pas assez, c'est que certaines formes d'actions et de solutions sembent être plus pathogènes ou plus contestables que d'autres. Une ultime enquête est en cours sur le devenir des enfants placés. De précédents constats semblaient pour le moins inquétants, y compris dans des articles à destination d'un public très large:

www.lexpress.fr/actualite...
ifr69.vjf.inserm.fr/~ado4...
www.la-croix.com/parents-...
www.scienceshumaines.com/...


Dadouche :
Nous sommes bien d'accord : l'alternative AEMO/placement est insuffisante, car le placement peut avoir en effet de graves conséquences. Je constate cependant au quotidien dans mes contacts avec l'ASE ou les services associatifs, une volonté constante de faire évoluer les choses, de trouver de nouvelles solutions. Cela prend du temps, mais si on dispose des moyens pour les développer, des structures intermédiaires, du type de celle qui existe dans le Gard et qui permet une sorte de placement à domicile, les structures d'accueil de jour, les placements séquentiels, ou encore les AEMO à moyens renforcés ou les services de guidance parentale peuvent être des outils précieux qui permettront d'allier protection des mineurs et préservation du lien parent/enfant dans bon nombre de situations.
Il est cependant toujours difficile, dans ce domaine où il existe de nombreuses chapelles, où les idéologies sont fortes, de mener des études objectives, qui ne cherchent pas à démontrer un point de vue, et surtout de parvenir à distinguer les effets négatifs des mesures elle même et les effets de la situation familiale que les mesures n'ont pas permis d'atténuer

Dadouche en 98:
> la frontière est parfois très fine entre contre-pouvoir et déstabilisation

On peut assez facilement critiquer l'univers carcéral, les conditions de détention, la sinistrose du secteur de la santé mentale, on peut même critiquer sans trop de problèmes certaines méthodes d'expulsion ou de rétention des sans papiers. Les contestations sont très souvent entendues lorsqu'il est question de violence conjugale, de crimes ou de délits sexuels.

Je prend note qu'on parle très rapidement de déstabilisation lorsqu'il est question de la protection de l'enfance. Je pense que c'est une erreur de l'aborder sous cet angle.


Dadouche :
Je ne parle pas de déstabilisation à propos de protection de l'enfance (ni même à propos de cet article particulier) mais dans le cadre d'une discussion plus générale sur "la presse s'emploie-t-elle à tuer la justice ?"

100. Le dimanche 13 juillet 2008 à 01:28 par Avokiconclu

@Dadouche en 98: encore merci pour vos réponses.

Après nos échanges, et en approfondissant la lecture de l'ouvrage de M. Huyette sur la protection judiciaire de l'enfant, il m'apparait difficile de faire comme si il n'y avait pas certaines pratiques assez peu respectueuses des droits fondamentaux des personnes, et ce d'autant que M. Huyette, lui même ancien JDE, en parle sans chercher à en minimiser la réalité.

Dadouche :
Je pense, par ma pratique et par les échanges que j'ai avec des collègues sur les leurs, que le tableau dressé par Michel Huyette dans son ouvrage est plus noir que la réalité et date un peu, car il est fondé sur sa longue expérience (il fait partie de ceux qui ont connu les placements sans limitation de durée) et se réfère à des pratiques antérieures à la loi de 2002 (la dernière édition est de 2003), qui a, j'en ai la conviction, profondément modifié les pratiques. Moi aussi je fais des bonds quand je vois les décisions non motivées ou les mesures renouvelées sans audience par simple courrier ("si vous êtes d'accord avec le renouvellement proposé par le service, il ne sera pas nécessaire de vous déplacer") dans certains de mes dossiers ouverts depuis les années 90. Moi je vous parle de ce qui se passe aujourd'hui. Je ne prétends pas que c'est parfait partout mais je confesse mon agacement quand on sous-entend que le maljuridisme serait monnaie courante dans les cabinets des JE.


Quant à votre réflexion sur le fait de se former sur un blog, je vous rassure j'ai beaucoup d'autres sources pour parfaire ma connaissance de la matière. Il me paraissait intéressant de confronter les points de vue dans le cadre de ce billet.

La question du délai de 8 jours qui n'est pas systématiquement respecté (après tout quelle importance d'avoir un minimum de temps pour choisir un avocat), le principe du double degré de juridiction qui est bafoué car impossible d'interjeter appel pour des décisions qui ne sont pas systématiquement notifiées, l'appréciation subjective de la notion de danger, l'absence fréquente de motivation réelle de l'urgence dans les décisions (cf. M. Huyette), cela aussi doit faire partie des mystères des OPP...


Dadouche :
Encore une fois, l'analyse du texte ne conduit pas nécessairement à penser que le délai de 8 jours est imposé par la loi. Quant au droit d'appel des ordonnances du Parquet, il n'est d'abord pas certain qu'il existe (Michel Huyette convient d'ailleurs dans son livre que les textes laissent place à un certain doute), et c'est l'enchaînement de la procédure elle même qui empêche le double degré de juridiction, que l'ordonnance soit notifée ou pas.

Et je ne parle pas de la très grande difficulté à tempérer devant les JDE les affirmations - pourtant parfois clairement erronées - des services sociaux. Les contredire est assimilé à un comportement procédurier et de "déni" de la situation.
Si on continue dans cette voie là, si toute réflexion critique est disqualifiée comme étant le fait d'agitateurs procéduriers, autant se passer des avocats, ils ont la facheuse tendance à être vraiment très procéduriers lorsque des textes qui ont prévu des garanties pour protéger des droits fondamentaux des personnes, ne sont pas respectés.

Dadouche :
Je trouve au contraire la présence des avocats précieuse en assistance éducative. Mais il faut reconnaître que leur connaissance de la procédure d'AE est souvent assez sommaire et que souvent ils n'ont (ne se donnent pas ?) les moyens d'être les aiguillons qu'ils peuvent être par exemple à l'instruction.


Pour ma part même si j'ai soulevé quelques points qui me paraissent légitimement criticables, c'est parce que je considère que le rôle des JDE est fondamental comme garants des libertés en matière d'AE,

Dadouche :
Rassurez-vous, vous n'êtes pas le seul.


ce que confirmait Mme BAISSUS, Juge des enfants, dans un colloque de mai 2005 sur l’enfant en justice:

«… il est important de savoir ne pas se faire instrumentaliser par les services sociaux. Or ces derniers optent presque toujours pour la solution la plus radicale, la plus protectrice selon eux. Il n’est pas évident que l’éloignement de l’enfant soit toujours indiqué.
… dans le domaine des enfants victimes, la partie dominante sera souvent le service de l’aide sociale à l’enfance. En effet, que pèse une partie socialement et économiquement inférieure face à une administration qui dispose de tous les moyens d’investigations, d’expertise, qui connaît aussi tous les rouages de l’institution judiciaire, et notamment son vocabulaire, et est en mesure de présenter un dossier bien monté ?
… le contrôle du juge reste indispensable pour éviter tout risque d ‘abus de position dominante de la part de l’administration, fût-ce avec les meilleures intentions du monde.
… Il est fondamental que le juge des enfants n ‘oublie pas son rôle de contre-pouvoir face à l’intervention des services sociaux: son rôle de garant de toutes les libertés individuelles. Il est essentiel de conserver à l’esprit que la protection de l’enfant passe par le respect des droits des parents qu’on ne peut bafouer sous prétexte de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Bonnes vacances à vous.

101. Le dimanche 13 juillet 2008 à 23:10 par Fantômette

Peut-être un mot sur la formation des avocats en matière d'assistance éducative, puisque ce thème est venu plusieurs fois en commentaires pour expliquer comme cela se passe par chez moi.

Lorsque l'on vient de prêter serment, l'ordre des avocats incite fortement les jeunes avocats à s'inscrire sur les listes des commissions d'office et des désignations au titre de l'AJ. Pour le plupart d'entre elles, on s'y inscrit comme on le souhaite, quoique la tendance naturelle consiste à s'inscrire dans les matières que l'on maitrise le mieux.

En ce qui concerne la liste des avocats pouvant intervenir devant le Juge pour enfants, cette liste n'est pas "libre d'accès", quoique nous disposions naturellement d'une formation sur l'assistance éducative et l'ordonnance de 45 au crfpa.

Pour s'y inscrire, il existe une obligation d'avoir suivi une formation complémentaire, puis, une obligation de suivre régulièrement des sessions de formation sur ce thème tant que l'on souhaite y rester.

Il semble également y avoir - en tout cas en pratique - une sorte de "parainage", du candidat par un avocat figurant déjà sur cette liste. Il s'agit, je crois, de s'être fait une certaine idée des qualités professionnelles de cet avocat avant que de le laisser toucher à une matière qui est non seulement complexe, mais évidemment sensible, à beaucoup d'égard.

Encore un mot : pour ma part, dans cette matière comme dans beaucoup d'autres, je déplore l'absence d'une certaine interdisciplinarité dans les formations proposées. J'interviens en prison, et j'aimerais avoir des formations proposées par l'administration pénitentiaire ou les SPIP. J'interviens en assistance éducative, et j'aimerai bien voir des intervenants de l'ASE, ou des conseils généraux, j'accepterais même de fréquenter des parquetiers mineurs (s'il le faut).

Je souhaiterai que l'on me fasse la grâce de croire que je n'aurai pas l'esprit immédiatement perturbé par l'intervention de personnes dont les intérêts ne seront pas nécessairement ceux dont j'assurerai la défense. Je pense pouvoir conserver en ligne de mire l'intérêt de mon client, quel qu'il soit, et d'autant mieux que j'aurais mieux perçu les intérêts et contraintes des autres acteurs de cette procédure.

102. Le lundi 14 juillet 2008 à 01:40 par Bruno

@Fantômette, avez vous des chiffres récents concernant l'assistance des parents et des enfants dans le cadre des procédures d'assistance éducative? Tout semble assez flou.

D'après les données statistiques de l'AJ 2006 du CNB, le juge des enfants a rendu 320 000 décisions en 2004. On doit pouvoir facilement trouver plus récent.

Du numéro 99 InfoStat Justice janvier 2008, les admissions à l’aide juridictionnelle en 2006: "En assistance éducative, même en forte progression, l’AJ est peu sollicitée: 15,6 AJ pour 100 mineurs concernés. Le recours à l’avocat semble encore assez rare malgré le développement depuis plusieurs années du concept d’avocat de l’enfant."

www.justice.gouv.fr/art_p...

Le rapport Naves Cathala rendu en juin 2000 présentait des informations plutôt inquiétantes: "sur 85 situations: seulement 12 mères, 7 pères, 2 enfants ont été assistés par un avocat. Il s’agissait dans la grande majorité des cas de conseils qui connaissaient les parents pour les avoir défendus dans le cadre d’une précédente procédure devant un juge aux affaires familiales"

lesrapports.ladocumentati...

Est-il raisonnable de penser qu'une très grande majorité d'enfants et de parents ne sont pas assistés d'un avocat dans le cadre de l'assistance éducative?

103. Le lundi 14 juillet 2008 à 01:47 par Avovalavie

@ Dadouche en 100: "...par ma pratique et par les échanges que j'ai avec des collègues sur les leurs, que le tableau dressé par Michel Huyette dans son ouvrage est plus noir que la réalité et date un peu, car il est fondé sur sa longue expérience..."
--> Ne "ringardisez" pas M. Huyette si vite.
Les dysfonctionnements qu'il pointe sont plus que jamais d'actualité, et j'ai eu l'occasion de les constater personnellement. Juste un petit exemple de ce qui se passe actuellement en 2008, puisque vous parlez de votre pratique personnelle pour laisser entendre que ce qu'affirme M. Huyette appartiendrait au passé:
dans un dossier délicat, l'ASE demande le placement d'un nourrisson de 8 jours (dans des conditions que pour ma part j'estime nettement abusives). Les services sociaux harcèlent jour après jour la mère suite à la naissance du bébé, et obtiennent une décision d'une "autorité", décision qui ne sera JAMAIS communiquée aux parents, malgré leur demande expresse. J'emploie le terme "autorité" car on ne sait pas si cette décision émanait du JDE ou du Procureur. Sur base de cette décision, on arrache cet enfant de force à sa mère, à la maternité, sous contrainte policière. Le jour même, la fameuse audience chez le JDE, je n'étais pas encore saisi de ce dossier et pour cause: les parents n'avaient été avertis que la veille qu'ils avaient rendez vous le lendemain chez le JDE. Ce JDE prend une OPP confirmative (d'une décision qui n'a jamais été communiquée je le rappelle) et décide aussi d'une IOE, demandant une étude de la personnalité de ce bébé de 8 jours à la date de la décision. Une étude de personnalité d'un bébé de huit jours, ça me laisse encore rêveur. Vous me direz que c'est une regrettable erreur de copier/coller, mais en AE, et vu le contexte, ça passe très mal.

J'arrête là ce récit, qui n'est qu'un exemple parmi d'autres, et qui a pour but de vous montrer que les pratiques décrites par M. Huyette ne sont pas révolues, loin de là. Le plus difficile étant de soulever les violations de la procédure, tout en continuant à avoir un dialogue serein avec le JDE. Car c'est bien là tout le problème de cette matière: lorsque vous pointez une nullité de procédure, la tension est palpable dans les échanges qui suivent. De même, lorsque vous osez critiquer les rapports de l'ASE, votre client est assimilé à un procédurier qui se complait dans le déni de sa pathologie, qui n'est pas apte à comprendre la raison d'être "curative" de l'AE, avec les conséquences qui tombent: sanction par le biais de préconisations de maintien d'un placement, tant que les parents n'arrêteront pas de contester l'action des services.

Le simple fait d'exercer une défense et d'utiliser les voies de recours, amène en réaction à ce que l'on reproche aux parents de n'avoir pas compris que le seul moyen d'évoluer dans l'AE, c'est de suivre à la lettre les préconisations des services sociaux...
Alors tant mieux si nombreux sont les JDE qui jouent pleinement leur rôle de garants des libertés, qui - comme Mme la Juge Baissus l'a écrit - n ‘oublient pas leur rôle de contre-pouvoir face à l’intervention des services sociaux. Mais pour ma part je ne les ai pas (encore ?) rencontrés.

Je ne tire cependant aucune généralité de ma pratique personnelle, et l'échange que nous avons eu, ce que vous nous avez appris par ce billet et vos commentaires, témoigne que les choses évoluent.

104. Le lundi 14 juillet 2008 à 10:56 par Fantômette

@ Bruno

Non, je n'ai pas vraiement d'autres ressources que celles que vous citez.

Dans l'annuaire statistique de la Justice 2007 (vous le trouverez sur legifrance), on constate une progression constante du nombre d'attribution d'AJ dans le cadre des procédures d'assistance éducative :

- 2001 : 14.827
- 2002 : 16.690
- 2003 : 21.904
- 2004 : 27.016
- 2005 : 30.514

La progression est significative, mais il est exact qu'elle est sans commune mesure avec le nombre de décisions individuelles rendues par le JE chaque année de 293.010 en 2001 à 325.931 en 2005.

Une petite précision sur ces chiffres : ils correspondent aux mesures individuelles prises. Il y aura autant de mesures individuelles qu'il y aura d'enfants concernés par celles-ci, y compris au sein d'une fratrie. Compte tenu du fait que pour une audience, par contre, il pourrait y avoir au moins deux avocats (un enfant, un parent), voire trois si risque de conflits d'intérêts entre les deux parents (et si on a bien deux parents qui se sentent concernés), cela paraît peu.

Je crois que dadouche a raison quand elle indique que la simple présence d'un avocat a tendance à "dramatiser" les enjeux dans la tête des parents. Et il est difficile de les détromper s'ils viennent jamais nous voir, ne serait-ce que pour une consultation.

Peut-être les différents acteurs de ces procédures pourraient-ils présenter les choses de cette manière, renvoyer parent et enfants devant des avocats de la liste mineurs, munis d'un bon de consultation. Ce serait gratuit, et nous aurions au moins la possibilité de leur donner une idée du rôle que l'on peut jouer.

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