Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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La décision du conseil constitutionnel sur le CPE

Ainsi, le Conseil constitutionnel estimé que le CPE était conforme à la constitution. Sans réserve.

Sans réserve, vraiment ? Pas si simple.

Voici un commentaire expliqué de la décision que vous pouvez lire en intégralité ici (html) ou là (pdf). Je n'aborde que la question du CPE, qui occupe la moitié de la décision.

La démocratie étant une invention grecque, quoi de mieux pour traiter ce sujet qui risque d'être fort ennuyeux qu'une tragédie en un acte et neuf scènes ? Asseyez vous confortablement pour ce spectacle républicain, je m'éclipse car je jouerai le rôle du Choeur. Dans le texte, les numéros entre parenthèses précédés d'un § renvoient au numéro du paragraphe correspondant de la décision. On parle de considérant car chaque paragraphe commence par "considérant que...".

Ha, les lumières baissent, on frappe les trois coups.

Merci d'éteindre vos téléphones mobiles.

Acte I, scène 1 : Le Conseil Constitutionnel, Les Parlementaires, la Procédure.

La scène se passe dans une salle à lambris du Palais Royal, du côté de la rue Montpensier. Une grande table occupe le centre de la pièce, entourée de dix sièges vissés au sol, inamovibles. L'un d'entre eux est couvert de poussière et de toiles d'araignées. Les rayons sont emplis de recueils reliés en cuir, frappé des dates allant de 1958 à 2005 ; un classeur porte une étiquette "en cours". Les neuf membres du Conseil constitutionnel regardent par la fenêtre, affligés, les horribles colonnes de Buren.

Des voix se font entendre des coulisses, chantant le Temps des Cerises. Puis elles se taisent et on frappe à la porte. Le Conseil prend la parole par la voix de son Président.

Le Conseil : Qui frappe à ma porte de la rue Montpensier ?

Les Parlementaires (des coulisses) : Des députés et sénateurs en juste courroux, car sous prétexte de faire la loi, on veut égorger la constitution.

Le Conseil : Quel tumulte ! Combien êtes vous ?

Les Parlementaires : Soixante députés au moins, et soixante sénateurs au moins !

Le Conseil : Alors vous pouvez entrer (art. 61 de la constitution). Sinon, seuls le président de la République, du Sénat ou de l'assemblée nationale ou le premier ministre le pourraient (même article).

Entrent les parlementaires. Le président les compte à voix basse puis acquiesce du chef, satisfait.

Le Conseil : Alors, que reprochez vous à cette loi ?

Les Parlementaires : Tout d'abord, les conditions du débat parlementaire ayant abouti au vote de la loi critiquée, et particulièrement de son article 8 ne sont pas satisfaisantes.

Le Conseil : Et en quoi, je vous prie ?

Les Parlementaires : Au nom du respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, vous exigez que les amendements à une loi ne soient pas dépourvus de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie.

Le Conseil : Absolument : j'estime que ce principe découle de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : " La loi est l'expression de la volonté générale... ", qui exige que cette volonté générale soit compréhensible par tous. J'en ai fait un objectif à valeur constitutionnelle et sanctionne les lois qui y manquent.

Les Parlementaires : Fort bien ! Or le Gouvernement a introduit l'article 8 (qui crée le CPE) par voie d'amendement alors que cette disposition, par sa nature, sa portée et son ampleur aurait dû figurer dans le projet de loi initial soumis à l'examen du Conseil d'Etat en application de l'article 39 de la Constitution. Cet amendement n'a aucun rapport avec ce projet initial !

Le Conseil : Mais si.

Les Parlementaires : Ha ?

Le Conseil : Cet amendement n'était pas dépourvu de tout lien avec un projet de loi qui, lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, comportait déjà des dispositions destinées à favoriser l'accès à l'emploi des jeunes (§7).

Les Parlementaires : Et la consultation du Conseil d'Etat ?

Le Conseil : L'article 39 de la Constitution n'impose la consultation de notre voisin que pour les projets de loi initiaux, pas les amendements (§8).

Les Parlementaires : Soit. Mais ce n'est pas tout.

Le Conseil : Je vous écoute.

Les Parlementaires : Le droit d'amendement a été bafoué.

Le Conseil : Voilà qui est une grave accusation. Je protège en effet le droit d'amendement que la Constitution confère aux parlementaires et qui est mis en oeuvre dans les conditions et sous les réserves prévues par ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1.

Les Parlementaires : Précisément, cette insertion par amendement est critiquable car elle a été réalisée dans le cadre d'un projet examiné en urgence pour lequel l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a été mis en oeuvre et dont le vote conforme par le Sénat a empêché toute discussion au stade de la commission mixte paritaire ; enfin, nous estimons que l'application qui a été faite du règlement du Sénat, notamment pour déclarer irrecevables certains amendements ou sous-amendements, pour s'opposer à leur examen ou pour réserver leur vote, a porté une atteinte excessive au droit d'amendement des sénateurs de l'opposition.

Le Conseil : Et bien vous avez tort.

Les Parlementaires : Ha ?

Le Conseil : Oui. Le droit d'amendement, qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement, doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées...

Les Parlementaires : Jusque là, nous sommes d'accord

Le Conseil : Et bien, la circonstance que plusieurs procédures prévues par la Constitution (urgence ET 49 al.3) aient été utilisées cumulativement pour accélérer l'examen de la loi déférée n'est pas à elle seule de nature à rendre inconstitutionnel l'ensemble de la procédure législative ayant conduit à son adoption (§9).

Les Parlementaires : Damned.

Le Conseil : Quant au fait que que certains amendements ou sous-amendements auraient été écartés sans justification appropriée, cette circonstance, à la supposer établie, n'a pas revêtu un caractère substantiel entachant de nullité la procédure législative eu égard au contenu des amendements ou des sous-amendements concernés et aux conditions générales du débat (§10).

Les Parlementaires : La procédure d'adoption est donc régulière ?

Le Conseil : Elle l'est.

Les Parlementaires : Nous sommes faits. Mais nous n'avons pas dit notre dernier mot.

Exit la Procédure. L'intelligibilité de la loi se glisse dans la salle.

Acte I scène 2 : Les mêmes, l'intelligibilité de la loi.

Le Conseil : Qu'y a-t-il d'autre ?

Les Parlementaires : Cette loi est inintelligible. Elle prévoit une période initiale de deux ans que le législateur n'a pas qualifié. Durant cette période, l'employeur peut licencier sans motiver sa décision : voilà qui est contraire à la convention 158 de l'OIT.

Le Conseil : Cela ne la rend pas inintelligible ! (§14)

Les Parlementaires : Heu, certes, nous y reviendrons. Mais lisez cet article 8 : il fonctionne par renvois !

Le Conseil : Oui, mais cela reste parfaitement compréhensible (§13) : Maître Eolas a réussi à expliquer clairement le contenu [1]

Les Parlementaires : (à part) La peste soit de cette arrière garde droitière. (haut) Mais ce licenciement arbitraire ne met-il point à mal la garantie des droits de la défense voulue par l'article 16 ? Un employeur pourrait abuser de la loi pour licencier quelqu'un pour des causes de discipline sans lui faire bénéficier de la procédure et des garanties prévues par le Code du travail ! (Le Choeur entre discrètement)

Acte I, scène 3 : les même, le choeur.

Le Conseil : Non, car le fait qu'on puisse éventuellement abuser de la loi ne la rend pas pour autant inconstitutionnelle, et aussi...

Le Choeur : Là cher spectateur, j'attire toute ton attention, ce que va dire le Conseil est très important.

Le Conseil : ...en cas de licenciement pour motif disciplinaire, l'employeur a l'obligation de mettre en oeuvre la procédure prévue par les articles L. 122-40 à L. 122-44 du code du travail ; qu'il ne pourrait s'y soustraire que par une violation de la loi qu'il appartiendrait au juge de sanctionner ; que l'éventualité d'un détournement de la loi lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité. (§15)

Un silence s'abat.

Le choeur : On entend beaucoup que le Conseil a validé la loi « sans réserve ». Je dirais qu'au contraire, en voici une de taille. Certes, il ne s'agit pas d'une traditionnelle réserve d'interprétation, où le conseil dit « cet article n'est pas contraire à la constitution s'il s'applique bien comme je viens de l'expliquer, sous cette réserve donc, il est conforme à la constitution ». C'est un mode d'emploi donné à l'exécutif, qui s'y plie respectueusement. Ici, rien de tel, mais la Conseil vient de tirer une conséquence de l'absence de visa d'un article du Code du travail qui n'allait pas de soi et à mon avis ce n'était pas le cas dans l'esprit du gouvernement : en cas de licenciement pour cause disciplinaire, c'est à dire pour faute, la procédure de licenciement d'un CDI s'applique : prescription de deux mois, convocation à un entretien avec notification par écrit des griefs, obligation pour l'employeur d'apporter la preuve de la faute.

Le conseil constitutionnel vient d'ébrécher sérieusement le monolithe du dispositif du CPE. Et à mon humble avis, de son frère jumeau le CNE, puisque la rédaction des deux texte est identique sauf pour le domaine d'application.

Au passage, je ne bouderai pas mon plaisir, il confirme mon opinion que l'employeur ne pourra en aucun cas faire l'économie du débat devant le CPH, mais avec cette « interprétation nécessaire » du conseil, l'employeur aura tout intérêt à notifier les causes de la rupture dans la lettre elle même en précisant bien en quoi il ne s'agit pas d'une rupture pour causes disciplinaires faute de quoi, c'est le procès assuré. Que reste-t-il alors au pouvoir de licenciement discrétionnaire de l'employeur ? La cause personnelle non fautive, c'est à dire la cause réelle et sérieuse (incompatibilité d'humeur, insuffisance professionnelle), et la cause économique pour un licenciement individuel. Individuel car les règles des licenciements collectifs pour cause économique s'appliquent aux CPE. Encore que le premier est illusoire, car l'employeur aura tout intérêt à se ménager la preuve de sa cause réelle et sérieuse. Ce qui crée un risque de contentieux pour l'employeur et diminue l'intérêt du contrat, la faculté de résiliation étant largement battue en brèche.

Je ne puis résister à l'envie de ressortir ma formule : sous couvert de valider le CPE, le conseil vient peut être de l'enterrer pour de bon.

Mais j'entends des pas : voici venir l 'égalité devant la loi.

Exit l'intelligibilité. Le Choeur, galant, tient la porte à l'Egalité devant la loi qui fait son entrée.

Acte I scène 4 : Le Conseil, Les Parlementaires, le Choeur, l'Egalité devant la loi.

Le Conseil : En avons nous terminé ?

Les Parlementaires : Nenni. Cette loi porte atteinte à l'égalité, car un jeune de moins de vingt-six ans embauché dans le cadre d'un tel contrat pourra être licencié sans motif pendant une période de deux ans, alors qu'un jeune du même âge et de même qualification, embauché sous contrat à durée indéterminée, sera licencié selon les règles de droit commun ; qu'aucun motif d'intérêt général particulier, ni aucun critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi, ne justifierait, notamment dans les grandes entreprises, cette différence de traitement entre deux salariés se trouvant dans une situation identique.

Le Choeur (en apparté) : Ils n'ont pas lu mon blog ! La rupture de l'égalité ne se situe pas là, mais dans les conséquences de la rupture au profit du CPE.

Le Conseil : Et alors ? Aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées ; que le législateur pouvait donc, compte tenu de la précarité de la situation des jeunes sur le marché du travail, et notamment des jeunes les moins qualifiés, créer un nouveau contrat de travail ayant pour objet de faciliter leur insertion professionnelle ; que les différences de traitement qui en résultent sont en rapport direct avec la finalité d'intérêt général poursuivie par le législateur et ne sont, dès lors, pas contraires à la Constitution (§17).

Le Choeur : c'était couru.

Exit l'égalité devant la loi. Entre le droit à l'emploi. Le Choeur se renfrogne visiblement.

Acte I, scène 5 : Le Conseil, Les Parlementaires, Le Choeur, le Droit à l'emploi.

Le Conseil : Qu'y a-t-il à présent ?

Les Parlementaires : Et bien, la motivation du licenciement et le caractère contradictoire de la procédure constituent des garanties du droit à l'emploi ; la suppression de ces garanties porte au droit à l'emploi des jeunes une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; par ailleurs, l'impossibilité pour le salarié de justifier le motif de son licenciement compromettra sa recherche d'un nouvel emploi

Le Conseil : Mais il incombe au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, de poser des règles propres à assurer, conformément au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre et, le cas échéant, en s'efforçant de remédier à la précarité de l'emploi (§19) ; or comme nous l'avons dit, le législateur a entendu créer un nouveau contrat de travail ayant pour objet de faciliter l'insertion professionnelle des jeunes ; ainsi, par sa finalité, l'article 8 tend à mettre en oeuvre, au bénéfice des intéressés, l'exigence résultant du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. (§20)

Les Parlementaires : Mais tout de même...

Le Conseil : Taratata ; je ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; il me m'appartient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi déférée ne sont pas manifestement inappropriées à la finalité poursuivie. (§20)

Exit le droit au travail. Entrent l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les droits de la défense et le droit au recours. Le Choeur les salue chaleureusement et les embrasse avec effusion.

Acte I scène 7 : Le Conseil, Les Parlementaires, le Choeur, l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les droits de la défense et le droit au recours.

Le Conseil : Qu'est-ce donc que tout ce monde ?

Les Parlementaires : Nous estimons à présent qu'en n'obligeant pas l'employeur à indiquer au salarié les motifs de la rupture pendant les deux premières années du contrat, l'article 8 de la loi déférée ne répondrait pas aux exigences, découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789, relatives à la nécessité d'assurer pour certains contrats la protection de l'une des parties et porterait atteinte à la dignité des jeunes ; que l'absence de procédure contradictoire ne respecterait pas les droits de la défense et priverait le salarié du droit au recours garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789.

Le Conseil : Point du tout.

Les Parlementaires : Allons bon.

Le Conseil : En premier lieu, il ne résulte ni du principe de la liberté contractuelle qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789...

Le Choeur : musique douce à mes oreilles !

Le Conseil :... ni d'ailleurs d'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle que la faculté pour l'employeur de mettre fin au " contrat première embauche " devrait être subordonnée à l'obligation d'en énoncer préalablement les motifs. (§23)

Les Parlementaires : Mais, et les droits de la défense ?

Le Conseil : En deuxième lieu, si le principe des droits de la défense qui résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789 impose le respect d'une procédure contradictoire dans les cas de licenciement prononcé pour un motif disciplinaire, il ne résulte pas de ce principe qu'une telle procédure devrait être respectée dans les autres cas de licenciement. (§24)

Le Choeur : le Conseil enfonce le clou.

Les Parlementaires : Et le droit au recours de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme ?

Le Conseil : En troisième lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 8 de la loi déférée, selon lequel " toute contestation portant sur la rupture se prescrit par douze mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée prévue au 1° ", toute rupture d'un " contrat première embauche " pendant les deux premières années pourra être contestée devant le juge du contrat ; il appartiendra à l'employeur, en cas de recours, d'indiquer les motifs de cette rupture afin de permettre au juge de vérifier qu'ils sont licites et de sanctionner un éventuel abus de droit ; qu'il appartiendra notamment au juge de vérifier que le motif de la rupture n'est pas discriminatoire et qu'il ne porte pas atteinte à la protection prévue par le code du travail pour les femmes enceintes, les accidentés du travail et les salariés protégés. (§25)

Le Choeur : Ma parole, le Conseil lit mon blog !

Exeunt l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les droits de la défense et le droit au recours, non sans force embrassades avec le Choeur. La Charte sociale européenne, de la convention internationale du travail n° 158 et de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 entrent presqu'inaperçues.

Acte I scène 8 : Le Conseil, Les Parlementaires, Le Choeur, La Charte sociale européenne, de la convention internationale du travail n° 158 et de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000.

Le Conseil : Bienvenues, bienvenues. Des dignitaires étrangers, on n'a guère l'habitude par ici. (A voix basse) Et pour cause...

Les Parlementaires : La loi violerait ces textes, car...

Le Conseil : Allons, allons. Vous savez bien qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ; qu'ainsi, les griefs tirés de la violation de la convention internationale du travail n° 158 et de la Charte sociale européenne ne peuvent qu'être écartés. (§27)

Le Choeur : Là encore, c'était couru.

Les Parlementaires : Mais la directive ! Vous acceptez d'examiner la compatibilité des lois aux directives !

Le Conseil : Absolument, c'est du droit européen, c'est différent (article 88-1 de la constitution).

Les Parlementaires : Et alors ?

Le Conseil : Et alors c'est non encore : si la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la compatibilité d'une loi avec les dispositions d'une directive communautaire qu'elle n'a pas pour objet de transposer en droit interne. (§28).

Les Parlementaires : Et bien, Mesdames, il ne me reste qu'à vous remercier d'être venue de si loin.

La convention 158 : Y'a pas de quwâââ, Genève, c'est pas si loiiiiin...

La Charte Sociale : Et puis alleï, y'a le Thalis, une fois.

La directive : Moi, c'est bon, j'habite en France depuis 2005 [2]

exeunt la Charte sociale européenne, la convention internationale du travail n° 158 et de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000

Acte I, scène 9 : Le Conseil, Les Parlementaires, Le Choeur :

Le Conseil : Autre chose sur le CPE ?

Les Parlementaires, penauds : Non... Rien.

Le Conseil : Fort bien, le CPE est déclaré conforme à la Constitution.

Rideau

Notes

[1] Bon, d'accord, je brode un peu, là, mais le CC fait un résumé de la loi pour montrer qu'il l'a bien comprise, lui.

[2] La directive a été transposée avec un an et demi de retard par les lois du 11 février et 26 juillet 2005.

La discussion continue ailleurs

1. Le vendredi 31 mars 2006, 19:59 par PaxaBlog

Quelques légères observations sur l'interprétation de la décision du conseil constitutionnel

On lira en préambule une excellente saynète chorégraphiée par Maître Eolas, et une analyse plus rigoureuse, mais grosso modo assez proche, chez Diner's Room. Ces deux juristes éclairés (et je partage leur analyse) montrent que la décision du conseil...

2. Le samedi 1 avril 2006, 14:38 par Irène Delse, un blog d'écrivain

Tragi-comédie antique au Conseil constitutionnel

Pour tout comprendre à la décision du Conseil constitutionnel sur le CPE, un seul lien qui en vaut mille : le billet du vendredi 31 mars chez Maître Eolas ! Lien: La décision du conseil constitutionnel sur le CPE -

3. Le samedi 1 avril 2006, 20:17 par Basdepage, le blog de Guillaume Lethuillier

Passons à l'acte II

"Le CPE et le Conseil constitutionnel", acte II.

4. Le mercredi 5 avril 2006, 08:03 par PaxaBlog

Génie juridique

Lieu Commun compte, c'est désormais officiel, deux génies juridiques : Eolas : pour La décision du conseil constitutionnel sur le CPE ; Grom : pour La Vème République et demi. Il est temps de leur rendre hommage respectueux....

Commentaires

1. Le vendredi 31 mars 2006 à 16:28 par Alain

encore un article à vous faire lire maitre, désollé pour le hors sujet ;)

www.lemonde.fr/web/imprim...

Le président : "Vous avez bu du vin ?" Jo Le Guen : "Parfaitement exact." Alain Malardé : "Mais les gendarmes ont bu le coup avec nous." Robert Prigent, un autre prévenu breton : "Ce sont même eux qui en ont bu le plus !" (...) Le président : "Comment s'est effectuée la préhension des bouteilles ?" Alain Malardé : "Une dans chaque main, monsieur le président." Le même : "On s'est aussi servi dans le frigo." Le président : "Je ne suis pas saisi de ce point." Alain Malardé : "C'est pourtant important, pas de vin sans fromage."

2. Le vendredi 31 mars 2006 à 16:51 par Anton

Tout simplement magistral.
J'adore ce blog. Maître, vous avez du talent.

3. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:02 par kermit

Je suis tout simplement perdu: dans votre billet précédent sur le CPE, vous indiquiez que la charge de la preuve incombait désormais au salarié, dans celui-ci vous citez la décision du CC qui oblige l'employeur à donner les motifs du licenciement sur demande du juge.
Jules de Diner's room affirme que "Au reste, les motifs licites et non abusifs ne sont pas nombreux, et pèsera en pratique sur l'employeur la charge d'en faire la preuve" ce à quoi vous répondez par "il appartient à l'employeur de prouver la réalité des motifs invoqués, ce qui est un renversement de la charge de la preuve, le principe étant que c'est au demandeur de prouver le bien fondé de sa demande.

La différence essentielle entre un CPE et un CDI est là : l'employeur n'a pas à donner ses motifs. Mais cela n'interdit nullement au salarié de contester son licenciement en justice.

Simplement, il sera dans la situation du demandeur habituel : à lui de prouver que son licenciement ne repose pas sur un motif légitime."

Décidément, Jean Giraudoux avait bien raison...

4. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:05 par Ol

(Applaudissements nourris dans la salle, salut de la troupe à plusieurs reprises)

5. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:07 par Ashura

C'est sûr, c'est moins rébarbatif sous cette forme-là :)

Très bon travail de vulgarisation, comme à votre habitude.

6. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:13 par felixnemrod

Extraordinaire!
Félicitation pour votre verve, je regrette vivement ne pas appartenir au barreau parisien, ce qui m'eût permis de venir vous écouter plaider. N'étant pas de cette race d'avocats, je me régale toutefois lorsqu'un confrère allie une argumentation juridiquement solide - voire inébranlable, si tant que faire ce peut - à une maestria comme la vôtre.
A ce titre, je n'ai pas posté concernant vos derniers billets - malgré mon envie parfois pressante - ne voulant pas contribuer à vous submerger de messages. J'en profite donc pour vous féliciter avec quelque retard pour votre constance face à la contestation et votre respect de vos contradicteurs.
Encore bravo,
FéliXNemroD

7. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:16 par Thabor de Rennes

Clap, clap, clap...

8. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:19 par flodf

Bravo pour le coup de théâtre!

L'Article du Monde est exceptionnel.

Je propose une rubrique sur "les perles des tribunaux".

J'en propose une:

Le futur marié qui se dérobe au dernier moment commet un abus de droit

La future mariée et les invités ayant vainement attendu à la mairie le futur mari qui s'est dérobé au dernier moment à un projet commun de mariage et ne donne aucune explication à la soudaineté de son refus de dernière heure, l'abus de droit est caractérisé et mérite indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Le futur époux ne peut sérieusement soutenir avoir ignoré le projet de sa compagne. La retenue en mairie d'une date suppose une visite médicale personnelle et préalable et la publication des bans à la demande conjointe des deux futurs époux. De plus, le futur époux s'est fait accompagné par sa compagne pour le choix d'un costume et a participé la soirée suivant cet achat avec une amie commune à un dîner au cours duquel les convives ont durablement parlé du mariage. Enfin, un pasteur a confirmé avoir rencontré à leur domicile les futurs époux.

Source
CA Rouen, 1re ch., cabinet 1., 15 juin 2005 : Juris-Data n° 2005-278689

J'aime beaucoup:"Le futur époux ne peut sérieusement soutenir avoir ignoré le projet de sa compagne"... En effet, ça fait pas sérieux...

9. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:26 par gmt

Cher eolas,
juste une question de néophite:
une loi contraire à la Constitution peut être censurée par le Conseil Constitutionnel;
un acte administratif contraire à la Loi peut être "cassé" (j'ignore le terme exact) par le Conseil d'Etat;
mais quid d'une loi contraire à ...la Loi
Je m'explique: si j'ai bien compris une Loi de 2004 obligeait le Gouvernement à consulter les partenaires sociaux avant de modifier le cadre des relations sociales. Cette consultation n'a clairement pas eu lieu pour la "Loi CPE".
Si la Loi de 2004, ce que j'ignore, donnait à cette consultation un caractère obligatoire, on est bien alors devant une loi contraire à la Loi.
Si c'est bien le cas, quel est le recours prévu ou posssible?
D'avance merci pour votre réponse

10. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:41 par flodf

Permettez moi d'affiner votre question:
Dans le cas où une loi serait contraire à une autre, c'est à dire où deux textes législatifs auraient des dispositions contradictoires, nous savons ce qui se passe: la loi spéciale l'emporte sur la loi générale, la loi nouvelle l'emporte sur la plus ancienne, etc.

Le cas que vous soulevez est celui où une loi est élaborée, rédigée, sans respecter les règles de cette élaboration, ce qui n'est pas la même chose.

11. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:43 par pikipoki

Extraordinaire
Et maintenant la suite de la geste politique !

12. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:51 par Paxatagore

@gmt : la loi que vous invoquez ne prévoit nullement ce que vous dites. C'était un engagement politique du ministre, mais pas une loi. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient !

13. Le vendredi 31 mars 2006 à 17:54 par flodf

@ gmt

Sauf erreur de ma part, la loi à laquelle vous faites allusion est la LOI n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Je crois bien que celle-ci ne prévoit pas de consultation des partenaires sociaux dans le cadre de l'élaboration d'une loi.

14. Le vendredi 31 mars 2006 à 18:03 par Trasimarque

>gmt : lisez le billet du 19 mars chez Diner's room : dinersroom.free.fr/index....
qui montre le caractère fantomatique voire hallucinatoire de cette loi.
Félicitation , chère Maitre, à quand une traduction en grec ?
Cordialement

15. Le vendredi 31 mars 2006 à 18:09 par Benoit

Toutes mes félicitations pour votre talent littéraire et juridique.

16. Le vendredi 31 mars 2006 à 18:13 par Xavier

Au départ j'étais contre le CPE, puis nuancé et pour finir, tièdement pour.

Le débat a été complètement politisé et les anti-CPE mentent, font beaucoup de désinformation. Tous les étudiants ne sont pas anti-CPE, moi je ne dis rien vu que je suis du Québec, mes tous mes amis français avec qui j'ai discuté sont pour le CPE et condamnent la manipulation des syndicats étudiants, leur agressivité et leurs intimidations, bravo pour LEUR manque de démocratie.

Vos textes sur le CPE sont excessivement intéressants, bravo, il faudrait que chaque français le lise ou, mieux, que les politiciens ouvrent les yeux (et arrêtent de penser à leur propre intérêt) et que les autres (parfois c'est les deux la fois) arrêtent de prendre les français pour des idiots et se mettent à mieux expliquer ce qu'ils font!

Sérieusement, les pro-CPE du parlement ne faisaient pas d'explication de ce genre, à mon avis parce qu'ils pensent que les français ne comprendraient pas... :-/

17. Le vendredi 31 mars 2006 à 18:26 par côme

Il faut vite profiter de l'absence de mouvement social des intermittents du spectacle pour monter cette pièce et organiser une petite tournée didactive... Il doit bien y avoir quelques amphithéatres libres dans nos universités...

18. Le vendredi 31 mars 2006 à 18:30 par Suricat

Au final je lirai cette note lundi, celle de Laurel était plus sympa :-)

19. Le vendredi 31 mars 2006 à 18:53 par Olivier

Toutes mes félicitations pour la remarquable interprétation de la convention 158 et de la Charte Sociale.

20. Le vendredi 31 mars 2006 à 19:23 par jules

Brillant, c'est brillant !

Et voilà comment l'art drama écrase encore une fois la pénitence discursive à platte couture.

21. Le vendredi 31 mars 2006 à 20:02 par mickey

Tout d'abord bravo pour votre note, brillante et drôle à la fois.

Cependant, votre "faute de quoi, c'est le procès assuré" m'interpelle un peu.
Dans la vraie vie, combien de jeunes, notamment parmi les plus démunis, se lanceront effectivement dans un procès où, sauf erreur grossière de l'employeur (et/ou avocat de votre classe), la probabilité de gagner sera faible par rapport à la certitude d'engager des frais non négligeables relativement au niveau de ressources des personnes concernées.

22. Le vendredi 31 mars 2006 à 20:16 par pixel

Merci, encore une fois...

J'y avais rien compris, tout s'éclaire...

Question perso ? Vous êtes prof ? vous devriez !

23. Le vendredi 31 mars 2006 à 20:31 par Vonric

Grandiose !

Au passage, pour Xavier: on peut etre pour la flexibilité ET contre le CPE, en reprochant tout simplement au PM d'avoir voulu passer en force, d'avoir méprisé ses partenaires, et au final en soulignant - comme le fait Maitre Eolas - qu'il ne reste pas grand chose de cette loi ; et donc se demander si la réforme de l'Etat doit passer par l'arogance et l'autisme, plutot que par la concertation et l'explication.

24. Le vendredi 31 mars 2006 à 20:36 par Neville

Aux dernières nouvelles, le Président CHIRAC promulguerait la loi, avec demande au Gouvernement d'en préparer une autre qui mentionnerait expressément le droit pour le salarié de connaitre les motifs de la rupture, et qui réduirait à un an la période de consolidation.

Il demande en outre que d'ici l'adoption de la nouvelle loi, aucune cPE ne soit signé qui n'intègre pas ces nouvelles dispositions.

Juridiquement, que signifie "j'ai la possibilité de saisir le Parlement pour une nouvelle lecture, je n'use pas de cette faculté, je promulgue la loi mais je demande au Gouvernement de ne pas l'appliquer en attendant une nouvelle loi qui modifiera la première" ?

25. Le vendredi 31 mars 2006 à 20:39 par NorbR

Ce billet est juste magistral !
Bravo et merci pour l'éclairage que ça m'apporte sur une décision que je n'aurais sans doute jamais examinée dans le détail sans ton aide.

A présent, j'attends avec impatience ta réaction sur l'attitude de M. Chirac, dont j'ai toujours personnellement du mal à me remettre ...

26. Le vendredi 31 mars 2006 à 20:40 par pixel

d'un autre coté, une loi promulgué est applicable, non ?

Du moins, c'est ce que j'ai retenu de mes cours de droit que j'écoute(ais) d'une oreille distraite...

27. Le vendredi 31 mars 2006 à 20:50 par mickey

Quelle différence y a t-il entre promulgation et décret d'application ? Ce dernier est-il obligatoire pour le CPE ? Parce que sinon, comment Chirac peut-il empêcher la signature de CPE dès la semaine prochaine par exemple?

28. Le vendredi 31 mars 2006 à 21:48 par Luc

Quand je pense que d'aucuns ont dépensé une énergie considérable, sur ce blog, pour nous expliquer qu'il est absurde, dans le chef des opposants au CPE, d'en réclamer le "retrait".

Un texte voté est voté, scrongneugneu !
Un texte voté doit être promulgué, scrongneugneu !
Un texte promulgué s'applique, scrongneugneu...
Surtout, Scrongneugneu quand dans leur grande sagesse et leur indépendance sacrée les "sages" du Conseil constitutionnel ne lui ont pas trouvé le moindre pou dans la tonsure.

Le moins qu'on puisse dire est que Jacques Chirac vient de démontrer, en moins de dix minutes de numéro de clown télévisé, que tout cela c'est du pipeau.
La loi est votée, elle sera promulguée... mais elle ne pourra pas s'appliquer avant qu'elle ait été vidée de sa substance par une autre loi. Et en attendant les grèves et les manifs vont continuer.

Ce qui serait bien, c'est qu'on nous explique maintenant comment une loi publiée au J.O. pourra ne pas s'appliquer (dès lors que dans ce cas, aucun décret d'application ne semble nécessaire), et aussi tant qu'à faire quel intérêt les entreprises pourront encore avoir à utiliser le futur CPE "light" quand il aura été voté et promulgué à son tour.

Le gouvernement Villepin avait fait à peu près toutes les erreurs possibles dans la conduite de ce dossier. J. Chirac vient de parachever cette oeuvre en lui ajoutant la touche de burlesque qui lui manquait encore.

29. Le vendredi 31 mars 2006 à 22:20 par pixel

Après, il joue peut-être la montre, le père Chichi...

On promulgue, on dit que on va revoir tout ca, les gens ils arretent les pavés sur les CRS, on fait trainer ca en longueur, et dans 3 mois, [mod utopie]franc succes du CPE, taux de chomage en baisse de 10%[/mod utopie], et hop, plus personne n'y pense (du moins, dans la rue, plus de lycéens/étudiants qui sechent) et le tour est joué...

30. Le vendredi 31 mars 2006 à 22:31 par davideo

Et voila je l'avais dis! je l'avais dis! Nous sommes vendredi soir et notre président déclare vouloir modifier le CPE afin que le salarié puisse avoir "le droit à connaître les raisons du licenciement". Relisez mon commentaire 116 de la note "Faisons le point sur le CPE" de Maître éolas. Je disais clairement dans ce commentaire "le "licenciement sans donner de motif" est une disposition injuste mais elle doit à mon avis, être là en trop pour donner au gouvernement une marge de négociation. Elle disparaîtra,..."
Ont suivies les remarques, disons, indélicates du maître de ces lieux dans sa note suivante "Sifflons la fin de la récré" ("de gens écrivant ici pour la première fois, ayant un rapport plus ou moins pertinent avec le billet, dont la lecture me fait perdre du temps."). Et bien, cher maître, JE NE VOUS AI PAS FAIT PERDRE VOTRE TEMPS car J'AVAIS RAISON. Ah, je suis aussi fort qu'Hercule. C'est le plus beau jour de ma vie.

31. Le vendredi 31 mars 2006 à 22:56 par yann

MALOTRU, ESCROC !!!!

Et où est la scène 6, mmmhhhhhh ???

Le président m'a demandé de ne pas l'appliquer.

Eolas

32. Le vendredi 31 mars 2006 à 22:59 par zerbinette

Bravo Maître, toujours aussi brillant et plein d'humour !

Je suis étonnée de voir encore une réflexion sur la crainte qu'auront "les plus démunis" à se lancer dans un procès contre leur employeur. La procédure auprès du conseil des prudhommes est gratuite et vous pouvez vous faire assister par les représentants des organisations syndicales qui sont particulièrement bien rodés pour ce genre de choses. Vous n'êtes pas obligé de consulter un avocat (pardon maître et corrigez moi si je me trompe).

J'ai envie de vous corriger parce que vous ne vous trompez pas : tueuse de clientèle !

Eolas

33. Le vendredi 31 mars 2006 à 23:16 par ardok

Vous êtes un excellent plaideur, beaucoup l’ont souligné. Mais je vais quand même me risquer à apporter quelques bémols à vos propos.

1) Sur le licenciement disciplinaire

Vous écrivez : « la Conseil vient de tirer une conséquence de l'absence de visa d'un article du Code du travail qui n'allait pas de soi et à mon avis ce n'était pas le cas dans l'esprit du gouvernement : en cas de licenciement pour cause disciplinaire, c'est à dire pour faute, la procédure de licenciement d'un CDI s'applique (…)
Le conseil constitutionnel vient d'ébrécher sérieusement le monolithe du dispositif du CPE. Et à mon humble avis, de son frère jumeau le CNE (…)».

Une précision factuelle tout d’abord : depuis un certain temps déjà, la circulaire questions-réponses sur le CNE indique que « les articles du Code du travail concernant la procédure disciplinaire (L. 122-40 et suivants) s'appliquent aussi aux CNE » (www.travail.gouv.fr/dossi... point 7.3). Sur ce point, le conseil constitutionnel n’a rien inventé.

Au plan purement juridique ensuite, en matière disciplinaire, l’article L. 122-43 du Code du travail dispose qu’en cas de litige « le conseil de prud'hommes apprécie (…) si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction. (…) Si un doute subsiste, il profite au salarié » (je ne cite que l’essentiel pour ne pas être trop long).

Toutefois, le dernier alinéa vient préciser que « les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables en cas de licenciement ».

L’explication est simple : il existe en matière de licenciement des dispositions spécifiques dont l’article L. 122-14-3 du Code du travail, aux termes duquel le juge apprécie « le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur ». Or, cette disposition-clé du droit du licenciement est écartée par la loi sur l’égalité des chances, ce qui veut dire qu’elle ne profitera pas aux salariés embauchés sous CPE. Pour eux, en cas de licenciement pour faute, on en revient, sur le fond, à la notion d’abus de droit qui limitera très vraisemblablement le pouvoir d’appréciation du juge avec, en faveur du salarié, les garanties purement procédurales que vous avez rappelées: entretien, notification écrite et prescription des faits fautifs dans un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a connaissance. La procédure n’est pas le fond.

2) Sur le licenciement économique

Vous écrivez : « Que reste-t-il alors au pouvoir de licenciement discrétionnaire de l'employeur ? La cause personnelle non fautive, c'est à dire la cause réelle et sérieuse (incompatibilité d'humeur, insuffisance professionnelle), et la cause économique pour un licenciement individuel. Individuel car les règles des licenciements collectifs pour cause économique s'appliquent aux CPE ».

Au niveau terminologique, pardonnez mon insistance, mais on ne peut pas parler de cause réelle et sérieuse de licenciement pour les salariés embauchés sous CPE. Cette expression n’apparaît qu’aux articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail qui ne seront *pas* applicables aux CPE.

Il est en revanche exact que « par exception aux dispositions du deuxième alinéa du présent 3° [notez bien la tournure restrictive], les ruptures du contrat de travail envisagées à l'initiative de l'employeur (…) [devront être] prises en compte pour la mise en oeuvre des procédures d'information et de consultation régissant les procédures de licenciement économique collectif prévues au chapitre Ier du titre II du livre III du code du travail ».

Un problème d’interprétation se pose d’emblée. D’un côté on évacue la notion de cause réelle et sérieuse et les articles L. 321-1 à L. 321-17 du Code du travail (cf le II de l’article 8), mais de l’autre on inclut les projets de rupture de CPE dans une procédure que l’employeur doit mettre en œuvre dans des hypothèses bien précises : c'est-à-dire en gros lorsqu’il envisage des suppressions d’emplois consécutives à des difficultés économiques ou à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Pour savoir si on est dans le champ d’application de la procédure de licenciements économiques collectifs, il va bien falloir que le juge apprécie la cause économique des licenciements (envisagés ou déjà notifiés). Et il sera obligé de le faire de la même manière pour les CPE et les CDI de droit commun, dans la mesure où il n’existe qu’une seule définition légale qui déclenche toute la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel.

Ceci dit, on ne peut pas mettre pour autant CPE et CDI sur le même plan. Rappelons d’abord que les licenciements *individuels* ne sont pas concernés par la procédure d’information/consultation des représentants du personnel. Plus fondamentalement, de simples variations d’activités qui ne constitueraient pas une difficulté économique au sens de l’article L. 321-1 du Code du travail, faute par exemple de baisse de chiffre d’affaires ou de perte financière avérées, pourraient très bien constituer un motif non abusif de ruptures individuelles ou même collectives --- en respectant le principe de non-discrimination --- des CPE. L’article 8 de la loi sur l’égalité des chances exclut l’application des articles L. 321-1 à L.321-17 du Code du travail sous la seule réserve du respect de la procédure d’information/consultation des représentants du personnel en cas de licenciements économiques collectifs. Rien n’interdirait donc en droit d’apprécier plus largement les difficultés économiques de nature à justifier une rupture de contrat pour un CPE que pour un CDI de droit commun. Et pour cause : telle est précisément le philosophie qui sous-tend la loi ! Dans ce cas, les CPE en viendraient à servir, dans certaines entreprises, de variables d’ajustement des effectifs comme aujourd’hui les CDD et le travail temporaire.

Pour conclure, on retombe toujours sur cette différence essentielle entre l’abus de droit et la cause réelle et sérieuse que vous estompez à mon avis de façon un peu excessive. S’agissant des motifs non inhérents à la personne, on ne sera fixés que lorsque la Cour de cassation aura tranché. Sur ce plan, la décision du conseil constitutionnel est rigoureusement neutre.

Voila désolé pour la longueur de ce commentaire, mais la passion m’emporte !

34. Le samedi 1 avril 2006 à 00:17 par Clems

Je m'y risque aussi d'ailleurs cela rejoint les propos de villepin qui l'indiquait bien avant.

et selon la loi elle meme:
3° Lorsqu'il est à l'initiative de la rupture, sauf faute grave, l'employeur verse au salarié, au plus tard à l'expiration du préavis, outre les sommes.....

Pour que le patron puisse qualifier le motif de faute "grave" dés la rupture il me semble bien que cela nécessite bien le respect de la procédure habituelle qui garantie les droits de la défense dans le cadre d'un licenciement disciplinaire.

Ce qui tant à démontrer une fois de plus que la période de consolidation doit s'apprécier comme une période d'essai et non comme autre chose puisqu'il est obligatoire de respecter cette procédure dans le cadre d'un licenciement pour faute meme pdt une période d'essai classique.



Comment pouvez vous sérieusement affirmer que, puisque la procédure disciplinaire s'applique dans tous les cas, y compris la période d'essai, la période de consolidation est donc nécessairement une période d'essai ? Je sais qu'il est souvent insuppoprtable que la réalité soit un obstacle à sa démonstration et que la tentation est grande de lui tordre le cou, mais la moinde des choses est de le faire subtilement ; au moins ça distrait le lecteur.

Eolas

35. Le samedi 1 avril 2006 à 00:48 par Jérôme

Votre blog est lumineux.
Mais ce que j'ai du mal à concevoir, c'est que les informations qu'on y trouve soient ignorées de tant de gens, parmi lesquels de nombreux étudiants protestataires. Comment se fait-il que ces informations ne soient pas diffusées à grande échelle, dans les journaux télévisés par exemple? Ce serait salutaire, non?

Mon blog au journal de 20 heures ? Hé hé... La formation des journalistes est très généraliste. Ils sont formés pour traiter de tout : cette connaissance élargie se paye par le sacrifice de la profondeur. L'analyse d'une décision du conseil constitutionnel est plus ardue et subtile qu'il n'y parait, car il faut comprendre la portée de la décision et la comparer aux décisions antérieures : un journaliste, pressé par le temps, qui plus est, préférera être le premier à annoncer une information parcellaire plutôt qu'être le dernier pour publier une analyse plus fine. Regardez les blogues juridiques : il a fallu 12 heures pour que les premières analyses paraissent : ce délai serait insupportable pour un média, et ce n'est pas ce qu'on attend d'eux. Ce qui montre une fois de plus que les blogues et la presse traditionnelle se complètent : la presse relaie l'info en quasi temps réel, va la chercher avec des moyens et une science professionnelle, les blogueurs experts de la matière rectifient et précisent. Cela ne pose aucun problème puisque l'information complète est disponible en 24 heures, c'est un délai raisonnable, dès lors que le lecteur/spectateur garde à l'esprit que l'information doit être reçue pour ce qu'elle est : un fait rapporté par quelqu'un qui est un expert en information, et pas dans la matière qu'il rapporte. L'esprit critique, en somme, qui est indispensable en démocratie.

Eolas

36. Le samedi 1 avril 2006 à 01:06 par Kaoru

Bonsoir, ou plutôt bonne nuit ^^

J'ai une question à vous soumettre :
Vous dites : "qu'il appartiendra notamment au juge de vérifier que le motif de la rupture n'est pas discriminatoire et qu'il ne porte pas atteinte à la protection prévue par le code du travail pour les femmes enceintes, les accidentés du travail et les salariés protégés."

Est ce que ça veut dire qu'on ne pourra pas licencier une femme enceinte en CPE ?
(désolé de poser cette question surement stupide mais je ne connais pas le code du travail)

Absolument : la femem enseinte est protégée dès qu'elle signale sa grossesse à son employeur. Un licenciement est nul et la réintégration est de droit.

Eolas

37. Le samedi 1 avril 2006 à 03:12 par M.Ming

Bonsoir Confrère,
lecteur régulier de votre blog je me lance pour la 1ère fois dans un commentaire (et comme toute première fois cela risque d'être un peu brouillon et hésitant). Cependant j'ai été interloqué par le considérant 15 de la décision du CC relatif à l'obligation qu'aurait l'employeur de respecter la procédure prévue aux articles L 122-40 à L122-44 du Code du Travail.

En effet quid de l'article L122-43 qui prévoit que

"En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui peuvent être fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables en cas de licenciement."

Est-ce à dire que dans le cas où l'employeur souhaite licencier son CPiste pour un motif disciplinaire le CPH ne pourrait l'apprécier? Du coup l'employeur supporte-t-il la charge de la preuve ou peut-il se contenter d'un motif quelconque sans en avoir à fournir plus d'élément? (sous réserve d'un abus de droit, mais on retomberait alors dans un schéma plus classique et la procédure disciplinaire n'apporterait finalement pas grand chose au salarié)

Quelque chose m'échappe surement peut-être pourriez-vous m'éclairer?

Voilà ma 1ère fois s'achève ici, je vais aller me fumer une clope...

38. Le samedi 1 avril 2006 à 08:10 par Akhenn

Chapeau bas ! Théatraliser la procédure de contrôle de constitutionnalité, il fallait il penser.

(hmm *qui* a dit "pourtant nos élus parlementaires sont des acteurs nés ?")

39. Le samedi 1 avril 2006 à 09:35 par Bib2

Magistral, Maître !
Vous portez bien le pyjama que vous avez gagné en février : il a la couleur de la connaissance, de l'impartialité et de la réflexion. Sans oublier l'humour.
Je regrette de ne plus avoir beaucoup de temps pour vous rendre visite.

40. Le samedi 1 avril 2006 à 09:50 par Libre sur le net

La loi mise en scène: cette petite opérette ne manque pas d'humour. Morceaux choisis
________________________
"Les Parlementaires : Damned."

"Entrent l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les droits de la défense et le droit au recours. Le Choeur les salue chaleureusement et les embrasse avec effusion."

"Les Parlementaires : Et bien, Mesdames, il ne me reste qu'à vous remercier d'être venue de si loin.

La convention 158 : Y'a pas de quwâââ, Genève, c'est pas si loiiiiin..."
________________________

A propos de cette phrase:

"il appartiendra à l'employeur, en cas de recours, d'indiquer les motifs de cette rupture afin de permettre au juge de vérifier qu'ils sont licites et de sanctionner un éventuel abus de droit"

C'est un peu lourd par rapport à un CDI, et demande une démarche de la part de l'employé (avec éventuellement quelques frais à sa charge). Mais visiblement notre cher président nous en fait "cadeau" puisqu'il a déclaré hier soir promulger la loi si et seulement si y est ajouté une clause demandant à l'employeur de justifier systématiquement la cause du licenciement.

Il ramène aussi la durée de licenciement de 2 à 1 ans: dans votre précédent billet vous disiez que la durée de 2 ans était logique car elle correspondait à une certaine étape dans tout contrat de travail. Qu'en est-il désormais de cette durée de 1 an? Est-ce un choix alternatif moyen, un consensus mou n'apportant rien ni aux pro-CPE, ni aux anti-CPE?

41. Le samedi 1 avril 2006 à 10:08 par somni

@Eolas A mon sens, ce n'est pas le considérant en vertu duquel "en cas de licenciement pour motif disciplinaire, l'employeur a l'obligation de mettre en oeuvre la procédure prévue par les articles L. 122-40 à L. 122-44 du code du travail ; qu'il ne pourrait s'y soustraire que par une violation de la loi qu'il appartiendrait au juge de sanctionner ; que l'éventualité d'un détournement de la loi lors de son application n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité. (§15)" qui vide l'article 8 d'une partie de son venin. Il paraissait évident que l'employeur d'un salarié en CPE devait repecter la procédure disciplinaire s'il souhaitait sanctionner son employé. Je n'ai d'ailleurs lu personne contester ce point. Et je ne pense pas que les parlementaires attendaient quoi que ce soit de leur grief, même pas une réserve d'interprétation, tant la jurisprudence du Conseil est constante sur ce point : une application éventuellement détournée de la loi ne la rend pas contraire à la constitution.
Il me semble que c'est plutôt le considérant en vertu duquel "il appartiendra à l'employeur, en cas de recours, d'indiquer les motifs de cette rupture afin de permettre au juge de vérifier qu'ils sont licites et de sanctionner un éventuel abus de droit ; qu'il appartiendra notamment au juge de vérifier que le motif de la rupture n'est pas discriminatoire et qu'il ne porte pas atteinte à la protection prévue par le code du travail pour les femmes enceintes, les accidentés du travail et les salariés protégés". Voilà qui n'allait pas de soi, et qui imposera vraisemblablement un partage du fardeau de la preuve. Si cette hypothèse était juste, il s'agit d'un considérant qui fait autant de "mal" qu'une réserve d'interprétation et qui de toute façon est revêtu de l'autorité de la chose jugée en tant que soutien nécessaire du dispositif de la décision

@Kaoru : Effectivement on ne peut licencier une femme enceinte

@ M Ming : le conseil prend soin d'indiquer que les articles L 122-40 à L 122-44 s'appliquant en cas de motif disciplinaire. Le contrôle du CPH sera donc identique pour les salariés en CNE, CPE ou CDI classique

42. Le samedi 1 avril 2006 à 10:39 par portobello

Maître
juste un point de detail concernant la procedure commune de licenciement, vous ecrivez :

"convocation à un entretien avec notification par écrit des griefs"

la notification à l'entretien prealable n'a pas à faire état des griefs.
elle peut certe et c'est d'ailleurs un "risque supplementaire" pour un employeur que de le faire , puisqu'il s'enferme pour l'entretien dans cette seule "liste" , la lettre de licenciement effectif elle doit bien evidemment comporter les griefs sur lesquels est basée la decision , griefs ayant été obligatoirement évoqués lors de l'entretien.

ce point de detail etant , j'ai pris un abonnement pour vos excellentes representations, merci pour vos ecrits

portobello

43. Le samedi 1 avril 2006 à 10:52 par mickey

@ zerbinette [32]

J'ignorais que le recours au CPH est gratuit, merci de me l'apprendre. Ceci dit, dans le cas du CPE, je ne crois pas que ça change grand chose à ce que je disais en [21]: sauf grossière erreur de l'employeur, ce recours a très peu de chance d'aboutir. Au final, le plus important pour un salarié, ce n'est pas la possibilité juridique d'effectuer un recours (que M. Eolas avait démontré dans son précédent billet et qui a été confirmée par le CC), mais bien d'avoir une chance de le gagner.

(NB. Demander l'assistance d'un représentant syndical dans une entreprise de moins de 20 personnes, c'est parfois difficile...)

44. Le samedi 1 avril 2006 à 11:19 par Car on n'a ...

Cher Maître (c'est ce que dirait Bob ... non ?)

Il ne manquait qu'une chose : un rebondissement. Sinon, tout y était (les décors, les costumes et surtout, les figurants).

45. Le samedi 1 avril 2006 à 11:47 par Citoyen Français

Quels sont les points communs entre Syndicalistes fonctionnaires et édutiants.

ils ne sont pas représentatifs de la Nation, pas élus par le peuple, et ils n'ont jamais travailler.

je parle en connaissance de cause j'ai eu à faire à un syndicaliste peu orthodoxe en entreprise de grande distribution.

CQFD

CPE or not CPE isn't the question?

fuyez les manipulations qui vous privent de vos droits.

liberteentreprendre.over-...

46. Le samedi 1 avril 2006 à 11:57 par Olivier

@ Mickey [43] On peut aussi se faire aussi assister (à l'entretien préalable et au CPH) par le représentant d'un syndicat "représentatif"; listes à la mairie, direction départementale du travail...

47. Le samedi 1 avril 2006 à 12:43 par Pierre-Selim

@Mickey: A mon avis si tu prouves que tu venais de réclamer tes heures sup., et que les gens étaient content de ton boulot au moment ou tu t'es fait viré, ca va devenir chaud pour ton employeur ...

48. Le samedi 1 avril 2006 à 13:13 par zerbinette

mickey, il ne s'agit pas de demander l'assistance "d'un délégué syndical" qui n'existe pas dans les TPE mais l'assistance d'une Organisation syndicale, qui ne demande que cela. Je connais de nombreux salariés de très petites entreprises qui l'ont fait à leur profit. Et la balance penche très souvent en faveur du salarié, car les patrons de TPE sont eux aussi très "démunis". Ils connaissent très mal le droit social et demandent des conseils la plupart du temps quand il est trop tard. Ils se font alors condamner aux prudhommes même s'ils n'ont pas forcément tort, mais parce qu'ils s'y sont mal pris et n'ont pas consulté en temps utile un bon avocat (pour vous Maître...)

49. Le samedi 1 avril 2006 à 13:36 par Tonio

Merci, maître Eolas, je commençait à me demander si j'étais le seul à avoir des hallucinations en lisant la désion du Conseil: "aucune réserve"? Me voila donc rassuré :).

Sur le fond, je retiens surtout que c'est le bordel juridique complet. Les circulaires interprétatives et les débats parlementaires n'ont pas toutes donné la même interprétation du texte. Le Conseil renverse la charge de la preuve en imposant dans les faits une obligation stricte de motiver et un contrôle réel du juge (car la procédure entraine materiellement le fond, dans ce genre de cas).

Et ce matin, Libération cite le secrétaire général de l'Elysée explicitant l'intervention de notre aimé président, qui semble avoir manqué quelques points de ces débats juridiques:

"Mais le secrétaire général de l'Elysée, Frédéric Salat-Baroux, confie qu'avec ou sans eux [les syndicats] une nouvelle version du CPE serait adoptée par le Parlement. A quelle échéance ? Ce sera au gouvernement d'en décider, avec à la clé une éventuelle procédure d'urgence parlementaire. L'Elysée explique aussi que le nouveau dispositif relatif à la justification du licenciement ne permettrait pas au jeune salarié d'engager des poursuites contre son employeur en cas de rupture du contrat."

Apparté: rappelons en effet que le projet du CPE est de pouvoir virer tout le monde, sans contestation devant les CPH. Les débats juridiques actuels donnent surtout la mesure de l'amateurisme d'un machin fait sur un coin de table, dérogatoire au droit commun sans l'acter expressément. Le problème politique ne s'arrête pas au seul examen du texte voté. Fin de l'apparté

Ah bon. Donc l'employeur devra fournir ses motifs au juge, mais le licencié n'a pas le droit d'exercer des poursuites. On avance...

50. Le samedi 1 avril 2006 à 16:21 par Fred., de L.

Bonjour,

Merci pour cet intermède joyeux. Celui-ci (d'intermède) est nettement plus digeste (sans vos sarcasmes post-traumastimes-estudiantins)... et plus que digeste, il est très drôle.

N'empêche, après un tel bazar, une telle démonstration d'incompétence des uns et des autres, n'empêche... est-ce qu'un vrai débat à l'Assemblée, sans 49.3 et sans urgence, n'aurait pas permis à un moment ou à un autre de détecter la ou les failles manifestes ?

Ca ressemble à ce qui se prépare pour l'application de la loi "DADVSI"... avec Apple qui hurle au viol... par exemple.

Si le but est de pouvoir licencier sans justification, pourquoi faire tous ces atermoiements ? Pourquoi ne pas abroger les articles qui posent soucis (ceux qui forcent l'employeur à se justifier) ? Ca serait plus clair... et tout le monde saurait après quoi raler.

Comme je doute que l'incompétence puisse être du côté de nos gouvernants, car après tout, ils sont au pouvoir, et sont donc supérieurs à la plèbe... j'ai la sensation qu'il pourrait être envisageable d'imaginer dans nos esprits mal dégrossis (au QI moyen de 94), que finalement, ces louvoiements, ne sont qu'une façon de préparer les esprits et les mentalités à la future vraie loi qui généralisera le licenciement sec. Mais en évoquant ce point, je sens que je viens de perdre 14 points de plus à mon QI dans l'esprit des lecteurs...

51. Le samedi 1 avril 2006 à 16:55 par Coren

C'est beau le droit dit comme ça ....
Merci beaucoup !
On pourrait en faire un film, tellement c'est bien écrit :)

52. Le samedi 1 avril 2006 à 17:44 par yann

En reponse au commentaire 35, vous dites "un journaliste, pressé par le temps, qui plus est, préférera être le premier à annoncer une information parcellaire plutôt qu'être le dernier pour publier une analyse plus fine." Même si l'analyse est fine et pertinente, laissez-moi vous corriger sur le sujet de cette phrase : le journaliste, souvent, voudrait publier l'analyse fine. Son rédacteur en chef ou son directeur de publication (eux-mêmes journalistes, je ne le nie pas), en revanche...
(Je me permets cette rectification car il me semble dommage que votre finesse d'analyse et l'appréciable hauteur de vos éoliennes soit ternie par des généralités ou des approximations.)

53. Le samedi 1 avril 2006 à 21:25 par dapoya

enfin bon, on remarque pour l'instant que maître répond plus souvent aux contradictions qu'aux questions.
Or donc le voilà tout content d'avoir interprété d'avance toute la légalité de la loi. et certifié conforme par le cc, excusez du peu.
ceci dit si éolas a une grande aisance dans l'art de la procédure et de la joute alinea...ique , il faudrait quand même qu'il aille faire un tour chez le prolo de base (cne)ou le jeunot moyen (cpe)pour savoir que la paperasse , c'est loin d'être son truc. résultat des courses (car le seul argument massue du procpe semble donc être que le jeunot a toujours moyen de faire valoir sa bonne foi devant les tribunaux) le cpe c'est mieux qu' avant surtout avec les prud'hommes. (du reste, est ce encore vrai puisqu'il se dit que lâchant du lest à gauche sur le motif de renvoi on le reprendrait à droite en le rendant sans possibilité de se retourner aux prud contre l'employeur).
Côté employé donc, cette loi joue sur la quasi certitude empirique que la plupart des renvois même injustes ne seront sanctionnés de la part de l'employé que par un beau ( et mérité)claquement de porte .
côté employeur, on sait qu'il usera cette loi jusqu'à la corde, préférant les cpe aux cdd ou intérim (mieux payés) quitte à jongler avec les postes de travail .(qui n'a pas bossé toujours ds le même atelier tout en ayant un contrat de remplacement à plusieurs postes?).Ah ouais mais c'est vrai, bon dieu, le défavorisé refavorisé aka connaître la loi et avoir envie de se taper un procés. Du reste,j'ai lu, reproché plus haut, combien le gouv n'avait pas su expliquer la nouvelle règle du jeu. Sans blague! les gars nous assomment à la télé sur tout et n'importe quoi et n'expliquent pas bien tous les recours possibles?A qui voudrez vous faire croire que ces maniaques de la com n'ont pas su EVITER de tout expliquer.


54. Le samedi 1 avril 2006 à 22:24 par bayonne

@53 dapoya: j'ai peu l'habitude de répondre dans un fil de blog à un commentaires. Le propriétaire des lieux (de tous blog) est plus apte à le faire.

Dans mon cas je m'estime faire partie du "prolo de base" au chômage depuis 4 mois, marié 2 enfant. D'abord sache que je n'aime pas avoir une etiquette "prolo de base", et apprend que je vois bêtement en CNE CPE l'espoir de trouver du travail facilement. Je te prie pour l'avenir de ne plus refléchir pour moi, car tu le fait mal. (bizarrement je suis au chômage suite à un CDI, ce merveilleux contrat qui fait: revenir l'être aimée, fuir vos enemis, assure richesse et santé.)

et a propos de la communication du gouvernement sur le sujet, je pense que les aproximations journalistiques y sont pour beaucoup. (complice ? )

55. Le samedi 1 avril 2006 à 23:54 par Roland Garcia

@53 "ceci dit si éolas a une grande aisance dans l'art de la procédure et de la joute alinea...ique , il faudrait quand même qu'il aille faire un tour chez le prolo de base (cne)ou le jeunot moyen (cpe) pour savoir que la paperasse , c'est loin d'être son truc"

Notez que chez le plombier polonais petit patron de base c'est pas mieux.

56. Le dimanche 2 avril 2006 à 10:36 par Dimitri

Cher maître,
Faire dire "damned" à des parlementaires français dans une tragédie grecque. Reprenez-vous ! N'y a-t-il pas une loi sur l'expression en langue française ? N'auraient-ils pas dû s'écrier : "Par Zeus !", ou même "Par Apollon !", puisqu'il s'agit ici de justice ?

57. Le dimanche 2 avril 2006 à 10:54 par Encolpe

Truculent, clair, bref un affront à la médiocrité des débats actuels.

58. Le dimanche 2 avril 2006 à 11:17 par olivier

Une question de non juriste: comment le CC fait-il pour aprécier que "les jeunes" constituent une catégorie? Plus encore "les jeunes de moins de 26 ans"...
Il y a plus que débat sur "le chômage des jeunes". On observe ainsi de très fortes disparités entre jeunes non qualifiés et jeunes qualifiés. Par ailleurs, s'il existe un problème "d'insertion des jeunes sur le marché du travail", on peut sans nul doute dire qu'il concerne plutôt des jeunes de 30 ans non qualifiés que des jeunes de 25 ans diplômés d'une grande école (ou même des jeunes de 22 ans sortant d'un IUT, faut-il voir encore lequel).

En somme, comment sont construites les catégories juridiques et comment sont-elles justifiées?

59. Le dimanche 2 avril 2006 à 12:26 par dapoya

à mon avis, bayonne pas plus pas moins d'espoir que trouver un cdd ou une mission d'interim, avec la prime de précarité tronquée. le cne n'a pas l'air de faire des miracles en l'occurence n'est ce pas. et qui te dit que je ne suis pas le prolo de base cité plus haut, celui qui constate la belle partie d'échec qui nous (pardon,me) fait devoir accepter n'importe quoi sur trois propositions, sous peine de perdre mes allocs. Je bosse depuis 81, fiston. la conjoncture ?je l'ai pas vue se déprécier autant que ça, autour de moi. le marché du travail,lui, devient juste du hard discount. Consentant ou pas,telle est sans doute la question ,ne t'en déplaise.

60. Le dimanche 2 avril 2006 à 13:04 par Jahrynx

Quelqu'un pour s'occuper de la mise en scène et nous préparer une représentation ?

61. Le dimanche 2 avril 2006 à 13:24 par antonio

"Y'a pas de quwâââ, Genève, c'est pas si loiiiiin..."

Je n'aurais jamais pensé rire en lisant cet article. Bravo!

62. Le dimanche 2 avril 2006 à 18:19 par Olivier Bonnet

Par la bouche de son secrétaire général, Frédéric Salat-Baroux, "L'Elysée explique aussi que le nouveau dispositif relatif à la justification du licenciement ne permettrait pas au jeune salarié d'engager des poursuites contre son employeur en cas de rupture du contrat." in Libération.

C'est L'Elysée qui se plante et les juges saisis décideront qu'ils sont bien compétents ?

PS : Bravo pour ce billet magistral.

Je vous confirme que ce sont les juges qui décideront, selon la marge d'appréciation que leur laisse la loi, s'ils ont ou non à recevoir des poursuites. Et que Libé dit des âneries puisque la loi précise que les poursuites consécutives à la rupture doivent être engagées dans un délai d'un an : c'est donc qu'elles sont possibles.

Eolas

63. Le lundi 3 avril 2006 à 04:43 par Enguerrand

Cher Maître,

L’allocution présidentielle du Vendredi 31 Mars a commencée par "Le Parlement, les élus de la Nation, ont voté la loi sur l'égalité des chances" . N’est ce point là un abus de langage? Voir un mensonge, que l’on n’oserait imaginer prémédité, mais ayant pour malheureuse conséquence d’induire en erreur le citoyen sur la procédure d’adoption de la dite loi?

La constitution en son article 40 alinea 3 dispose que la loi est adopté, et non voté
Sauf erreur, le vote d’un amendement, eusse t’il été celui introduisant le fameux CPE, ne peut être assimilé au vote d’une loi. De même le vote sur l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte, eusse il été celui sur l’égalité des chances, ne peut-être assimilé à un vote de la loi par le Parlement, il me semble.
Par ailleurs, Ce Parlement est de 2 chambres, dont le Sénat, qui n’a pas eut loisir d'examiner. et encore moins de voter quoi que ce soit sur cette loi, aussi le terme de « Parlement » me semble fort usurpé.


Il faudrait que vous développassiez la distinction entre voter et adopter une loi. Quant au Sénat, il a bien examiné le texte, le 49 al. 3 ne lui étant pas applicable.

Eolas

64. Le lundi 3 avril 2006 à 10:57 par Wild Thing

C'est la première fois que je me marre en lisant un commentaire d'une décision du Conseil Constitutionnel.
Merci

65. Le lundi 3 avril 2006 à 14:36 par Stéphane

@ Enguerrand: le Sénat a examiné et voté cette loi, comme le prévoit la Constitution. Croyez vous que le CC aurait validé sans réserve une loi où une des deux chambres n'aurait pas pu débattre?

66. Le lundi 3 avril 2006 à 14:38 par Ermo


Merci pour toutes ces explications, surtout données avec un tel talent pédagogique !

Désolé d'être bête mais un détail me chiffonne :

"Que reste-t-il alors au pouvoir de licenciement discrétionnaire de l'employeur ? La cause personnelle non fautive, c'est à dire la cause réelle et sérieuse (incompatibilité d'humeur, insuffisance professionnelle)"

si je comprends bien, le cas d'"incompatibilité d'humeur" (particulièrement subjectif il me semble) fait partie des cas de licenciement juridiquement valides ? dans ces condititons, qu'est-ce qui empêche un employeur de toujours évoquer ce motif (difficilement vérifiable donc difficilement contestable) en cas de licenciement ? Un CPH pourrait-il juger de la validité d'un tel licenciement ?

question subsidiaire : si je comprends bien, ces CPE/CNE vont fournir beaucoup de travail aux Prud'hommes... ne risquent-ils pas d'être débordés ?

encore merci !

Ils le sont déjà, et je ne prédis pas un fort succès au CPE. Une loi si mal née n'est guère viable.

Eolas

67. Le lundi 3 avril 2006 à 16:18 par Jean-Pierre

J'ai rajeuni de 20 ans en lisant votre tragédie (en 1ère quoi !) ! Du coup, je me vois contraint de m'intéresser encore plus au CPE, qui maintenant me concerne. La fontaine de jouvence n'est pas gratuite...

Merci beaucoup pour cet article qui explique bien la décision du Conseil.

68. Le lundi 3 avril 2006 à 19:12 par kiem

Bravo pour cette pièce explicative! Grace à vous et à l'aide de tous les commentaires il est déjà plus facile de se faire une idée sur le CPE.

69. Le lundi 3 avril 2006 à 21:45 par sheb

Un grand bravo pour votre texte ! Si le recueil des Grandes Décisions du Conseil Constitutionnel empruntait -ne serait-ce qu'un peu- à votre style, les amphis de droit constitutionnel afficheraient complet !

70. Le mardi 4 avril 2006 à 17:10 par bibi

une loi si mal née comme vous dites peut elle renaître de ses cendres... sous d'autres habits.

71. Le jeudi 6 avril 2006 à 21:20 par Alex

C'était un réel plaisir que de lire votre "explication" théatralisée de la décision du conseil constitutionnel... Si les manifestants "dehors" pouvaient la lire... (et la comprendre), je crois qu'ils ne se feraient plus de souci quant au CPE...

De quoi remettre en question mon envie de master droit culturel, si vous en créez un de droit public aussi motivant :)...

72. Le mercredi 19 avril 2006 à 20:30 par YR

Je réponds tardivement au commentaire n°32.

Je lis en effet aujourd'hui dans l'Humanité le témoignage suivant : « On affaire à une clientèle un peu particulière qui est déjà fortement précarisée, explique l’avocate. Ils se disent que ce n’est pas la peine pour quelques mois de contrat. Engager une procédure a un coût. Or, il faut plusieurs mois avant d’obtenir l’aide juridictionnelle. Alors, ils laissent tomber. Le système du CNE se montre très dissuasif. » source : www.humanite.fr/journal/2...

Je lis également sur le site du ministère du travail ceci (source : www.travail.gouv.fr/infor... :
*Les parties sont tenues de comparaître en personne. Elles peuvent toutefois en cas de motif légitime se faire représenter par :
- un salarié et un employeur appartenant à la même branche d'activité ;
- un délégué permanent ou non permanent des organisations syndicales ou patronales ;
- leur conjoint ;
- un avocat (le système de l'aide juridictionnelle s'applique en matière prud'homale, si les ressources de l'intéressé ne dépassent pas un certain montant).
Dans tous les cas autres que le recours à l'avocat, la personne qui représente l'une des parties doit avoir reçu un pouvoir (mandat).

Les parties peuvent dans tous les cas être assistées par les personnes mentionnées ci-dessus.*

Ceci pour dire que si un avocat n'est pas obligatoire, il peut être intéressant de recourir à ses services, notamment pour des conflits importants nécessitant une certaine expertise (disons au hasard dans les cas où il y a plus de 4000 € de dommages...) et que l'aide juridictionnelle est soumise à conditions de ressources. Il faut donc bien avoir un peu de courage pour faire appel à un avocat et en supporter le coût, même si on est certain de son bon droit. Il semble à lire l'Huma que certains ne puissent se résoudre à faire ce choix là.

Mais je suppose qu'Eolas dira, comme il l'a déjà dit par ailleurs (ici : maitre.eolas.free.fr/jour... que c'est parce que ces personnes n'ont pas VRAIMENT subi de préjudice qu'elles ne ressentent pas l'impérieux besoin de recourir à des services qui vont leur coûter cher...

YR

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